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La fouille du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Premiers résultats
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La fouille du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Premiers résultats

The excavation of fort Saint-Georges at Chinon (Indre-et-Loire). First results
Bruno Dufaÿ
Avec la collaboration de Chantal Arnaud, Bastien Lefebvre et Olivier Marlet
p. 259-266

Résumés

Cette note présente les premiers résultats des fouilles menées en 2003 et 2004 sur la quasi-totalité du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Celui-ci est l’un des trois éléments de la forteresse médiévale qui domine la ville. La fouille a permis de préciser la fonction du fort, construit dans la deuxième moitié du XIIe s., à l’époque où Chinon est le centre administratif des possessions continentales des Plantagenêt, rois d’Angleterre. Du point de vue militaire, il formait une fortification avancée, protégeant le château principal, selon une structure que Richard Cœur de Lion appliquera au Château Gaillard. À l’intérieur, de vastes bâtiments constituaient des logis, conçus peut-être au départ pour héberger la chancellerie royale.

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Notes de la rédaction

Une publication complète sera entreprise lorsque la totalité du fort sera fouillée, ce qui est prévu pour 2005. Étant donné cependant que les trois quarts du fort ont été explorés, il nous a semblé utile de produire cette note d’information.

Texte intégral

Le site et le contexte de l’opération

1Le fort Saint-Georges est l’un des trois éléments qui forment l’immense forteresse médiévale de Chinon. Juchée sur un éperon rocheux qui domine la ville et la vallée de la Vienne, celle-ci se compose principalement d’une vaste enceinte rassemblant divers bâtiments et logis, dite “ château du Milieu ” (Fig. 1). En 1205, Philippe Auguste prit le château au Plantagenêt Jean sans Terre. Il fit isoler l’extrémité de l’éperon par une profonde douve dominée par un donjon circulaire : le “ fort du Coudray ”. À l’autre extrémité, à la naissance de l’éperon depuis le plateau, au côté le plus vulnérable, se dressait le “ fort Saint-Georges ”. Il tire son nom d’une chapelle dédiée à ce saint, attestée au début du XIVe s. seulement, mais attribuée aux Plantagenêt.

Fig. 1 : Carte postale (début du XXe s.) représentant l’ensemble de la forteresse de Chinon.

Fig. 1 : Carte postale (début du XXe s.) représentant l’ensemble de la forteresse de Chinon.

À droite on distingue l’extrémité orientale du fort Saint-Georges, et en particulier la tour carrée attenante à la chapelle, effondrée en 1906.

  • 1  Aquarelle de Roger de Gaignières, 1699 (BNF 5324), gravure sur cuivre anonyme de 1763 (Musée des A (...)
  • 2  Cette opération fut réalisée d’abord par l’INRAP sous la direction de Simon Bryant dans le cadre d (...)

2Le fort Saint-Georges n’est pas accessible au public ; il était propriété privée jusqu’en 1994, devenu une friche après avoir été longtemps un clos de vignes et de fruitiers. À part la ligne des remparts, assez bien conservés sauf à l’ouest et au sud-ouest, aucun vestige de bâtiments n’était plus visible. L’iconographie ancienne n’était pas d’un grand secours. Deux gravures des XVIIe et XVIIIe s. montrent uniquement qu’à cette date la chapelle était encore debout, quoique ruinée1. Souhaitant réhabiliter les lieux, notamment pour y installer de nouveaux locaux d’accueil et d’exposition pour le public, le Conseil général d’Indre-et-Loire en fit entreprendre la fouille archéologique2, et l’acquit en 2003 auprès de la ville.

Le fort Saint-Georges, une fortification avancée du château du Milieu

3Le programme de 2004 ne prévoyait pas l’étude fine des remparts, notamment du rempart sud (qui sera entreprise en 2005 en parallèle à sa restauration). Néanmoins, nous avons cherché le contact à plusieurs endroits de la fouille, et repris l’examen détaillé des vestiges visibles. En outre, une étude de bâti du front oriental avait été réalisée en 1997(Bryant, Blanchard 1997).

4Classiquement, fouilles et études ont montré l’extrême complexité de ces fortifications, remaniées dans d’importantes proportions.

5Correctement conservé bien que les deux tours qui le flanquaient se soient effondrées, le front oriental est en grande partie recouvert de végétation, ce qui ne permet pas d’en reconstituer la physionomie avec certitude. Il est en tout état de cause très hétérogène. L’angle sud-est était renforcé d’une tour carrée (Fig. 2, a) qui s’est écroulée en 1906, tandis que l’autre angle est doté d’une tour de géométrie incertaine, polygonale ou à bec (Fig. 2, b). Cet angle est par ailleurs formé de diverses maçonneries qui finirent par composer un massif très épais. La fouille l’a abordé par l’intérieur. Plusieurs phases de construction et le départ de deux escaliers permettant d’accéder aux parties hautes du rempart ont été observés.

Fig. 2 : Présentation des deux principales phases du fort.

Fig. 2 : Présentation des deux principales phases du fort.

En haut, l’organisation du site dans la seconde moitié du XIIe s. ; en bas, au XIVe s.

6Le front nord est plus simple. À peu près rectiligne, le rempart domine une vallée sèche qui délimite l’éperon de ce côté. Il est bâti en moyen appareil assez régulier, surtout dans sa partie occidentale. La fouille a montré que la partie orientale était une reprise du XVIIe s., consécutive à l’effondrement d’une tour carrée attestée par deux procès-verbaux de visite, en 1625 et 1626 (Philippe 1996 : 42-43) (Fig. 2, c). Cette tour n’avait pas été localisée jusqu’à maintenant. La partie occidentale est antérieure au XVIe s. car des remblais de cette époque s’y appuient. Mais elle n’est certainement pas primitive, car elle recoupe l’extrémité d’un des bâtiments construits à l’intérieur du fort, ce qui implique que ce bâtiment avait alors disparu, au moins en partie. Cet épisode n’a pu intervenir avant le XIVe s., date d’un important remaniement de ces constructions. Enfin, signalons une tour-contrefort rectangulaire placée à peu près au centre de ce front nord (Fig. 2d). Elle est typique des dispositifs considérés comme Plantagenêt et pourrait être tout ce qui reste du rempart primitif. Elle n’est, en effet, plus chaînée au rempart actuellement visible.

  • 3  Inventaire des munitions et provisions conservées au château, par Louis Le Basle, capitaine et gou (...)
  • 4  Eau-forte de Constant Bourgeois, tirage conservé au château.

7L’angle nord-ouest a disparu dans la construction d’une maison au XIXe s. Elle se situe sur l’emplacement de l’ancienne “ porte des Champs ”, attestée par des textes, dont le plus ancien date de 15683, et une eau-forte de 18194. Une petite portion du châtelet d’entrée a été vue en 2003 lors d’un sondage dans la rue du Château, qui longe maintenant ce front occidental. La démolition de la maison est prévue en 2005 et une fouille sera entreprise sur son emplacement.

8Le front ouest a pratiquement disparu : seules quelques assises de calcaire coquiller sont encore visibles vers le sud, et une partie très arasée a été aperçue dans la fouille de 2003. Il est probable que cette portion de l’enceinte soit tombée rapidement en désuétude, remplacée par un mur épais construit plus haut pour barrer le fort Saint-Georges, peut-être au début du XIIIe s.

9L’angle sud-ouest et toute la partie occidentale du front sud ont également disparu. Ce sont ici des effondrements qui en sont la cause, encore clairement visibles dans un secteur justement nommé “ la Brèche ”. Une portion de ce rempart disparu (Fig. 2, f) a été vue en 2003 lors d’un sondage dans la rue du Puy des Bancs qui longe maintenant le fort par le sud. Toutefois, c’est sur ce front méridional que les vestiges les plus impressionnants du fort sont encore visibles, sur une quarantaine de mètres de longueur et une élévation qui atteint 18 m. Ce pan de mur est rythmé par deux tours-contreforts rectangulaires. À mi-hauteur se situent deux entrées desservant des caves creusées dans le rocher, qui communiquent en surface par un large trou d’homme qui débouche dans une salle basse aménagée dans l’angle sud-est du fort. Toute cette partie est clairement Plantagenêt, comme l’atteste la maçonnerie en appareil assez petit et régulier, et les tours-contreforts.

  • 5  Comptes de la reine de Sicile (Martineau 1993, II, annexe 15).

10La salle basse, aveugle, était communément considérée comme la crypte de la chapelle Saint-Georges. Nos observations ont montré qu’elle formait plutôt un passage voûté. Il devait s’agir d’une tour d’angle barlongue qui constituait l’entrée primitive du fort (Fig. 2, g). Cette tour était encore appelée “ le donjon de Saint-Georges ” en 13825. Selon cette analyse, la chapelle, installée à l’étage, devient un simple oratoire au-dessus de l’entrée, comme on en connaît dans de nombreuses fortifications. Elle n’a jamais constitué un pôle important de la vie religieuse du château. La chapelle castrale, Saint-Mélaine, attestée dès 1105 et de nombreuses fois par la suite (contrairement à la chapelle Saint-Georges), était située dans le château du Milieu.

11Dans un deuxième temps, cette entrée fut condamnée : vers l’extérieur par l’adjonction de la tour carrée tombée en 1906 (Fig. 2, a), vers l’intérieur par celle d’une autre salle basse, plus petite, qui menait au fort par un étroit escalier en vis (Fig. 2, i). C’est peut-être à ce moment que fut construite la porte des Champs, à l’angle opposé (Fig. 2, e).

  • 6  Guillaume Le Breton, Philippide, livre VIII, vers 394-396.

12Sous réserve de nouvelles informations apportées par la fouille de la salle basse et du secteur de “ la Brèche ”, programmées pour 2005, on peut proposer le schéma suivant. Au départ, le fort Saint-Georges aurait été conçu comme une fortification avancée, grande barbacane défendant le château du Milieu où il était le plus vulnérable, là où l’éperon se rattache au plateau. Un dispositif semblable se retrouve au Château-Gaillard, construit par Richard Cœur de Lion à la même époque. Cette comparaison est d’ailleurs explicitement faite dans le récit du siège de Chinon par les armées de Philippe Auguste, en 1204-12056. Le passage vers le château du Milieu n’est pas clairement établi : il est sûr en tous cas que l’entrée actuelle de ce dernier ne remonte pas au-delà du XIVe s. Le suivi archéologique des restaurations du front est du château du Milieu apportera peut-être des réponses (également prévu en 2005).

  • 7  Contrairement à ce qu’on pensait jusque là, cette douve n’a pas été creusée dans le rocher. Des so (...)

13Dans un deuxième temps, le fort Saint-Georges perdit son rôle de barbacane et fut au contraire isolé du château du Milieu. On l’a vu, la tour porche de l’angle sud-est fut condamnée. La porte des Champs n’ouvrait pas à proprement parler sur le fort, mais desservait un passage dominant la douve entre celui-ci et le château du Milieu. Une entrée devait exister dans le nouveau rempart ouest du fort qui vint le barrer plus en hauteur. Cette entreprise fut facilitée par la topographie : le fort Saint-Georges en effet était déjà naturellement séparé du château du Milieu par un thalweg (sans doute à ce moment approfondi et régularisé sous la forme de la grande douve maintenant visible7). Il est tentant de comparer cette entreprise à celle qui, symétriquement, isola l’extrémité de l’éperon, en créant le fort du Coudray. C’est donc sans doute à cette époque, dans les premières décennies du XIIIe s., que la forteresse de Chinon se structura en “ trois châteaux ”, tels que les appelait encore Henri IV, et tels qu’ils figurent dans les armoiries de la ville de Chinon.

Les bâtiments à l’intérieur du fort

14Quoi qu’il en soit, le fort Saint-Georges ne s’est jamais résumé à une simple fortification vide. À part dans un quart occidental, dont la pente ne favorisait pas l’implantation de bâtiments, tout l’espace fut densément construit (Fig. 3 et 4).

Fig. 3 : Vue, depuis l’est, de l’ensemble des vestiges mis au jour lors des campagnes de 2003 et 2004.

Fig. 3 : Vue, depuis l’est, de l’ensemble des vestiges mis au jour lors des campagnes de 2003 et 2004.

Fig. 4 : Relevé en plan des maçonneries mises au jour à l’issue des campagnes de fouilles de 2003 et 2004.

Fig. 4 : Relevé en plan des maçonneries mises au jour à l’issue des campagnes de fouilles de 2003 et 2004.
  • 8  Si le château du Milieu a été occupé dès l’Antiquité, constituant sans doute le castrum évoqué par (...)

15Il s’agit d’emblée de bâtiments bien construits et ordonnancés autour d’une cour (Fig. 2, j). Aucun vestige d’une occupation précaire ou antérieure à la deuxième moitié du XIIe s. n’a été décelé8. Deux phases principales ont été déterminées, qui correspondent à une importante réorganisation du plan des bâtiments. En outre, l’analyse des dépôts stratigraphiques (couches de déchets de taille en particulier) montre que des restaurations ou des modifications ont affecté les parties hautes, au XIVe et jusqu’à la fin du XVe s.

16Le plan primitif présentait un grand bâtiment est-ouest divisé en trois salles (40 x 13 m) (Fig. 2, k). On entrait par la salle centrale, la plus grande, au fond de laquelle s’élevait un escalier desservant un étage. Deux ailes perpendiculaires (Fig. 2, l et m), plus petites, s’y rattachaient (23 x 8 m). Celle de l’ouest (Fig. 2, l) était divisée en deux pièces égales. Une cave était aménagée dans la cour, à la jonction entre les deux bâtiments. L’aile orientale ne présentait aucun mur de refend ; elle était munie d’une grande cheminée et de deux fenêtres donnant vers l’est. Elle était dallée de calcaire. Les ailes sud et est n’étant en contact que par un angle, un escalier hors-œuvre a été aménagé pour assurer une communication directe (Fig. 2, n).

17La deuxième phase est consécutive au changement de rôle du fort Saint-Georges. En effet, le nouveau rempart construit à l’ouest du fort vint amputer le grand bâtiment sud. À l’autre extrémité, l’adjonction d’une salle basse venant fermer le passage de la tour-porche est incompatible avec ce même bâtiment. D’autre part, il n’est pas exclu que dès cette époque, le front sud du fort ait donné des signes de faiblesse, qui aboutiront plus tard à l’effondrement de la zone de la Brèche. Quoi qu’il en soit, l’aile sud disparut presque entièrement. Une portion, élargie vers le sud, en subsista vers l’ouest, aménagée en cuisine et peut-être, à un moment donné, en étuve (Fig. 2, o). À l’autre extrémité, une petite cuisine fut également construite (Fig. 2, p).

18Pour récupérer une partie de la place perdue par la destruction de l’aile sud et conserver la disposition autour d’une cour, une nouvelle aile sud fut construite, plus au nord, empiétant dans l’ancien espace de la cour dont toutes les façades furent refaites à ce moment (Fig. 2, r). Cette salle reçut une cheminée ; plus tard, elle vint s’articuler sur l’aile orientale par un sas aménagé dans l’angle.

  • 9  Je remercie Philippe Husi d’avoir bien voulu regarder rapidement la céramique issue des fouilles, (...)
  • 10  Pour tous ces textes, voir Philippe 1996 et 2001.

19Il semble bien que ces bâtiments disparurent dans le courant du XVIe s., comme l’atteste la céramique retrouvée dans la plupart des niveaux de démolition9. Depuis le milieu du XVe s., la cour royale ne séjourne plus régulièrement au château, et aucun roi n’y met plus les pieds après 1492. Les derniers travaux signalés au fort Saint-Georges (les seuls d’ailleurs) datent de 1454 ; encore s’agit-il de créer une promenade au pied du fort, origine probable de l’actuelle rue du Puy des Bancs. Le fort est encore utilisé sporadiquement pendant les guerres de religion : en 1567, une canonnière est installée “ dans une tour située derrière la chapelle de Saint-Georges ”. En 1569, la cour et un seul corps de logis à un étage sont mentionnés, qui est habité par une seule personne ; le reste sert manifestement de débarras. Les visites des années 1622-1633 ne font plus état que des remparts et de la chapelle ; seul un document de 1633 fait allusion à un “ appentis ” près de la chapelle, dont le sol est jonché d’ardoises10. Il s’agit sans doute de l’ancienne cuisine située au sud de l’aile orientale, dont le sol a été en effet retrouvé couvert d’ardoises, résultat probable du tri de tas entreposés en attente de récupération, dans un contexte stratigraphique postérieur au XVIe s.

20La chapelle (Fig. 2, h) quant à elle fit en 1622 l’objet d’un ambitieux projet de restauration, qui n’eut pas de suite et fut limité en 1625 au projet de restaurer le mur nord, sans doute pour éviter son effondrement et le glissement des terres dans la salle basse. La fouille a mis au jour d’ailleurs un muret qui eut, plus tard, cette même fonction, aménagé sur le mur arasé de la chapelle. Celle-ci fut détruite définitivement en 1763. L’ensemble du fort devint alors un clos rural, on y rapporta 60 à 80 cm de terre végétale et il fut planté de vignes visibles encore sur une carte postale du début du XXe s.

  • 11  L’ampleur de la surface fouillée rend cette absence quasi certaine. En outre, aucun puits n’est me (...)

21La fonction précise de ces bâtiments n’est pas établie. Il ne faut d’ailleurs sans doute pas chercher une affectation trop précise pour des lieux dont on connaît l’usage polyvalent au Moyen Âge. Il est assuré néanmoins qu’il s’agit plutôt de logis, et d’un certain niveau de confort. On peut se demander pourquoi, alors qu’il y avait une place considérable dans le château du Milieu, les Plantagenêt ont éprouvé le besoin de saturer ainsi un espace somme toute réduit. Pour y loger une garnison destinée à tenir la barbacane ? Le rôle d’un tel dispositif n’est pourtant essentiel qu’en cas de siège et ces bâtiments sont d’une qualité qui dépasse le simple cantonnement. Par ailleurs, l’absence de puits ne permet pas d’envisager que le lieu ait été conçu pour soutenir un siège très long11. À part un fragment d’éperon dans une couche du XVIe ou du XVIIe s., à une époque où le fort pouvait être fréquenté par quelques gardes à l’occasion des guerres de religion ou d’une crise postérieure, aucun élément d’équipement militaire ou d’armement n’a été trouvé. En revanche, plusieurs objets indiquent qu’on a effectué en ces lieux des comptes : jetons en terre cuite pour table de compte (“ l’échiquier ”), petite balance pliable pour peser les monnaies, godet de poids, sceau métallique monétiforme (ces éléments malheureusement retrouvés dans des contextes de remblai des XIV-XVe s., dans la cour).

22Dans l’état actuel de nos réflexions, nous proposons d’y voir un ensemble dédié à la chancellerie des Plantagenêt. En effet, le château de Chinon fut choisi pour centre administratif de leurs possessions continentales à partir du moment où ils devinrent rois d’Angleterre. Depuis 1163 au moins, le trésor royal y fut entreposé, “ gardé soigneusement ” par Satan, d'après Guillaume de Newburgh (Favier 2004 :642) et chaque nouveau roi s’empressait de passer à Chinon s’en faire remettre les clés dès le décès du précédent. Tous les auteurs récents ont souligné à quel point les Plantagenêt avaient renforcé l’administration royale, s’entourant d’une élite intellectuelle, cléricale ou non (en dernier lieu Aurell 2003 ; Favier 2004). Ne peut-on imaginer que ces locaux leur aient été principalement dédiés ?

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Bibliographie

Aurell 2003
Aurell M. - L’Empire des Plantagenêt, 1154-1224, Paris, Perrin, 406 p.

Bryant 2002
Bryant S. - Le Fort Saint-Georges, traces archéologiques d'un passé ignoré, Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, X, 6 : 611-614.

Bryant 2004
Bryant S. - Fouilles au fort Saint-Georges. De la fonction stratégique à l'occupation pacifique, Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, X, 8 : 877-892.

Bryant, Blanchard 1997
Bryant S., Blanchard P. - Le Fort Saint-Georges, Chinon (une partie oubliée du château de Chinon). Rapport d'évaluation archéologique et architecturale, Orléans, SRA du Centre, 47 p. (rapport multicopié).

Favier 2004
Favier J. - Les Plantagenêts. Origines et destin d'un empire, XIe-XIVe siècles, Paris, Fayard, 960 p.

Martineau 1993
Martineau M.-C. - L'évolution topographique de Chinon des origines au XVIIIe siècle, 2 vol. Tours, Université de Tours, 1993 (mémoire de maîtrise sous la direction de Monique Bourin et Henri Galinié).

Philippe 1996
Philippe M. - Le Fort Saint-Georges, partie composante du château de Chinon : recherche documentaire, Orléans, SRA du Centre, 55 p. (rapport multicopié).

Philippe 2001
Philippe M. - Le château de Chinon : étude documentaire, Orléans, SRA du Centre, 96 p. (rapport multicopié).

Philippe 2002
Philippe M. - Le château de Chinon, une forteresse adaptée aux besoins de la guerre, Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, X, 6 : 599-610.

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Notes

1  Aquarelle de Roger de Gaignières, 1699 (BNF 5324), gravure sur cuivre anonyme de 1763 (Musée des Amis du Vieux Chinon).

2  Cette opération fut réalisée d’abord par l’INRAP sous la direction de Simon Bryant dans le cadre de l’archéologie préventive : sondages d’évaluation en 2000 et 2003, fouille de la moitié ouest du fort en 2003 (bilans rapides dans Bryant 2002 et 2004). En juin et juillet 2004, elle fut poursuivie en fouille programmée par Bruno Dufaÿ, archéologue départemental d’Indre-et-Loire, titulaire de l’autorisation, en collaboration avec le laboratoire “ Archéologie et Territoires ” de l’UMR CITERES 6173. C’est de cette dernière campagne dont il sera question, même si naturellement les résultats obtenus par Simon Bryant sont intégrés dans la réflexion.

3  Inventaire des munitions et provisions conservées au château, par Louis Le Basle, capitaine et gouverneur de Chinon (Philippe 2001 : 87).

4  Eau-forte de Constant Bourgeois, tirage conservé au château.

5  Comptes de la reine de Sicile (Martineau 1993, II, annexe 15).

6  Guillaume Le Breton, Philippide, livre VIII, vers 394-396.

7  Contrairement à ce qu’on pensait jusque là, cette douve n’a pas été creusée dans le rocher. Des sondages géotechniques réalisés en 2004 ont montré la présence de plusieurs mètres de sable naturel dans l’axe de la douve.

8  Si le château du Milieu a été occupé dès l’Antiquité, constituant sans doute le castrum évoqué par Grégoire de Tours, la zone du fort Saint-Georges n’a livré aucune occupation permanente de cette époque ; les traces en sont limitées à une demi-douzaine de tessons minuscules et un ou deux fragments de tegula. Le haut Moyen Âge n’est pas mieux attesté, là encore par quelques tessons plutôt carolingiens et un squelette en pleine terre découvert par Simon Bryant, qu’une datation 14C attribue aux IVe-VIe s.

9  Je remercie Philippe Husi d’avoir bien voulu regarder rapidement la céramique issue des fouilles, et qui devrait prochainement en entreprendre l’étude détaillée.

10  Pour tous ces textes, voir Philippe 1996 et 2001.

11  L’ampleur de la surface fouillée rend cette absence quasi certaine. En outre, aucun puits n’est mentionné dans les procès-verbaux des visites des XVIe et XVIIe s., alors qu’il en est fait état pour les autres parties de la forteresse. Il n’est pas exclu en revanche qu’une citerne ait été creusée en sous-sol, alimentée par un drain retrouvé en fouille.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Carte postale (début du XXe s.) représentant l’ensemble de la forteresse de Chinon.
Légende À droite on distingue l’extrémité orientale du fort Saint-Georges, et en particulier la tour carrée attenante à la chapelle, effondrée en 1906.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/252/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Fig. 2 : Présentation des deux principales phases du fort.
Légende En haut, l’organisation du site dans la seconde moitié du XIIe s. ; en bas, au XIVe s.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/252/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
Titre Fig. 3 : Vue, depuis l’est, de l’ensemble des vestiges mis au jour lors des campagnes de 2003 et 2004.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/252/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 76k
Titre Fig. 4 : Relevé en plan des maçonneries mises au jour à l’issue des campagnes de fouilles de 2003 et 2004.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/252/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 27k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Bruno Dufaÿ, « La fouille du fort Saint-Georges à Chinon (Indre-et-Loire). Premiers résultats », Revue archéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 43 | 2004, mis en ligne le 01 mai 2006, consulté le 05 mars 2014. URL : http://racf.revues.org/252

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Auteur

Bruno Dufaÿ

Archéologue départemental d’Indre-et-Loire / UMR 6173 CITERES – LAT.

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