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Deux modèles de fondation dans les Recherches logiques
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L'Autre Husserl

Deux modèles de fondation dans les Recherches logiques

Two Models of Foundation in the Logical Investigations
Thomas Nenon
Traduction de Stéphane Desroys du Roure

Résumés

Cette étude essaye d’établir qu’il y a deux notions très différentes de « fondation » à l’œuvre dans les Recherches logiques de Husserl. Dans la IIIème Recherche, où le terme est formellement introduit, lorsqu’il se demande quels sont les contenus qui peuvent exister d’une manière autonome (indépendants) et lesquels peuvent exister uniquement en tant que moments d’autre chose (dépendants), Husserl suit ce que j’appelle un « modèle ontologique ». Selon ce modèle, le concret possède une priorité sur à l’abstrait qui est fondé en lui. Dans la VIème Recherche, en revanche, Husserl s’oriente principalement sur un « modèle gnoséologique » qui voit le complexe comme fondé sur ce qui est relativement simple, étant donné que les expériences d’ordre supérieur (telles les perceptions de types d’objets plus complexes) sont « fondées sur » des expériences plus simples, bien qu’elles ne puissent pas y être réduites. L’exemple principal ici est celui des intuitions catégoriales : fondées sur les intuitions sensibles, elles n’y sont pas réductibles. Mais cette distinction entre deux sens différents du terme de « fondation » peut également nous aider à mieux comprendre de nombreuses thèses husserliennes plutôt controversées. Par exemple, elle peut nous permettre de mieux comprendre dans quelle mesure faire l’expérience d’un être humain comme un tout se fonde sur l’expérience d’un corps physique, et cela même si l’étant que nous rencontrons inclut à la fois des aspects corporels et des aspects spirituels – les deux étant vus, d’une manière essentielle, comme des moments de cette unique personne qui fait l’objet de notre expérience.

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Notes de la rédaction

Traduit de l’américain par Stéphane Desroys du Roure

Notes de l’auteur

Ce texte traduit l’article « Two Models of Foundation in the Logical Investigations », paru dans B. Hopkins (ed.), Husserl in the Contemporary Context: Prospects and Projects for Transcendental Phenomenology, Dordrecht, Kluwer, 1997, p. 159-177 [NdT]

Texte intégral

1Il est capital de comprendre correctement la notion de « fondation », notamment pour bien entendre la théorie husserlienne de l’intersubjectivité, ses analyses de la relation entre le corps et l’esprit, la façon dont il détermine la relation entre la nature et notre environnement (Umwelt) quotidien, ainsi que sa théorie de la signification et du langage. Par exemple, ceux qui ont commenté ou critiqué la théorie husserlienne de l’intersubjectivité ont noté qu’elle se caractérise principalement par la thèse selon laquelle notre expérience des « autres » en tant que sujets est fondée sur l’expérience que nous avons d’eux en tant qu’objets physiques, c’est-à-dire par sa tentative d’ancrer l’expérience intersubjective dans l’expérience sensible. On a remarqué qu’à l’inverse sa théorie de l’esprit et du langage pose des objets indépendants tels que les esprits ou des entités idéales comme les significations sans voir que ceux-ci ne sont qu’abstraits des concreta que l’expérience nous présente, c’est-à-dire des êtres humains et du langage humain effectif. Dans l’un et l’autre cas, la façon dont on interprète le concept de fondamental, et le rôle que Husserl lui assigne, est décisive pour pouvoir interpréter et évaluer correctement la position de Husserl sur ces problèmes.

  • 1 Edmund Husserl, Recherches logiques, tomes I-III, tr. fr. H. Elie, L. Kelkel et R. Schérer, Paris (...)
  • 2 José Huertas-Jourda a publié un essai important sur les différents sens dans lesquels le dernier (...)
  • 3 Je ne veux pas suggérer par là qu’aux yeux de Husserl l’ontologie et la théorie de la connaissanc (...)

2Dans cet article, j’examine les Recherches logiques1 – surtout la 3e et la 6e – pour voir exactement comment dans cette œuvre Husserl introduit et utilise la notion de « fondation » (Fundierung). La thèse qui en ressort est qu’il y a dans les RL deux modèles étroitement liés mais néanmoins distincts de la relation de « fondation » et que Husserl ne parvient pas à voir clairement la différence entre les deux2. On peut appeler le premier « le modèle ontologique de la fondation » et le second « le modèle gnoséologique de la fondation3 ». Le premier prédomine dans la 3eRecherche ; le second est surtout développé dans la 6e. Pour Husserl les deux notions n’ont pas seulement en commun un sens général ; beaucoup des exemples qu’il utilise dans les Recherches logiques indiquent qu’il considère qu’elles ont la même extension. La question de la fondation est ainsi réduite à la question des composants les plus primitifs des actes de conscience et on considère que ces composants sont ceux que la perception sensible directe des objets individuels nous livre. Je défendrai l’idée que l’identification des deux modèles de la relation de fondation n’est pas phénoménologiquement justifiée ; et je dirai en conclusion pourquoi d’une manière générale on doit éviter de les identifier si l’on veut mieux comprendre ce que Husserl affirme ou non dans beaucoup de ses énoncés sur ce qui est fondamental dans les régions du langage et des personnes.

3En conséquence, l’article se divise en quatre sections. Dans la première, j’esquisse le modèle de fondation « ontologique » tel que l’utilise selon moi la 3eRecherche logique. La deuxième examine le modèle de fondation développé dans la 6eRecherche, c’est-à-dire celui que j’appelle « gnoséologique ». Dans la troisième section, j’explique pourquoi Husserl n’est peut-être pas parvenu à distinguer clairement les deux modèles ; et dans la section finale, je montre comment une distinction plus soigneuse entre les deux modèles aurait permis à Husserl de développer plus complètement certaines intuitions sur la nature du langage et des autres personnes, et pourrait, ce qui est peut-être plus important pour nous, aider les interprètes à replacer ces intuitions dans la perspective qui convient.

Le modèle ontologique de fondation

  • 4 Il y a une grande différence entre la « Fundierung » et la façon dont Husserl utilise la plupart (...)
  • 5 Cf. II, 228 pour l’équivalence de ces deux expressions ; cf. également la 2e Recherche, §§ 40-41. (...)
  • 6 Eugénie Ginsberg a écrit une brève histoire récente de la notion de dépendance existentielle tell (...)
  • 7 Dans cet article, je me concentrerai sur la relation de fondation unilatérale (par opposition à l (...)

4Dans la 3eRecherche logique, Husserl utilise la notion de « Fundierung4 », ainsi que les formes verbale « fundieren » (fonder) et participiales « fundierend » (fondateur) et « fundiert » (fondé), pour décrire la différence entre les objets indépendants et dépendants (« selbständigeund unselbständige Gegenstände ») ou, ce qui revient au même, entre les contenus concrets et abstraits (« konkrete und abstrakte Inhalte5 »). Pour le dire simplement, la différence tient au fait que le dernier ne peut exister que comme partie (plus précisément comme moment) du premier : « Pour fixer ce concept de la dépendance6, il suffit déjà de dire qu’un objet dépendant tel qu’il est (c’est-à-dire selon ses déterminations d’essence) ne peut exister que dans un tout plus vaste. » (II, 249) On dit ainsi que les objets dépendants et les contenus abstraits sont « fondés dans » les objets indépendants ou les contenus concrets. Corrélativement, on dit que les objets indépendants ou les contenus concrets sont « fondateurs » vis-à-vis des objets dépendants et des contenus abstraits auxquels ils sont sous-jacents7.

5Husserl souligne que cette relation n’est pas originellement une relation logique et n’est certainement pas une relation psychologique entre des pensées. Les lois qui concernent les relations de fondation (dans la 3eRecherche) traitent plutôt du rapport entre la possibilité d’un type d’objet et son existence, relativement à l’existence d’un autre objet d’un type spécifique :

« Des distinctions comme celle-ci : un objet (...) peut exister en soi et pour soi tandis qu’un autre ne peut exister que dans ou avec un autre objet, ne concernent pas des facticités de notre pensée subjective. Ce sont des distinctions objectives, fondées dans l’essence pure des choses, qui, parce qu’elles subsistent et que nous les connaissons, nous obligent à énoncer qu’une pensée qui s’en écarterait serait impossible, c’est-à-dire qu’un jugement qui s’en écarterait serait erroné (II, 239). »

  • 8 Dans les pages 248-249, Husserl qualifie à trois reprises la différence d’« ontologique ». (...)

6Les lois qui ont trait à ces relations expriment une nécessité objective, inhérente à ce que Husserl nomme « la différence ontologique8 universelle entre contenus abstraits et contenus concrets, entre contenus indépendants et contenus dépendants. » (II, 248) Mieux vaut donc parler des relations de fondation, semblables à des lois, qui sont exprimées sous la forme de relations entre tout et parties, comme de « principes ontologiques », et des relations qu’elle régit comme de relations de « fondation ontologique ».

7Que veut-on dire lorsqu’on dit qu’un objet est « fondé dans » un autre ? Husserl répond :

« Définitions. – Si, conformément à une loi d’essence, un α ne peut exister comme tel que dans une unité qui l’embrasse et qui le relie avec un μ, nous disons qu’un α comme tel a besoin d’être fondé par un μ, ou encore qu’un α comme tel a besoin d’être complété par un μ. Si, en conséquence, α0, μ0, sont des cas singuliers déterminés, réalisés dans un seul tout, des genres purs α ou μ se trouvant dans le rapport indiqué, nous dirons que α0 est fondé par μ0 et exclusivement fondé par μ0 quand seul μ0 peut satisfaire ce besoin d’α0 d’être complété. (...) Les expressions indéterminées : α0a besoin de complément, il est fondé sur un certain moment, sont manifestement synonymes de l’expression : α0est dépendant (II, 261). »

  • 9 « Comme une partie abstraite est aussi abstraite par rapport à chaque tout plus vaste et, d’une f (...)

8La définition suivante, plus concise, est dirigée spécifiquement sur la notion de fondation : « Un contenu de l’espèce α est fondé dans un contenu de l’espèce β, quand un α, par essence (c’est-à-dire par une loi, en vertu de son caractère spécifique), ne peut exister sans qu’un β n’existe aussi. » (II, 275) Etant donné le contexte – la relation partie / tout –, la définition dit clairement que c’est l’unité inclusive qui est première, c'est-à-dire l’objet indépendant au sein duquel les objets dépendants n’existent que comme moments. Il s’agit du problème de la localisation ontologique de quelque chose ou bien en lui-même, ou bien dans autre chose. Ainsi la couleur, par exemple, est un objet qui ne peut exister que dans un autre objet physique dont elle est une qualité. Aussi bien la rougeur que la sphère (en tant qu’exemple d’un type d’objet physique) sont d’authentiques objets pour Husserl, mais la rougeur est un objet dépendant qui doit être fondé dans un objet tel qu’une sphère. Puisqu’elle ne peut exister par elle-même, sans être fondée dans un autre objet, elle est par nature un abstractum9.

  • 10 Dans son essai « Parts of a Theory », op. cit., Barry Smith retrace le développement historique d (...)
  • 11 Pour la caractérisation du dépendant et de l’indépendant comme concepts relatifs, cf. II, 242. (...)
  • 12 II, 283 : « Or un contenu fondé dépend de la "nature" particulière des contenus qui le fondent ; (...)

9Dans ce contexte, la distinction visée est ce qu’on a traditionnellement décrit en termes de substance et de propriétés ; certains types de choses – les substances – sont capables d’exister indépendamment, d’autres ont besoin pour exister de faire partie d’une substance10. Les contenus concrets sont ce qu’on a traditionnellement nommé substance ; les contenus abstraits correspondent plus ou moins aux propriétés – « plus ou moins », parce que les notions de concret et d’abstrait ou celles de dépendant et d’indépendant, et donc la notion de fondation sont des « concepts relatifs ». Par exemple, on peut dire que la clarté est fondée dans la couleur ; dans ce cas, relativement à la clarté, la couleur est un objet indépendant sur lequel la clarté – objet dépendant – est fondée11. On se souvient que Husserl est convaincu que ces relations de dépendance ou de fondation sont sous-tendues par des lois a priori qui spécifient quelles sortes d’objets peuvent exister indépendamment ou ne peuvent exister qu’en étant fondées dans d’autres objets, et qui spécifient de surcroît sur quel(s) type(s) d’objets chaque objet dépendant peut ou doit être fondé12. Sans s’enquérir plus avant de la façon dont Husserl se proposait d’établir et de classer systématiquement ces lois pour en faire un fragment d’ontologie pure, et en particulier sans s’enquérir plus avant de la façon dont Husserl concevait les « lois matérielles a priori » comme un fragment d’une ontologie universelle de la nature, on peut néanmoins être sûr qu’il existe selon Husserl des lois a priori qui établissent quels types de choses sont ontologiquement antérieures aux autres, au sens où elles sont capables de fonder d’autres choses d’un certain type, et que ces choses sont les touts unificateurs dont les choses fondées sont les « parties » au sens le plus large du terme.

10La notion de « fondation ontologique » dans la 3eRecherche octroie la primauté aux choses qu’on qualifie traditionnellement de substances, aux touts unificateurs qui existent indépendamment par rapport aux parties qui les constituent. Dire que quelque chose est « ontologiquement antérieur » au sens de « ontologiquement fondamental » (« fundierend » par opposition à « fundiert ») signifie que son existence est ce qui rend possible l’existence d’une ou de plusieurs autres choses qui n’existent que par (ou plutôt en) lui.

11Avant de passer à la notion de fondation dans la 6eRL, il faut citer deux exemples de fondation ontologique dans la 3eRecherche, car chacun d’eux porte directement sur les problèmes mêmes pour lesquels la question de la fondation est cruciale, et chacun d’eux rend problématique l’identification des modèles ontologique et gnoséologique de la fondation. Le premier a trait aux être humains en tant que touts dotés de différents types de parties : « La main, par exemple, est une partie de l’homme d’une manière tout autre que ne le sont la couleur de cette main, l’étendue totale du corps, les actes psychiques ou encore les moments intrinsèques de ces phénomènes. » (II, 264) Le second a trait aux jugements : « le caractère de jugement se fonde unilatéralement sur les représentations qui sont à sa base, étant donné que celles-ci ne jouent pas nécessairement le rôle de fondement d’un jugement. » (II, 265)

12En ce qui concerne le premier exemple, plusieurs choses sont importantes. Avant tout, la discussion ne porte pas seulement sur les « moments » (la couleur de la main), mais aussi sur les « fragments », comme la main d’une personne. Bien qu’il soit clair que le tout dépend également des parties pour exister, Husserl ne considère pas cela comme une dépendance symétrique, mais octroie l’antériorité au tout par rapport aux parties dépendantes qui le constituent. Toutefois, ce qui est encore plus important, dans cet exemple, est que Husserl ne dit pas que c’est le corps qui est ontologiquement antérieur, mais plutôt que c’est l’être humain tout entier, ce qui inclut le corps (la main, l’étendue corporelle) et l’esprit (les actes psychiques). Selon cette affirmation, faite, il est vrai, en passant, l’étendue corporelle et les parties du corps sont des abstractions tirées de cette entité une et unifiée, l’être humain, exactement comme les états mentaux. L’unité la plus fondamentale est l’être humain tout entier, et non pas le corps en tant qu’objet strictement physique sur lequel toutes les autres caractéristiques d’un être humain, en particulier ses états mentaux, sont fondées. On pourrait répondre que Husserl entend ici par « être humain » un type particulier d’objet physique, mais alors on ne voit pas comment attribuer des états mentaux à un objet strictement physique. Nous y reviendrons ultérieurement.

13Toutefois, le point le plus important est le suivant. Dans cet exemple ainsi que dans ceux qui le précèdent, l’entité fondatrice est celle qui est concrète et donc plus complexe ; l’entité fondée n’en est qu’un moment ou qu’un aspect, puisqu’elle est abstraite. Ce qui fonde est le concret, qui est complexe ; ce qui est fondé est l’abstrait, qui est simple. Ce modèle de fondation souligne donc que l’existence de l’abstrait ou du simple dépend de celle du concret, qui dans chaque cas sera plus complexe. Le modèle ontologique octroie ainsi l’antériorité au concret par rapport à l’abstrait, et donc implicitement aussi au tout complexe par rapport à ses moments relativement simples.

14Le second cas est plus ambigu. Il est clair qu’un « Urteilscharakter » n’est pas un objet indépendant, mais doit bien plutôt être contenu dans un autre type d’acte, dans un acte qui a en général la caractéristique de représenter. Si l’on considère que l’acte de représentation dont parle ici Husserl est l’acte tout entier, dont l’acte d’assentiment, « le caractère de jugement tout entier », n’est qu’un aspect ou un moment, alors on peut aisément faire rentrer ce passage dans le modèle ontologique de fondation esquissé ci-dessus. Malheureusement, cela ne semble pas être ce que Husserl a ici en tête. Il dit que la représentation est « sous-jacente » au jugement et capable d’exister sans lui. Cela semble suggérer que la représentation soit un type d’acte particulier et séparé auquel on peut ajouter l’acte d’assentiment, mais qui ne dépend pas de l’assentiment enveloppé dans un jugement pour être le type d’acte qu’il est. Peut-être Husserl dit-il simplement ici que le caractère de jugement est une caractéristique accidentelle de ce type d’acte qu’est la représentation, tout comme être brun est une caractéristique accidentelle de l’être humain, de sorte que juger n’est pas plus essentiel à l’acte de représentation qu’être brun ne l’est pour être un être humain. Mais même dans ce cas, ce type de raisonnement semble provenir d’un autre groupe de questions que celles qui forment le problème prédominant de la 3eRecherche. Car si on l’interprète de cette façon, la question de savoir si quelque chose est fondamental soulève moins la question de savoir si quelque chose (par exemple le caractère de jugement) est capable d’exister tout seul ou doit, pour exister, être fondé dans un autre type d’entité (les actes mentaux en général ou les actes de représentation en particulier), que la question de savoir s’il est possible d’avoir un acte de représentation sans un caractère de jugement. Si la réponse est oui, comme Brentano l’a soutenu, alors il s’avère que ce qui est fondateur sera relativement simple par rapport à l’acte plus complexe de jugement dans lequel on trouvera un caractère ou un composant de jugement. Il sera inconcevable que l’entité complexe (le jugement) ne présuppose pas implicitement l’entité plus simple (la représentation), tandis qu’on pourra concevoir la possibilité inverse. S’il en est ainsi, on est passé d’un modèle où le concretum complexe est fondateur et l’abstractum simple fondé à un modèle selon lequel de deux entités possibles (chacune capable d’exister indépendamment), celle qui est relativement simple est fondatrice vis-à-vis de celle qui est complexe, parce qu’on ne peut concevoir celle-ci sans présupposer celle-là. Accessoirement, comme le remarque ici Husserl, cette interprétation est également beaucoup plus proche de la notion brentanienne de « séparabilité » (Ablösbarkeit) si bien qu’il semble correct d’interpréter ce passage d’une manière brentanienne, c’est-à-dire en faisant du caractère de jugement quelque chose qu’on ajoute à l’acte de représentation et qu’on construit sur lui. De cette façon, on se rapproche aussi de ce que j’appelle le modèle de « fondation gnoséologique », car on se demande, de deux choses séparées, toutes deux inhérentes à quelque chose d’autre et qui sont donc toutes deux des parties constituantes d’une troisième chose (un acte ou un objet d’ordre supérieur), si l’une présuppose logiquement l’autre. Tel est précisément le modèle de fondation dont s’occupe la 6eRL. Il paraît donc judicieux de se tourner vers cette Recherche pour voir comment le modèle y est développé et pourquoi on ne devrait pas être surpris de s’apercevoir que l’exemple ci-dessus reflète une ambiguïté dans l’usage husserlien de la notion de fondation.

Le modèle gnoséologique de fondation

  • 13 III, 5 : « A cela se rattache étroitement l’importante distinction entre objets, déterminations, (...)
  • 14 Cf. III, 24 sq, pour l’équivalence entre intention remplie et connaissance.

15La 6eRecherche logique est consacrée à des recherches gnoséologiques centrées sur l’analyse du remplissement des intentions, en particulier sur le remplissement par l’intuition catégoriale. La notion de fondation y est utilisée pour décrire la relation entre les actes simples ou sensibles et les actes catégoriaux plus complexes qui se construisent en les prenant comme base, contribuant ainsi à résoudre un problème traditionnel de la théorie de la connaissance, celui qui a trait à la relation entre l’intuition et l’entendement13. Bien que, tout comme dans la 3eRecherche, la question du sens et des objets des actes intentionnels reste importante dans la dernière Recherche, l’accent est cette fois mis sur les actes dans lesquels les significations se constituent et sur les actes dans lesquels les intentions ainsi constituées peuvent se remplir, de façon à ce que l’on puisse dire que l’on « connaît » ou que l’on possède l’objet visé14. Les questions concernant les relations entre divers types d’objets sont ramenées à des questions concernant les divers types d’actes dans lesquels ils sont constitués et (dans le cas d’intentions remplies) effectivement donnés à la conscience. Tout le cœur de la 6eRecherche est donc gnoséologique. La question de la fondation a ici, d’abord et avant tout, trait aux relations gnoséologiques – bien évidemment avec des implications ontologiques importantes, quoique la plupart du temps indirectes. Il paraît donc judicieux de donner le nom de « modèle gnoséologique de la fondation » aux exemples de relation de fondation décrits dans la 6eRL. En quoi ce modèle diffère-t-il du modèle de « fondation ontologique » développé dans la 3eRecherche ?

16Tandis que la notion de fondation utilisée dans la 3eRecherche parle surtout de parties qui « existent dans » des touts, la 6eRecherche, pour décrire la relation de dépendance entre divers types d’actes, utilise plus fréquemment et explicitement des images architecturales, telles que quelque chose « sich auf etwas aufbaut », est construit ou s’édifie sur quelque chose d’autre, ou quelque chose se présente « auf Grund », sur la base de quelque chose d’autre. Husserl affirme par exemple au § 5 que « quand je dis ceci, je ne me contente pas de percevoir ; mais, sur la base de cette perception, un nouvel acte s’édifie qui se conforme à elle et dépend d’elle dans sa différence, l’acte du viser ceci. » (III, 18) La question n’est pas de savoir « en » quelle chose tel autre type de chose vient à exister, mais plutôt sur quelle base un acte de plus haut degré peut être construit, en sorte que les actes les plus fondamentaux, les actes « fondateurs » jouent le rôle de matériau de construction que l’on doit employer pour constituer une nouvelle sorte d’acte que l’on dira être « fondé dans » – ou mieux – « fondé sur » ces actes plus simples.

17On définit alors la fondation de la façon suivante :

« Qu’un acte soit fondé ne signifie pas qu’il est construit sur d’autres actes en un sens arbitraire, mais que l’acte fondé, selon sa nature, c’est-à-dire selon son genre, n’est possible qu’en tant qu’acte construit sur des actes du genre des actes fondateurs et que, par suite, le corrélat objectif de l’acte fondé a quelque chose de général, une forme avec laquelle un objet en général ne peut jamais apparaître intuitivement que dans un acte fondé de ce genre (III, 178). »

  • 15 Gian-Carlo Rota a défini en général la Fundierung comme un certain type de relation de dépendance (...)
  • 16 Cf. note 14.

18Nous voyons à l’œuvre, comme dans la 3eRL, le souci d’établir les lois a priori qui régissent les relations de dépendance ; sauf qu’ici il n’est plus question de la dépendance d’une chose abstraite vis-à-vis de l’entité concrète dont elle fait partie, mais plutôt de la dépendance d’un acte complexe d’ordre supérieur édifié sur la base d’un acte plus simple d’ordre inférieur et – en conséquence et corrélativement – de la dépendance d’un type d’objet complexe et d’ordre supérieur construit à partir (ou sur la base) d’objets plus simples. Les deux interprétations de la notion de fondation ont en commun d’exprimer une relation de dépendance. Dans les deux cas, une chose en présuppose une autre15, mais en un sens assez différent. L’exemple paradigmatique de Husserl dans la 6eRecherche est la relation entre ce qu’il appelle les actes catégoriaux, fondés, et les actes sur lesquels ils se fondent en dernier ressort – « en dernier ressort » parce qu’ils peuvent se fonder médiatement sur d’autres actes catégoriaux ; mais si l’on veut éviter une régression à l’infini, on doit pouvoir les ramener à des actes qui ne sont pas eux-mêmes fondés sur d’autres actes, c’est-à-dire, selon Husserl, à des actes de perception sensible. En fait, la distinction entre les actes fondés et fondateurs d’une part, entre la présentation catégoriale et sensible d’un objet de l’autre, sont tellement parallèles dans la 6eRecherche que Husserl définit la différence entre les actes d’intuition sensible et catégoriale par la façon dont ceux-ci sont fondés par essence sur ceux-là : « Nous avons qualifié de sensibles les actes d’intuition simple, de catégoriaux les actes fondés qui nous ramènent immédiatement ou médiatement à la sensibilité. » (III, 183) La différence repose ainsi sur la différence entre actes simples et complexes – corrélativement entre objets simples et complexes – le plus complexe étant fondé en dernier ressort sur des éléments primitifs au-delà desquels on ne peut plus remonter. On dit que les actes simples sont plus fondamentaux pour la simple raison qu’on peut les accomplir sans aller jusqu’aux actes plus complexes, d’ordre supérieur, alors que l’inverse n’est pas vrai. Tous les actes catégoriaux – qui sont autant de façons de lier divers contenus intentionnels – et donc tous les objets catégoriaux présupposent certains contenus intentionnels qu’ils mettent en relation. La source originelle de ce contenu est l’intuition sensible (au sens le plus large du terme16).

19Deux points sont ici particulièrement importants : 1) les actes d’ordre supérieur et les objets d’ordre supérieur qui leur correspondent ne sont pas réductibles aux actes sur lesquels ils sont fondés ; c’est pourquoi l’intuition catégoriale n’est pas réductible à l’intuition sensible. 2) Selon Husserl les actes les plus fondamentaux sont les intuitions sensibles, qu’il ne faut pas confondre avec la réception des données sensibles, comme l’ont fait par exemple Locke et, avec certaines nuances, également Hume, Kant et les néo-kantiens.

20En ce qui concerne le premier point, Husserl fait remarquer que, par exemple, l’acte catégorial d’ordre supérieur de viser « a et b », fondé sur les actes de représenter « a » et de représenter « b », n’équivaut pas à simplement viser « a » et ensuite « b ». C’est pourquoi Husserl désigne les actes catégoriaux comme des « actes nouveaux » et non pas simplement comme la somme des anciens (III, 18 et 156). Il remarque :

« Je puis peindre A et peindre B, je puis aussi peindre l’un et l’autre sur le même tableau ; mais je ne puis peindre le tous deux, le A et B. Il n’y a ici qu'une seule possibilité, toujours offerte, celle d’effectuer un nouvel acte de conjonction (de colligation) sur la base de ces deux actes d’intuition séparés et de viser par ce moyen l’être-ensemble des objets A et B. En lui se constitue, dans l’état de choses que nous venons d’envisager comme exemple, la représentation en image du A et B, tandis que cet ensemble ne nous est et ne peut nous être donné “lui-même” sur le mode de la perception que, précisément, dans un tel acte modifié de manière conforme mais fondé dans les perceptions de A et de B (III, 160). »

21Par conséquent, la perception qu’on estime pouvoir remplir une intention catégoriale est elle-même un type unique de perception, fondée sans qu’on puisse l’y réduire dans les actes de perception simple sur lesquels elle se base. Ce point est important, car il établit clairement que dire qu’un certain type d’objet d’ordre supérieur, par exemple une personne, est fondé dans un objet physique qui est son corps ne signifie pas que cet objet soit réductible aux caractéristiques directement sensibles de l’objet d’ordre inférieur, c’est-à-dire dans ce cas aux états physiques du corps.

  • 17 Cf. sur ce point 3eRL, § 8 (II, 243 sq) et 2eRL (II, 223).

22Le second point est capital pour comprendre pourquoi Husserl considérait que ce qui est fondamental d’un point de vue ontologique se recouvrait avec ce qui est fondamental d’un point de vue gnoséologique, et donc pourquoi Husserl ne distingue pas clairement et explicitement les deux interprétations de la notion de fondation. Les actes premiers sont de simples (« schlichte ») actes de perception. De telles perceptions nous donnent des objets sensibles concrets, et surtout les objets ou les contenus de la perception sensible externe (cf. sur ce point III, 180). Dans la 6eRecherche, Husserl travaille manifestement à partir de l’hypothèse que la conscience n’est pas dirigée en premier lieu sur des données sensibles, mais plutôt sur des objets identifiables. Husserl estime que ce qu’on considère typiquement comme des sense data n’est pas donné directement, mais plutôt grosso modo de la même façon que d’autres objets généraux, des espèces telles que le rouge, en faisant abstraction de ce qui est effectivement donné dans l’expérience, c’est-à-dire des objets individuels et existants. Nous ne sommes conscients de simples qualités sensibles que grâce à des actes catégoriaux complexes, qui impliquent des abstractions accomplies sur la base de la perception d’un objet concret dans lequel ces qualités (ou dans le cas des espèces, leurs échantillons) sont perçues17. Husserl qualifie de « réels » les objets concrets de la perception sensible, les objets indépendants qui sont faits de propriétés perceptibles aux sens. Les autres objets, qu’il s’agisse d’objets catégoriaux au sens habituel, tels que les collections, les disjonctions ou les Sachverhalte, sur lesquels les jugements sont dirigés, ou d’objets universels tels que la rougeur, sont constitués sur la base des objets donnés dans les actes primordiaux de perception sensible.

23On voit ainsi comment peut coïncider aux yeux de Husserl ce qui est premier ou plus fondamental selon les deux notions de fondation, et pourquoi il ne parvient pas à reconnaître une tension entre les deux sens différents de dépendance qui sous-tendent les notions de fondation que développent la 3e et la 6eRecherches. Dans la section suivante, je voudrais regarder de plus près les présupposés qui sous-tendent cette identification des deux notions et montrer pourquoi, premièrement, plusieurs de ces présupposés seront remis en cause par les analyses de la synthèse esthétique ou passive, et deuxièmement, ce qui est plus important, pourquoi ces présupposés créent des difficultés à une théorie de phénomènes d’ordre supérieur tels que les personnes et le langage.

Deux présupposés de Husserl

24Un passage de la 6eRL montre clairement que Husserl n’entrevoit aucun conflit entre les deux notions de fondation et en indique la raison :

« Tout objet sensible concret est purement et simplement perceptible sur le mode d’un objet explicite ; et il en est de même de tout fragment d’un tel objet. Mais qu’en est-il des moments abstraits ? Par nature, ils ne peuvent exister pour eux-mêmes ; il est donc évident que la perception et l’imagination que nous en avons est une chose dépendante, en tant que le contenu représentatif, même là où il y a une simple représentation par analogie, ne peut être vécu pour lui-même, mais seulement dans un concretum plus vaste. Mais cela ne veut pas encore dire que l’intuition doit être un acte fondé. Elle le serait si l’appréhension d’un moment abstrait devait nécessairement être précédée par l’appréhension du tout concret, ou celle des moments complémentaires – l’appréhension en tant qu’acte d’orientation intuitive –, ce que je ne tiens pas pour évident. Par contre, il est certain que l’appréhension d’un moment et, en général, d’une partie en tant que partie du tout donné, donc aussi l’appréhension d’un caractère sensible en tant que caractère, d’une forme sensible en tant que forme, renvoie à des actes qui sont tous fondés et de l’espèce des actes relationnels (III, 152). »

25Nous trouvons ici confirmation explicite de ce que Husserl à cette époque considérait que ce sont les mêmes choses qui sont premières dans les deux sens et des indications sur les présupposés dont cette conception dépend, à savoir 1) que les premiers objets de la conscience sont indépendants et 2) que ce sont des objets réels composés de propriétés données dans la perception sensible externe sur la base de laquelle tous les objets d’ordre supérieur sont constitués grâce à divers actes catégoriaux. L’affirmation selon laquelle tout objet sensible concret peut être explicitement et simplement perçu, jointe à celle selon laquelle les traits sensibles sont considérés comme abstraits et donc comme des contenus fondés, confirme le premier présupposé. La confirmation du second suppose que nous fassions aussi référence à la description husserlienne de la perception simple comme perception sensible externe, proposée aux §§ 58 sq de la 6eRecherche et discutée ci-dessus dans la seconde section.

26Ces deux présupposés sont nécessaires si l’on veut que l’extension des deux interprétations de la notion de fondation coïncident. Sans le premier, on pourrait considérer des choses telles que les données sensibles comme gnoséologiquement fondamentales, alors qu’il ne s’agit évidemment pas de ce que Husserl appellerait des objets indépendants au sens de la 3e Recherche. Sans le second, on pourrait considérer un objet d’ordre supérieur – par exemple une institution sociale telle qu’un club – comme un tout et donc comme un objet indépendant ; c’est donc lui, et non ses membres, qui serait considéré comme fondamental, alors qu’en réalité l’on ne peut percevoir un club qu’en percevant ses membres ainsi que certains modes d’actions qu’ils acceptent et suivent. On devrait considérer un tel objet comme fondamental d’un point de vue ontologique, mais pas gnoséologique. Ou, si l’on prend l’exemple de l’être humain, on pourrait considérer l’être humain tout entier comme fondamental par rapport au modèle ontologique, même si relativement au modèle gnoséologique, c’est l’expérience de l’objet physique, pris comme substrat de cet objet d’ordre supérieur qu’est l’être humain, qui serait fondamentale.

  • 18 Les premières lignes de De la synthèse passive, tr. fr. par B. Bégout et J. Kessler, Grenoble, Mi (...)

27Chacun de ces deux présupposés crée des difficultés à Husserl au cours d’analyses ultérieures dans lesquelles des questions et des phénomènes différents passent au premier plan. Le premier présupposé, la thèse selon laquelle la conscience a d’abord pour objets des objets indépendants sur lesquels se fondent ensuite des actes catégoriaux, de sorte que ces objets indépendants soient les éléments les plus fondamentaux d’un point de vue gnoséologique, rencontre des difficultés lors d’analyses ultérieures de la constitution pour la conscience d’objets même simples tels que des « choses » (Dinge). La fonction constituante de processus considérés sous l’étiquette de « synthèse esthétique » dans Idées II ou de « synthèse passive » dans d’autres textes ébranle l’idée d’une perception simple et directe des objets18. Bien entendu, on trouve déjà dans la 6eRecherche des analyses de la variation du remplissement des intentions de signification selon l’adéquation et la plénitude qui remettent en cause la doctrine d’une donation immédiate et complète de l’objet comme d’un tout – du moins dans le cas des « choses ». Et nous lisons même dans la 3eRecherche que l’unité n’est pas un prédicat réel, mais bien plutôt un « prédicat catégorial » (II, 280). Toutefois ces analyses ne conduisent apparemment pas Husserl à rejeter la thèse qui fait des objets concrets indépendants les éléments de base avec lesquels on construit toute autre connaissance.

28En outre, il est difficile de répondre à la question de savoir comment on doit construire les objets d’ordre supérieur en sorte qu’ils puissent avoir des propriétés idéales qui ne soient pas des échantillons d’objets universels dérivés de l’intuition sensible si l’on présuppose que toutes les intuitions sont au fond des intuitions sensibles soumises à une certaine forme catégoriale, à moins de faire de « l’intérêt » qu’éprouve une personne ou du « sens » porté par un mot le corrélat d’un acte catégorial. Il est également difficile d’imaginer quelle opération catégoriale on devrait effectuer sur des marques tracées sur une feuille de papier ou sur des sons proférés par un être humain pour les doter d’un sens qui soit un de leurs traits objectifs. Il est tout aussi problématique de ramener une caractéristique fondamentale des personnes, comme le fait d’avoir un intérêt à des caractéristiques corporelles, de l’abstraire de simples perceptions sensibles soit comme un objet singulier soit comme un objet universel, et de donner une forme à ces caractéristiques fondamentales abstraites en les combinant. Ce problème disparaît si on ne fait pas des objets physiques les objets fondamentaux, ce qui n’est pas nécessaire si on ne présume pas que ce qui est fondamental relativement au modèle gnoséologique doit l’être aussi relativement au modèle ontologique. Les difficultés qu’entraîne chacun de ces présupposés suggèrent que Husserl a tort de présumer que les mêmes choses doivent être fondamentales à la fois gnoséologiquement et ontologiquement.

L’exemple de l’être humain et du langage

29L’analyse phénoménologique ne prend pas la même direction selon que l’une ou l’autre notion prédomine. On doit cependant souligner que les deux modèles, justement parce qu’ils expriment différents sens de fondamental, ne s’excluent pas mutuellement. Chacun d’eux répond à une question différente qui peut légitimement faire l’objet de l’enquête phénoménologique.

30Dans le cas du modèle ontologique de fondation, la question est de savoir si l’objet peut subsister par lui-même ou si, pour exister, il doit faire partie d’un autre type de chose. Cela n’est pas la même chose que de demander si ceci est un objet authentique ou s’il correspond à une signification unique, distincte de la signification qui correspond à un autre objet. La rougeur, par exemple, a un contenu de sens bien à soi, même si, pour exister réellement, elle doit caractériser une chose rouge. Répondre à la question de la fondation en un sens ontologique, c’est donc dire si une chose peut ou non exister par elle-même et, si elle n’en est pas capable, dire de quel genre de choses une chose de ce type peut ou doit faire partie pour être effective. Dans ce cas, l’entité totale jouit d’une certaine antériorité vis-à-vis de n’importe laquelle des parties qui la constituent, car celles-ci existent en elle (et dans le cas des moments n’existent qu’en et par elle). En revanche, dans le cas de l’interprétation gnoséologique de la fondation, un élément qui peut être donné comme une chose réelle simple, un objet d’ordre inférieur, jouit de l’antériorité vis-à-vis d’un objet d’ordre supérieur fondé sur lui, même si l’objet d’ordre inférieur ne livre qu’une partie du sens ou de l’essence de l’objet d’ordre supérieur.

  • 19 Cf. comme exemple d’une telle approche le § 50 de la 5eMéditation cartésienne, où l’expérience la (...)
  • 20 « La chair (Leib) étrangère, telle qu’elle apparaît dans ma sphère primordiale, est d’abord un co (...)

31Revenons à notre question de départ : qu’est-ce qui est phénoménologiquement antérieur, c’est-à-dire plus fondamental, dans le cas des êtres humains ? La réponse variera selon la façon dont nous comprenons la question. Selon l’interprétation gnoséologique, c’est le corps qui est antérieur19, car quelqu’un peut rencontrer un corps physique sans le considérer comme un être humain20, alors qu’il est impossible d’avoir l’intuition d’un être humain sans passer par son corps. Tous les êtres humains ont des corps (Körper), mais tous les corps ne sont pas des êtres humains. Souligner l’antériorité du corps en ce sens revient simplement à dire que sans corps, il n’y a pas d’êtres humains.

  • 21 « Si nous nous en tenons à l’expérience factuelle d’autrui, telle qu’elle se produit chaque fois, (...)

32Mais on peut maintenir simultanément que l’entité complète, l’être humain, jouit d’une certaine antériorité par rapport au corps, parce que nous n’avons pas simplement l’intuition d’un objet physique avec de simples caractéristiques physiques21. Ce dont nous avons l’intuition est un être humain avec un corps, un corps animé par ce qu’on a traditionnellement appelé une âme ou un esprit, que l’on perçoit directement et immédiatement comme exprimant des émotions, mettant des croyances en action, cherchant à satisfaire des désirs, etc. Pour être le type de corps qu’il est, cet objet doit donc être une partie d’un être humain, de sorte qu’en un sens ontologique, on peut bien dire que l’objet d’ordre supérieur, l’être humain, est le fondement du corps présent dans notre expérience quotidienne des êtres humains. Autrui ne nous est donné comme un simple objet physique que dans l’attitude théorique, dans laquelle nous faisons abstraction de toutes les caractéristiques que nous attribuons normalement aux choses que nous reconnaissons comme étant des êtres humains.

33Bien entendu, quand les phénomènes étudiés se modifient de la sorte, la distinction entre antériorité ontologique et antériorité gnoséologique commence à s’obscurcir – non qu’il n’y ait plus de différence aussi importante et aussi claire qu’avant entre les deux, mais on peut considérer que ce que nous avons nommé le « modèle gnoséologique » est également ontologique, car la question est alors de savoir s’il peut exister des corps qui ne sont les corps de personne, ou si les personnes peuvent exister sans corps. A ce stade il est peut-être plus utile d’envisager la distinction en fonction des oppositions qui la sous-tendent : concret / abstrait, simple / complexe. Le cas des êtres humains montre clairement que les deux sens de la fondation ne se réduisent pas toujours l’un à l’autre.

34De même, lorsque nous entendons prononcer un mot, le son physique est en un sens fondamental, car sans le son il n’y aurait pas de mot, tandis qu’en d’autres circonstances le même son pourrait être présent sans que lui soit attaché le composant idéal de la signification qui en fait un mot. Pourtant, en même temps, le mot comme tout, ce phénomène à plusieurs facettes, est en un sens antérieur, car le son n’est qu’un aspect ou qu’un moment du mot, dont l’autre est le sens idéal. Dans un sens, c’est le son qui est antérieur ; dans l’autre, c’est l’entité complète « mot ». Une fois qu’on a brisé l’identité des sens dans lesquels on peut dire qu’une chose est fondamentale par rapport à d’autres, il est toujours possible de maintenir l’antériorité pour le corps (dans le cas de l’être humain) et le son (dans le cas du mot prononcé), tout en admettant la possibilité, voire la nécessité de considérer l’entité complète – la personne ou le mot avec toutes ses propriétés (réelles ou idéales, d’ordre supérieur ou inférieur) – comme fondamentale en un sens différent mais tout aussi légitime.

35L’objectif de cet article était de distinguer deux sens différents dans lesquels on peut considérer divers objets comme fondamentaux ou antérieurs, et de montrer les questions que chacun d’eux suscite. Les remarques de Husserl sur l’intersubjectivité et le langage montrent que ses analyses abordent souvent chacun de ces types de questions, bien que ce soit surtout ce que j’ai nommé l’interprétation gnoséologique de la notion de fondation qui domine sa pensée. Si l’on veut tirer le maximum de ses intuitions pour répondre à chacun de ces types de questions et être capable de placer ces intuitions dans une perspective correcte, alors il est important de distinguer clairement les différents sens dans lesquels on peut dire qu’une chose est plus fondamentale qu’une autre dans un cadre husserlien, même si Husserl lui-même n’y est pas parvenu.

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Notes

1 Edmund Husserl, Recherches logiques, tomes I-III, tr. fr. H. Elie, L. Kelkel et R. Schérer, Paris, PUF, 1959. Pour les citations, je donne le numéro du tome (en chiffre romain), suivi du numéro de la page de la 2e édition allemande (Halle, Niemeyer, 1913, sauf pour la 6eRL, Tubingen, Niemeyer, 1921) noté entre crochets en marge de la traduction française. [La traduction de certains passages a été légèrement modifiée, N.d.T.].

2 José Huertas-Jourda a publié un essai important sur les différents sens dans lesquels le dernier Husserl utilise la notion de fondation pour aborder le problème de la relation entre la subjectivité transcendantale et le sujet empirique de la connaissance : « On the Two Foundations of Knowledge According to Husserl » in Lester Embree (éd.), Essays in Honor of Aron Gurwitsch, Washington D.C., Center for Advanced Research in Phenomenology and University Press of America, 1984. On peut penser que la question de la fondation comme « occasion » de la connaissance (la question de facto) est étroitement liée à ce que j’appelle dans cet essai « l’interprétation ontologique de la fondation » ; la question qui concerne la fondation de jure de la connaissance ne correspond étroitement à aucun des deux sens de la fondation ici décrits, mais se rapproche de la question de la Begründung mentionnée dans la note 5.

3 Je ne veux pas suggérer par là qu’aux yeux de Husserl l’ontologie et la théorie de la connaissance ne sont pas des disciplines essentiellement liées, mais simplement que, pour résoudre dans les Recherches Logiques certains problèmes philosophiques, l’approche qui prédomine s’oriente tantôt assez franchement sur les objets et leurs relations essentielles, tantôt sur la façon dont ces objets se constituent eux-mêmes pour (ou, ce qui revient au même, sont constitués par) la conscience. Je défendrai l’idée qu’il est important de savoir laquelle de ces deux approches prédomine, puisque la différence d’approche peut entraîner une différence quant à la signification de ce qui est fondamental et donc quant au type de choses que l’on peut finalement considérer comme tel.

4 Il y a une grande différence entre la « Fundierung » et la façon dont Husserl utilise la plupart du temps le terme « Fundament ». « Fundament » est employé par exemple en II, 283 et en II, 338 dans un sens cartésien, selon lequel on peut se servir de principes universels ou de lois d’essence comme de principes explicatifs à partir desquels dériver des cas particuliers. Cf. l’utilisation similaire du terme allemand « begründen » (et « gründen ») en II, 243 et 251, où il fait aussi référence à la fondation logique du particulier dans un principe général. Il est intéressant de noter qu’une partie de ce que l’on comprend souvent sous l’étiquette générale de « fondationalisme » est la croyance qu’il existe un système clos de principes fondamentaux desquels on peut ou on doit dériver soit une multiplicité de phénomènes particuliers soit leur totalité, et que l’usage husserlien de « Fundament », de « Begründung » et des termes apparentés serait particulièrement pertinent de ce point de vue. Cependant la croyance qu’il existe quelque chose d’originairement donné qui peut servir de point de départ absolu de la connaissance constitue un autre sens de fondationalisme. Pour ce problème-là, l’usage que fait Husserl du terme « Fundierung » (et surtout sa théorie de la fondation gnoséologique) est plus important que son usage du terme « Fundament ».

5 Cf. II, 228 pour l’équivalence de ces deux expressions ; cf. également la 2e Recherche, §§ 40-41.

6 Eugénie Ginsberg a écrit une brève histoire récente de la notion de dépendance existentielle telle que Husserl l’a reçue : « On the Concepts of Existential Dependence and Independence » in Barry Smith (éd.), Parts and Moments. Studies in Logic and Formal Ontology, Münich/Vienne, Philosophia Verlag, 1982. Cet article est une traduction de la version polonaise de 1929 ; le volume dans lequel il s’insère contient beaucoup d’articles ayant pour thème le problème parties/tout et son traitement husserlien.

On trouvera aussi chez Robert Sokolowski des discussions de la théorie des touts et des parties des Recherches logiques, dans « The Logic of Parts and Whole in Husserl’s Investigations », Philosophy and Phenomenological Research, 1967-68, p. 537-553, qui contient aussi une brève référence aux relations de fondation, et dans ses Husserlian Meditations, Evanston, Northwestern University Press, 1974, cf. surtout les p. 8-17, où il indique l’importance de la relation entre tout et parties, et en particulier l’importance de la distinction entre objets dépendants et indépendants pour l’ensemble du projet philosophique de Husserl. Parmi les autres essais sur la relation parties / tout chez Husserl, on peut citer Dallas Willard, « Wholes, Parts and the Objectivity of Knowledge » et Peter M. Simons, « The Formalisation of Husserl’s Theory of Wholes and Parts », tous deux inclus dans la collection d’essais sur les parties et les moments éditée par Barry Smith. Ce dernier souligne l’importance de la notion de fondation pour Husserl dans les Recherches logiques et montre l’influence de Stumpf sur la pensée de Husserl dans ce domaine. Cf. Barry Smith, « Ontologische Aspekte der Husserlschen Phänomenologie », Husserl Studies, 3, 1986, p. 115-130.

7 Dans cet article, je me concentrerai sur la relation de fondation unilatérale (par opposition à la fondation réciproque), parce qu’elle est la seule à établir une relation d’antériorité. (cf., pour la différence entre les deux, II, 265). Notons que les relations de fondation réciproque doivent elles-mêmes être fondées dans un tout plus vaste, au sein duquel les deux termes sont unilatéralement fondés. Gian-Carlo Rota a fait un usage fécond de la distinction husserlienne entre fondation réciproque et unilatérale dans « Husserl’s Third Logical Investigation : A Contemporary Reading » (texte inédit, envoyé en 1989 à la rencontre annuelle du Husserl Circle).

8 Dans les pages 248-249, Husserl qualifie à trois reprises la différence d’« ontologique ».

9 « Comme une partie abstraite est aussi abstraite par rapport à chaque tout plus vaste et, d’une façon générale, par rapport à chaque ensemble d’objets embrassant ce tout, une donnée abstraite considérée relativement est eo ipso abstraite considérée absolument. (…) Un abstractum en tant que tel est un objet par rapport auquel il existe, en général, un tout dont il constitue une partie dépendante » (II, 267).

10 Dans son essai « Parts of a Theory », op. cit., Barry Smith retrace le développement historique de la théorie des touts et des parties et situe sa discussion à la fin du XIXe siècle dans le prolongement de la théorie aristotélicienne des substances et des propriétés (p. 15-25). Il souligne l’importance de la contribution husserlienne à la théorie des touts et des parties, prétend que son œuvre va au-delà de la méréologie traditionnelle et représente « la plus importante contribution individuelle à l’ontologie réaliste (aristotélicienne) de l’époque moderne » (p. 37). En insistant sur l’aspect ontologique de la théorie de Husserl et en soulignant que ses formulations les plus formelles sont des relations de dépendance, Smith est capable de tirer de cette théorie telle qu’elle est exposée dans la 3eRecherche beaucoup de conséquences importantes, montrant qu’elle a des implications bien au-delà de la relation entre ce qu’on pense habituellement en termes de touts et de parties (par exemple pour définir une personne à partir de sa fonction dans une organisation sociale plus vaste, ou pour des relations qui se déterminent mutuellement, telles que mari et femme). Toutefois, en montrant comment à la suite de Husserl on peut utiliser la notion de dépendance pour traiter un certain nombre de problèmes ontologiques difficiles, Smith donne l’impression que la 3eRL est expressément conçue pour traiter de tels problèmes (cf. en particulier p. 39 sq). Les exemples utilisés par Husserl indiquent plutôt qu’il était surtout préoccupé dans la 3eRecherche par les problèmes traditionnels des touts et des parties ainsi que par la notion traditionnelle de fondation ontologique dans les objets concrets, et qu’il continuait à penser qu’étaient paradigmatiques pour de telles fondations ultimes ce qu’on a traditionnellement considéré comme des substances (c’est-à-dire des objets corporels). Smith ne voit pas que Husserl fait un usage ambigu de la notion de dépendance (et donc de fondation) et attribue ainsi à Husserl une approche beaucoup plus cohérente et prometteuse d’un point de vue systématique que ce que justifie selon moi la 3eRecherche (surtout si on la rapproche de la 6e). En réalité, si l’interprétation par Smith de la 3e Recherche était correcte, Husserl ne pourrait pas identifier ce qui est ontologiquement fondamental avec ce qui est gnoséologiquement fondamental au sens de la 6eRecherche, comme il le fait dans les §§ 46 sq. de la 6eRL (cf. supra, la troisième section de cet article), puisqu’on peut difficilement regarder les organisations sociales et les épouses comme les objets d’ordre inférieur sur lesquels les membres des organisations sociales et les maris sont fondés au sens de la 6eRL. En outre il est même difficile d’imaginer comment Husserl aurait pu concevoir un époux comme le concretum dans lequel l’autre époux en tant qu’abstractum est fondé au sens de la 3eRL. De tels cas sont plus proches de la relation entre un roi et ses sujets, qui est pour Husserl un exemple de relation « corrélative » (II, 253) régie par des lois analytiques, et non par des lois synthétiques a priori à l’instar des relations de fondation qu’il a en tête dans la 3eRecherche. Il se peut que les formulations husserliennes les plus générales des relations de fondation en termes de dépendance générale autorisent en elles-mêmes une telle application, ou nous autorisent à regarder ces relations comme des fondations mutuelles, néanmoins l’identification par Husserl dans cette même Recherche de l’indépendant avec le concret, et du dépendant avec l’abstrait paraît l’exclure.

11 Pour la caractérisation du dépendant et de l’indépendant comme concepts relatifs, cf. II, 242.

12 II, 283 : « Or un contenu fondé dépend de la "nature" particulière des contenus qui le fondent ; il y a une loi pure qui fait dépendre le genre du contenu fondé des genres, désignés d’une manière déterminée, des contenus fondateurs. En général un tout, au sens plein et au sens propre, est une connexion déterminée par les genres inférieurs des "parties". A chaque unité concrète appartient une loi. C’est d’après les différentes lois ou, en d’autres termes, d’après les différentes espèces de contenus qui doivent faire fonction de parties, que se déterminent des espèces différentes de touts. »

13 III, 5 : « A cela se rattache étroitement l’importante distinction entre objets, déterminations, ou connexions sensibles (réels) et catégoriaux, les objets catégoriaux se caractérisant par le fait qu’ils ne peuvent nous être donnés sur le mode de la « perception » que dans des actes fondés sur d’autres actes, en dernière analyse sur des actes de la sensibilité. D’une manière générale, le remplissement intuitif, donc aussi le remplissement imaginatif, d’actes catégoriaux est fondé dans des actes sensibles. (...) La distinction entre intuition simple ou sensible et intuition fondée ou catégoriale apporte toute la clarté désirable à la vieille opposition régnant sur la théorie de la connaissance entre sensibilité et entendement. »

14 Cf. III, 24 sq, pour l’équivalence entre intention remplie et connaissance.

15 Gian-Carlo Rota a défini en général la Fundierung comme un certain type de relation de dépendance. Cf. l’article « Fundierung » in Id., Phénoménologie  discrète. Ecrits sur les mathématiques, la science et le langage, tr. fr. par C. Majolino et A. Lanciani, Beauvais, Mémoires des Annales de Phénoménologie, 2005, p. 27-34.

16 Cf. note 14.

17 Cf. sur ce point 3eRL, § 8 (II, 243 sq) et 2eRL (II, 223).

18 Les premières lignes de De la synthèse passive, tr. fr. par B. Bégout et J. Kessler, Grenoble, Millon, 1998, indiquent les problèmes qui nous attendent si l’on se fie aux prétentions de la perception externe : « La perception externe est une prétention permanente à effectuer quelque chose qu’elle est de par son essence hors d’état d’effectuer » (p. 95). Husserl rejette l’idée même d’une présentation complète et adéquate des objets physiques.

19 Cf. comme exemple d’une telle approche le § 50 de la 5eMéditation cartésienne, où l’expérience la plus fondamentale, celle sur laquelle se fonde mon expérience de l’autre, est la rencontre d’un Körper qui au sein de la sphère primordiale n’est pas directement, mais seulement par analogie, doté du sens de Leib. D’un autre côté, dans le même paragraphe, Husserl est soucieux de montrer que l’aperception du corps de l’autre comme Leib n’est pas un raisonnement par analogie : nous ne voyons pas d’abord un Körper pour ensuite conclure – sur la base d’une analogie – que c’est aussi une Leib, mais nous le percevons immédiatement et directement comme Leib « d’un coup d’œil », nous dit Husserl. Pourtant il continue à voir dans tout ceci le résultat d’une Urstiftung <première fondation> depuis laquelle j’en suis venu à accorder habituellement à certains types de Körper le statut de Leiber, de sorte que l’expérience des Körper est toujours première en vertu de sa constitution génétique, c’est-à-dire d’un point de vue gnoséologique. Cf. Edmund Husserl, Méditations cartésiennes, tr. fr. par M. De Launay, Paris, PUF, 1991, p. 158-160 (dorénavant MC).

20 « La chair (Leib) étrangère, telle qu’elle apparaît dans ma sphère primordiale, est d’abord un corps physique (Körper) dans ma nature primordiale » (MC, op. cit. § 55, p. 170).

21 « Si nous nous en tenons à l’expérience factuelle d’autrui, telle qu’elle se produit chaque fois, nous constatons que c’est effectivement le corps (Körper), perçu par notre regard, dont nous avons l’expérience comme étant le corps (Körper) de l’autre, et non simplement comme un indice de l’autre » (Ibidem).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thomas Nenon, « Deux modèles de fondation dans les Recherches logiques », Methodos [En ligne], 9 | 2009, mis en ligne le 20 février 2009, consulté le 06 mars 2014. URL : http://methodos.revues.org/2186 ; DOI : 10.4000/methodos.2186

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Auteur

Thomas Nenon

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