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Le statut juridique des enfants métis nés en Afrique Occidentale Française de parents inconnus : Entre idéalisme républicain et turpitudes coloniales
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Études

Le statut juridique des enfants métis nés en Afrique Occidentale Française de parents inconnus : Entre idéalisme républicain et turpitudes coloniales

The Legal Position of Mixed-Race Children Born in French Western Africa of Unknown Parents: Between Republican Idealism and Colonial Turpitudes
Mamadou Badji
p. 257-283

Résumés

Le métissage, lié au contact colonial, s’entend ici des croisements « hors des liens du mariage » entre Européens et Noirs, résultant de la présence française en Afrique Occidentale. Le statut des enfants métis issus de ces unions illustre, à hauteur d’un cas d’école, comment le droit construit ce qui, aujourd’hui, prend l’appellation juridique de discrimination.

L’auteur étudie cette « question métisse » à la lumière du droit colonial : la place des métis dans l’empire colonial français pose problème : sont-ils des citoyens ou des sujets indigènes ?

Les débats ont été passionnés tant du point de vue ethnologique que juridique avec notamment le fait que la notion de « race » s’est retrouvée reconnue dans les textes juridiques.

The Legal Position of Mixed-Race Children Born in French Western Africa of Unknown Parents: Between Republican Idealism and Colonial Turpitudes

Colonial dominations have always given way, from a demographical point of view, to “mixed-raced” populations who have difficulties to be categorized by legal classifications: are they true or second-class citizens? This article analyzes the situation in colonial Western French Africa (AOF), showing the fact that the notion of race has been recognized in order to give a place to children, born outside marriage ties, from unions between Europeans and Black people. Through the analysis of legal texts and judicial precedents, the author shows how the colonial law has created what could be considered nowadays as discrimination.

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Texte intégral

  • 1 M. Delafosse, « Note relative à la condition des métis en AOF », in Session de l’Institut colonial (...)

1Depuis que les premières intuitions des anthropologues et des ethnologues ont montré que l’esprit humain semble éprouver, pour des raisons toutes autres que scientifiques, l’irrépressible besoin de classification, diverses études ponctuent la recherche universitaire sur ce thème particulièrement fertile. Maintes fois observé dans l’histoire, le besoin de classer plonge ses racines dans la nécessité politique et sociale de se distinguer d’autrui et, ainsi, de forcer les distinctions, prélude aux actes discriminatoires. Cette nécessité est d’autant plus active quand elle s’appuie sur des considérations raciales. La plupart des travaux consacrés au phénomène du métissage1 au XXe siècle sont à cet égard très révélateurs.

2Ce sont des leçons de l’histoire que l’on apprend, comme en témoigne en Afrique Occidentale Française (AOF) la question des enfants métis nés de parents inconnus. Le statut de ces enfants illustre, à hauteur d’un cas d’école, comment le droit construit ce qui, aujourd’hui, prend l’appellation juridique de discrimination.

3Le décret du 5 novembre 1928 sur les métis nés de parents inconnus en AOF et ses avatars dans les autres colonies est le texte de base en la matière. Il introduit la race comme condition de la citoyenneté française ; l’innovation de ce texte juridique réside dans le fait que son application est ici limitée à la population des enfants issus du métissage.

4Le métissage peut être défini comme l’union entre Blancs et Noirs, Blancs et Jaunes et entre Jaunes et Noirs, c’est-à-dire comme le mélange des grands groupes de couleur entre lesquels se répartit l’espèce humaine. Cette acception du mot métissage renvoie à un élément social omniprésent, le Blanc. Sous ce rapport, le métissage est lié au contact colonial et dans le cadre de ce travail, il s’entend des croisements « hors des liens du mariage » entre Européens et Noirs,  résultant de la présence française en Afrique occidentale.

  • 2 Voir en particulier P. Bessaignet, in Encycl. univ. T. 15, 1989, p. 226.
  • 3   Les études des anthropologues  ont au demeurant intégré cette donnée. Voir H. Neuville, L’espèce, (...)

5Ce phénomène est, en ce qui concerne cette partie de l’Empire, jusque-là appréhendé à partir d’une analyse par trop descriptive.  En effet, les études consacrées à ce fait social occultent les causes profondes qui lui donnent sa pleine cohérence. Certes, il n’a pas échappé à certains auteurs2 que c’est un phénomène social  autant, et même plus, qu’un phénomène physique, mais les chercheurs en sciences sociales ne s’attardent guère sur  les relations entre le métissage et la notion de race, volontairement absente de leur définition3.

  • 4 La doctrine moderne reconnaît que la nationalité a un fondement  politique et non  ethnique (Niboy (...)
  • 5   E. Saada, Les enfants de la colonie, Paris, éd. La Découverte, 2007, p. 14.

6Or, pendant toute la présence française en Afrique Occidentale, la couleur de peau a pu être considérée comme révélatrice d’une race. On peut objecter que le mot « race » ne correspond pas à une notion juridique précise et qu’en vérité ce n’est pas un concept auquel s’attache une signification juridique4 ; cependant la consécration d’un statut juridique propre aux « métis » s’est inscrite dans cette articulation, avec des effets de convergence ou de divergence. Comment alors rendre compte de cette irruption de la notion de « race » dans les textes juridiques ? L’inscription de ce mot dans le marbre du droit est d’autant plus surprenante que « la notion n’est pas ici utilisée à des fins exclusives, pour désigner un groupe ainsi marqué d’une altérité absolue »5. Au contraire, il s’agit d’intégrer ce groupe dans la communauté civique, en vertu de l’appartenance à une « race » qui est bien « française ».

  • 6 Il s’agit de ceux dont la filiation paternelle et maternelle n’est pas légalement, volontairement (...)
  • 7 Voir : Décret du 5 septembre 1930 déterminant la condition juridique des métis nés de parents inco (...)
  • 8 Voir entre autres : A. Girault,  « La condition juridique des métis dans les colonies françaises » (...)
  • 9 B. Durand et E. Gasparini (sous dir.), Le juge et l’outre-mer, tome 3, Lille, Centre d’histoire ju (...)

7Si la question du  statut des métis, particulièrement celle des enfants métis nés en AOF de parents inconnus6, a été réglée par divers textes7 dont l’origine et la portée ont été étudiées par d’éminents spécialistes de l’École de droit colonial8, il nous est apparu qu’en histoire du droit nous manquions, jusqu’à récemment9, d’une analyse approfondie sur le sujet, qui nous permette de progresser sur la voie de l’appréhension de l’Autre et de la gestion des différences, à l’époque coloniale.

8L’objet de la présente étude est donc d’envisager cette « question métisse », à la lumière du droit colonial.

9Figure emblématique de la discrimination, le métis se trouve classé en anthropologie avec  le banni.

10Dans les usages coloniaux, le mot métis renvoie aux individus nés hors mariage d’un père « européen » et d’une mère « indigène ». Ils pouvaient être reconnus, soit uniquement par l’un de leurs auteurs, soit par les deux. Au tournant du XIXe siècle, ils se trouveront dans la situation d’enfants illégitimes, non reconnus puis abandonnés par leur père. C’est le cas de figure le plus fréquent même si, faute de données statistiques précises, il n’est pas possible d’avancer de chiffres.

  • 10 Ministre à gouverneur général, 3 mars 1913, ANS, H 25.

11Pour tenter de saisir cette question sociale, il faut se placer sur le terrain du droit. En effet, l’analyse des textes juridiques – parfois négligée par les historiens du droit – est indispensable pour comprendre le phénomène du métissage, en raison de l’importance de la règle de droit dans les rapports sociaux. La chose est délicate, car « les métis n’ont jamais fait l’objet d’une définition juridique et la loi n’a pas établi de critérium pour les distinguer »10. Cependant, il n’est pas sans intérêt de préciser que l’état des personnes relativement à la filiation est très clairement défini par le Code civil qui opère des distinctions selon le statut matrimonial des parents (entre enfants légitimes et enfants naturels) et, pour les enfants naturels, selon qu’ils ont été reconnus auprès d’un officier d’état civil. Quant à la  catégorie d’enfants abandonnés, elle a fait l’objet d’une définition précise par la loi du 27 juin 1904 sur les enfants assistés.

  • 11 « Quand les parents sont mariés, l’enfant suit la condition du père ».

12Il résulte de ces textes que l’enfant métis né de parents inconnus est celui qui, juridiquement, n’a pas d’attaches familiales et, en vertu de l’adage patrem liberi sequuntur11, qui domine le droit de l’époque, faisant de l’enfant légitime l’héritier de son père, le métis illégitime et non reconnu ne jouit pas du droit de cité, il suit la condition de sa mère.

13 C’est la combinaison de ce défaut d’affiliation à l’institution familiale et à la nation qui donne toute son acuité à la « question métisse ».

  • 12   H. Sambuc, « De la condition juridique des enfants nés en Afrique de parents légalement inconnus  (...)

14Les métis, en AOF, étaient classés d’après des nuances d’épiderme, ou plus généralement, d’après des notions ethnologiques. C’est qu’en AOF, les autorités administratives s’attachent plus à établir l’infériorité juridique de ces métis (par une stratégie d’exclusion), dès l’instant que ces derniers sont, au moins pour partie, d’origine indigène, qu’à leur attribuer la nationalité française. Le statut de citoyen français cependant les appelait. Ainsi, après une longue maturation intellectuelle, sous l’influence de la jurisprudence indochinoise, appliquant la doctrine Sambuc12, et de quelques juristes, la réglementation a fini par intervenir.

15Au demeurant, une observation attentive des faits montre que la pratique administrative de gestion locale des interactions entre les individus transforme le contenu de la réglementation en une stratégie coloniale d’exclusion et de cantonnement des enfants métis.

16Il est alors facile de saisir les enjeux des débats sur le statut juridique des métis. Le rôle du père dans la reproduction sociale aux colonies en est bien le principal enjeu.

  • 13 E. Saada, Les enfants de la colonie, op.cit., p. 81.

17Ces débats culminent en 1920, avec l’intervention de l’État qui doit, par le biais de l’institution judiciaire, décider si l’enfant doit ou non « prendre la race » de son père. Comme le note Emmanuelle Saada, « cette évolution s’accompagne d’une profonde inflexion de la signification de la notion « de race ». La première position qui fait du père le maître de l’appartenance raciale s’appuie sur une acception ancienne du mot, celle de lignage sous l’Ancien Régime. Les considérations ultérieures supposent une « race » qui n’est plus une propriété familiale, à la disposition du père, mais un attribut collectif de la nation, enjeu de l’intervention de l’État »13. La nécessité d’intervenir s’impose donc progressivement dans les colonies à partir de la première décennie du XXe siècle.

18Après une présentation générale de la problématique, le sujet sera abordé sous deux angles différents : d’une part, il sera question d’envisager la manière dont le droit construit l’exclusion des métis ; d’autre part, il conviendra de présenter les ressorts à l’origine du progrès enregistré dans l’amélioration du sort des métis.

La traduction juridique du problème

19La question métisse a été saisie par le droit. En vérité, l’existence de métis reconfigure les catégories fondamentales du droit colonial de la nationalité, et particulièrement celles de « citoyen » et de « sujet ».

20Le texte de base auquel il faut se référer relativement à la condition des métis nés de parents inconnus, aux colonies, est l’article 8, 2°, du Code civil déclaré applicable, après modification, par le décret du 7 février 1897. Cet article dispose : « Est Français : 1° tout individu né en France de parents inconnus, 2° tout individu né aux colonies de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue ».

  • 14   A. Girault, « La condition juridique des métis dans les colonies françaises », op.cit. , p. 124 - (...)

21Si on s’en tient à une lecture littérale de ce texte, le sort des métis dont le lien juridique n’a été établi ni à l’égard du père ni à l’égard de la mère se trouve résolu. Ces métis seraient tous Français14 ; mais on conçoit bien que cette solution défie le bon sens « colonial » dans la mesure où elle aboutissait à transformer en citoyens français, une multitude d’enfants métis nés, aux colonies, de parents inconnus mais dont la qualité indigène ressort à l’évidence de leur apparence physique.

22D’ailleurs, il n’échappe pas aux spécialistes du droit colonial qu’un tel résultat n’était pas recherché par les rédacteurs du décret du 7 février 1897 rendant applicable aux colonies avec quelques modifications, une série d’articles du Code civil modifiés par la loi du 26 juin 1889 et dont l’article 17 édictait que les dispositions susvisées du Code civil n’étaient pas applicables aux indigènes.

23Les distorsions entre ces textes et l’interprétation qui en est donnée, aussi bien par l’administration que le juge, se conjuguent alors pour maintenir les enfants métis nés de parents inconnus, dont l’un des auteurs est d’origine indigène, dans une situation d’insécurité par rapport à leur droit de cité.

Les aspects juridiques d’une question sociale

24La place des métis dans l’empire colonial français pose problème : sont-ils des citoyens ou des sujets indigènes ? Les termes du débat achoppent en vérité sur la qualification juridique du lien familial : seule la condition des métis nés hors mariage est en question ; si les parents sont mariés, l’enfant est Français, en vertu d’une conception dominant le droit de l’époque. La chose présente plus de difficulté, s’agissant des métis illégitimes. Jadis considéré comme indéterminé, le statut de ces enfants a suscité de longues controverses juridiques. C’est le cas dans diverses hypothèses où l’enfant est reconnu par son père français de « plein droit ». L’article 8 du Code civil modifié par la loi de 1889 prévoit que l’enfant illégitime né de parents qui n’ont pas la même nationalité suit, le cas échéant, la condition de celui qui l’a reconnu. Si les deux ont fait cette démarche, la reconnaissance peut être simultanée (l’enfant suit alors la condition de son père) ; dans le cas contraire, l’enfant obtient la nationalité de celui qui l’a reconnu en premier.

25Dans les colonies, le débat portant sur l’application des règles du Code civil en matière de nationalité aux enfants illégitimes est âpre, comme le seront les modalités juridiques de la reconnaissance d’enfants : dans le contexte colonial, l’application par analogie des règles du Code civil en matière de nationalité a pour effet non seulement de créer un lien de parenté mais aussi de transformer un individu de sujet en citoyen. Cet enjeu, fondamental pour l’État, se déplace et le débat se concentre sur le cas des enfants nés de père inconnu. La prise en compte de leur condition se fit en plusieurs étapes, que nous allons maintenant examiner.

  • 15 Cf. P. Gossard, Etudes sur le métissage principal en AOF, op. cit. p. 139-143.

26En combinant l’article 17 du décret du 7 février 1897 avec l’article 8, 2°, du Code civil, il apparaît que l’article 8, 2°, du Code civil n’est applicable qu’aux enfants présumés français ou d’une nationalité étrangère assimilée15.

  • 16   J.O. RF, 15 novembre 1928, rectifié par erratum (JO RF, 23 février 1929).
  • 17 L’article 26 de ce texte, en effet, dispose que «  les dispositions  du présent décret ne s’appliq (...)

27Cet article ne saurait être invoqué par les enfants métis nés de parents inconnus, dès l’instant qu’ils apparaissent comme étant d’origine indigène. Leur problème restait donc entier malgré le décret du 5 novembre 192816, fixant, sauf en ce qui concerne les indigènes17, les conditions de jouissance des droits civils, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la qualité de Français dans les colonies autres que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion.

  • 18   Dareste 1932.I. 64.
  • 19 Dareste 1932.I.64.
  • 20   J.O.RF, 19 septembre 1936. Décret promulgué par arrêté gubernatorial du 21 octobre 1936 (J.O.RF, (...)

28C’est ainsi que la condition juridique des enfants métis nés, aux colonies, de parents légalement inconnus avait été fixée, en AOF par le décret du 5 septembre 193018, dans la colonie de Madagascar et ses dépendances par le décret du 21 juillet 193119, et en Afrique Équatoriale Française par le décret du 15 septembre 193620.

  • 21   Ce texte reproduisait mutatis mutandis les dispositions du décret du 21 juillet 1931 relatif à la (...)
  • 22 Les autorités politiques et administratives évitent de recourir, ici, à un critère purement racial (...)

29Avec le décret du 15 septembre 193621, les pouvoirs publics parachèvent l’œuvre qu’ils avaient commencée en Indochine et poursuivie en AOF22.

30Au demeurant, l’application de la réglementation française en AOF a été sinueuse. Ce décalage entre les faits et le droit est un retour à la situation antérieure.

  • 23 Délibération relative à l’accession des enfants métis des colonies nés de parents légalement incon (...)
  • 24 Ibid.

31De fait, entre le 11 novembre 1928, date de la promulgation en AOF du décret du 5 novembre 1928, et le 14 novembre 1930, d’une part, le 21 juillet 1931, d’autre part, aucun texte ne règlementait les conditions d’obtention ou de reconnaissance de la citoyenneté pour les métis en AOF et à Madagascar. Cette situation a du reste suscité la désapprobation de  la cour d’appel de l’AOF, le 21 mai 192723. Réunie en chambre du conseil, aux fins de délibérer sur la question du statut juridique des enfants métis nés de parents inconnus, dans les colonies de l’AOF, la cour d’appel fait observer que sur la question du statut des enfants métis nés de parents inconnus, le législateur a conservé un silence absolu et que « l’ignorance par la loi de leur existence, qui est un fait indiscutable, a eu pour conséquences fâcheuses de graves hésitations de la jurisprudence chaque fois que le problème de leur statut s’est posé »24.

  • 25 La stratégie consiste à ne traiter le problème  que sous son aspect humanitaire, celui de l’assist (...)

32Même si ces hésitations marqueront et pour longtemps, les limites de toute intégration des enfants métis dans la communauté civique française25, il n’est pas sans intérêt de préciser que dans la plupart des cas, le juge s’est attaché à fonder sa décision sur des considérations d’équité, de pragmatisme et de rationalité.

33L’intervention des juges défiait le bon sens de l’administration dont l’atermoiement face à la demande des enfants métis nés de parents inconnus, tendant à la reconnaissance de leur qualité de citoyen français, se révélait à la longue particulièrement injustifié.

  • 26   Circulaire ministérielle du 5 janvier 1928 relative à l’incorporation des métis, ANS, 23 G /22. C (...)

34Étant en situation d’attente, ces enfants espéraient qu’une règlementation viendrait transformer leur sort. En 1928, une circulaire ministérielle26 relative à l’incorporation dans les corps français des métis non reconnus tentait d’y répondre. Ainsi, les métis nés de parents inconnus et remplissant les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 12 de la loi sur le recrutement de l’armée française, pouvaient recevoir application des dispositions de ce texte, sous réserve de :

35– déclarer à partir de l’âge de 18 ans ou, au plus tard à l’époque de la révision, leur intention de solliciter le moment venu, à l’âge légal la naturalisation française ;

  • 27   La période de huit années est à compter à partir du moment où ces métis sont entrés dans une fami (...)

36– être élevé depuis 8 ans au moins27 dans une famille ou école française.

37La déclaration d’intention est remise à l’administration de la province de la résidence en double expédition et sur papier libre au plus tard à la date de publication des tableaux de recensement de la classe d’âge des intéressés : un exemplaire est conservé dans les archives de la colonie, le deuxième étant adressé à la direction des affaires politiques du ministère des Colonies. Lorsque ces métis ainsi incorporés atteindront l’âge légal de 21 ans, les commandants des bureaux de recrutement leur réclameront, par l’intermédiaire du chef de corps, une demande de naturalisation ou, suivant le cas, l’accession à la citoyenneté française. La demande est instruite puis transmise au ministre des Colonies.

38Si la naturalisation ou l’octroi de la citoyenneté française est conférée, le métis est alors soumis à toutes les obligations militaires des Français de sa classe d’âge. S’il ne défère pas à l’invitation à lui adressée de formuler sa demande de naturalisation ou d’admission à la jouissance de ses droits civils et politiques, ou en cas de rejet ou d’ajournement de la demande qu’il a formulée, l’intéressé est admis soit à demander sa libération, soit à achever intégralement la durée des obligations militaires imposées aux jeunes Français de la classe avec laquelle il a pris part aux opérations de recrutement.

39Certes, l’incorporation au service militaire peut, dans une certaine mesure, faire accéder les métis à la jouissance de leur droit de cité ; mais la question de leur statut juridique est ici traitée par prétérition. Or elle appelle des solutions durables de la part du législateur. Mais celui-ci se borne à reconnaître à « tout individu né sur le territoire de l’Afrique Occidentale Française de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, (et) présumé d’origine française ou d’origine étrangère de souche européenne » le droit d’obtenir des tribunaux ordinaires la reconnaissance de la qualité de Français (article 1).

  • 28 Aucune réserve n’est apportée en ce qui concerne l’ascendant « d’origine française », mais, en ce (...)

40L’action ainsi ouverte aux demandeurs, comme le dit expressément l’article 6 du décret, est une action en reconnaissance d’état, dans le sens de l’article 326 du Code civil. Dès sa naissance, l’intéressé est citoyen28. Il revendique cette qualité et le jugement qui la lui reconnaît est, non pas attributif, mais déclaratif.

  • 29   Recueil Dareste 1929. I. 160.

41Le texte du décret est par ailleurs muet sur une question de droit qu’on ne saurait éluder sous peine de méconnaître l’objet des revendications des métis : en vertu de quelles dispositions juridiques l’intéressé, agissant en reconnaissance de la qualité de Français, est-il Français ? L’article 2 du décret du 5 novembre 192829 précité est visé par le décret du 5 septembre 1930 reprend le principe posé par le Code civil selon lequel, est Français : « (…) tout individu né aux colonies de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue ». Tel est le principe. Il n’est cependant pas sans intérêt d’ajouter que l’article 26 du décret du 5 novembre 1928 contient une réserve, celle du décret du 7 février 1897, au terme duquel les dispositions du décret ne s’appliquent pas aux indigènes et assimilés. C’est dire que l’enfant métis né en AOF de parents inconnus est Français à moins qu’il ne soit d’origine indigène, c'est-à-dire de race indigène par ses auteurs. Or les enfants métis dont l’un au moins des parents est d’origine non indigène ne sont pas indigènes. Ils échappent, par conséquent, à la réserve émise par l’article 26 du décret du 5 novembre 1928 et sont soumis, dès lors, aux dispositions de l’article 2, 7° de ce décret ; ils sont Français.

  • 30 P. Gossard, Etudes sur le métissage principalement en AOF, op. cit., p. 143.
  • 31   Circulaire n° 52 P.G., du 10 avril 1931, ANS, 23 G/22.

42C’est sur cette base nous semble-t-il qu’il faut interpréter le décret du 5 septembre 1930, bien que cela ne résulte d’aucune disposition expresse. En avoir une lecture différente équivaut à accepter un déni de justice et, pour l’AOF, « une régression quant au statut des métis nés de parents légalement inconnus »30, autrement dit une situation préjudiciable à la reconnaissance de leur qualité de Français, à la revendication de cette qualité comme leur appartenant. Selon le procureur général près la cour d’appel de l’AOF, la reconnaissance de la qualité de Français telle qu’elle est statuée par le décret du 5 septembre 1930, résulte non d’une mesure administrative mais d’une reconnaissance judiciaire, après une enquête qui, dans les faits, cherche à établir si le père ou la mère demeuré légalement inconnu est d’origine française ou étrangère de souche européenne, ou si le requérant bénéficie de la possession d’état31. Le texte indique seulement que l’action est portée devant la cour d’appel, sans préciser autrement les règles à suivre, ni les preuves à fournir. Les termes employés par le législateur montrent, cependant, d’une façon claire, qu’il n’est pas question de permettre aux métis non reconnus de prouver une filiation naturelle ou adultérine dont la preuve reste interdite. Il ne s’agit que de présomptions qui peuvent être établies par tous les moyens.

  • 32 La cour d’appel doit en effet désigner un tuteur aux mineurs à qui le droit de cité a été reconnu. (...)

43En vue de permettre au requérant d’établir cette présomption et pour que la cour d’appel soit saisie de dossiers complets, le parquet dont les conclusions sont d’ailleurs nécessaires, doit intervenir. Son intervention directe est prévue lorsqu’il s’agit de mineurs32. Mais même en dehors de ce cas, le parquet doit recueillir tous les renseignements et documents fournis par les intéressés et les transmettre au parquet général.

  • 33 Selon le procureur général, s’agissant plus particulièrement des mineurs, il s’agira d’appliquer l (...)
  • 34 Les frais de la procédure incombent au requérant, soit que la demande ait été présentée par le mét (...)

44Si le requérant, après avoir obtenu le certificat de possession d’état saisit directement la cour d’appel et si le dossier ne contient pas une preuve suffisante de la présomption d’origine française ou étrangère de souche européenne, les pièces seront transmises au parquet par les soins du procureur général prés la cour d’appel de l’AOF. Il appartiendra alors au procureur de la République de convoquer l’intéressé, ou s’il est mineur la personne ayant la qualité pour agir à son nom aux termes de l’article 6 du décret, et de l’inviter à lui fournir les renseignements nécessaires (par lettre et écrits divers ou par témoins)33. Il en est dressé un procès-verbal qui est transmis ensuite au parquet général. Si le requérant s’adresse34 au contraire au procureur de la République, celui-ci doit, avant toute transmission du dossier au parquet général, chercher à établir si la présomption de l’origine européenne est fondée. Les éléments d’appréciation résident dans le nom porté par le requérant, dans sa formation, dans son éducation et sa culture françaises et aussi dans la situation qu’il occupe dans la société.

  • 35   Il s’agit de la reconnaissance, par un ascendant étranger, d’un métis admis au bénéfice du décret (...)
  • 36   Ainsi serait-il d’une déclaration de reconnaissance faite devant un notaire ou devant un magistra (...)
  • 37 Procureur général près la cour d’appel, chef du service judicaire de l’AOF, à gouverneur général 3 (...)
  • 38 L’application de ce principe que la reconnaissance par un indigène ne peut diminuer le statut du m (...)

45En ce qui concerne la reconnaissance volontaire prévue par l’article 9 du décret du 5 septembre 193035, elle n’a aucun effet sur la nationalité de l’enfant métis admis au bénéfice du décret « et, même, ne peut être transcrite sur les registres de l’état civil, si elle n’a été préalablement homologuée par la cour d’appel36. Par contre, la reconnaissance volontaire émanant d’un ascendant étranger, lorsqu’elle a été régulièrement homologuée est susceptible de faire perdre au mineur la qualité de citoyen français acquise en vertu du décret »37. Il ne s’agit naturellement que de la reconnaissance d’un enfant métis par un ascendant étranger de statut européen. La reconnaissance d’un enfant métis, par un ascendant étranger, de statut indigène, n’est pas susceptible de modifier le statut français de pleine citoyenneté accordé à l’enfant métis38.

  • 39 Président de la Mutualité des métis du Soudan à gouverneur général de l’AOF, 25 février 1944, ANS, (...)

46Le décret du 5 septembre 1930 avait suscité de nombreuses réactions. À commencer par celles des métis eux-mêmes. En effet, devant les conséquences prévisibles de son application, le président de la Mutualité des métis du Soudan39 avait demandé, le 17 février 1944, une application libérale des dispositions de l’article 3 du décret, en faisant ressortir une distinction entre l’accession au droit de cité et la reconnaissance de la qualité de Français aux métis  nés de parents légalement inconnus. L’accession au droit de cité est la sanction d’une évolution autant que la récompense des efforts des autochtones pour se rapprocher de la civilisation européenne. C’est donc une faveur quant à la reconnaissance de la qualité de Français aux métis nés de parents inconnus, elle est la sanction juridique d’un état de fait et la réparation d’une « omission ». C’est, semble t-il, un droit.

47Si dans le premier cas, l’enquête administrative porte sur le degré d’évolution en tant que base d’appréciation, dans le second cas il semble qu’elle doit s’attacher uniquement à faire la preuve de l’origine européenne. Selon le président de cette mutualité, la formation, l’éducation et la culture reçues ne sont que des éléments permettant d’arriver à cette preuve. C’est ainsi que le nom que porte le métis, la manière dont il est traité par la société sont d’autres éléments concourant à l’administration de la preuve de l’origine. S’il devait en être autrement une législation spéciale n’eut pas été nécessaire pour régler la condition juridique des métis auxquels la loi sur l’accession des indigènes à la qualité de Français eut été appliquée purement et simplement.

  • 40   Gouverneur du Soudan à président de la Mutualité des métis du Soudan 24 février 1944, ANS,
    23 G/22 (...)

48Le gouverneur du Soudan n’avait pas cru devoir considérer cette question avec bienveillance40.

49La circulaire du procureur général du 9 décembre 1931 précitée, infirmant le point de vue de l’administration, déclare que si les renseignements sur l’origine européenne du requérant sont favorables, ils sont suffisants pour que le tribunal ne soit pas autorisé à refuser la reconnaissance de la qualité de Français sollicitée.

50Elle précise que la manière dont le requérant a été élevé ou ses antécédents moraux ne peuvent exercer aucune influence sur la décision judiciaire ; de nombreux arrêts seront rendus dans ce sens par la cour d’appel.

51Mais le comportement de l’administration et sa volonté d’ôter toute portée au décret du 5 septembre 1930 n’avaient pas tardé à se faire jour et à limiter les droits des requérants, lorsqu’ils sont d’origine indigène ou lorsqu’ils sont nés de parents étrangers de souche non européenne.

Les distorsions entre le droit et les faits

  • 41 Voir A. Girault, « Supplément au rapport présenté au conseil de législation coloniale sur les répo (...)

52Dès 1928, la tendance des autorités politiques et administratives de l’AOF à refuser d’établir la reconnaissance de la qualité de Français aux métis nés de parents inconnus par la voie judiciaire était manifeste. Et c’est le gouverneur général qui allait donner de son opinion les raisons suivantes : selon lui les inconvénients à permettre aux métis de se faire reconnaître la qualité de citoyen français par la voie d’une action en justice en dehors de tout contrôle de l’administration sont nombreux41.

53Si l’autorité judicaire a seule qualité pour trancher les questions d’état et, partant, pour déclarer l’ascendance blanche des intéressés, par contre quel que soit le sens politique que puissent apporter des magistrats dans leur fonction, ceux-ci sont sans conteste moins à même que l’administration d’apprécier si les postulants majeurs présentent des qualités morales et intellectuelles, un passé, une formation leur assurant des façons d’être et de sentir qui les rendent dignes d’être rattachés à la société française. En outre, il peut être reproché aux juges de procéder dans la plupart des cas par enquête sur délégation ; ils ne peuvent pas donc se former une opinion sur pièce sans connaissance personnelle des personnes ; l’administration au contraire dont les moyens d’investigation sont des  plus étendus est à même d’apprécier des incidents d’ordre politique au cours desquels l’attitude des postulants pourrait être de nature à exercer une influence  sur la recevabilité des demandes.

  • 42   Lieutenant gouverneur à gouverneur général, 3 août 1932, ANS, 23 G/22.

54Pour sa part, le gouverneur de la Côte-d’Ivoire42 n’a pas manqué de souligner, dans une lettre datée du 3 août 1932, les difficultés soulevées par l’application des dispositions du décret du 5 septembre 1930 en matière d’instruction des requêtes présentées  par les métis originaires de l’AOF, en mettant en cause notamment la nature et l’étendue de la délégation consentie aux procureurs de la République.

  • 43   Lieutenant gouverneur général de la Guinée française à gouverneur général de l’AOF, 20 juillet 19 (...)
  • 44 Gouverneur général à lieutenant gouverneur de la Guinée française, 3 juin 1935, ANS, 3M 50 (184). (...)

55Le gouverneur de la Guinée française exprime de son côté des scrupules quant à la délivrance du certificat de possession d’état, non sans demander l’avis du gouverneur général sur la question43. Ce dernier, tout en faisant remarquer que la possession d’état est une situation de fait qui résulte notamment du nom que porte l’enfant, de la manière dont il a été élevé, de la façon dont il est traité par la société, n’en recommande pas moins de vérifier les présomptions concernant son ascendance européenne. En effet, précise le gouverneur général, « le rôle de l’administration n’est pas d’examiner si le postulant présente des garanties spéciales de moralité et de valeur professionnelle ; une condamnation pénale même ne saurait motiver un refus de délivrance du certificat de possession d’état »44.  

  • 45 Gouverneur général par intérim de l’AOF aux lieutenants gouverneurs des colonies du groupe et à mo (...)

56La circulaire du gouverneur général par intérim de l’AOF du 10 septembre 193645, au sujet de l’instruction des demandes de certificats de possession d’état présentées par les métis de parents inconnus, fait ressortir des distorsions graves entre la réglementation française et l’application qui en est faite par les lieutenants gouverneurs des colonies. Signalant les dispositions qui ont donné lieu à interprétation divergente, le gouverneur général par intérim les reprend en en donnant une lecture qu’il estime conforme à l’esprit des textes. Ainsi, s’agissant de l’enquête devant déboucher sur la délivrance du certificat de possession d’état, il attire l’attention des lieutenants gouverneurs sur l’objet de celle-ci : en effet, l’enquête doit porter sur la vérification d’un certain nombre de renseignements, à savoir la manière dont le postulant a été élevé par les personnes qui l’ont recueilli, sur la manière dont il est ou a été traité par la société, sur sa formation, son éducation, sa culture, sa mentalité, ses tendances.

57Toutefois, la mentalité et les tendances ne figurent pas parmi les éléments constitutifs de la possession d’état mentionnée à l’article 3 du décret du 5 septembre 1930.

  • 46   Ibid.
  • 47   H. Sambuc « De la condition juridique des enfants nés en Afrique occidentale de parents légalemen (...)

58Les mentions relatives à la mentalité et aux tendances n’ont été ajoutées dans l’arrêté du gouverneur général du 14 novembre 1930 que pour permettre à l’autorité administrative de fonder sa décision sur un élément complémentaire d’appréciation, dans les cas douteux où elle hésiterait à reconnaître que les conditions essentielles sont pleinement remplies. C’est donc à titre exceptionnel qu’elle peut en faire état46. En pratique, l’administration dispose là d’un « droit de veto », critiqué à juste titre par la doctrine, notamment par H. Sambuc47. Or l’admission des métis à la « cité française » dépend essentiellement de la condition qui leur est faite.

  • 48   C. Rollet-Echallier, La politique à l’égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, (...)
  • 49 E. Saada, « Parenté et citoyenneté en situation coloniale », Paris, Politix n°66, 2004, p. 110. (...)
  • 50 E. Saada, Les enfants de la colonie : les métis de l’Empire français entre sujétion et citoyenneté (...)

59Envisagée au tournant du XXe siècle comme une « question sociale » de prime importance, « dont les contours sont largement empruntés au problème de « l’enfance illégitime »48 dont on se soucie alors beaucoup en métropole »49, la question métisse devient très vite une affaire politique50. Celle-ci touche tous les territoires de l’AOF. Peu nombreux, à l’origine, le nombre des métis va se multipliant et l’autorité administrative n’est plus en droit de les ignorer.  

  • 51   Rapport du directeur des affaires politiques et administratives au directeur du cabinet du gouver (...)
  • 52 Lieutenant gouverneur de la Guinée française à gouverneur général de l’AOF, 5 août 1935, ANS,
    23 G/ (...)

60En AOF, où leur nombre est estimé à près de 3017 individus lors du recensement de 193451, la pratique qui a prévalu a consisté  à prévenir les cas d’accession frauduleuse à la citoyenneté française par des arguments divers et souvent spécieux. Ainsi, il est apparu que certains lieutenants gouverneurs de colonies avaient refusé de donner satisfaction aux métis désireux de faire ajouter à leur nom, dans les certificats de possession d’état qui leur sont délivrés par application du décret du 5 septembre 1930, la mention « dit » suivie du surnom européen sous lequel ils sont généralement connus52.

  • 53   Décret du 7 novembre 1930, Penant 1931. III. 55
  • 54 Directeur des affaires politiques et administratives à procureur général, chef du service judiciai (...)
  • 55   Gouverneur général à gouverneur de la Guinée française 6 mars 1944, ANS, 23 G/22. Ici la demande (...)

61Plus graves sont  les lacunes de la législation relative à l’octroi de la citoyenneté française. En effet, il a été relevé de nombreux cas dans lesquels des Togolais qui ont la possibilité, s’ils sont domiciliés dans leur pays d’origine, d’accéder à la qualité de citoyenneté française53 étaient visés. Ces derniers étaient en effet privés de cette faculté, quels que soient leur mérite et l’ancienneté de leur installation, s’ils habitent le territoire de l’AOF54. Les demandes de métis dont l’un des parents est présumé de souche non européenne sont également rejetées, motif pris de ce que la question du statut de l’ascendant étranger ne paraît pouvoir être prise en considération en présence des termes du décret ; une possibilité subsiste néanmoins pour les intéressés d’accéder à la citoyenneté française lorsqu’ils remplissent les conditions édictées par le décret du 23 juillet 193755.

  • 56   Cf. E. Saada,  «  Citoyens et sujets de l’Empire français. Les usages du droit en situation colon (...)

62Si cette distinction que semblent établir les autorités politiques et administratives était tirée de la couleur, elle serait sans fondement dans le droit français : il y a dans les colonies, par suite des décrets d’admission à la qualité de citoyen, des citoyens français de couleur ; et, dans certaines des possessions françaises comme les Antilles, habitées essentiellement par des populations de couleur, tous les individus sont citoyens français56. Il semble qu’en AOF les seuls individus qui soient écartés du bénéfice du décret du 5 septembre 1930 sont « les indigènes » c’est-à-dire les originaires des colonies du groupe. L’individu qui prétend bénéficier de l’article 1 de ce décret n’a pas à faire la preuve qu’il est d’origine française ou européenne, mais seulement qu’il n’est pas d’origine indigène ou purement indigène. Il lui faudrait prouver qu’il n’est pas né non plus de parents étrangers de souche non européenne.   

  • 57 Les pères, en effet, ne reconnaissent que rarement ces enfants à l’état civil postérieurement à le (...)
  • 58   L’abandon survient quand le père quitte la colonie au terme de son engagement dans l’armée ou de (...)
  • 59 Cette loi  crée un cadre unique pour prendre en charge les enfants secourus, en dépôt, les enfants (...)
  • 60 E. Saada, « Parenté et citoyenneté en situation coloniale », op.cit., p. 110.

63On ne saurait évoquer ces distorsions entre le droit et les faits sans évoquer un problème qui lui est étroitement lié, celui de la recherche de paternité. En effet, dans la plupart des cas, ces métis naissent hors des liens du mariage (en droit, ils sont dits illégitimes). De surcroît, ils ne sont pas reconnus57 ; le plus souvent les pères les abandonnent58 à leur mère « quand ils changent de poste ou quittent la colonie (ces enfants entrent donc dans la catégorie, précisée en droit depuis la grande loi sur l’enfance de 190459, des enfants abandonnés) »60. En l’absence de naissance légitime puis de reconnaissance par le père, les métis  n’ont, sur le plan strictement juridique, aucune filiation paternelle et devront suivre le statut indigène de leur mère.

  • 61   Arrêté promulguant en Afrique occidentale française la loi du 16 novembre 1912, modifiant l’artic (...)
  • 62   H. Solus, article cité, p. 361.

64Certes, la loi du 16 décembre 1912 sur la recherche de paternité61 est, aux termes de son article 4, applicable à toutes les possessions françaises. Mais, « en considération des dangers que pourraient faire courir aux Français les revendications formulées par les enfants qui prétendraient issus de relations que ceux-ci auraient pu avoir avec des femmes indigènes »62, est ajouté à l’article 4 un second alinéa disposant que : « le pouvoir local, en promulguant la loi, aura le droit de dire qu’elle ne s’appliquera qu’au seul cas où la mère et le prétendu père seront de nationalité française ou appartiendront à la catégorie des étrangers assimilée aux nationaux ».

65L’usage de cette faculté par le pouvoir politique n’est pas uniforme. Dans certaines colonies, la recherche de paternité est interdite aux indigènes mais ouverte aux métis dont le prétendu père est français. Tel est le cas en Indochine ou en Nouvelle-Calédonie. Il en est différemment en AOF, en AEF et à Madagascar où la loi de 1912 est promulguée avec les restrictions entraînant pour les métis l’impossibilité d’intenter une action en recherche de paternité. Cette situation se prête naturellement à diverses interprétations : il s’agit d’une situation de fait. C’est un fait : il n’y a pas de lien juridique entre l’enfant et ses parents biologiques. C’est une situation et elle est par nature évolutive : l’enfant peut demeurer dans des structures d’accueil, comme retourner vivre chez sa famille maternelle, à l’adolescence notamment, comme, au cours de l’enfance, être recueilli et élevé par un orphelinat. Or l’évolution possible de ce qu’il faut bien nommer le « parcours parental » de l’enfant métis né de parents inconnus n’est pas sans rapport avec la stratégie juridique du colonisateur qui, dans sa gestion des différences, et le contrôle de l’Autre, conduit à inférioriser en permanence le statut de l’indigène. L’enfant métis né de parents de souche non européenne est ainsi, parfois, l’enfant de tous et de personne – enfant de nulle part et nulle place –, abandonné de fait, perdu dans l’absence de repère généalogique et ignoré du droit.

  • 63 Note du procureur général, 20 novembre 1939, ANS, 23 G/22.
  • 64   E. Saada, « Paternité et citoyenneté en situation coloniale », op.cit.,

66Pourtant, le droit a vocation à connaître ce problème et à répondre aux questions qu’il soulève : il s’agit d’une situation qui concerne l’ensemble du territoire de l’AOF, au point qu’il n’a pas échappé à l’attention des autorités administratives et politiques  que nombre des enfants métis étaient abandonnés par leur père et devaient être recueillis par la famille de leur mère où ils étaient appelés à vivre « dans des conditions primitives absolument défavorables à leur élévation sociale »63. Il ne faut donc pas s’étonner, en fait, de constater qu’au centre de ce problème se retrouve, en droit, une question très générale du droit de la filiation64 : dès lors qu’il existe une dissociation entre la procréation et la fonction parentale, comment concilier la vérité biologique et la vérité sociologique ?  S’il est vrai que le Code civil superpose souvent filiation et engendrement, filiation et vérité biologique, il attribue également une place à la filiation vécue recouvrant une réalité affective et sociale, consacrée par la notion de possession d’état. La notion de possession d’état traduit cette réalité sociologique qui correspond à la filiation vécue par l’enfant. Elle consiste à vivre comme un enfant légitime ou naturel, que cet état recouvre ou non la filiation charnelle. Il s’agit donc d’une situation de fait prise en compte par le droit.

67Le décret du 5 septembre 1930 confère à la possession d’état un rôle probatoire et un rôle touchant au fond du droit. Ainsi, les solutions apportées à la question du statut de l’enfant métis né de parents inconnus visent par cette notion de possession d’état, non seulement la constitution de la présomption du lien biologique, mais aussi la création de la filiation dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Les solutions apportées à la question du statut juridique des enfants métis

68Deux cas sont à envisager. Le premier, celui où le législateur joue un rôle créateur de filiation au bénéfice de l’enfant métis né de parents inconnus, par la consécration de la possession d’état. Le second cas concerne l’action prétorienne d’un acteur dont le rôle est non moins important, le juge. Ce dernier intervient sur la base du certificat et en présence des éléments d’appréciation relatifs à l’ascendance européenne, pour prendre la décision qu’il jugera convenable.

La consécration de la possession d’état par le législateur

69Le rôle du législateur est ici non négligeable. C’est lui, en effet, qui consacre la possession d’état pour fonder la filiation de l’enfant métis lorsque celle-ci n’est pas établie. Mais pour être déterminante, la possession d’état doit être composée d’un certain nombre d’éléments et doit revêtir plusieurs caractères.

70Définie par l’article 321 du Code civil, la possession d’état « s’établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend appartenir ». La notion trouve son origine en droit romain qui faisait une preuve de la filiation de la réunion du port du nom (nomen), du comportement parental et filial (tractatus) et de la réputation dans l’entourage (fama). Dans le Code civil, elle est la preuve de la filiation légitime qu’elle rend d’ailleurs incontestable quand elle est corroborée par le titre.

  • 65 A. Weiss, Traité théorique et pratique de droit international privé, Paris, Sirey, 1907 (2e éd.), (...)

71La notion correspond à un mode ancien d’identification des individus, antérieur à l’intervention accrue de l’Etat dans l’enregistrement et le contrôle des identités personnelles. Loin de diminuer avec le temps, l’importance de la possession d’état s’est au contraire renforcée. En droit de la famille, tout d’abord, la possession d’état, longtemps limitée à la filiation légitime, s’applique à la filiation naturelle depuis 1972. La jurisprudence puis la loi, à partir de 1961, ont tout particulièrement consacré la possession d’état comme preuve de la nationalité française65.

  • 66 A. Girault, « Rapport sur un projet de décret concernant les métis présenté au Conseil supérieur d (...)

72Dans les colonies, l’application de la notion de possession d’état est étendue à la race. Comme le souligne Arthur Girault, « on transporte ici la notion, classique en droit civil, de possession d’état, mais en l’élargissant singulièrement. Il s’agit d’une possession d’état établissant non pas la filiation, mais la race »66. La possession d’état est ici définie par une réunion suffisante de faits qui indique un lien de parenté et qui doit être continu. Les principaux éléments de la possession d’état sont énumérés par les articles 1 et 2 du décret du 5 septembre 1930 (article 311-2 alinéa 1 du Code civil) : le fait de porter le nom qui correspond à l’état que l’on prétend avoir ; la manière dont on a été élevé (tractatus ou traitement) ; le fait d’être reconnu par la société comme ayant l’état dont on se prévaut.

73En AOF, les textes séparent nettement les éléments de la possession d’état et les preuves de la race, établissant une division du travail entre l’administration et la justice, la première devant apprécier « les qualités morales et intellectuelles, le passé, la formation » des candidats à la cité et la seconde, juger de « l’ascendance blanche des intéressés ». Ici, comme à Madagascar, il s’agit d’attribuer la condition de citoyen aux seuls métis « dignes d’être rattachés à la société française ». La loi met alors à la charge de l’autorité administrative l’obligation de procéder à une enquête sur cette trilogie connue composée du nomen et, aussi, bien entendu sur l’ascendance européenne.

74Aux termes de l’article 4 du décret du 25 mai 1912 fixant les conditions d’accession des indigènes de l’AOF à la qualité de citoyen français, « la demande d’admission à la qualité de citoyen français des enfants nés de parents légalement inconnus est adressée au maire de la commune ou à l’administrateur du cercle où réside le postulant. Elle est formulée soit par l’enfant lui-même après sa majorité, soit pendant sa minorité par une société protectrice de l’enfance ou la personne qui la recueilli ». La demande est envoyée avec le résultat de l’enquête au gouverneur général de l’AOF. Ce dernier émet un avis sur la demande à lui transmise et expédie le dossier au ministère des colonies.  La procédure administrative s’achève par la publication du décret admettant l’enfant à la qualité de citoyen français. Dans le délai de trois mois à compter de sa signature, le décret d’admission au statut de citoyen français sera signifié à l’officier d’état civil compétent et mention en sera faite en marge de la transcription du jugement.

  • 67 J.O. AOF 22 novembre 1930, p. 944 -945.

75L’arrêté du gouverneur général du 14 novembre 193067 fixant en ce qui concerne le certificat de possession d’état les conditions d’application du décret du 5 septembre 1930 insiste particulièrement sur le nomen qui apparaît ainsi comme un élément déterminant.

76Au demeurant, outre les trois ordres de faits prévus par le décret du 5 septembre 1930 et par l’arrêté du gouverneur général du 14 novembre 1930, d’autres faits peuvent être retenus. Il a été par exemple prévu le cas où le domicile actuel des personnes dont le témoignage est requis serait établi hors de l’AOF. Dans cette hypothèse, les dites personnes sont simultanément sollicitées à la diligence de l’autorité qui reçoit la demande, d’adresser leurs attestations écrites au lieutenant gouverneur de la colonie du lieu de naissance déclaré. Mention doit en être faite au procès verbal. Puis le maire ou le commandant de cercle chargé de la dernière enquête transmet le dossier au lieutenant gouverneur qui statut dans les quinze jours de la réception des derniers éléments d’information (article 5 du décret du 5 septembre 1930).

77Si la possession d’état est établie, le lieutenant gouverneur délivre un certificat conforme aux modalités prescrites par l’arrêté du gouverneur général du 14 novembre 1930. Certes, la possession d’état est une notion variable et subjective tant par les éléments qui la composent que par les caractères qui la déterminent. Il n’empêche que la possession d’état traduit néanmoins une vérité autonome, au demeurant protégée pour elle-même par les textes. La règle qui l’érige en preuve de la filiation a le souci du respect d’un lien de vie créateur de l’équilibre psychologique, holistique et mental de l’enfant, et c’est précisément la reconnaissance de ce lien qui intéresse particulièrement l’enfant métis né de parents inconnus. On peut même souligner que le droit et la morale vont de pair chaque fois que la possession d’état est érigée en mode de preuve autonome et suffisant de la filiation  au nom du respect dû à la réalité affective vécue par l’enfant.

78La possession d’état apparaît ainsi comme un moyen de preuve de la filiation naturelle. Les textes prévoient deux modes de preuve extrajudiciaires : l’acte de naissance et la possession d’état. Lorsque l’enfant n’a pas d’acte de naissance, la possession d’état a un rôle probatoire particulièrement étendu.

79Une fois la possession d’état constatée, l’action en reconnaissance de la qualité de citoyen est portée devant le juge à qui il incombe d’apprécier si le requérant remplit toutes les conditions exigées par les textes pour la reconnaissance de la qualité de Français.

L’action judiciaire

  • 68   Cour d’appel de Hanoi, Aff. Victor dit « Lisier », dit « Barbiaux », 1926, Rec. Penant, I, 1927, (...)

80Les hésitations de la jurisprudence ont, à l’origine, été nombreuses Dans la première décennie du XXe siècle, alors que se forme la matrice d’un droit impérial sur les métis, les juges s’intéressent de plus en plus au statut des enfants nés de parents inconnus. Jusque là, les solutions adoptées varient d’un territoire à l’autre. Mais très vite, la cour de Hanoi, en 1926, adoptant la doctrine Sambuc, introduit la race dans la pratique judiciaire68.

  • 69 Arrêté du 14 novembre 1930 (Annexe 3), ANSOM, Aff. pol., 1637.
  • 70 M. Mazet, La condition juridique des métis, op.cit., p. 103.

81EnAOF, la rédaction du décret relatif aux métis s’inspire de considérations locales. Ici, le libellé du texte retient l’expression : enfants métis nés de parents « d’origine française ou d’origine étrangère de souche européenne »69, pour inclure tous les citoyens français et, parmi les étrangers, les seuls Blancs, à l’exclusion des Levantins. Mais la discrimination entre les citoyens sera réintroduite dans la pratique de l’administration. En effet, pour répondre à la première condition du décret, le gouverneur général établit un « certificat de possession d’état » qui garantit que l’individu est né « de père (ou mère) légalement inconnu, présumé d’origine française (ou étrangère), de souche européenne. Une pratique suivie consistera à ne retenir que les enfants des seuls Blancs et d’exclure les originaires des Quatre communes70 ou des Syriens, établis en AOF. La constatation de la présomption d’origine européenne du postulant à la reconnaissance de la qualité de Français incombe à l’autorité judiciaire (article 1 paragraphe 2 et article 2 du décret du 5 septembre 1930).

82Aux termes de l’article 5 du décret du 5 septembre 1930, « l’action est portée directement devant la cour d’appel de Dakar qui statue, le procureur entendu. Cette action peut être intentée par plusieurs personnes dont l’intéressé lui-même s’il est ou se prétend majeur ou s’il est encore mineur ou bien par le ministère public. L’action peut émaner aussi de la personne qui a recueilli l’enfant ou d’une société protectrice de l’enfance agréée par l’administration ». L’arrêt reconnaissant à l’intéressé la qualité de citoyen français sera dans le délai d’un mois à compter du jour où il est devenu définitif, transcrit sur les registres de l’état civil français et tiendra lieu d’acte de naissance.

83Aux termes de l’article 8 du décret, « l’arrêt qui reconnaîtra la qualité de citoyen français à un enfant mineur lui désignera en même temps un tuteur. Les fonctions de la tutelle pourront être confiées soit à un Français de l’un ou de l’autre sexe, soit à une société protectrice de l’enfance agréée par l’administration, soit à un membre d’une de ces sociétés. Les biens du tuteur ou de la société tutrice ne seront pas frappés de l’hypothèque légale instituée par l’article 2121 du Code civil ; la gestion des biens du pupille sera, toutefois, garantie par la société intéressée ». Afin de permettre au requérant d’établir la présomption d’origine française ou européenne de l’un de ses parents devant la cour d’appel de l’AOF, seule compétente en la matière, le parquet général a provoqué l’intervention des parquets d’instance qui ont mission de recueillir les témoignages et documents, les renseignements de toute nature proposée par l’intéressé.

  • 71   Note du procureur général à Directeur des affaires politiques et administratives, 6 décembre 1932 (...)

84Certains procureurs de la République y ont donné suite en subdéléguant l’administration  de la circonscription administrative d’origine, en sa qualité d’officier de police judiciaire, à l’effet de recevoir tout ou partie des témoignages, ou de recueillir les documents utiles. Souvent, les renseignements recueillis font double emploi avec ceux recueillis au cours de l’enquête administrative ; l’attention des substituts du procureur général est alors attirée sur le caractère défectueux du procédé et invitation leur est  faite, en pareille hypothèse, de s’en abstenir71. Ainsi, le parquet général dans le souci d’éviter précisément le double emploi, sollicite du lieutenant gouverneur, communication des pièces de l’enquête administrative ayant abouti à la constatation de la possession d’état, et donc, à établir la présomption d’origine française ou européenne de l’un des parents du requérant.

  • 72   Procureur général près la cour d’appel de l’AOF à Directeur des affaires politiques et administra (...)
  • 73   Président de la cour d’appel à Directeur des affaires politiques et administratives, 16 janvier 1 (...)

85La cour d’appel de l’AOF s’est montrée déjà assez libérale dans son appréciation puisqu’elle a admis que le métis né d’un père légalement inconnu, lui-même métis, pouvait bénéficier des avantages accordés par le décret du 5 septembre 193072.Dans une note où les positions respectivement prises sont clairement et nettement exposées, le président de la cour d’appel de Dakar dénie à l’administration le pouvoir de se substituer à l’autorité judiciaire pour, dans une question d’état, donc essentiellement judiciaire, apprécier si une des conditions se trouve ou non remplie73.

  • 74   Ibid.

86Selon la plus haute autorité judiciaire, c’est pourtant ce que ferait l’administration si elle s’occupait de rechercher, comme l’écrit le Directeur des affaires politiques et administratives, si « les postulants justifient, pour que leur demande soit administrativement recevable qu’ils remplissent les conditions fixées par l’article 1 du décret »74. Il n’y a aucune condition exigée pour que la demande soit administrativement recevable. En exiger une serait commettre un excès de pouvoir.

  • 75 Ibid.

87Rappelant que les instructions données par le gouverneur général au gouverneur de la Guinée, le 17 avril 1935, ainsi que les observations faites par le chef du service judiciaire, le 17 septembre 1935, gardent leur valeur, le président de la cour d’appel soutient qu’il appartient à la juridiction supérieure de l’AOF, sur le vu des documents « et en présence des éléments d’appréciation relatifs à l’ascendance européenne de l’intéressé de prendre la décision qu’elle jugera convenable »75.

88C’est cette thèse qui lui parait juridiquement soutenable et la seule conforme à l’esprit du décret du 5 septembre 1930.

  • 76   Lieutenant gouverneur de la Guinée française à gouverneur général de l’AOF, 5 août 1935, ANS, 23  (...)

89L’action judiciaire peut se révéler parfois déterminante, lorsque l’autorité administrative se référant aux instructions données par le gouverneur général de l’AOF  dans ses circulaires des 22 décembre 1924 et 30 avril 1930 refuse par exemple de donner une suite favorable à la réclamation d’un métis tendant à voir compléter son certificat de possession d’état par la  mention « dit », suivant immédiatement son nom76.

  • 77   Procureur général, chef du service judiciaire à Directeur des affaires politiques et administrati (...)

90Le procureur général, chef du service judiciaire de l’AOF, fait remarquer, en premier lieu, que la circulaire du 22 décembre 1924 ne concerne pas directement les métis et est relative à diverses hypothèses dans lesquelles, l’emprunt par les indigènes du nom d’un Européen est purement arbitraire77. Les inconvénients invoqués par la circulaire pour s’opposer à toute inscription sur les registres officiels de nom européen sont les suivants : possibilité pour ces indigènes de laisser croire aux autorités de la métropole qu’ils ont la qualité de citoyen français, préjudice pour les Européens dont le nom est ainsi emprunté sans droit. Le premier de ces motifs perd toute sa valeur quant aux métis dont la qualité de citoyen français est officiellement constatée par l’arrêt de la cour ; d’ailleurs, dans cette hypothèse, le nom européen emprunté est celui du père naturel, et le préjudice qui peut en résulter pour celui-ci ou sa famille se trouve considérablement atténué par l’expression « dit », qui précède le nom.

  • 78 Ibid.

91La seconde circulaire vise plus spécialement les métis, elle a été rédigée en plein accord avec le service judiciaire qui l’avait visée78. Mais elle se place à une période antérieure à l’intervention du décret du 5 septembre 1930 qui a réglé la question du statut juridique des métis nés en AOF. Il n’est pas sans intérêt, pour la solution de la difficulté actuelle, de remarquer que le décret du 4 décembre 1930 est différent du projet présenté par la Guinée française, et qui reflétait l’opinion commune des divers services.

92On considérait alors les métis comme des indigènes à qui l’on voulait, sous certaines conditions, attribuer la qualité de citoyen français.

93La conception du législateur de 1930 fut différente ; le décret devait avoir pour objet de préciser les conditions auxquelles cette qualité, possédée dès la naissance, serait judiciairement reconnue.

94L’une des conditions imposées est notamment le bénéfice de la possession d’état et, parmi les principaux faits qui caractérisent la possession d’état, l’article 3 du décret cite en premier lieu « le nom de l’enfant ».

  • 79   En général, les Français qui venaient aux colonies étaient pour la plupart déjà mariés en métropo (...)
  • 80   Arrêté du gouverneur général du 24 novembre 1916, J.O. AOF, 1916 p. 788.

95Comment pourrait-on, après avoir recherché ce nom pour établir la possession d’état d’enfant d’Européen, affecter de l’ignorer dans le certificat qui constate cette possession ? Dans la pratique, souligne le chef du service judiciaire, les certificats de possession d’état ont toujours mentionné comme surnom, le nom de l’ascendant européen. Certes, l’adjonction du nom de l’ascendant européen présente des inconvénients pour celui-ci et sa famille79, mais ces inconvénients ne sont pas de nature à entraîner des confusions avec les enfants légitimes ou naturels reconnus. Enfin, l’adjonction, comme surnom, du nom du père naturel, ne confère aucun droit au métis puisque l’arrêt constate formellement que le père demeure légalement inconnu et que la loi refuse à l’enfant né d’une mère indigène l’action en reconnaissance de paternité80.

  • 81   Gouverneur général de l’AOF par intérim à lieutenant gouverneur de la Guinée française, 15 octobr (...)
  • 82   Cour d’appel de l’AOF, 22 juin 1934, affaire Jean dit Vendeix et affaire Elie Lucien, ANS, 3M 50 (...)
  • 83 Gouverneur général par intérim à tous les lieutenants gouverneur des colonies et l’administrateur (...)

96Faisant suite à la lettre du procureur général par intérim de l’AOF adressée au Directeur des affaires politiques et administratives, le gouverneur général signale que « si l’enquête administrative établit que la commune renommée a consacré l’usage par le métis d’un nom européen, il semble que le certificat de possession d’état doive le constater81 ». La jurisprudence de la cour d’appel de l’AOF telle qu’elle résulte de deux arrêts en date du 22 juin 193482 s’est prononcée dans ce sens. De surcroît, le gouverneur général marque son accord avec le procureur général, chef du service judiciaire, et estime qu’il peut être donné satisfaction à la requête du métis par la délivrance du certificat de possession d’état. Cette position sera réaffirmée dans une circulaire du gouverneur général par intérim de l’AOF adressée à tous les lieutenants des colonies du groupe et à l’administrateur de la circonscription de Dakar, le 18 novembre 193583.

  • 84   Correspondance générale du procureur général, chef du service judiciaire, portant sur le statut d (...)

97Au regard de ce qui précède, il apparaît nettement que la notion de possession d’état est fondamentale pour la reconnaissance de la qualité de Français de l’enfant métis, dans le respect de la dissociation existant entre la filiation biologique et la filiation affective. Malgré l’inadaptation, les malentendus voire les vides juridiques, l’application de la réglementation française à la situation des enfants métis va donner lieu à d’abondantes décisions de la jurisprudence tendant à reconnaître à leur profit le bénéfice de la possession d’état de citoyen français, dès lors que la présomption de l’origine non indigène d’un des parents présumé légalement inconnu est établie84. Ainsi, la question a évolué dans un sens nouveau : l’accès des métis à la citoyenneté française n’était plus uniquement réglé d’après le jus sanguinis, mais surtout d’après le fait d’être reconnu par la société et l’autorité publique, comme ayant l’état dont on se prévaut.

  • 85   Voir Manifeste de l’association philanthropique des métis français de la circonscription de Dakar (...)
  • 86 E. Saada, « Parenté et citoyenneté en situation coloniale », op.cit., p. 110.

98Les idées contenues dans les différents textes se sont propagées dans la classe des métis, entre 1930 et 1945. En effet, conscients de la place qu’ils occupaient dans les colonies du territoire de l’AOF et de la considération qu’ils espéraient obtenir dans la société coloniale en évolution, les métis allaient créer des associations dont la plus célèbre fut l’Association philanthropique des métis français de la circonscription de Dakar85. Rejetant leur situation de « métis illégitimes, non reconnus et abandonnés, parias de la société coloniale comme de la société colonisée »86, ils se battront  pour l’amélioration de leurs conditions statutaires.

  • 87   L. n° 46-940 du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyen tous les ressortissants des territoires d’ (...)
  • 88   Sur l’usage erroné de la  « naturalisation » dans les colonies, où les indigènes sont des habitan (...)

99Celle-ci allait trouver une inscription dans le marbre du droit, par la loi du 7 mai 1946, qui étend à tous les ressortissants des territoires d’Afrique noire, la citoyenneté française87. Les métis d’origine indigène étaient concernés par cette mesure, la loi consacrant la naturalisation88 en bloc, dans leur statut, de tous les ressortissants des colonies françaises au sud du Sahara.

  • 89 M. Kamto, Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans (...)
  • 90 P. Ngom, L’École de droit colonial et le principe de respect des coutumes indigènes en Afrique occ (...)

100La loi du 7 mai 1946, délibérée et votée par la Constituante est favorablement accueillie par certains auteurs. Selon eux, elle réunit tous les ressortissants des colonies avec les Français de la métropole dans la même citoyenneté sans discrimination de race, de couleur, de religion, de statut civil personnel et de condition sociale89. Au demeurant, une lecture plus attentive des textes montre que les métis d’origine indigène restent tiraillés entre l’idéalisme républicain et les turpitudes coloniales. En effet, « considérer que le statut personnel indigène pouvait être « conservé » signifie pour celui-ci qu’il représentait un échelon inférieur à partir duquel devaient s’élever les populations d’outre-mer. Le dualisme des statuts était donc un dualisme vertical, un dualisme pré-moniste fondé sur une hiérarchisation qualitative qui différait ainsi l’égalité complète entre les citoyens, entre les deux ordres culturels90 ». C’est dire que le droit n’était pas  en accord avec les faits.

101L’évolution ultérieure de la condition des métis allait cependant dans le sens d’un rapprochement avec les populations africaines.

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Bibliographie

- Archives Nationales de la République du Sénégal

- Encyclopédie française, t.VII : l’espèce humaine, Paris

- Journal Officiel de l’AOF

- Journal Officiel de la République française

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SOLUS (H.), Traité de la condition des indigènes en droit privé, Paris, 1927.

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Notes

1 M. Delafosse, « Note relative à la condition des métis en AOF », in Session de l’Institut colonial international, Bruxelles, 1923. Rapports préliminaires, t. II, p. 87 ; P. Gossard, Etudes sur le métissage principalement en Afrique occidentale française, Thèse droit, Paris, 1934, chap. I et II ; D. Guyot, Destins métis au Togo. Contribution à une sociologie du métissage en Afrique, Thèse Lettres, EHESS, Paris, 1997.

2 Voir en particulier P. Bessaignet, in Encycl. univ. T. 15, 1989, p. 226.

3   Les études des anthropologues  ont au demeurant intégré cette donnée. Voir H. Neuville, L’espèce, la race et le métissage en anthropologie, Paris, Masson, 1933.

4 La doctrine moderne reconnaît que la nationalité a un fondement  politique et non  ethnique (Niboyet, Traité, t. I, 2e éd., n°84 et s. p. 92). C’est dire concrètement qu’il est impossible de faire de la notion de race, la base de la nationalité française.

5   E. Saada, Les enfants de la colonie, Paris, éd. La Découverte, 2007, p. 14.

6 Il s’agit de ceux dont la filiation paternelle et maternelle n’est pas légalement, volontairement ou judiciairement établie.

7 Voir : Décret du 5 septembre 1930 déterminant la condition juridique des métis nés de parents inconnus en Afrique occidentale française, Rec. Dareste 1931.I. 64-66 ; arrêté du gouverneur général de l’AOF du 14 novembre 1930 déterminant, en ce qui concerne le certificat de possession d’état, les conditions d’application du décret du 5 septembre 1930, fixant la condition juridique des métis nés de parents légalement inconnus (J.O. AOF, 22 novembre 1930, p. 944-945).

8 Voir entre autres : A. Girault,  « La condition juridique des métis dans les colonies françaises », Revue politique et parlementaire, 10 avril 1929, p. 124-131 ; H. Solus, « La condition des enfants métis dans les colonies françaises », Sirey 1927. II. 129.

9 B. Durand et E. Gasparini (sous dir.), Le juge et l’outre-mer, tome 3, Lille, Centre d’histoire judiciaire éditeur, 2007, p. 15-127.

10 Ministre à gouverneur général, 3 mars 1913, ANS, H 25.

11 « Quand les parents sont mariés, l’enfant suit la condition du père ».

12   H. Sambuc, « De la condition juridique des enfants nés en Afrique de parents légalement inconnus », Rec. Sirey, 1931, p. 7 et s.

13 E. Saada, Les enfants de la colonie, op.cit., p. 81.

14   A. Girault, « La condition juridique des métis dans les colonies françaises », op.cit. , p. 124 -131, ANS, 23 G /22. Condition des métis. Documentation 1930-1946.

15 Cf. P. Gossard, Etudes sur le métissage principal en AOF, op. cit. p. 139-143.

16   J.O. RF, 15 novembre 1928, rectifié par erratum (JO RF, 23 février 1929).

17 L’article 26 de ce texte, en effet, dispose que «  les dispositions  du présent décret ne s’appliquent  pas aux indigènes … à l’exception des métis dont la situation est fixée dans chaque colonie  par des règlements spéciaux ».

18   Dareste 1932.I. 64.

19 Dareste 1932.I.64.

20   J.O.RF, 19 septembre 1936. Décret promulgué par arrêté gubernatorial du 21 octobre 1936 (J.O.RF, 1 novembre 1936).

21   Ce texte reproduisait mutatis mutandis les dispositions du décret du 21 juillet 1931 relatif à la condition des métis à Madagascar et dépendances.

22 Les autorités politiques et administratives évitent de recourir, ici, à un critère purement racial pour déterminer la condition juridique  de l’enfant métis.  Les paramètres retenus  sont plutôt d’ordre social. Toutefois, les conditions exigées par le législateur pour l’accession à la citoyenneté française sont plus sévères et, à ce titre, on peut noter que même parmi les métis, le législateur crée des différenciations selon le lieu de naissance de l’enfant.

23 Délibération relative à l’accession des enfants métis des colonies nés de parents légalement inconnus à la qualité de citoyens français, Cour d’appel de l’AOF, le 21 mai 1927, ANS, 23 G /22.

24 Ibid.

25 La stratégie consiste à ne traiter le problème  que sous son aspect humanitaire, celui de l’assistance des enfants métis. C’est une stratégie qui se caractérisait par l’absence d’» une idée directrice commune », propre à prendre le problème à bras le corps. Cf. D. Legrand, » Pour les métis de l’AOF », in Revue des questions coloniales et maritimes, avril-mai-juin 1939, p. 31 -33, ANS, O 685(31).

26   Circulaire ministérielle du 5 janvier 1928 relative à l’incorporation des métis, ANS, 23 G /22. Condition des métis. Documentation.

27   La période de huit années est à compter à partir du moment où ces métis sont entrés dans une famille ou école française jusqu’au jour où ils seraient appelés normalement par leur classe d’âge, à faire leur service militaire.

28 Aucune réserve n’est apportée en ce qui concerne l’ascendant « d’origine française », mais, en ce qui concerne l’ascendant d’origine étrangère, il a été précisé qu’il doit être européen de souche. Cette disposition exclut du bénéfice du décret le métis dont l’ascendant étranger a sa souche hors d’Europe : c’est le cas d’un descendant de Libanais, par exemple. cf. note du procureur général, 20 novembre 1939, ANS, 23 G/22.

29   Recueil Dareste 1929. I. 160.

30 P. Gossard, Etudes sur le métissage principalement en AOF, op. cit., p. 143.

31   Circulaire n° 52 P.G., du 10 avril 1931, ANS, 23 G/22.

32 La cour d’appel doit en effet désigner un tuteur aux mineurs à qui le droit de cité a été reconnu. Aux termes de l’article 389 du Code civil (loi du 2 juillet 1907) les fonctions dévolues aux conseils de famille des enfants légitimes sont remplies, à l’égard des enfants naturels, par le tribunal de première instance du lieu du domicile légal du tuteur. Le parquet doit provoquer les mesures (désignation d’un subrogé tuteur, homologation des décisions du tuteur dans les cas prévus par la loi).

33 Selon le procureur général, s’agissant plus particulièrement des mineurs, il s’agira d’appliquer le décret de 1930 dans son esprit, « l’action personnelle continue et celle du tribunal pouvant efficacement concourir à la formation d’une bonne recrue pour la cité française, non seulement dans l’intérêt du mineur mais dans un intérêt social bien entendu ». Circulaire n° 63 P.G., 9 décembre 1931, ANS,
23 G / 22.

34 Les frais de la procédure incombent au requérant, soit que la demande ait été présentée par le métis majeur, soit qu’elle ait été présentée par le ministère public en faveur du métis mineur. L’assistance judiciaire peut être accordée en cas de besoin sur décision régulière des Bureaux.

35   Il s’agit de la reconnaissance, par un ascendant étranger, d’un métis admis au bénéfice du décret.

36   Ainsi serait-il d’une déclaration de reconnaissance faite devant un notaire ou devant un magistrat.

37 Procureur général près la cour d’appel, chef du service judicaire de l’AOF, à gouverneur général 30 janvier 1933, ANS 23 G/22.

38 L’application de ce principe que la reconnaissance par un indigène ne peut diminuer le statut du mineur a été faite par le décret du 19 décembre 1932.

39 Président de la Mutualité des métis du Soudan à gouverneur général de l’AOF, 25 février 1944, ANS, 23 G/22.

40   Gouverneur du Soudan à président de la Mutualité des métis du Soudan 24 février 1944, ANS,
23 G/22.

41 Voir A. Girault, « Supplément au rapport présenté au conseil de législation coloniale sur les réponses des gouverneurs généraux et gouverneurs des colonies relativement à un projet de décret concernant les métis », 19 février 1928, p. 1-7, ANS, 23 G/22.

42   Lieutenant gouverneur à gouverneur général, 3 août 1932, ANS, 23 G/22.

43   Lieutenant gouverneur général de la Guinée française à gouverneur général de l’AOF, 20 juillet 1934, ANS, 3M 50 (184).

44 Gouverneur général à lieutenant gouverneur de la Guinée française, 3 juin 1935, ANS, 3M 50 (184).

45 Gouverneur général par intérim de l’AOF aux lieutenants gouverneurs des colonies du groupe et à monsieur l’administrateur de la circonscription de Dakar, 10 septembre 1936, ANS, 23 G/22.

46   Ibid.

47   H. Sambuc « De la condition juridique des enfants nés en Afrique occidentale de parents légalement inconnus », op.cit., p. 7 et s.

48   C. Rollet-Echallier, La politique à l’égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, INED/PUF, 1990.

49 E. Saada, « Parenté et citoyenneté en situation coloniale », Paris, Politix n°66, 2004, p. 110.

50 E. Saada, Les enfants de la colonie : les métis de l’Empire français entre sujétion et citoyenneté, Paris, Éditions de  la Découverte, 2007.

51   Rapport du directeur des affaires politiques et administratives au directeur du cabinet du gouverneur général de l’AOF, 6 avril 1935, ANS, 23 G/22.

52 Lieutenant gouverneur de la Guinée française à gouverneur général de l’AOF, 5 août 1935, ANS,
23 G/22.

53   Décret du 7 novembre 1930, Penant 1931. III. 55

54 Directeur des affaires politiques et administratives à procureur général, chef du service judiciaire de l’AOF, 13 avril 1937, ANS, 23 G/22.

55   Gouverneur général à gouverneur de la Guinée française 6 mars 1944, ANS, 23 G/22. Ici la demande est du sieur Caba Antoine dit Bittar dont le père est présumé d’origine libanaise, « les Libanais étant des étrangers de souche non européenne ».

56   Cf. E. Saada,  «  Citoyens et sujets de l’Empire français. Les usages du droit en situation coloniale », Genèses, 53, 2003.

57 Les pères, en effet, ne reconnaissent que rarement ces enfants à l’état civil postérieurement à leur naissance.

58   L’abandon survient quand le père quitte la colonie au terme de son engagement dans l’armée ou de son contrat de travail dans le secteur privé.

59 Cette loi  crée un cadre unique pour prendre en charge les enfants secourus, en dépôt, les enfants en garde, les enfants trouvés, les enfants abandonnés, les orphelins pauvres, et enfin les enfants maltraités, délaissés ou moralement abandonnés.

60 E. Saada, « Parenté et citoyenneté en situation coloniale », op.cit., p. 110.

61   Arrêté promulguant en Afrique occidentale française la loi du 16 novembre 1912, modifiant l’article 40 du code civil et relative à la reconnaissance judiciaire de la paternité naturelle, JO. AOF du 11 février 1928 p. 788

62   H. Solus, article cité, p. 361.

63 Note du procureur général, 20 novembre 1939, ANS, 23 G/22.

64   E. Saada, « Paternité et citoyenneté en situation coloniale », op.cit.,

65 A. Weiss, Traité théorique et pratique de droit international privé, Paris, Sirey, 1907 (2e éd.), p. 22 ; P. Lagarde, La nationalité française, Paris, Dalloz, 1997 (3e éd.), p. 247.

66 A. Girault, « Rapport sur un projet de décret concernant les métis présenté au Conseil supérieur des colonies le 1er décembre 1926 », Rec. Dareste, II, 1926, p. 19.

67 J.O. AOF 22 novembre 1930, p. 944 -945.

68   Cour d’appel de Hanoi, Aff. Victor dit « Lisier », dit « Barbiaux », 1926, Rec. Penant, I, 1927, p. 207.

69 Arrêté du 14 novembre 1930 (Annexe 3), ANSOM, Aff. pol., 1637.

70 M. Mazet, La condition juridique des métis, op.cit., p. 103.

71   Note du procureur général à Directeur des affaires politiques et administratives, 6 décembre 1932, ANS, 23 G/22.

72   Procureur général près la cour d’appel de l’AOF à Directeur des affaires politiques et administratives, du 17 septembre 1934, ANS, 23 G/22.

73   Président de la cour d’appel à Directeur des affaires politiques et administratives, 16 janvier 1937, ANS, 23 G/22.

74   Ibid.

75 Ibid.

76   Lieutenant gouverneur de la Guinée française à gouverneur général de l’AOF, 5 août 1935, ANS, 23 G/22.

77   Procureur général, chef du service judiciaire à Directeur des affaires politiques et administratives, 10 septembre 1935, ANS, 23 G/22.

78 Ibid.

79   En général, les Français qui venaient aux colonies étaient pour la plupart déjà mariés en métropole ; reconnaître un enfant métis dans la colonie devait avoir des conséquences graves au regard de la loi et par rapport à l’épouse restée à la métropole.

80   Arrêté du gouverneur général du 24 novembre 1916, J.O. AOF, 1916 p. 788.

81   Gouverneur général de l’AOF par intérim à lieutenant gouverneur de la Guinée française, 15 octobre 1935, ANS, 23 G/22.

82   Cour d’appel de l’AOF, 22 juin 1934, affaire Jean dit Vendeix et affaire Elie Lucien, ANS, 3M 50 (184).

83 Gouverneur général par intérim à tous les lieutenants gouverneur des colonies et l’administrateur de la circonscription de Dakar, 18 novembre 1935, ANS, 23 G/22.

84   Correspondance générale du procureur général, chef du service judiciaire, portant sur le statut des métis 1941-1943, ANS, 3M 56.

85   Voir Manifeste de l’association philanthropique des métis français de la circonscription de Dakar et dépendances, sise 23 rue de Grammont à Dakar, s.d. ANS, 21 G 79/17.

86 E. Saada, « Parenté et citoyenneté en situation coloniale », op.cit., p. 110.

87   L. n° 46-940 du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyen tous les ressortissants des territoires d’Outre mer, J.O. RF., mais 1946, p. 3888.

88   Sur l’usage erroné de la  « naturalisation » dans les colonies, où les indigènes sont des habitants d’une terre française mais sont privés de la citoyenneté, cf. L. Blévis, « Les avatars de la citoyenneté en Algérie coloniale ou les paradoxes d’une catégorisation », Droit et Société, 48, 2001.

89 M. Kamto, Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les États d’Afrique noire contemporaine, Paris LGDJ, 1987, p. 34.

90 P. Ngom, L’École de droit colonial et le principe de respect des coutumes indigènes en Afrique occidentale française. Analyse historique d’une théorie de l’inapplication du Code civil au colonisé, des origines à l’indépendance, Thèse Droit, Dakar, 1993, p. 336.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Mamadou Badji, « Le statut juridique des enfants métis nés en Afrique Occidentale Française de parents inconnus : Entre idéalisme républicain et turpitudes coloniales », Droit et cultures [En ligne], 61 | 2011-1, mis en ligne le 28 octobre 2011, consulté le 28 février 2014. URL : http://droitcultures.revues.org/2535

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Auteur

Mamadou Badji

Mamadou Badji est maître de conférences agrégé d’histoire du droit à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et coordinateur de la recherche en histoire du droit et des institutions en collaboration avec l’Université Montpellier 1. Il est spécialisé en histoire du droit, histoire des institutions de l’Afrique depuis le XIXe siècle, histoire des idées politiques et histoire comparative du droit de la santé. Il a publié notamment : « Le Code noir et la condition des esclaves dans l’ancien droit français », Revue de l’Institut des droits de l’Homme, n° 14, Lyon, 1995, p. 40-93 ; « L’administration de la justice au Sénégal au 19e siècle », Revue de l’Association Sénégalaise de Droit pénal, n° 5-6-7, 1999, p. 265-303 ; Droit naturel, droits de l’Homme et Esclavage dans le contexte sociohistorique sénégambien du XVIIe siècle à l’indépendance, Lille, Presses universitaires du septentrion, 2000 et « Considérations sur l’application de la coutume devant les magistrats de la Cour d’Appel de Dakar, de 1903 à 1960 » in B. Durand (sous dir.), Le Droit et la Justice, instruments de stratégie coloniale. Rapport au Ministère français de la Justice, Montpellier, 2001, p. 1075-1110.

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