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Le discours spécialisé et le spécialisé du discours : repères pour l’analyse du discours en anglais de spécialité
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Le discours spécialisé et le spécialisé du discours : repères pour l’analyse du discours en anglais de spécialité

Michel PETIT

Résumés

Cet article traite de discours spécialisé et d’analyse du discours spécialisé du point de vue particulier du spécialisé et de son étude par l’anglais de spécialité dans le cadre des études anglophones. Il s’attache à démontrer que, en ayant souvent tendance à considérer le discours spécialisé comme une catégorie qui va fondamentalement de soi et/ou dont la définition générale se déduit naturellement de telle ou telle des variétés particulières étudiées, l’analyse traditionnelle du discours spécialisé pose un certain nombre de questions aporétiques sur la notion même de discours spécialisé, notamment en ce qui concerne la conception du discours par rapport à la langue et la conception du spécialisé. Il cherche à dépasser ces difficultés en proposant de reconcevoir le discours spécialisé de façon à définir son statut et ses propriétés de discours spécialisé par rapport au domaine spécialisé dont il dépend et où le spécialisé se construit.

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Texte intégral

Introduction

  • 1  Cette forme substantivée, commode pour des raisons de formulation, trouve sa motivation essentiell (...)

1L’analyse du discours spécialisé constitue assurément, si l’on en juge par la masse considérable des travaux qui décrivent en détail toutes sortes de caractéristiques linguistico-discursives de toutes sortes d’ensembles de textes (ou parties de texte) spécialisés, un champ de recherche particulièrement fréquenté. Elle constitue aussi, si l’on en juge cette fois par la grande diversité des positions théoriques et méthodologiques parfois contradictoires qui s’y manifestent, un ensemble particulièrement diffus, dont, au-delà du caractère immédiatement évocateur de l’appellation, il paraît difficile à la fois de préciser les contours et de reconnaître le centre. Tout dépend en effet de la conception que l’on se fait de l’analyse du discours, du discours spécialisé, et du spécialisé1 lui-même. La principale difficulté que nous paraît soulever l’analyse du discours spécialisé n’est pourtant pas cette absence de consensus, qui ne fait que contribuer au légitime débat scientifique, mais plus fondamentalement la sorte de circularité épistémologico-méthodologique qui paraît la sous-tendre. Il nous semble en effet que l’analyse du discours, telle qu’elle est diversement mise en œuvre en matière de discours spécialisé, s’attache plus volontiers à la mise en lumière de certaines caractéristiques des discours dont elle traite qu’à la réflexion sur ce qui fonde leur statut même de discours spécialisé, ce statut paraissant le plus souvent être simplement tenu pour acquis a priori. D’où, nous semble-t-il, un problème de circularité puisque ces caractéristiques particulières, identifiées à partir de certains discours considérés a priori comme spécialisés, deviennent ensuite des éléments de définition générale du discours spécialisé, qui permettent à leur tour de confirmer que les discours en question sont bien spécialisés. Il suffit, en quelque sorte, d’entrer dans le cercle de famille (du spécialisé) !

2L’étude que nous proposons ici, qui participe de la recherche que nous conduisons depuis de nombreuses années dans le domaine de l’épistémologie et de la théorie de l’anglais de spécialité, vise justement, comme l’indique son titre, à remettre au premier plan la réflexion fondamentale sur le statut spécialisé du discours spécialisé et a, par là même, pour ambition de contribuer à mieux concevoir la spécificité de l’analyse du discours dans le cadre de l’anglais de spécialité, c’est-à-dire la spécificité d’une analyse du discours conçue comme une méthode d’investigation mise au service des finalités et des problématiques spécifiques de l’anglais de spécialité plutôt que comme une branche disciplinaire autonome. Ceci suppose que l’on s’accorde sur ces finalités et ces problématiques spécifiques. Il nous semble que, si l’on accepte la distinction que nous faisons en reconnaissant l’existence, au sein de l’anglais de spécialité, de deux volets complémentaires, l’un centré sur l’anglais pour spécialistes d’autres disciplines, l’autre sur les domaines spécialisés et le spécialisé en contexte anglophone (Petit 2008 : 23), l’accord peut facilement se faire. Le premier volet relève en effet largement de la tradition internationale anglophone, qui se définit principalement en termes d’enseignement-apprentissage de la langue de(s) spécialité(s), et le rôle de l’analyse du discours y est donc avant tout de contribuer à la connaissance des usages de cette langue. Le second volet met clairement le spécialisé au centre de sa conception. C’est même là ce qui constitue sa spécificité au sein des études anglophones et c’est donc en tant qu’elle contribue, pour ce qui concerne le discours, à la poursuite de cet objectif spécifique que l’analyse du discours y construit l’identité propre dont nous cherchons à poser quelques repères.

3Nous diviserons notre étude en deux parties. Nous nous attacherons tout d’abord à montrer comment une certaine tradition d’analyse du discours spécialisé, plus ou moins strictement ancrée dans les problématiques de la langue (des langues) de spécialité, apparaît trop contrainte par l’indétermination de la conception du spécialisé sur laquelle elle s’appuie et qu’elle favorise pour fonder en théorie la nécessaire notion générale de discours spécialisé. Nous nous efforcerons ensuite de démontrer comment, en mettant au premier plan la notion de domaine spécialisé et en redéfinissant le discours spécialisé en termes de discours des domaines spécialisés, on peut concevoir une analyse du discours qui permette de mieux éclairer les divers aspects qui fondent et manifestent le spécialisé du discours.

1. L’analyse du discours spécialisé en question(s)

1.1. Discours spécialisé et/ou langue de spécialité ?

4La première question que nous paraît poser l’analyse du discours spécialisé, comme l’analyse du discours en général, est celle de la spécificité de l’objet discours, et donc de la spécificité de la discipline ou branche disciplinaire qui en traite. Elle se pose, nous semble-t-il, avec d’autant plus d’acuité que le discours spécialisé et la langue de spécialité sont, comme on le sait, souvent associés, voire parfois assimilés, l’un à l’autre et que l’on ne sait pas toujours précisément si l’appellation de langue de spécialité désigne une notion, un objet, un champ disciplinaire, etc.

5Du point de vue notionnel, il y a, assurément, une forme de proximité naturelle entre le discours spécialisé et la langue de spécialité. Cette proximité tient tout d’abord à l’existence d’une relation fondamentale du discours (en général) à la langue (en général), qu’expriment un certain nombre de définitions, classiques en sciences du langage, où le discours, largement assimilé à la parole en ce sens, est conçu comme « la langue assumée par le sujet parlant » (Dubois et al. 1994 : 150), « l’usage de la langue dans un contexte particulier » (Charaudeau & Maingueneau, dir. 2002 : 185), « le produit de l’exploitation des ressources qui sont instituées en langue » (Neveu 2004 : 105), etc. Elle tient aussi au fait que les deux notions partagent une même caractéristique, exprimée dans l’un et l’autre cas par la référence explicite au spécialisé, qui constitue précisément leur propriété distinctive commune par rapport à la langue et au discours en général, ou à d’autres variétés comme la langue et le discours littéraires par exemple.

  • 2  Cette expression, que nous adaptons de celle de « jugement de spécialité » (Charaudeau et Mainguen (...)

6On peut donc penser que le discours spécialisé se distingue de la langue de spécialité dans la mesure où les éléments qui permettent de le reconnaître comme spécialisé, c’est-à-dire qui fondent ce que l’on pourrait appeler le jugement de spécialisé,2 ressortissent, par référence au couple langue-discours tel qu’il est traditionnellement conçu, au niveau du discours plutôt qu’à celui de la langue. Ainsi, lorsque les éléments fondant le jugement de spécialisé sont de nature lexicologique, c’est-à-dire envisagés dans le cadre d’une approche lexicologique, où l’on distingue traditionnellement le lexique (qui relève de la langue) du vocabulaire (qui relève de la parole ou du discours), on distinguera théoriquement les deux entités suivantes : la langue de spécialité, si l’on travaille sur le lexique (les lexèmes) ; le discours spécialisé si l’on travaille sur le vocabulaire (les vocables). La réalité apparaît pourtant plus complexe et les spécialistes soulignent que l’accent mis sur l’étude des unités réalisées en discours (le vocabulaire) n’exclut pas la prise en compte « d’un système lexical qui présiderait à l’actualisation des unités en discours, ce qui revient à dire que la distinction lexique / vocabulaire est fondée sur le principe d’une relation interactive entre langue et discours » (Charaudeau & Maingueneau, dir. 2002 : 601). Du point de vue particulier de la terminologie et de ses unités, les termes, l’ancrage discursif apparaît plus marqué puisque « les termes apparaissent, sont formés et “institués” dans et par des discours spécialisés (scientifiques et techniques) » (Mortureux 1995 : 22) et que « [l]a terminologie est vue comme l’ensemble des unités utilisées effectivement dans la communication spécialisée » (Cabré 2000 : 34 ; c’est nous qui soulignons). Le fait que les éléments de nature lexico-terminologique spécialisés, vocables et termes, puissent être rapportés au discours ou saisis à partir de lui ne suffit pas toutefois à définir le discours en tant qu’objet d’analyse. Il n’y a là rien d’étonnant puisque la construction de l’objet discours spécialisé est logiquement du ressort spécifique de l’analyse du discours.

7Du point de vue de l’analyse du discours, donc, le discours spécialisé paraît être généralement conçu comme un objet langagier complexe, mettant en jeu un ensemble plus large d’éléments, de nature plus ou moins strictement linguistique – « pragmatic, lexical, morphosyntactic and textual elements » (Gotti 2003 : 11) –, caractéristiques « des usages langagiers propres à l’exercice de certaines activités » (Charaudeau & Maingueneau, dir. 2002 : 540) et renvoyant donc à des éléments extra-linguistiques, de contenu cognitif notamment. C’est cette combinaison d’« un critère thématique corrélé à une situation énonciative spécifique […] qui est susceptible de favoriser le recours à une organisation discursive particulière, à des constructions syntagmatiques originales aux yeux des novices, à un vocabulaire compris par les seuls initiés » (Charaudeau & Maingueneau, dir. 2002 : 540) qui est généralement perçue comme spécifique du discours spécialisé. S’il s’agit bien de discours, au sens des définitions classiques, puisqu’il s’agit de production langagière particulière, il reste à préciser la part qui y est celle du linguistique ou, plus exactement sans doute, la conception de l’objet étant largement indissociable de celle de la discipline, à préciser dans quelle mesure l’analyse de cet objet a vocation à aller au-delà de la description de ses caractéristiques linguistiques. Il nous semble que l’on peut distinguer à cet égard deux grandes conceptions de l’analyse du discours spécialisé selon le cadre disciplinaire plus large dans lequel elle est envisagée.

  • 3  Ou, dans la tradition anglophone internationale, de la linguistique appliquée (applied linguistics (...)
  • 4  Extrait du texte de cadrage (non signé) figurant en page de copyright dans certains volumes de la (...)

8La première nous paraît être celle qui voit dans l’analyse du discours spécialisé une forme d’analyse du discours, particulière par son objet mais ressortissant pour le reste aux problématiques de l’analyse du discours en général, elle-même conçue comme branche de l’ensemble disciplinaire plus large des sciences du langage.3 Elle se donne ainsi, dans la tradition de ce que l’on appelle parfois l’école française d’analyse du discours, comme finalité ou « horizon théorique » de « décrire linguistiquement des discours “spécialisés” ou lieux de transmission de connaissances et adosser les régularités langagières mises en évidence à un en-dehors de la discursivité (cognition, institution, représentations sociales…) susceptible d’en rendre compte et d’alimenter en retour ces descriptions des fonctionnements discursifs » (Beacco & Moirand 1995 : 9). La description linguistique étant en ce sens plus une méthode d’investigation au service de l’analyse du fonctionnement discursif qu’une fin en soi, la conception du linguistique apparaît très ouverte. Quelle que soit en effet la dimension linguistique retenue comme point d’entrée (lexico-terminologique ; sémantico-syntaxique ; énonciative ; pragmatique ; traductologique ; etc.), elle vaut en tant qu’elle permet de constituer « des points d’accroche verbaux pour étudier l’inscription du sens dans la matérialité des textes et décrire ainsi leurs fonctionnements ».4 L’analyse du discours spécialisé nous paraît bien rester, en ce sens, une forme classique d’analyse du discours, dont l’objet ne se distingue des autres formes de discours que par la définition (postulée mais, comme nous chercherons à le montrer, discutable) que l’on en donne en tant que lieu de transmission de connaissances.

  • 5  Grossièrement : linguistique appliquée pour la tradition internationale (LSP) ; langues vivantes é (...)
  • 6  « Another controversial aspect which still seeks consensus by scholars investigating specialized d (...)

9La deuxième grande conception nous paraît être celle qui situe l’analyse du discours spécialisé dans la mouvance de l’ensemble généralement appelé language for specific purposes (LSP) dans la tradition internationale et langue(s) de spécialité ou langues pour spécialistes d’autres disciplines (LANSAD) dans la tradition française. Elle est plus difficile à cerner, à la fois parce que le cadre général LSP-LANSAD apparaît plus hétérogène dans ses propres orientations ou affiliations disciplinaires5 et, surtout, parce que le discursif ne paraît pas toujours y être clairement distingué du linguistique. C’est en effet ce que nous paraît démontrer le fait que, dans la présentation comme dans le texte d’un ouvrage justement consacré au discours spécialisé, l’auteur, éminent représentant du domaine, passe régulièrement, sans commentaire, d’un niveau à l’autre : « This book analyses the various features of specialized discourse in order to assess its degree of specificity and diversification, as compared to general language » (Gotti 2003 : 4ème de couverture ; c’est nous qui soulignons) ; « Other phenomena observed in general language occur with equal, higher or lower frequency in specialized discourse » (Gotti 2003 : 308 ; c’est nous qui soulignons) ; etc. Au-delà de la discussion toujours possible sur le sens général et en contexte de l’anglais « language » et sa comparaison avec le français « langue », on peut certes penser que l’alternance entre discourse et language s’explique ici largement par le fait qu’il paraîtrait théoriquement incongru de parler de « general discourse ». Cette explication pourtant ne vaut plus lorsque l’alternance se produit en quelque sorte à l’intérieur du spécialisé, et singulièrement lorsqu’il est question de la désignation même de l’objet d’étude, où l’enjeu de la qualification (spécialisé, spécial, spécifique,…) paraît prendre le pas sur celui de la désignation de la substance à laquelle cette qualification s’applique (language, langue, discours, texte, genre,…). C’est en tout cas ce qui nous paraît ressortir de l’analyse critique argumentée des appellations concurrentes de « restricted (language) », « special (language) », « micro(language) », etc. à laquelle se livre Gotti (2003 : 22-25) avant de justifier sa propre appellation de « specialized (discourse) », « which reflects more clearly the specialist use of language » (2003 : 24). S’il y a bien en ce sens une absence de consensus sur la désignation de l’objet,6 elle ne nous paraît pourtant pas seulement concerner la nature des propriétés distinctives qui permettent de reconnaître l’ensemble langagier considéré comme spécialisé mais aussi la nature même de cet ensemble langagier. Le fait que la discussion ne porte généralement pas sur le caractère assez indifférencié de cet ensemble (langue-discours ; discours-textes ; etc.) nous paraît s’expliquer si l’on replace le débat dans le cadre de la langue de spécialité (ou LANSAD ou LSP). C’est dans ce cadre que doit être appréciée la conception de l’analyse du discours. D’orientation linguistique (au sens large) – « a multidimensional analysis, covering both lexis and morpho-syntax as well as textual patterning » (Gotti 2003 : 11) –, elle cherche à aller au-delà de la caractérisation linguistique (au sens étroit) des propriétés distinctives : « Whenever possible, the presence of such properties will be accounted for not only in linguistic but also in pragmatic terms (hence the preference for the term discourse rather than language to refer to the object of this analysis) » (Gotti 2003 : 10).

10Qu’elle soit donc conçue dans le cadre des sciences du langage ou dans celui de la langue de spécialité, l’analyse du discours spécialisé nous paraît en tout cas partager une même ambition, celle de ne pas se limiter à la description des caractéristiques linguistiques de surface du discours spécialisé, ou, plus exactement, du discours que l’on reconnaît comme spécialisé en fonction, comme nous allons maintenant le voir, des critères plus ou moins variables et explicites que l’on se donne.

1.2. Quelle conception du (discours) spécialisé ?

11A supposer que l’on s’accorde sur une conception du discours qui permette de le distinguer non seulement de la langue mais aussi d’autres objets qui lui sont souvent associés (genre ; texte ; style ; etc.), il reste, pour préciser la notion de discours spécialisé, à s’entendre sur la notion de spécialisé elle-même. L’une et l’autre, malgré le caractère immédiatement évocateur de l’appellation de « discours spécialisé », comme d’ailleurs de toutes les autres appellations qui contiennent un terme renvoyant au spécialisé (style spécialisé ; anglais de spécialité ; etc.), nous paraissent en effet envisagées dans des termes trop variables, voire incertains, pour ne pas prêter parfois à confusion ou à malentendu. De sorte que, comme le souligne Gotti, « [a]nalyses are often partial and inconsistent with findings based on inadequate corpora, which are taken for granted and used to formulate unwarranted generalisations » (2003 : 9). Il y a manifestement là un enjeu important pour le statut scientifique et la validité de l’analyse du discours spécialisé.

  • 7  Voir par exemple, sur le discours historique, la récente étude de Trouillon (2009).

12La difficulté première, celle d’où tout le reste découle largement, nous paraît être de déterminer la place et le statut à accorder, dans le cadre d’une étude scientifique, à la sorte d’évidence intuitive du spécialisé qui paraît s’imposer dans l’expérience commune et qui permet, dès lors que l’on traite de certains types de discours – scientifique, médical, juridique, etc. –, de poser leur caractère spécialisé sans qu’il soit apparemment nécessaire de définir ni d’utiliser le terme. Il paraît en effet difficile de ne pas reconnaître qu’il y a, en ce sens, des discours manifestement spécialisés, par quoi nous entendons des discours dont au moins le contenu référentiel (les sujets dont ils traitent) et certaines caractéristiques formelles (terminologiques et phraséologiques notamment) sont immédiatement reconnus par la grande majorité des membres du corps social comme étrangers à leur expérience commune. Cette évidence devient pourtant moins… évidente lorsque l’on considère d’autres types de discours (historique, sociologique, journalistique, politique, etc.) auxquels les critères du manifestement spécialisé ne s’appliquent qu’imparfaitement. Le discours sociologique ou historique, dont le contenu est sans doute moins difficilement accessible et qui présente par ailleurs peu de spécificité terminologique, apparaît ainsi comme peu spécialisé selon ces critères, même s’il paraît pouvoir être considéré comme spécialisé dans la mesure où il reste, pour sa production, affaire de spécialistes.7 Quant au discours journalistique ou au discours politique, dont la finalité même paraît justement être de « parler » directement à l’expérience commune, ils apparaissent surtout spécifiques par leurs techniques rhétoriques. Que ces techniques soient un légitime objet d’étude pour l’analyse du discours ne paraît pas douteux, mais le sens commun ne suffit pas, nous semble-t-il, à poser comme indiscutable que ces discours soient spécialisés au même sens que le discours scientifique, médical, juridique, etc. Sauf, si l’on considère qu’« il y a lieu de penser que la spécialisation des discours et des textes est dans une large mesure affaire de contenus » (Lerat 1995 : 17), dans la mesure où ils traitent de sujets spécialisés (science ; médecine ; économie ; etc.) et sans doute aussi dans la mesure où le traitement de ces sujets met alors en jeu un certain type de formulation de vulgarisation, qui évoque tout en s’en distinguant certaines caractéristiques formelles du discours « primaire » de la science, de la médecine, de l’économie, etc. Mais ceci implique que, lorsqu’ils traitent de sujets qui ne sont pas perçus comme spécialisés, par exemple l’actualité « générale », ils perdent donc leur caractère de discours spécialisé. Sauf, cette fois, à considérer qu’ils restent malgré tout, d’une certaine façon et dans un autre sens, spécialisés au motif que la rubrique de faits divers, l’éditorial d’actualité générale, l’interview politique, etc., sont des genres spécialisés – au risque de confondre alors le spécialisé et le spécifique. On perçoit bien en tout cas la difficulté de se doter d’une définition du discours spécialisé qui soit de portée suffisamment générale pour permettre de rendre compte de cette diversité sans pour autant, en faisant varier le sens du spécialisé au gré des besoins, compromettre son existence même en tant que notion. C’est à l’aune de cette double exigence que doivent, nous semble-t-il, être examinées les définitions, implicites ou explicites, sommaires ou argumentées, que contiennent les travaux traitant du discours spécialisé.

  • 8  La deuxième partie de la citation parle sans doute plus de langue de spécialité (« moyens d’expres (...)
  • 9 « The second case is when specialists address non-specialists to explain notions pertaining to thei (...)
  • 10  Il exclut pourtant de son étude les textes du deuxième type : « The texts taken into consideration (...)

13La conception dominante nous paraît être celle qui définit le discours spécialisé en termes de transmission de connaissances. Beacco et Moirand parlent ainsi, on l’a vu, des « discours “spécialisés” ou lieux de transmission de connaissances » (1995 : 9), définition assez proche, mutatis mutandis, de celle que donne Lerat de la « notion de langue spécialisée » : « c’est une langue naturelle considérée en tant que vecteur de connaissances spécialisées » (1995 : 20). Elle est sans doute suffisamment large pour inclure toutes sortes de discours partageant, à des titres divers, une finalité de transmission de connaissances, y compris, par exemple, le discours journalistique dont nous avons souligné plus haut le statut discutable en tant que discours spécialisé. Elle nous paraît néanmoins susciter des interrogations. La première tient à une sorte d’indétermination qui résulte de sa généralité même. On peut en effet se demander quel sens il convient de donner à la notion de « transmission de connaissances » pour rendre compte dans ce cadre de certaines formes de discours spécialisé (textes de loi ; codes de procédure ; discours électoraux ; etc.), dont la finalité principale paraît être d’une autre nature, disons, pour faire bref, plus déontique qu’épistémique. La question se pose aussi de la nature des connaissances qu’il est du rôle du discours de transmettre. Il paraît aller de soi qu’elles sont spécialisées mais qu’entend-on par connaissances spécialisées ? La question centrale du spécialisé est alors, on le voit, simplement déplacée du niveau du discours (ou de la langue) à un autre niveau, celui des connaissances. C’est également à un déplacement de la question du spécialisé que l’on aboutit lorsque l’on envisage la transmission des connaissances au regard des partenaires de la situation de communication (destinateur et destinataire). Il semble à cet égard que, s’il l’on paraît s’accorder à reconnaître comme spécialisé le discours de communication entre spécialistes – mais qu’entend-on par spécialistes ? –, il reste la question de savoir si le discours des spécialistes est nécessairement spécialisé et s’il est le seul à être spécialisé. Lerat juge discutable la position des auteurs qui, limitant leur conception à la communication d’information spécialisée entre spécialistes, « excluent les textes à l’usage des non-spécialistes » et considère que, « [d]e ce fait, ils creusent un fossé artificiel entre les moyens d’expression des experts et ceux de l’usager (client, justiciable, citoyen, consommateur, lecteur, téléspectateur) » (1995 : 20).8 Gotti estime quant à lui que « the mere presence of a specialist is not sufficient to ensure specialized use of a language, and this in turn is not limited to peer-communication alone » (2003 : 25). Il distingue, comme d’autres auteurs, trois cas – communication entre spécialistes ; communication à visée didactique9 ; vulgarisation –, et conclut : « it is clear, however, that only the first two involve a truly ‘specialist’ use of language » (2003 : 27).10

14Tout ceci nous paraît démontrer que la définition du discours spécialisé en tant que discours de transmission de connaissances pose un certain nombre de questions qui tendent finalement à affaiblir sa portée théorique et pratique. On constate d’ailleurs que la plupart des auteurs qui se réfèrent, explicitement ou implicitement, à cette conception générale paraissent avoir naturellement tendance à chercher à aller au-delà pour mieux éclairer leur objet. Cet éclairage complémentaire de l’objet discours spécialisé relève essentiellement, nous semble-t-il, d’une logique associant ou combinant des éléments d’identification (par exemple : discours spécialisé égale discours scientifique) et des éléments de définition (par exemple : le discours spécialisé est le discours des spécialistes), comme nous allons maintenant le voir.

  • 11  Voir, par exemple, De Bessé, qui parle de « l’organisation des connaissances d’un groupe de spécia (...)
  • 12  Voir, par exemple, Lerat, qui parle de « langue en situation d’emploi professionnel », renvoyant « (...)

15L’identification consiste à poser, directement ou indirectement, une identité entre le discours spécialisé et certaines variétés de discours, plus ou moins restreintes selon le type de discours sur lequel on travaille et la perspective disciplinaire que l’on adopte. Il nous semble en effet que la formule la plus restrictive, par laquelle on désigne encore souvent « les discours scientifiques et techniques comme les représentants prototypiques de cette catégorie » (Charaudeau & Maingueneau, dir. 2002 : 541), doit largement sa rémanence à l’orientation terminologique dominante qui a marqué les débuts de la langue de spécialité. C’est, nous semble-t-il, la nature du développement ultérieur de la langue de spécialité dans le sens des problématiques d’enseignement-apprentissage de la langue sur objectifs spécifiques qui a conduit à élargir l’identification du spécialisé à d’autres variétés, « specifically those embedded in scientific, technological, business, legal and research […] contexts, as these were seen as crucial for the development of LSP programmes » (Bhatia & Gotti 2006 : 9 ; c’est nous qui soulignons). Ces diverses variétés présentent, on le voit, des caractéristiques qui permettent d’identifier le spécialisé, à un autre niveau de désignation, plus générique, en termes de disciplinaire et professionnel. Curieusement, certains auteurs choisissent de ne retenir que l’une de ces deux dimensions, assimilant diversement le spécialisé au disciplinaire11 ou au professionnel,12 de sorte que, la notion de discours spécialisé perdant de son intérêt dans la mesure où elle est perçue comme penchant trop dans l’une ou l’autre direction, on voit apparaître de nouvelles catégories plus spécifiques, qui ne renvoient plus explicitement à la notion générale (c’est, semble-t-il, le cas du discours académique, largement conçu aujourd’hui comme une catégorie indépendante) ou qui s’en distinguent (par exemple la notion de discours professionnel telle que conçue par Mourlhon-Dallies, 2009 : 25-28). La tendance générale paraît néanmoins être plutôt, pour chercher à couvrir un champ aussi large que possible, de proposer une liste plus étoffée, souvent maintenue ouverte par une formule adéquate : « specialized genres in academic, professional and institutional as well as other workplace contexts » (Bhatia & Gotti 2006 : 9 ; c’est nous qui soulignons). Au risque de laisser également ouverte la question du spécialisé, comme dans la formulation suivante : « discourse for specific communities: academic, occupational, or otherwise specialized » (rubrique « Aims and Scope » de la revue English for Specific Purposes ; c’est nous qui soulignons). La question est bien alors de déterminer ce que sont ces communautés spécifiques autrement spécialisées et donc, là encore, ce que l’on entend par spécialisé.

  • 13 « This perspective stresses both the type of use and the domain of use, as well as the special appl (...)

16Cette interrogation fondamentale sur le spécialisé, à laquelle, on vient de le voir, ne permettent pas toujours d’échapper les tentatives d’éclairage du discours spécialisé par identification, nous paraît subsister dans un certain nombre de définitions plus élaborées. Elle y est alors souvent déplacée du niveau du terme à définir (le discours spécialisé) au niveau des éléments qui servent à le définir (usage spécialisé ; communauté spécialisée ; spécialistes ; etc.), comme cela nous paraît être le cas dans la formulation suivante : « the expression ‘specialized discourse’ […] reflects […] the specialist use of language in contexts which are typical of a specialized community stretching across the academic, the professional, the technical and the occupational areas of knowledge and practice » (Gotti 2003 : 24 ; c’est nous qui soulignons). Malgré son caractère élaboré ainsi que la présence bienvenue d’éléments d’identification et le commentaire dont l’auteur l’assortit,13 la circularité de cette définition ne peut, nous semble-t-il, que compromettre son intérêt théorique et pratique.

17Nous proposons donc, pour tenter de sortir de cette circularité, de chercher maintenant à construire un point de repère originel extérieur au discours, qui, moins dépendant donc des particularités de l’objet à repérer, nous paraît de nature à permettre de reprendre l’étude du discours sous d’autres angles.

2. Du discours spécialisé au discours des domaines spécialisés

2.1. Vers la notion de domaine spécialisé

  • 14  L’alternance irrégulière de ces deux expressions dans les travaux de terminologie, y compris au se (...)
  • 15  Voir, par exemple, sur ce rôle et cette notion, l’article de De Bessé, justement intitulé « Le dom (...)

18La position que nous défendons en proposant de repenser le discours spécialisé en termes de discours des domaines spécialisés dans le cadre d’un volet de l’anglais de spécialité centré sur l’étude des domaines spécialisés en contexte anglophone, suppose que la notion de domaine spécialisé ne présente pas le même caractère d’indétermination que celle de discours spécialisé. Il est donc essentiel de chercher à lui donner un contenu à la fois plus précis que ce à quoi renvoie généralement cette appellation dans les travaux d’anglais pour spécialistes d’autres disciplines et plus large que sa définition particulière en terminologie. Pour l’anglais pour spécialistes d’autres disciplines tout d’abord, la notion de domaine spécialisé paraît aller de soi et l’appellation paraît pouvoir s’appliquer naturellement aux grands ensembles – droit, économie, chimie, aéronautique, informatique, etc. – dans lesquels s’inscrivent et auxquels se rapportent ses objets traditionnels d’enseignement et de recherche, c’est-à-dire la variété d’anglais que l’on enseigne (et la discipline des étudiants à qui on l’enseigne), le genre discursif et les textes particuliers que l’on analyse, etc. La notion et l’appellation de domaine spécialisé apparaissent pourtant, malgré ce caractère naturel ou à cause de lui, assez peu présentes dans les travaux d’anglais pour spécialistes d’autres disciplines. Dès lors que la désignation de l’objet des travaux (anglais, discours, genre,…) comporte un terme spécifique situant l’étude dans le champ du spécialisé (médical, juridique, économique,…), il paraît en effet inutile de qualifier le domaine – dans la mesure où l’on a besoin de s’y référer –, de spécialisé. Il en va autrement dans les travaux de terminologie, où il est très régulièrement question de domaines spécialisés et/ou de domaines de spécialité.14 C’est, nous semble-t-il, que la notion de domaine spécialisé y a un nécessaire statut théorique puisque les domaines spécialisés, conçus comme espaces ou systèmes conceptuels, jouent un rôle particulier dans la conception et l’organisation mêmes de la terminologie en tant que discipline.15 La conception des domaines spécialisés comme objet de la discipline anglais de spécialité se distingue en ce sens nécessairement de celle que s’en donne la terminologie en fonction de ses finalités disciplinaires propres et il serait vain de chercher à réduire cette différence fondamentale à une question de largeur ou d’étroitesse du champ couvert par la notion.

19Dans le cadre disciplinaire général de l’anglais de spécialité donc, les domaines spécialisés, objet d’étude central d’un nouveau volet de la discipline, se distinguent tout d’abord des domaines de l’anglais pour spécialistes d’autres disciplines par une indication essentielle : il s’agit des domaines spécialisés en contexte anglophone, c’est-à-dire tels qu’ils sont constitués et peuvent être saisis dans les sociétés anglophones. Ils sont donc plus spécifiques, au regard de cette dimension, que ce que l’on pourrait appeler, pour marquer cette distinction, les domaines de spécialité traditionnels de l’anglais pour spécialistes d’autres disciplines. Les domaines de spécialité, en effet, s’ils renvoient bien sûr à la langue et au discours des milieux spécialisés anglophones, sont aussi délimités par rapport à la spécialité des étudiants en formation dans le système français. Le second motif de distinction n’est pas sans rapport avec le premier. Les domaines spécialisés se distinguent en effet aussi des domaines de spécialité (au sens ci-dessus) dans la mesure où ils sont pris comme objet d’étude en soi et pas seulement comme un cadre d’arrière-plan pour l’étude finalisée de la langue et du discours. La notion de domaine spécialisé apparaît en ce sens nécessairement plus large et plus multi-dimensionnelle que les conceptions, souvent exprimées aussi en termes de contexte, milieu, communauté, etc., centrées autour de la langue et du discours. On ne s’étonnera donc pas qu’elle ne comporte pas de référence particulière à la langue ou au discours. C’est même là ce qui en fait à nos yeux, on l’aura compris, l’intérêt pour tenter de dépasser certaines apories de l’analyse du discours spécialisé.

20Pour en venir donc à la définition que nous proposons comme point de départ en vue d’une élaboration plus approfondie de la notion, nous appellerons domaine spécialisé tout secteur de la société constitué autour et en vue de l’exercice d’une activité principale qui, par sa nature, sa finalité et ses modalités particulières ainsi que par les compétences particulières qu’elle met en jeu chez ses acteurs, définit la place reconnaissable de ce secteur au sein de la société et d’un ensemble de ses autres secteurs et détermine sa composition et son organisation spécifiques.

  • 16  Nous ne pouvons développer ici la question complexe des relations entre domaines de rang différent (...)

21Le spécialisé est ainsi conçu en théorie – c’est là un point essentiel pour la suite de notre propos sur le discours –, comme une caractéristique du domaine, c’est-à-dire nécessairement construite globalement au niveau du tout plutôt que séparément, et parfois problématiquement, au niveau des parties. Ce n’est donc pas seulement pour éviter les écueils, déjà reconnus plus haut en ce qui concerne le discours spécialisé, d’une définition circulaire, que nous parlons de modalités ou de compétences « particulières » plutôt que « spécialisées » mais parce qu’elles ne sont pas, à nos yeux, spécialisées par nature. Elles ne le deviennent, en un sens qui peut être alors très différent du sens courant, qu’en tant qu’elles sont rapportées à un domaine spécialisé. Ce n’est pas seulement non plus pour éviter les écueils d’une définition trop restrictive que nous ne parlons pas de secteurs professionnels ou disciplinaires mais parce que les domaines spécialisés sont essentiellement (par essence) à nos yeux des entités complexes, associant et combinant, dans des conditions variables selon ce qui fonde l’identité propre de chaque domaine, des éléments ressortissant non seulement à une activité de type professionnel ou de type disciplinaire mais aussi à d’autres formes d’activité relevant de ce que nous avons appelé le « spécialisé du troisième type » (Petit 2005 : 142). Cette appellation, que nous n’avions, à vrai dire, adoptée que faute de mieux, nous paraît aujourd’hui clairement incorrecte du point de vue théorique, puisqu’elle est en contradiction avec notre principe que le spécialisé se construit au niveau de l’ensemble du domaine, mais la reconnaissance d’un troisième type d’activité va néanmoins s’avèrer utile pour éclairer la discussion de l’élément central de notre définition, à savoir l’idée qu’un domaine spécialisé est constitué autour et en vue de l’exercice d’une activité principale, qui définit sa place reconnaissable au sein de la société. Nous entendons par activité principale d’un domaine l’activité qui permet d’identifier, c’est-à-dire d’abord de nommer, le domaine et ses acteurs « emblématiques » : la médecine et les médecins ; le journalisme et les journalistes ; l’histoire et les historiens ; la musique et les musiciens ; le syndicalisme et les syndicalistes ; etc. On voit facilement que, si les médecins exercent une profession fondée sur une discipline de même délimitation, les historiens sont identifiés par rapport à une discipline pratiquée dans des cadres professionnels ou non professionnels variés (de l’enseignement à la pratique amateur), les musiciens par rapport à un art pratiqué à titre professionnel ou amateur, etc., et que chaque domaine présente ainsi une configuration originale. La notion de domaine spécialisé postule qu’un domaine peut être posé comme objet d’étude à partir des caractéristiques de l’activité principale par laquelle il est identifié au sein de la société en général et par rapport aux autres domaines de même rang ou de rang différent.16

  • 17  Les définitions courantes de la régulation, telles qu’elles sont formulées par les dictionnaires g (...)
  • 18  Du point de vue de l’étude des domaines spécialisés, la fonction de formation nous paraît présente (...)

22L’accent mis dans ce qui précède sur l’activité principale du domaine ne doit pas conduire à considérer que le domaine se réduit à cette activité. Son accomplissement suppose en effet que soient réunies un certain nombre de conditions d’organisation générale. Nous nous bornerons, pour préparer la suite de notre propos sur le discours, à en évoquer quelques aspects généraux à partir d’une typologie sommaire des principales fonctions qui nous paraissent de nature à illustrer la complexité essentielle des domaines spécialisés : fonction d’opération ; fonction de régulation ; fonction de formation. (i) La fonction d’opération correspond à la réalisation des actes constitutifs du domaine, c’est-à-dire des actes ordinaires par lesquels on « fait », par exemple, de la chimie, de l’archéologie, de la musique, etc. Les acteurs de la fonction d’opération sont généralement les acteurs emblématiques du domaine (ceux dont le nom correspond à celui du domaine) ainsi que, le cas échéant, d’autres opérateurs directement impliqués pour partie dans la réalisation de ces actes. Il convient de souligner que la fonction d’opération peut impliquer, dans des conditions variables selon les domaines, une interaction avec d’autres acteurs, extérieurs au domaine (les patients de la médecine ; les usagers de l’administration ; etc.). (ii) La fonction de régulation concerne l’organisation du fonctionnement du domaine conçu comme système complexe.17 Elle s’applique, selon la composition de chaque domaine, à ses aspects professionnels (conditions d’accès à la profession ; procédures professionnelles ; etc.), à ses aspects disciplinaires (élaboration et validation des connaissances ; sociétés savantes ; etc.), à ses aspects de troisième type (statuts associatifs ; guides pratiques ; etc.). On peut distinguer, sans sous-estimer l’interdépendance générale de ces deux niveaux, une régulation d’origine interne, qui est le fait des instances professionnelles, scientifiques, associatives du domaine, et une régulation d’origine externe, plus ou moins formelle et contraignante selon qu’elle émane des pouvoirs publics ou résulte d’un besoin exprimé par certaines parties de la société (groupes d’usagers ; etc.). (iii) La fonction de formation concerne l’organisation des dispositifs d’acquisition et de mise à jour des compétences nécessaires aux acteurs du domaine. Il ne s’agit pas nécessairement ici d’une activité d’enseignement, bien que certains domaines puissent disposer de leurs propres établissements d’enseignement, notamment supérieur (écoles de commerce ; écoles militaires ; etc.). La fonction de formation peut en effet couvrir un ensemble très large, allant de l’organisation des dispositifs formels de formation académique et professionnelle initiale ou continue à d’autres formes telles que, par exemple, la diffusion des connaissances par le biais de publications spécifiques (journaux professionnels ; magazines thématiques ; etc.), la formation à la pratique et par la pratique par le biais de structures spécifiques (clubs ; associations ; etc.).18

23Il résulte, nous l’espérons, clairement de tout ceci qu’un domaine spécialisé ne se réduit ni à la seule activité de ses acteurs emblématiques ni, a fortiori, à leur seule activité de discours, voire à leur seule activité de discours de recherche, mais constitue un système essentiellement complexe, dont l’identité en tant que domaine spécialisé résulte de la combinaison spécifique de l’ensemble des éléments d’ordre divers qui lui sont rapportés. Il reste donc à examiner les incidences de ce qui précède sur la conception du discours des domaines spécialisés, et sur la détermination des orientations de l’analyse de ce discours.

2.2. Le discours des domaines spécialisés et le spécialisé

24La notion de discours des domaines spécialisés, telle qu’elle découle de la notion de domaine spécialisé, implique fondamentalement une remise en perspective du discours, qui permet de préciser plusieurs points essentiels et contribue à poser de nouveaux repères pour l’analyse du discours.

25Le premier point est celui du statut du discours au regard du spécialisé. La notion de discours des domaines spécialisés implique, d’après notre conception des domaines spécialisés, que la propriété désignée par le terme de spécialisé, construite au niveau du domaine, se transmet ou se diffuse au niveau des composants (concepts ; connaissances ; discours ; pratiques ; etc.) du domaine. Ces composants deviennent ainsi, par principe, des composants de statut spécialisé. Dans le cas du discours, nous dirons donc que le discours d’un domaine spécialisé tire son statut de discours spécialisé de son appartenance au domaine. Ce principe théorique permet d’apporter une réponse à une objection que nous formulions dans notre introduction, puisqu’il en découle que le statut de discours spécialisé d’un discours peut légitimement être tenu pour acquis dès lors que le domaine correspondant remplit les conditions de définition d’un domaine spécialisé. Cette définition ne comportant pas de degrés, le statut théorique de discours spécialisé n’en comporte pas non plus, ce qui répond à certaines interrogations formulées dans la première partie. Du point de vue du statut, il n’y a en effet pas de différence entre le discours manifestement spécialisé de domaines comme les mathématiques ou la médecine et le discours apparemment moins ou peu spécialisé de domaines comme l’histoire ou la sociologie, puisque les mathématiques, la médecine, l’histoire, la sociologie, sont des domaines spécialisés. Il résulte également de la définition des domaines spécialisés que le statut théorique de discours spécialisé s’applique nécessairement à l’ensemble du discours d’un domaine. Le discours du domaine du journalisme ou de celui de la politique est donc, par principe, globalement et constamment de statut spécialisé, quels que soient les sujets dont il traite. Il n’en reste pas moins que, du point de vue des caractères apparents, il y a évidemment des différences remarquables entre, par exemple, le discours des mathématiques et celui de l’histoire ou, dans le discours du journalisme, selon qu’il traite, par exemple, de questions financières ou médicales ou d’actualité générale. La notion de discours des domaines spécialisés permet de rendre compte de ces différences, qui ne sont pas des différences de statut théorique, en termes de propriétés particulières.

  • 19  Les propriétés particulières ne sont donc, par elles-mêmes, ni spécialisées ni spécifiques. (...)
  • 20  « Au fond », car l’approche de l’auteur, de son titre (qui parle de « l’anglais de l’histoire ») à (...)

26Le deuxième point est donc celui des propriétés particulières, par quoi nous entendons l’ensemble des éléments qui construisent l’identité propre du discours d’un domaine spécialisé, c’est-à-dire sa spécificité en tant que discours de statut spécialisé.19 Cet ensemble nous paraît comporter deux niveaux : celui des caractères apparents, qui constitue en quelque sorte le phénotype du discours, et celui des déterminants, qui constitue donc son génotype. On peut poser le principe que les caractères apparents ne sont pas ce qui fonde les propriétés de discours de statut spécialisé d’un discours mais constituent seulement des manifestations de ces propriétés. Ceci permet d’expliquer qu’un discours puisse avoir des propriétés de discours de statut spécialisé même si ses caractères apparents n’incluent pas certains éléments spontanément associés au spécialisé, voire parfois tenus pour des caractéristiques essentielles du spécialisé (terminologie ; notations symboliques ; etc.). L’absence d’éléments de cet ordre dans un discours donné tient simplement, nous semble-t-il, à ce que la nature particulière de ses propriétés de discours de statut spécialisé ne requiert pas de recourir à ces formes de réalisation, ce qui n’empêche pas que l’on puisse identifier d’autres caractères apparents, appropriés à la manifestation de ces propriétés particulières. Le discours de l’histoire par exemple, qui paraît présenter une absence remarquable de terminologie propre au domaine, n’en comporte pas moins un certain nombre d’autres caractères apparents qui renvoient à des propriétés fondamentales de l’histoire (rapport au temps, aux sources ; absence d’observation directe ; etc.), comme nous paraît le démontrer, au fond, l’étude de Trouillon (2009).20

27Le troisième point concerne le statut de l’activité de discours dans les domaines spécialisés. Notre définition des domaines spécialisés, on l’a souligné, ne mentionne pas explicitement le discours et elle considère donc implicitement l’activité de discours comme l’une des modalités particulières d’exercice de l’activité d’un domaine spécialisé. L’activité de discours apparaît ainsi plus ou moins centrale, en fonction de la spécificité de chaque domaine, c’est-à-dire, notamment, en fonction de la finalité particulière qui est celle de l’activité principale de chaque domaine. Ainsi, il nous semble que la production de discours, qui constitue un élément essentiel de réalisation de l’activité principale du journalisme, a un rôle très différent dans le domaine de la musique. Si l’on examine l’activité principale du domaine du point de vue de ses acteurs emblématiques, on peut résumer ceci en termes très simplifiés en disant que l’activité du journaliste consiste largement à produire de l’information à travers la production de discours alors que l’activité du musicien consiste largement à produire de la musique. Du point de vue de l’ensemble du domaine maintenant, il y a bien sûr, dans le domaine de la musique comme dans tous les autres, une activité de discours, qui a une utilité fonctionnelle : elle permet notamment aux acteurs de communiquer entre eux et avec le reste du corps social à propos de leur activité (fonction d’opération), d’organiser et de réguler cette activité (fonction de régulation), de contribuer à la formation des acteurs du domaine (fonction de formation).

  • 21  Il faudrait donc préciser à quelles conditions théoriques l’article de critique musicale, qui para (...)

28Tout ceci n’est pas sans conséquences sur l’analyse du discours et sur la portée des résultats qu’elle permet de produire selon les objets auxquels elle s’attache. On perçoit facilement en effet qu’un travail d’analyse du discours qui consisterait à caractériser un genre comme celui du programme de concert ou de l’article de critique musicale dans un quotidien n’apporterait qu’une contribution marginale à la connaissance et à la compréhension du discours de la musique en tant que discours de statut spécialisé si l’on ne précise pas le statut de ce genre dans le domaine lui-même.21 Il nous semble que la même réflexion peut s’appliquer, mutatis mutandis, aux travaux d’analyse du discours qui abordent, par exemple, le discours de la médecine à partir du genre de l’article de recherche médicale. Des travaux de ce type ont, naturellement, outre leur intérêt intrinsèque, une pleine légitimité théorique et épistémologique dans le cadre d’une analyse du discours conçue en termes d’analyse de genre et/ou de langue de spécialité. Du point de vue de l’analyse du discours telle que nous la concevons dans le cadre de l’étude des domaines spécialisés, l’enjeu est plutôt de chercher à saisir l’ensemble du discours d’un domaine spécialisé pour éclairer la connaissance et la compréhension de ce domaine. Il s’agit donc, plutôt que de s’attacher à la caractérisation linguistique de certains genres du discours, ou avant de le faire, de chercher à dresser la carte d’ensemble du discours d’un domaine. Ceci suppose que l’on puisse s’appuyer sur une typologie générale plus élaborée que celle qui résulte de notre approche fonctionnelle sommaire (discours d’opération ; discours de régulation ; discours de formation). C’est là, nous semble-t-il, un objectif prioritaire pour l’analyse du discours dans le cadre de l’étude des domaines spécialisés.

Conclusion

29Il est constant, pourrait-on dire, qu’il y a du (discours) spécialisé, puisqu’il y a (de l’analyse) du discours spécialisé, mais il n’est pas constant quel il est. On convient du nom sans convenir de la chose, et on s’accorde sur les paroles pour contester sur leur signification. Le propos ainsi adapté de Corneille (« Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique ») résume ce que nous avons cherché à démontrer dans la première partie de notre étude. Ce constat, établi et argumenté à partir de la fréquentation des travaux d’analyse du discours spécialisé, ne fait en un sens que renvoyer à une exigence fondamentale de la recherche, le principe selon lequel « [u]ne recherche empirique ne devient science que lorsqu’elle se décide à “construire” son objet ; au lieu d’accueillir pêle-mêle tous les phénomènes observables dans un certain champ d’investigation, elle élabore elle-même les concepts à l’aide desquels elle interroge l’expérience » (Ducrot & Schaeffer 1995 : 292). Si la construction de l’objet discours spécialisé reste imparfaite ou inachevée, comme l’examen des travaux qui en traitent nous paraît le démontrer, ce n’est pas, nous semble-t-il, que leurs auteurs ne soient pas généralement conscients de cette exigence mais plutôt que l’identité commune de cette recherche reste incertaine. L’absence de consensus sur le discours spécialisé paraît donc d’autant plus inévitable que l’analyse du discours spécialisé ne paraît pas avoir vocation à devenir elle-même une science autonome. L’objet discours spécialisé ne peut en effet qu’être construit différemment par la recherche terminologique, la recherche linguistique appliquée à l’enseignement de la langue, la recherche sociolinguistique, etc.

30Le cadre de notre recherche sur le discours spécialisé ayant été précisé en introduction – l’anglais de spécialité conçu en termes d’études anglophones – c’est naturellement dans ce cadre spécifique que nous avons cherché à construire l’objet discours spécialisé. Et ce sont donc quelques-unes des différentes étapes nécessaires à cette construction que nous nous sommes attaché à exposer dans la seconde partie de notre étude, en proposant une première définition commentée de la notion de domaine spécialisé. Nous espérons avoir réussi à démontrer que la notion de discours des domaines spécialisés, qui en découle, permet d’avancer vers une meilleure prise en compte du spécialisé du discours ou, en tout cas, de formuler des repères pour concevoir une forme d’analyse du discours qui se donne cet objectif. Il reste à la mettre en œuvre…

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Bibliographie

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Notes

1  Cette forme substantivée, commode pour des raisons de formulation, trouve sa motivation essentielle dans un ensemble de considérations d’ordre théorique qui apparaîtront en filigrane tout au long de notre propos.

2  Cette expression, que nous adaptons de celle de « jugement de spécialité » (Charaudeau et Maingueneau, dir. 2002 : 540), nous paraît traduire une dimension fondamentale de la reconnaissance du caractère spécialisé des productions langagières.

3  Ou, dans la tradition anglophone internationale, de la linguistique appliquée (applied linguistics). Il nous semble toutefois que, du fait des orientations prises par certaines formes ou écoles anglophones d’analyse du discours – on songera notamment à l’analyse critique du discours (critical discourse analysis) –, le cadre général de l’analyse du discours dans la tradition anglophone ne se limite pas à la linguistique appliquée mais doit être envisagé dans une perspective plus interdisciplinaire faisant notamment une place plus large aux sciences sociales. Ce qui pose d’autres questions de positionnement, dont nous ne traiterons pas ici pour ne pas trop nous éloigner de l’argumentation centrale de cette section.

4  Extrait du texte de cadrage (non signé) figurant en page de copyright dans certains volumes de la collection des Carnets du Cediscor, notamment celui d’où est extraite la citation de Beacco & Moirand (1995) que nous avons reproduite plus haut.

5  Grossièrement : linguistique appliquée pour la tradition internationale (LSP) ; langues vivantes étrangères et/ou sciences du langage pour la tradition française de la langue de spécialité, selon la langue concernée.

6  « Another controversial aspect which still seeks consensus by scholars investigating specialized discourse is the term used to define its object » (Gotti 2003 : 22).

7  Voir par exemple, sur le discours historique, la récente étude de Trouillon (2009).

8  La deuxième partie de la citation parle sans doute plus de langue de spécialité (« moyens d’expression ») que de discours spécialisé ou de textes spécialisés mais cette liste d’« usagers », en tant qu’elle constitue aussi une liste de destinataires du discours, repose la question de la définition en termes exclusifs de transmission de connaissances. Aussi importante que soit l’information du justiciable ou du citoyen, le discours de la justice ou de l’administration n’a-t-il pas aussi ou surtout d’autres objectifs vis-à-vis du justiciable ou du citoyen ?

9 « The second case is when specialists address non-specialists to explain notions pertaining to their discipline. […] Typical texts of this nature are academic textbooks and instruction manuals » (Gotti 2003 : 26).

10  Il exclut pourtant de son étude les textes du deuxième type : « The texts taken into consideration are those employed by specialists to communicate with their peers ; they do not include popularisations or textbooks, which serve other communicative purposes and follow linguistic-pragmatic criteria different to those of genuine specialized texts » (Gotti 2003 : 12 ; c’est nous qui soulignons).

11  Voir, par exemple, De Bessé, qui parle de « l’organisation des connaissances d’un groupe de spécialistes dans telle ou telle discipline » (2000 : 187 ; c’est nous qui soulignons).

12  Voir, par exemple, Lerat, qui parle de « langue en situation d’emploi professionnel », renvoyant « aux professions pour les savoirs » (1995 : 21, 12 ; c’est nous qui soulignons).

13 « This perspective stresses both the type of use and the domain of use, as well as the special application of language in that setting. For specialized discourse to develop, all three of these factors need to be present » (Gotti 2003 : 24).

14  L’alternance irrégulière de ces deux expressions dans les travaux de terminologie, y compris au sein d’un même texte – voir, par exemple, L’Homme (1998), Cabré (2000) –, paraît indiquer qu’elles sont tenues pour équivalentes.

15  Voir, par exemple, sur ce rôle et cette notion, l’article de De Bessé, justement intitulé « Le domaine » (2000).

16  Nous ne pouvons développer ici la question complexe des relations entre domaines de rang différent (disons, la musique et la musicologie, ou le sport et les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS)), qui pose un certain nombre de difficultés théoriques et méthodologiques de même nature que celles qui sont mises en évidence par certains travaux d’analyse du discours : tendance à considérer comme spécifiques du domaine de rang inférieur (par exemple le discours de la pneumologie) des caractéristiques qui sont des traits génériques du domaine superordonné (le discours de la médecine) ; tendance à considérer comme caractéristiques d’un domaine (par exemple la biologie) des éléments qui relèvent surtout d’un autre (le genre journalistique de l’article de vulgarisation).

17  Les définitions courantes de la régulation, telles qu’elles sont formulées par les dictionnaires généraux, font explicitement référence à l’action coordonnée sur un système complexe, au maintien de l’équilibre d’un système complexe, etc.

18  Du point de vue de l’étude des domaines spécialisés, la fonction de formation nous paraît présenter un intérêt particulier dans la mesure où elle permet à la fois d’éclairer la conception de la fonction d’opération et d’examiner les conditions d’articulation entre domaines spécialisés.

19  Les propriétés particulières ne sont donc, par elles-mêmes, ni spécialisées ni spécifiques.

20  « Au fond », car l’approche de l’auteur, de son titre (qui parle de « l’anglais de l’histoire ») à la référence à la notion classique de communauté de discours, paraît assez différente de celle que nous défendons ici. Il nous semble en tout cas que, loin d’aboutir à une impasse, voire trois impasses, comme le dit l’éditorial de Van der Yeught (2009 : 1), cette étude de Trouillon contribue à la fois à la caractérisation de son objet et à l’illustration de ce que peut recouvrir la notion de propriétés d’un discours de statut spécialisé lorsque ces propriétés ne se manifestent pas par une terminologie apparente.

21  Il faudrait donc préciser à quelles conditions théoriques l’article de critique musicale, qui paraît appartenir au premier chef au discours du journalisme (comme l’article de critique cinématographique, théâtrale, etc.), peut être inclus aussi dans le discours de la musique.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel PETIT, « Le discours spécialisé et le spécialisé du discours : repères pour l’analyse du discours en anglais de spécialité », E-rea [En ligne], 8.1 | 2010, mis en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 01 mars 2014. URL : http://erea.revues.org/1400 ; DOI : 10.4000/erea.1400

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Auteur

Michel PETIT

Université de Bordeaux, Équipe Anglais de spécialité, politique et didactique de l’anglais de l’EA 4140 LACES
Michel Petit, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé d’anglais, est professeur de 11e section à l’Université Victor Segalen Bordeaux 2, où il a exercé diverses responsabilités administratives (direction de département), pédagogiques (responsable de master recherche) et scientifiques (directeur d’équipe d’accueil) et dirige depuis 2007 l’Ecole doctorale des sciences sociales. Il a été de 2001 à 2007 président du Groupe d’étude et de recherche en anglais de spécialité (GERAS) et directeur de la revue ASp. Sa recherche porte sur la théorie et l’épistémologie de l’anglais de spécialité.

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