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La didactique du français du marketing dans l’Ouest algérien
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La didactique du français du marketing dans l’Ouest algérien

The Didactics of French Marketing in West Algeria
Oum-El-Djilali Kadi
p. 142-154

Résumés

En Algérie, les étudiants de troisième cycle sciences commerciales se voient dispenser leurs cours en français. La maîtrise de la langue française est par conséquent un élément incontournable pour l’optimisation de l’enseignement-apprentissage de la spécialité en langue française. Cependant, ce public ne possède pas assez d’outils en français pour appréhender la pensée que tentent de lui communiquer les formateurs. Afin de fournir à ces apprenants des mesures d’aide adaptées à leurs problèmes, nous avons fait en sorte, à travers une analyse des besoins linguistiques, de connaître quels aspects de la langue occasionnent des erreurs, et de mettre en exergue les éléments nécessaires à la mise en place d’un curriculum destiné à remédier à ces écueils.

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Texte intégral

Le français de spécialité en Algérie : état des lieux

1Les jeunes Algériens sont immergés dans un bain linguistique d’une grande richesse. La langue française, en Algérie, représente la langue seconde (Cuq 2003 : 108) la plus usitée, la langue maternelle étant le maghribi (Elimam 2003), dite « arabe darija » ou « arabe algérien », ou « algérien » tout court.

2L’enseignement des langues secondes en Algérie, et particulièrement celui de la langue française, est aujourd’hui confronté à une demande de plus en plus forte eu égard à l’importance et à la diversité des spécialités enseignées dans cette langue. Ce besoin est aussi bien ressenti dans les universités que dans les contextes professionnels à dominante technique et technologique. On peut considérer que cette demande intervient en amont en ce sens que, s’il existe un public demandeur de formation en langue de spécialité, c’est qu’il est exigé de ce public une capacité langagière précise. Aussi est-ce toujours une formation diplômante ou une structure en charge de l’emploi qui crée le besoin.

3Cet article est la résultante de notre expérience de professeur de français général dans l’enseignement secondaire de 1993 à 2006. Il est aussi et surtout l’aboutissement d’un travail de recherche que nous avons effectué entre 2004 et 2006, dans le cadre de la préparation d’un Magister en « Didactique de la Spécialité en Langue Française », initié par A. Elimam, linguiste. Les séminaires, dans cette formation, ont essentiellement porté sur la didactique des langues et sur la linguistique.

  • 1  Universités de Mostaganem, d’Oran et de Sidi Bel Abbès.
  • 2  Quelques rares modules sont assurés par des enseignants de formation francophone, non encore conve (...)

4Pour cette étude, nous avons examiné les besoins en français du marketing au sein de trois universités1 de l’Ouest algérien. Les étudiants des facultés de sciences commerciales vivent une situation paradoxale dans le sens où ils « subissent » une formation de Magister (première post-graduation) presque exclusivement en langue française. Avant cette formation, ces mêmes apprenants ont d’abord suivi, de manière générale, un cursus en langue arabe2, jusqu’à l’obtention de la licence. Ce faisant, les étudiants dont il s’agit ne maîtrisent (pour la plupart) pas la langue française (français général) à travers laquelle se fait l’enseignement en post-graduation. A fortiori ils maîtrisent encore moins la « langue spécialisée » (Lerat 1995) dans laquelle sont dispensés les modules.

5Le problème de communication ne manque pas de se faire sentir dés le début de la formation et se trouve accentué le jour de l’épreuve de soutenance : l’étudiant arabisant, bien que maîtrisant son sujet, est souvent incapable de le défendre devant un jury, faute de maîtriser la langue dans laquelle il doit transmettre le message.

  • 3  Exemples des universités de Grenoble et Lille I pour la faculté des sciences commerciales d’Oran, (...)

6Plusieurs autres facteurs, tels que la multiplication des formations post-graduées dispensées en langue française, le fait que la quasi-totalité de la documentation disponible soit en français, ainsi que les accords de coopération avec des universités françaises3, plaident en faveur de l’enseignement-apprentissage du français de spécialité en Algérie.

7En nous appuyant sur cette étude de cas réel – cas de l’option marketing dans des facultés de sciences commerciales dans l’Ouest algérien – nous nous sommes efforcée de montrer en quoi les besoins en langue française s’inscrivent dans les grandes lignes des besoins en langue de spécialité.

8Les questions qui se sont dès lors posées à nous sont les suivantes :

  • faut-il enseigner la langue française pour enseigner le marketing en français ?

  • auquel cas, pour quel type de formation devons-nous opter ? Une formation intensive, extensive, ou encore un apprentissage en semi-autonomie ?

    • 4  Il faut noter qu’on part, dans certains cas, presque d’un niveau zéro.

    les niveaux en langue française des apprenants étant disparates4, un module commun de français de spécialité suffirait-il à répondre aux besoins de l’ensemble des étudiants ? Sinon, quelle(s) solution(s), rentable(s) et réalisable(s), pouvons-nous alors préconiser ? Quelles mesures devons-nous adopter afin d’optimiser l’enseignement de la langue française et de mieux répondre aux attentes des apprenants ?

Les besoins des apprenants

9L’objectif premier de toute formation est d’amener un apprenant d’un point A à un point B, en comblant les lacunes entre le début et la fin de la formation. La mission de l’enseignant de français de spécialité consiste donc à organiser une formation destinée à permettre aux étudiants d’acquérir les compétences linguistiques nécessaires pour pouvoir accomplir certaines tâches avec aisance, à savoir : la compréhension orale des cours disciplinaires et la prise de notes, la compréhension de supports pédagogiques écrits, ainsi que la rédaction et la présentation d’exposés.

10Cette tâche ne peut être effectuée que dans le cadre d’une démarche d’ingénierie de la formation, qui constitue « l’ensemble coordonné des travaux de conception et de réalisation des systèmes de formation » (Rolle-Boumlic 2002 : 3). Ce procédé est notamment utilisé dans un souci « d’optimisation de réalisation d’un dispositif, d’un programme ou d’un projet » (Cuq 2003 : 129). Nous avons opté pour ce type de démarche en partant du principe que maîtriser une langue étrangère en peu de temps est une tâche cognitive complexe dont la réalisation nécessite de passer par une multitude d’étapes. A contrario, la méthode de français langue de spécialité traite de problèmes beaucoup plus ciblés (nous pourrions parler de « micro-problèmes ») et, par conséquent, moins complexes. Aussi avons-nous emprunté la démarche d’ingénierie de la formation, que nous avons adaptée à des besoins linguistiques puisque cette approche est initialement conçue pour la mise en place de savoirs (user de formules de politesse), savoir-faire (lire un CEG - en comptabilité, un compte d’exploitation général) et savoir-être (résister au stress) professionnels. La méthode de français langue de spécialité (FLS), quant à elle, vise des compétences plutôt linguistiques que comportementales. Par exemple, afin de maîtriser la compétence « argumenter », il faut être capable de justifier – donc savoir user des tournures exprimant les rapports de cause et de conséquence –, exprimer une opposition entre deux thèses, et même décrire et comparer.

11La démarche ingénierique s’inscrira alors dans le cadre du français langue de spécialité. Dans l’article de J.-P. Cuq concernant le français sur objectifs spécifiques (FOS), nous pouvons relever deux points communs du FOS avec le FLS :

Il est né du souci d’adapter l’enseignement du FLE à des publics adultes souhaitant acquérir ou perfectionner des compétences en français pour une activité professionnelle ou des études supérieures.
Il s’inscrit dans une démarche fonctionnelle d’enseignement et d’apprentissage : l’objectif de la formation linguistique n’est pas la maîtrise de la langue en soi mais l’accès à des savoir-faire langagiers dans des situations dûment identifiées de communication professionnelles ou académiques […] (Cuq 2002 : 109).

12L’enseignement linguistique est par conséquent lié à des contenus de la spécialité, a priori inconnus de l’enseignant de français, ce qui implique de sa part une démarche différente de celle d’un cours de français langue étrangère.

13Tout programme ciblé se construit selon le profil du public concerné puisqu’il doit lui être adapté. Le tout est de savoir comment articuler l’enseignement de la langue française avec un autre champ disciplinaire qui est, dans notre cas, celui du marketing.

14La démarche a d’abord consisté à identifier les besoins des apprenants. Et, pour ce faire, nous avons commencé par analyser le corpus marketing, afin de mettre en exergue les éléments récurrents dans ce type de discours et ainsi dégager un référentiel. Cette analyse qui a, bien entendu été faite sur un corpus authentique, nous a permis de déterminer les outils linguistiques requis chez l’apprenant en marketing.

15Partant du référentiel d’enseignement mis en place, nous avons élaboré un test d’évaluation en langue française (cf. annexe 4), auquel nous avons soumis les étudiants, dans le but de vérifier auprès de ce public si les éléments linguistiquesrequis étaient effectivement acquis. Ainsi, l’écart entre éléments requis et acquis nous a permis de déterminer les besoins des apprenants, et de là, de concevoir un plan de formation (curriculum) et faire des propositions d’activités pédagogiques.

De l’analyse du corpus au cours de français de spécialité

16L’analyse du corpus marketing nous a permis de constater que les textes proposés dans le cours de marketing sont par excellence des textes de type expositif, se caractérisant essentiellement par l’emploi de phrases déclaratives ainsi qu’une ponctuation assez particulière, puisque les signes de ponctuation les plus récurrents sont les deux points et les parenthèses, qui introduisent une explication, une définition, un détail, ou un complément d’information. Les parenthèses peuvent de même renfermer une illustration ou une re-formulation.

17Une autre caractéristique du discours marketing est la prépondérance d’un certain nombre d’outils grammaticaux et lexicaux, tel que l’emploi des anaphores lexicales et grammaticales, l’utilisation des articulateurs chronologiques, mais aussi des articulateurs logiques, comme pour l’expression du but ou de la conséquence ou encore l’expression de la cause, qui permet d’apporter des explications, ce qui est le propre du texte expositif.

18Pour l’enseignant de français langue de spécialité, il s’agit essentiellement, dans ce volet, de lever l’ambiguïté et d’éviter l’incompréhension lors de l’emploi de certaines structures.

  • 5  Les exemples proposés sont extraits de support de cours authentiques (cf. annexe 1).
  • 6  Doc. = Document.
  • 7  Constatation faite au cours de 14 années d’enseignement, au lycée, puis à l’université, en Algérie (...)

19Par exemple, dans le passage suivant : « Si le critère de l’âge est pertinent pour le marché du mobilier, il ne l’est pas pour celui des micro-ordinateurs »5(Doc. 6, p. 4)6, l’apprenant a tendance à établir un rapport de condition entre les deux phrases7 car, au cours de sa scolarité, il s’est installé en lui un automatisme selon lequel « (si) introduit une relation de condition ». Or, la relation logique existant entre les deux propositions est un rapport d’opposition. En effet, dite autrement, la phrase pourrait être : « Le critère de l’âge est pertinent pour le marché du mobilier, mais pas pour celui des micro-ordinateurs ».

20De même, il serait intéressant de faire remarquer à l’apprenant, auquel on a toujours appris que les connecteurs logiques étaient des conjonctions ou des locutions conjonctives, que certains verbes jouent le rôle de connecteurs logiques, comme dans l’extrait suivant : « l’emploi des textiles synthétiques ou du béton préfabriqué a suscité l’essor de la laine, d’une part, de la pierre, d’autre part » (Doc. 3, p. 47), le verbe « susciter », qui peut être remplacé par « entraîner », ou « avoir pour conséquence », ou encore « engendrer » marque bien dans cette phrase une relation de cause à effet, entre les deux propositions.

21Dans le passage suivant : « Les produits, les services, ont une durée de vie plus ou moins longue : ils s’usent par dépassement de la technique, par lassitude de la clientèle, par le renouvellement provoqué par les producteurs eux-mêmes » (Doc. 3, p. 45), la cause est exprimée à trois reprises dans les passages : « par dépassement de la technique », « par lassitude de la clientèle », et « par le renouvellement… », puisqu’on aurait pu dire : « Les produits, les services, ont une durée de vie plus ou moins longue : ils s’usent à cause du dépassement de la technique, à cause de la lassitude de la clientèle, à cause du renouvellement provoqué par les producteurs eux-mêmes ».

22Cependant, dans le passage « le renouvellement provoqué par les producteurs eux-mêmes », « par » introduit la voix passive et non la cause comme dans les trois premiers cas. Encore une fois, on se trouve ici face à un automatisme installé chez l’apprenant algérien, selon lequel on reconnaît une construction passive grâce à la présence du terme « par ».

23Il serait intéressant que nous nous arrêtions sur ce point afin de faire un certain nombre de remarques et de lever cette ambiguïté.

24D’abord, il est important de rappeler aux étudiants que, pour comprendre un texte, il est indispensable d’aller vers le sens de l’énoncé et de ne pas s’arrêter à des mots, qui peuvent être plus des « mots-pièges » que des « mots-guides ».

25Ensuite, pour illustrer cette idée, on peut leur proposer un certain nombre d’exemples dans lesquels on utilise le vocable « par », sans pour autant exprimer une passivation : « je l’ai rencontré par hasard », « il a commis ce crime par amour », « elle va à son cours de chant par habitude et non par passion », etc.

26Enfin, il serait intéressant de doter les apprenants d’une astuce efficace qui leur permette de discriminer un énoncé à la voix active d’un énoncé à la voix passive. En effet, il suffit d’observer le sujet grammatical, à savoir le nom, pronom ou groupe nominal placé avant le verbe. Si celui-ci fait l’action (exprimée par le verbe), on dira que c’est un « sujet actif », et la phrase est à la voix active. Si au contraire le sujet subit l’action, il est dit « passif » et l’énoncé est à la forme passive.

27Les modes et les temps des verbes sont également des outils de langue importants dans le module de français de spécialité destiné aux étudiants en marketing. Bien que le présent de l’indicatif (présent atemporel) soit le temps prépondérant dans le type de discours étudié, d’autres temps et modes employés posent souvent problème aux étudiants algériens. En effet, dans l’extrait suivant : « La notion de taille d’un segment sera très relative d’une entreprise à l’autre. Un atout pour notre dirigeant de micro-entreprise : Les petits créneaux ne pourront pas intéresser les grosses entreprises […] » (Doc. 6, p. 7), l’auteur fait une projection dans le futur, annonçant ainsi des faits certains. Pour cela, il emploie le futur simple de l’indicatif. Dans l’extrait suivant : « Deux simples questions posées vont permettre d’apprécier l’élasticité de la demande […] » (Doc. 5, p. 119), l’auteur exprime aussi un fait futur et certain. Cependant, il ne conjugue pas le verbe « permettre » au futur, mais utilise une forme particulière qui exprime un futur proche : « le verbe « aller » au présent de l’indicatif + le verbe « permettre » à l’infinitif ». Il est intéressant de souligner ce point à l’apprenant, rappelons-le, arabisant et arabisé, pour qui une telle construction linguistique n’est pas toujours évidente.

28En revanche, dans la proposition qui suit, l’auteur emploie aussi le futur simple, mais le verbe étant suivi de l’expression « peut-être », la probabilité que le fait se réalise dans le futur s’atténue : « ici la vente se fera peut-être en boutiques sélectionnées à prix élevés » (Doc. 4, p. 6). Ainsi, nous serons amenés à étudier les degrés de la probabilité, en insistant sur l’emploi précis de certains termes, tels que : peut-être, probable, certain, etc.

29Le conditionnel présent, lui, est usité afin d’exprimer un fait futur mais pas certain, dont l’accomplissement dépend d’une condition énoncée ou non (sens potentiel), comme l’illustrent les passages ci-après : « La demande du marché relative à un produit est le volume total qui serait acheté par un groupe de clients donné […] » (Doc. 2, p. 212), ou encore : « L’entreprise pourrait proposer une offre différente et adaptée à chacun de ses clients. On parlerait de marketing sur mesure » (Doc. 6, p. 2).

30De même, l’effacement de l’énonciateur caractérise le texte expositif. Il est marqué par l’emploi du pronom indéfini « on » et des tournures impersonnelles (il est + adjectif + de/il convient de/il y a/il suffit de/il s’agit/il existe/il faut). Cet effacement renforce l’objectivité de l’énonciateur (dont l’objectif premier est de transmettre une information), objectivité obtenue par une nominalisation importante. En fait, j’avais employé « de même » pour marquer le fait que l’objectivité de l’énonciateur est marquée, d’une part, par l’emploi de la nominalisation et, d’autre part, par l’emploi du pronom indéfini « on » et les tournures impersonnelles.

31De plus, dans les cours de marketing, les illustrations sont omniprésentes et de différentes natures, aussi avons-nous, d’une part, les représentations graphiques (graphes, courbes et schémas) et, d’autre part, les exemples (numériques ou non), introduits par des signes de ponctuation, ou encore par des expressions telles que : « par exemple », « citons en exemple », etc. Il serait donc intéressant de travailler avec l’apprenant aussi bien ces tournures qui lui permettront de reconnaître tout de suite l’introduction d’un exemple, mais aussi de revenir sur tout un lexique et des tournures grammaticales propres à la lecture des représentations graphiques.

32L’étape de la lecture et de l’interprétation des représentations graphiques nous semble importante puisque, pour l’étudiant en marketing, il ne s’agit pas d’être seulement capable de lire, comprendre et rédiger des textes expositifs, mais aussi de lire et interpréter les représentations graphiques qui les illustrent et qui représentent non seulement des informations quantitatives, mais aussi, très souvent, des informations qualitatives. Ceci nous amène à l’étude des quantités, des fluctuations, des articulateurs, ainsi que de la nominalisation.

33Reconnaître une définition est une étape importante dans la partie « lecture active » du cours de français de spécialité. Les définitions sont présentées sous forme de patterns (Galisson & Coste 1976 : 404) variés : en mathématiques, par exemple, la structure morphosyntaxique la plus observée est : (On appelle « A » un « B »), alors qu’en sciences physiques c’est plutôt : (« A » est constitué de « B » et « C »), ou encore : (« A » se compose de « B » et « C »). Dans les textes proposés aux étudiants en Magister « marketing », le schème récurrent quant à l’énoncé de la définition est : (« A » est « B »), « A » représentant l’élément défini (sujet de la définition) et « B », une proposition qui constitue le « le corps de la définition ». Ce canevas a une variable : (« A », c’est « B »), comme nous pouvons le constater dans les passages suivants :

34Le marketing est l’ensemble des actions qui, dans une économie de marché, ont pour objectif de prévoir ou de constater et, le cas échéant, de stimuler, susciter ou renouveler les besoins du consommateur [...]. (Doc. 4, p. 2)
Le marketing n’est qu’un moyen de vendre, réduit, surtout, au domaine publicitaire ou promotionnel. (Doc. 4, p. 1)
Une stratégie d’indifférenciation, c’est proposer une seule offre à plusieurs segments du marché ou à l’ensemble des segments. (Doc. 6, p. 8)
Le positionnement d’une entreprise ou d’un produit, c’est la place qu’occupe l’entreprise ou le produit dans l’esprit des clients par rapport à l’univers concurrentiel. (Doc. 6, p. 10)

35Un autre aspect du cours de français de spécialité nous semble incontournable : la compréhension orale (cf. annexe 4).

36Afin de combler cette lacune, nous pourrions proposer aux apprenants des textes, dans lesquels ils devront identifier tous les passages qui ne font pas partie intégrante du cours de marketing, mais qui représentent un discours parallèle du pédagogue.

37Cet exercice peut être d’abord fait à l’écrit, avec les étudiants les plus en difficulté, puis à l’oral, où le débit de lecture du texte irait crescendo, jusqu’à un débit naturellement utilisé en cours magistral.

Le lexique général et le lexique de spécialité

38Dans la langue générale, on parle de « mot » alors que l’on fait référence au « terme » lorsqu’il s’agit de langue de spécialité. « Le mot » est polysémique, tandis que « le terme », mot strictement défini en français des sciences et des techniques (Challe 2002 : 72) est généralement monosémique. D’où l’intérêt d’étudier la polysémie avec les étudiants, afin d’attirer leur attention sur le fait qu’un même terme peut changer de sens selon le contexte (général ou spécialisé) dans lequel il est utilisé.

39En français du marketing, on peut parler de « xéno-lexique ». En effet, le marketing est un domaine qui renferme beaucoup d’anglicismes. Le terme « marketing » lui-même est d’origine anglaise. Alors que le terme français existe (« la mercatique »), il n’est quasiment pas utilisé, même en France et par les Français. Outre le terme « marketing », nous pouvons relever, par exemple, les termes suivants : « packaging », « mailing », « design », « merchandising », « leader », etc.

40Il est à remarquer que la quasi-totalité de ces termes ne sont pas « francisés », puisqu’ils sont intégrés dans la langue sans modification, ni dans l’orthographe, ni dans la prononciation. On parlera dans ce cas d’emprunt, de calque (Galisson & Coste 1976 : 181) ou de traduction zéro.

41Cependant, la plupart des termes utilisés en marketing restent tout de même bien français, et nombre d’entre eux sont formés avec des préfixes (déstockage, décroissant, irrégulier, etc.), mais surtout avec des suffixes, d’où l’intérêt d’étudier la suffixation dans la nominalisation avec les apprenants en marketing.

42Pour la formation des noms d’action, le suffixe le plus récurrent est : -ation (dans segmentation, consommation, représentation, présentation (d’un produit), estimation, fixation (de prix), adaptation, modification (de stratégie), organisation (d’un circuit), modélisation, évaluation, planification, démonstration, implication, maximisation, etc.). Quoique moins prépondérants dans le discours marketing, d’autres suffixes, tel que : -age (dans ciblage, publipostage, stockage, marchandisage, etc.), ou encore -(e)ment (dans conditionnement, investissement, lancement, etc.), seraient tout de même intéressants à étudier. Les trois suffixes susmentionnés signifient : « action » (Grevisse 1994 : 21).

43Le suffixe -eur, au féminin -euse, signifiant « agent » (Grevisse 1994 : 21) est le plus employé pour la formation des noms d’agents (démarcheur, consommateur, vendeur, organisateur, acheteur, démonstrateur, négociateur, etc.).

44Nous avons recensé, dans le corpus étudié, le nombre de termes de spécialité utilisés, et sommes arrivée au résultat suivant : sur le nombre total de lexies, le taux de couverture des termes techniques est d’une moyenne de 12 % (cf. annexe 2), c’est dire la part insignifiante du lexique de spécialité par rapport à l’ensemble du texte. La maîtrise d’un vocabulaire spécialisé par l’apprenant reste donc chose insuffisante puisque ce dernier, possédant « le sens » dans sa spécialité, doit acquérir « la forme », c’est-à-dire les différentes tournures grammaticales qui lui permettent de comprendre, mais aussi de produire un texte marketing.

  • 8  Appellation inspirée par Jean-Pierre Robert, lorsqu’il parle de "Vocabulaire Général d’Orientation (...)

45Répertorier les occurrences du lexique spécialisé présent dans le discours marketing et définir la fréquence de ces termes nous laissent constater que ce lexique trouve en grande partie ses origines dans le français général (exemples : marché, client, segmentation, offre, prix, produit, demande, etc.). Mais, une fois leur emploi étendu au domaine marketing, ces termes revêtent un sens spécialisé. Nous parlerons alors de lexique général d’orientation spécialisée8, ou encore de lexique général d’orientation économique, dans le cas du marketing. Le même travail de dénombrement a été effectué pour différents outils et opérations linguistiques récurrents dans le corpus d’analyse. Les résultats obtenus (cf. annexe 3) confortent la thèse de Pierre Lerat, selon laquelle une langue spécialisée ne se réduit pas à une terminologie : elle utilise des dénominations spécialisées (les termes), y compris des symboles non linguistiques, dans des énoncés mobilisant les ressources ordinaires d’une langue donnée. On peut donc la définir comme l’usage d’une langue naturelle pour rendre compte techniquement de connaissances spécialisées.

Conclusion

46En mettant en lumière l’incidence de l’erreur langagière sur la maîtrise de la spécialité, nous espérons avoir souligné l’importance de la compétence linguistique, qui implique la nécessité de développer des méthodes d’enseignement du français dans les différents domaines de spécialités au sein des universités algériennes.

47À l’issue des diverses constatations, nous pouvons retenir que le français de spécialité n’est pas une langue « à part », inventée par des spécialistes et destinée à eux seuls, mais prend bien racine dans la langue naturelle, tout en y puisant les outils de langue précis, incontournables dans la spécialité. Comme l’a si bien dit Pierre Lerat (1995 : 20), « la notion de langue spécialisée est plus pragmatique : c’est une langue naturelle considérée en tant que vecteur de connaissances spécialisées. » De plus, la langue de spécialité ne se résume pas à l’aspect syntaxique, mais aborde aussi l’aspect lexical, dont une partie seulement (suffixation, préfixation, par exemple) peut être prise en charge par l’enseignant de français langue de spécialité, le lexique de spécialité relevant plutôt des compétences des spécialistes du domaine.

48Il nous paraît important d’ajouter qu’outre le marketing, d’autres domaines et publics cibles méritent intérêt et investissement de la part des enseignants de français langue de spécialité. Le chantier du français de spécialité est immense, et réclame encore beaucoup d’efforts, notamment après l’instauration du système LMD (Licence, Master, Doctorat) en Algérie, où les cours de Spécialité sont exclusivement dispensés en langue française, dès la première année universitaire.

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Bibliographie

Challe, O. 2002. Enseigner le français de spécialité. Paris : Économica.

Courtillon, J. 2003. Élaborer un cours de FLE. Paris : Hachette-FLE, Collection F.

Cuq, J.-P. 2003. Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Paris : CLE International.

Elimam, A. 2003. Le maghribi alias « ed-darija ». Oran : Dar El Gharb.

Galisson, R. & D. Coste. 1976. Dictionnaire de didactique des langues. Paris : Hachette.

Grevissse, M. 1994. Précis de grammaire française. Alger : Entreprise Nationale du Livre.

Lerat, P. 1995. Les langues spécialisées, 1e édition. Paris : Presses Universitaires de France (linguistique nouvelle).

Mangiante, J.-M. & C. Parpette. 2004. Le français sur objectif spécifique. Paris : Hachette-FLE, collection F.

Kadi, O. 2006. Principes didactiques en vue d’un enseignement du français du marketing. ENSET Oran : mémoire de Magister.

Robert J.-P. 2002. Dictionnaire pratique de didactique du FLE. Paris : Ophrys.

Rolle-Boumlic, M. 2002. Ingénierie de la formation. Support de formation non publié.

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Annexe

Annexe 1 : Présentation du corpus d’analyse

Le corpus analysé est constitué de documents proposés de manière récurrente aux étudiants. Il a été choisi avec l’aide des enseignants de spécialité, de manière à avoir un corpus le plus hétérogène possible. Ci-après la bibliographie :
Doc. 1. Lasary. Le Marketing c’est facile, p. 164 (l’ouvrage que j’ai consulté ne comporte pas de références d’éditeur).
Doc. 2. Kotler, P. & B. Dubois. 1981. Maketing Management, 4e édition. Poitiers : Publi-Union, pp. 212-215.
Doc. 3. Dayan, A. 2001. Le Marketing,10e édition. Vendôme : Que sais-je, PUF, pp. 45-47.
Doc. 4. Support de cours : « L’optique marketing », non publié, 7 pages.
Doc. 5. Demeuren, C. 1999. Marketing, 2e édition. Paris : Dalloz, pp. 117-120.
Doc. 6. Support de cours : « Cible et positionnement », non publié, 16 pages.

Annexe 2 : Fréquence du lexique de spécialité dans le discours marketing

Nous avons considéré, dans le corpus d’analyse, comme « une lexie » : les mots / les substantifs à deux (02) constituants et trois (03) constituants (exemples : grâce à, c’est-à-dire, marketing-mix, micro-entreprise) / les expressions (exemples : demande de marché, ressources marketing, environnement marketing)

Fréquence du lexique de spécialité dans le discours marketing

Fréquence du lexique de spécialité dans le discours marketing

Annexe 3 : Occurrences d’éléments linguistiques dans le corpus marketing

Occurrences d’éléments linguistiques dans le corpus marketing

Occurrences d’éléments linguistiques dans le corpus marketing

Annexe 4 : Test de pronostic (Évaluation proactive)

1. Descriptif : Ce test a été proposé à 54 étudiants, et effectué en trois temps.

A. L’épreuve de compréhension orale, dont l’objectif est d’évaluer la compétence du public-cible à assimiler un cours magistral. Cette épreuve a eu lieu dans la spontanéité du cours de spécialité : Nous avons assisté à quatre cours magistraux (d’une durée de 90 mn chacun) dispensés par des enseignants différents. Donc, l’élocution en langue française, le mode d’expression ainsi que la vitesse du débit sont plus ou moins différents d’un enseignant à un autre. À la fin de chaque cours, nous avons collecté les prises de notes des étudiants, et effectué leur analyse.

B. L’épreuve de compréhension de l’écrit : Il s’agit d’une analyse, guidée par un questionnaire, d’un texte expositif d’environ 600 mots. L’objectif de cette épreuve est d’évaluer la capacité du public-cible à comprendre un texte lu. De même, la compétence de reformulation est mise à l’épreuve à travers le questionnaire.

C. L’expression écrite : Le but de cette épreuve est de vérifier, à travers des exercices à trous et des exercices de transpositions (discursives et syntaxiques), ainsi que la lecture d’un graphe, la capacité de l’apprenant à employer des outils grammaticaux de base, récurrents dans le texte marketing.

2. Résultats du test

Test oral

L’analyse des notes des étudiants nous a permis de faire les constatations suivantes :
- Les apprenants tentent de transcrire tels quels les propos de l’enseignant. Cependant, ils finissent par mettre sur papier des phrases inachevées, ou tronquées au début, et qui n’ont généralement pas de sens.
- Dans ces « fragments » ou « bribes » de phrases, nous retrouvons des passages qui ne font pas partie du discours spécialisé (contenu disciplinaire proprement dit). En effet, ces passages font partie d’un discours parallèle, celui du pédagogue. Ces expressions, qui permettent à l’enseignant de faire la transition d’une idée à une autre, de renvoyer l’apprenant vers une notion déjà évoquée, ou encore d’attirer son attention, n’avaient même pas lieu d’être notées. Donc, l’étudiant, ne faisant pas de distinction entre le discours pédagogique et le discours de spécialité, se trouve dans l’incapacité de percevoir le message émis, du moins de mentionner par écrit les éléments structurants de la démonstration scientifique de l’enseignant.

Test écrit : L’analyse des résultats des épreuves écrites nous a permis de relever différents types de dysfonctionnements et leurs fréquences.

Disfonctionnements relevés dans le test écrit

Disfonctionnements relevés dans le test écrit

Commentaires : Lors de l’épreuve « lecture et interprétation de graphe », se voyant dans l’incapacité d’exprimer des éléments importants (les fluctuations, par exemple), certains apprenants ont eu recours à l’arabe, en insérant des mots-clés dans cette langue dans l’énoncé français. On parlera alors de code-switching ou d’alternance codique (Cuq 2003 : 18).
De même, les étudiants ont eu des difficultés à comprendre un texte écrit et répondre, de manière précise, aux questions posées. En partant de l’hypothèse que la raison de cette lacune est que les étudiants « ne savent pas lire », nous les avons soumis à un test oral : les apprenants font une lecture linéaire plus ou moins correcte du texte. Cependant, lorsqu’il s’agit de retrouver une information précise dans l’énoncé, ils ne font pas de lecture sélective : ils refont encore la même lecture linéaire, oubliant au passage leur objectif.
Enfin, les autres dysfonctionnements sont d’ordre grammatical.

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Notes

1  Universités de Mostaganem, d’Oran et de Sidi Bel Abbès.

2  Quelques rares modules sont assurés par des enseignants de formation francophone, non encore convertis à l’arabisation.

3  Exemples des universités de Grenoble et Lille I pour la faculté des sciences commerciales d’Oran, et de l’université du Havre pour celle de Mostaganem.

4  Il faut noter qu’on part, dans certains cas, presque d’un niveau zéro.

5  Les exemples proposés sont extraits de support de cours authentiques (cf. annexe 1).

6  Doc. = Document.

7  Constatation faite au cours de 14 années d’enseignement, au lycée, puis à l’université, en Algérie.

8  Appellation inspirée par Jean-Pierre Robert, lorsqu’il parle de "Vocabulaire Général d’Orientation Scientifique : V.G.O.S.).

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Table des illustrations

Titre Fréquence du lexique de spécialité dans le discours marketing
URL http://apliut.revues.org/docannexe/image/1452/img-1.png
Fichier image/png, 26k
Titre Occurrences d’éléments linguistiques dans le corpus marketing
URL http://apliut.revues.org/docannexe/image/1452/img-2.png
Fichier image/png, 30k
Titre Disfonctionnements relevés dans le test écrit
URL http://apliut.revues.org/docannexe/image/1452/img-3.png
Fichier image/png, 58k
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Pour citer cet article

Référence papier

Oum-El-Djilali Kadi, « La didactique du français du marketing dans l’Ouest algérien », Cahiers de l’APLIUT, Vol. XXVII N° 2 | 2008, 142-154.

Référence électronique

Oum-El-Djilali Kadi, « La didactique du français du marketing dans l’Ouest algérien », Cahiers de l’APLIUT [En ligne], Vol. XXVII N° 2 | 2008, document 11, mis en ligne le 20 août 2011, consulté le 06 mars 2014. URL : http://apliut.revues.org/1452 ; DOI : 10.4000/apliut.1452

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Auteur

Oum-El-Djilali Kadi

Oum-El-Djilali Kadi est enseignante de français de spécialité, Maître assistante à la Faculté des Langues et des Arts de l’Université de Mostaganem (Algérie). Après un Ingéniorat en Sciences Agronomiques, un Magister en Didactique du français de spécialité, le DAFA Diplôme approfondi du français des affaires (CCI Paris), elle est inscrite en Doctorat « Didactique du Français ».
mounykadi@yahoo.fr

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Droits d'auteur

Association des Professeurs de Langues des Instituts Universitaires de Technologie

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  •  
    • Titre :
      Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité
      Cahiers de l'APLIUT
      En bref :
      La revue diffuse les résultats de recherches liées à l'enseignement et l'apprentissage des langues de spécialité, notamment en IUT
      Research papers related to teaching and learning languages for specific purposes
      Sujets :
      Langage, Linguistique, Sciences de l'éducation
    • Dir. de publication :
      Jean-Christophe Szombati
      Éditeur :
      Association des Professeurs de Langues des IUT (APLIUT)
      Support :
      Papier et électronique
      EISSN :
      2119-5242
      ISSN imprimé :
      2257-5405
    • Accès :
      Open access Freemium
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