It is the cache of ${baseHref}. It is a snapshot of the page. The current page could have changed in the meantime.
Tip: To quickly find your search term on this page, press Ctrl+F or ⌘-F (Mac) and use the find bar.

Édition, diffusion et réception des premiers ouvrages sur le commerce et la comptabilité en Russie au XVIIIe siècle
Navigation – Plan du site
Articles

Édition, diffusion et réception des premiers ouvrages sur le commerce et la comptabilité en Russie au XVIIIe siècle

Natalia Platonova

Résumés

À partir du XVIe siècle, des ouvrages destinés à aider les négociants dans leurs pratiques commerciales et en particulier à leur apprendre les techniques de la comptabilité circulent à travers l’Europe. Il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle pour qu’ils apparaissent en Russie. En prenant la mesure du rôle grandissant des marchands dans l’État et la société, la monarchie tenta d’organiser l’enseignement commercial et favorisa la diffusion de cette littérature. Ces premiers écrits, leur contenu, les conditions de leur diffusion, leur impact sur l’instruction et les pratiques des marchands de cette époque font l’objet de la présente étude. Cela donne l’occasion de souligner la parenté des publications russes avec l’ensemble des ouvrages de même nature imprimés en Europe occidentale entre les XVIe et XVIIIe siècles. En effet, leur parution ouvre la voie à la pénétration en Russie des savoirs et des pratiques de la comptabilité moderne. Toutefois, cette littérature n’a pas capté l’intérêt immédiat des milieux marchands russes. Ceux-ci se révèlent majoritairement indifférents à la tenue des livres en partie double et restent attachés aux modes traditionnels de formation professionnelle et de gestion des affaires. En cause, le caractère à la fois novateur et complexe du contenu de ces ouvrages, mais aussi les conditions générales dans lesquelles se déroulait l’exercice du commerce à cette époque et l’identité sociale des marchands. C’est pourquoi l’impact de la littérature commerciale et comptable du XVIIIe siècle sur les pratiques marchandes ne doit pas être surestimé. Cette littérature a surtout marqué la pensée comptable dont le développement s’amorce à partir de cette époque en Russie.  

Haut de page

Texte intégral

  • 1  Angiolini & Roche (1995), De Roover (1937, 1956), Jeannin (1989, 1998 ; 2002), Lemarchand (2001), (...)

1Les manuels et traités imprimés à l’usage des marchands à l’époque moderne ne sont pas une source méconnue de l’histoire du monde du négoce et de la comptabilité. Un inventaire analytique Ars Mercatoria (1991-2001), réalisé à partir d’une vaste enquête bibliographique menée pendant plusieurs années par Pierre Jeannin et Jochen Hoock, recense à ce jour 4 596 titres parus en Europe occidentale entre 1470 et 1699, auxquels s’ajoute encore un corpus très abondant de textes couvrant le XVIIIe siècle. Plusieurs chercheurs en ont fait un objet d’études privilégié pour explorer les origines, la genèse et la diffusion des savoirs et des techniques commerciaux et comptables au sein des sociétés préindustrielles1. C’est en particulier grâce à ces travaux que nous avons aujourd’hui une idée plus précise sur la façon dont la comptabilité en partie double s’est implantée dans la vie commerciale à travers l’Europe à partir du XVIe siècle. Il semble par ailleurs que ces recherches pourraient être prolongées et renforcées par une réflexion conjointe autour des autres aires géographiques et culturelles. Notre article se propose à cet égard d’éclairer le cas de la Russie, où  les premiers livres sur le commerce et la comptabilité apparurent plus tardivement que dans la plupart des pays ouest-européens, au XVIIIe siècle, mais sont caractérisés par une forte influence occidentale.

  • 2  Ces ouvrages figurent dans le catalogue général des imprimés russes du XVIIIe siècle de la Bibliot (...)
  • 3  Sur la place de ces ouvrages dans l’histoire de la pensée économique russe, voir Anikin (1988) et (...)

2Le corpus de textes à examiner a été repéré à partir des catalogues et collections de différentes bibliothèques russes2. Il est formé d’ouvrages traduits, compilés et inédits, que l’on peut schématiquement ramener à deux grandes catégories. Il y a, d’un coté, des traités d’économie politique et des travaux sur le commerce, qui sont essentiellement des textes de réflexion sur cette activité économique, son histoire, ses principes fondamentaux et ses rapports avec la politique3, et de l’autre, des ouvrages qui sont en revanche accentués sur l’aspect pratique et concret de l’activité marchande, tels que les manuels de comptabilité. Ce sont ces derniers textes qui intéressent le plus notre propos, d’autant plus que leur étude a été seulement initiée dans le cadre des synthèses générales sur l’histoire de la pensée comptable russe de A. M. Galagan (1927) et de Y. V. Sokolov (1991 ; 1996) et dans l’article de V. F. Širokij (1940).

3Dans les pages qui suivent, nous allons donc d’abord préciser le contexte historique, économique, social et culturel dans lequel ils ont surgi, ce qui amène à examiner les tentatives entreprises par le pouvoir monarchique pour organiser l’enseignement professionnel des marchands. Dans un deuxième temps, nous chercherons à savoir qui étaient les auteurs de ces livres, la nature du savoir professionnel délivré et quels moyens étaient employés pour le diffuser. En se plaçant dans une perspective comparative, on s’interrogera sur l’influence de l’Europe sur la Russie dans le domaine de la comptabilité. Enfin, la dernière partie de l’étude consistera à mesurer le réel impact qu’eurent ces publications sur la formation et la pratique des marchands russes de cette époque. Les différentes raisons pour expliquer l’échec de leur réception immédiate dans les milieux commerciaux russes y seront invoquées.

Les tentatives du pouvoir de promouvoir l’enseignement pour les marchands

  • 4  Voir Pavlenko (1978) et Portal (1950).
  • 5  En 1760, la Russie comptait 43 manufactures de drap, dont 28 (65,2%) appartenaient aux marchands e (...)
  • 6  Le canal de Vyšnij Voloček fut construit sous Pierre le Grand pour relier par les rivières la Volg (...)
  • 7  Sur l’état du marché intérieur, le commerce et les marchands de la Russie au XVIIIe siècle, voir D (...)

4Le XVIIIe siècle est la période de montée en puissance politique, économique et internationale de la Russie. Impulsés par la politique réformatrice de Pierre le Grand, d’importants changements étaient à l’œuvre dans l’État, l’économie et la société. Les réalisations du tsar créèrent les bases sur lesquelles allait reposer le développement économique de la Russie moderne. La région de l’Oural devint après son règne un grand centre d’industrie minière et métallurgique. En 1745, une cinquantaine de forges et d’usines y fonctionnaient; sous Catherine II, elles étaient une centaine et produisaient du fer et du cuivre tant pour le marché de consommation intérieur que pour l’exportation4. Les manufactures textiles se multiplièrent. Quelques-unes seulement continuaient à appartenir à l’État, la plupart étant fondée avec des capitaux de familles nobles et de commerçants enrichis5. Le pouvoir impérial favorisait les investissements privés en accordant divers privilèges et avantages (utilisation de la main-d’œuvre des serfs, exemption de taxes sur la vente des produits fabriqués, prêts sans intérêt, etc.). Le commerce intérieur s’épanouit, ces échanges étant facilités par une amélioration des voies de communication terrestres et fluviales6 et par la suppression des douanes à l’intérieur de l’Empire en 17537. À des fins commerciales, un relai de poste fut installé entre Arkhangelsk et la capitale. Le règlementsur l’usage des lettres de change fut promulgué en 1729. En 1754, la tsarine Elisabeth Petrovna créa à Saint-Pétersbourg une banque qui offrait des prêts d’argent aux marchands à raison de 6% d’intérêt par an. Vers la fin du règne de Catherine II, la Russie comptait quatre mille foires et marchés, soit six fois plus qu’en 1750. Chaque ville ou grand village avaient désormais un marché. Les villes comme Moscou, Riga, Nižnij Novgorod, Iaroslavl, Tobolsk jouaient le rôle de grands centres de commerce régionaux. De là des quantités de marchandises étaient acheminées par la voie d’eau et de terre à Saint-Pétersbourg, la nouvelle capitale. Un intense commerce avait lieu lors des grandes foires qui se tenaient chaque année à Arkhangelsk, à Makariev, sur la Volga, à Har’kov, à Irbit, en Sibérie, où se rassemblaient les marchands de toutes les provinces pour acheter ou vendre une grande variété de produits, à l’exception de ceux constituant l’objet de monopoles au profit de la Couronne (zibelines, potasse, goudron, suif, chanvre).

  • 8  Sur les relations commerciales de la Russie avec l’Europe à l’époque moderne, voir Kaplan (1995), (...)

5Au XVIIIe siècle, le commerce extérieur prit une extension considérable. La guerre victorieuse contre la Suède (1700-1721) valut à la Russie l’accès à la mer Baltique, et Pierre Ier fit transférer le trafic commercial avec l’Europe occidentale d’Arkhangelsk à Saint-Pétersbourg. En 1724, le port de Saint-Pétersbourg vit accoster 200 navires étrangers ; il y en avait 457 en 1766. Le chiffre des importations passées cette année-là atteignit 5 250 000 roubles, contre 5 775 000 roubles pour les exportations. La balance commerciale était donc favorable à la Russie. Ces échanges, fondés essentiellement sur la vente des matières premières (fer, chanvre, lin, bois, cuirs, etc.), s’effectuaient en premier lieu avec les Anglais qui parvinrent à supplanter leurs concurrents directs, les Hollandais et les Hanséates, sur le marché russe et concentrèrent entre leurs mains plus de la moitié de toutes les exportations russes. Des privilèges et des réductions de droit sur des marchandises importées leur étaient accordés par les traités de commerce conclus en 1734 et 17718. En même temps, un commerce actif se faisait avec la Perse par Astrakhan’ et la mer Caspienne. D’Ukraine, les marchands allaient trafiquer sur les marchés de la Pologne et en Silésie. Suite à la guerre contre la Turquie de 1767 à 1791, la Crimée et toute la rive septentrionale de la mer Noire furent annexées à l’Empire russe; Catherine II fonda les ports militaires de Kherson et d’Odessa pour asseoir cette conquête et ouvrir des débouchés commerciaux avec les pays de la Méditerranée. Enfin, le commerce avec la Chine s’établit au moyen des caravanes, qui se rendaient à travers la Sibérie et les steppes mongoles jusqu’à Pékin, puis le traité de Kiakhta en 1728 donna lieu à l’établissement d’échanges réguliers à la frontière.

  • 9  Nous exposons plus loin cette expérience en s’appuyant sur les travaux de N. Kozlova (1989, p. 291 (...)

6À mesure que grandissait le rôle des marchands dans la vie économique et commerciale du pays, le besoin se fit sentir pour développer leurs formation et compétences professionnelles. Or, sur la toile de fond d’un développement et d’une diversification des espaces et des activités de l’échange, l’instruction des marchands prenait la forme élémentaire et limitée de l’apprentissage des pratiques du métier au sein du comptoir ; pour eux qui n’appartenaient pas à l’ordre social des privilégiés, il n'y avait pas d'écoles. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, on connaît cependant des tentatives du pouvoir d’organiser une mise en formation de la jeunesse marchande à l’étranger.Lancée par l’oukase de 1716, l’expérience fut imposée à toutes les grandes familles marchandes9. C’est ainsi que les frères Aleksej et Lev Semennikov furent envoyés pour s’instruire aux usages du commerce et de la comptabilité en Italie. En 1721, alors qu’ils quittèrent l’Italie pour gagner Cadix en Espagne, on désigna leur frère cadet, Petr Semennikov, et les neveux du marchand Sidor Tomilin, Petr et Danilo Tomilin, pour effectuer un séjour d’études commerciales à Amsterdam.L’état fragmentaire des archives ne permet pas de préciser quel était le parcours de formation des jeunes Russes à l’étranger. On sait néanmoins que les frères Semennikov rentrèrent en Russie en mai 1723. Aleksej devint alors contrôleur des douanes au port de Saint-Pétersbourg, tandis que Lev entra comme secrétaire au Collège du Commerce. Quant aux trois autres candidats, ils ne purent achever leur formation. Leur retour précipité en Russie en septembre 1725 fut décidé pour défaut de subsistances. En effet, Sidor Tomilin avait accepté de financer les études de ses neveux contre un remboursement ultérieur du Trésor. Puisque celui-ci tardait à rembourser, il préféra cesser les avances qui commençaient à puiser dans ses capitaux. Par ailleurs, Petr et Danilo Tomilin ne réussirent pas à se faire recruter comme apprentis chez les négociants hollandais. Les milieux marchands étrangers montrèrent toute leur prudence à l’égard des initiatives de Pierre le Grand qui cherchait à développer les entreprises commerciales et à assurer la pénétration directe des marchandises russes sur les marchés internationaux, ce qui risquait de heurter leur position dominante d’intermédiaires dans le commerce entre la Russie et l’Occident.

  • 10  CCLR, t. 7, n° 4348.

7Cela ne dissuada pourtant pas le tsar de poursuivre l’expérience. En novembre 1723, il ordonna de maintenir en permanence à l’étranger quinze jeunes marchands et en outre, de choisir une vingtaine d’enfants roturiers pour la formation chez des négociants fixés à Revel et à Riga10. Mais la mise en œuvre de l’opération se heurta à la réticence immédiate et généralisée des marchands. Ceux-ci le percevaient comme une contrainte à laquelle ils cherchaient à tout prix à échapper. Certains d’entre eux déposèrent des placets ; la lenteur mise par l’administration à les examiner permettait de gagner du temps. À Kolomna, le jeune marchand Petr Meščenikov prit la fuite aussitôt qu’il fut averti de sa nomination. Il fallut menacer son père de confiscation de ses biens pour le contraindre à se présenter. Les commissaires d’enquête révélèrent des abus locaux. En cherchant à préserver leurs fils d’un séjour forcé à l’étranger, de riches marchands de Koursk, de Voronež et de Smolensk n’hésitèrent pas à mettre en jeu l’ensemble de leurs relations dans les lieux du pouvoir pour influencer la désignation des candidats locaux. C’est ainsi qu’on retrouvait sur la liste des futurs étudiants des enfants âgés de moins de quatorze ans et ceux issus des familles pauvres, bien que celles-ci devaient en être normalement exemptées. Au bout du compte, de quarante-trois candidats réclamés par l’oukase, seulement douze furent rassemblés. En attendant leur départ, ils étaient hébergés dans les locaux de l’Hôtel de Ville de Saint-Pétersbourg. Mais la question de savoir comment financer le coût élevé de leur formation en Europe, évalué à près de six milles roubles par an, n’était toujours pas résolue. Pour cela, le Sénat décida de mettre à contribution le corps des marchands lui-même, ce qui eut pour conséquence d’augmenter la charge fiscale pesant sur lui. Finalement, le recouvrement difficile de la contribution poussa les autorités à abandonner l’opération, et les candidats furent renvoyés à leur domicile.

  • 11  Les documents  relatifs aux études des jeunes marchands russes à l’étranger dans les années 1720, (...)

8Dans les années 1740 et 1760, de nouveaux oukases furent promulgués invitant les familles marchandes à envoyer leurs enfants se former en arithmétique, en comptabilité et en langue allemande en Occident, soit moyennant une pension d’État annuelle, soit sur leur propre compte11. Mais ces appels ne suscitèrent pas davantage d’enthousiasme, bien qu’ils aient été adressés à tout le corps des marchands. Étant donné que la majeure partie des marchands se trouvait essentiellement impliquée dans le commerce intérieur et souffrait d’insuffisance de capitaux, leur désintérêt à s’investir dans la formation professionnelle à l’étranger peut se comprendre.

  • 12  Polnoe sobranie zakonov Rossijskoj imperii (Collection complète des lois de l’Empire russe, plus l (...)
  • 13  Ainsi, les membres de la première guilde, ayant un capital de plus de 10 000 roubles, avaient le d (...)

9Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la politique de l’État changea envers le corps des marchands. Catherine II abolit nombre de monopoles d’État sur la vente de certains produits. Une commission du commerce fut instituée en 1760 afin de discuter les différents moyens de favoriser le développement du commerce, et les marchands étaient invités à participer à ses travaux. La Charte des villes de 178512 fixa définitivement le statut juridique et social des marchands comme une partie essentielle des habitants urbains. Divisés en trois guildes, ils bénéficièrent d’un certain nombre de privilèges, comme les exemptions du paiement de l’impôt de capitation (podušnaja podat’), du service militaire et des châtiments corporels. Mais d’un point de vue économique les droits des marchands variaient selon la guilde à laquelle ils étaient inscrits en considération du montant des capitaux déclarés13.

  • 14  Il fut président de l’Académie impériale des Beaux-arts de 1764 à 1794.
  • 15  Sur l’histoire de la naissance et du développement de l’enseignement commercial en Russie impérial (...)

10Imprégnée de l’esprit des Lumières, la monarchie s’efforça de développer un enseignement commercial à l’intérieur du pays et encouragea l’édition des ouvrages en matière de commerce, en incitant les marchands à s’instruire au métier par la lecture. À partir des années 1760, les milieux éclairés et la couche supérieure de la classe marchande prônaient la création des écoles pour les commerçants. L’impulsion décisive sera donnée en 1772, lorsque l’impératrice approuva le plan d’éducation élaboré par Ivan Beckij14 qui donna naissance à l’École de commerce (Kommerčeskoe učilišče) auprès de la Maison d’éducation de Moscou (Moskovskij Vospitatelnyj dom). Prokofij Demidov, fils ainé d’un grand industriel ouralien Akinfij Demidov, qui était connu pour ses activités de mécénat, fit une donation de 205 000 roubles pour sa fondation. L’école porta son nom jusqu’en 1799, date à laquelle elle fut transférée à Saint-Pétersbourg et placée sous le patronage de l’Office des établissements de bienfaisance de l’impératrice Marie15.

11Cet établissement fonctionnait comme un pensionnat qui accueillait des garçons dès l’âge de sept à dix ans. L’enseignement des disciplines spécialisées, comme le droit commercial et la comptabilité, y était assuré par des intellectuels russes et des maîtres étrangers, mais ne semblait pas être la priorité immédiate pour l’établissement. Le programme d’enseignement était surtout orienté sur l’acquisition par les pensionnaires des bases de l’instruction générale. Quoi qu’il en fût, dans les premiers temps le contingent d’élèves de l’école n’était pas nombreux. Beaucoup de marchands hésitèrent à y placer leurs enfants et privilégiaient la voie traditionnelle de formation par la pratique.

La diffusion de la littérature spécialisée dans le domaine de commerce

12Le plus ancien ouvrage qui nous est parvenu s’intitule « Le livre mis à la portée des jeunes gens pour l’exercice du commerce » (1851). Rédigé probablement entre 1573 et 1610, il fut diffusé sous forme manuscrite. Son auteur est inconnu, mais la manière dont il exposait les usages du commerce laisse penser qu’il appartenait au milieu du négoce. L’ouvrage constitue une sorte d’aide-mémoire aux marchands impliqués dans le commerce extérieur. Il leur offrait à cet effet des renseignements sur les monnaies, les poids et les mesures russes et étrangers et caractérisait les catégories des marchandises étrangères en circulation sur les marchés de Moscou et des districts du nord de la Russie. Surtout, il est rempli de recommandations sur l’attitude et le comportement prudent à adopter vis-à-vis de leurs interlocuteurs étrangers afin de mieux organiser leurs ventes.

  • 16  Le dictionnaire de commerce de Savary fut traduit à la demande du Collège du Commerce par le secré (...)
  • 17  Sur la traduction et la circulation des livres français dans la Russie du XVIIIe siècle, voir Bare (...)

13Au début des années 1740, le Collège du Commerce (Kommerc-kollegia), qui incarnait à cette époque une administration centrale préposée non seulement aux affaires commerciales de l’État mais généralement à tout ce qui touchait à l’ordre des marchands, jugea nécessaire de traduire et publier en russe lecélèbre livre de Jacques Savary, « Le Parfait négociant » (1675), et le « Dictionnaire universel de commerce» (Paris, 1723-1730)de Jacques Savary des Bruslons, son fils16. L’édition russe du « Négoce d’Amsterdam » (Rouen, 1722) de Jean-Pierre Ricard vit le jour en 1762 mais sans contenir la partie consacrée à la tenue des comptes. « L’essai politique sur le commerce » (1734) de Jean-François Melon et « Intérêts des nations de l’Europe développés relativement au commerce » (Leyde, 1766) de Jacques Accarias Le Sérionne, deux textes majeurs de l’économie politique du XVIIIe siècle, furent traduits par le secrétaire du Sénat Semen Bašilov en 1768 et 1771. Le livre « Le progrès du commerce » d’Honoré Lacombe de Préselle parut en Russie en 179617. En 1789, Fedor Sapožnikov, ancien élève de l’École de commerce et conseiller aulique, traduisit de l’allemand le « Grundriss eines vollstӓndigen Kaufmannssystems » (Leipzig, 1756) de Karl Günther Ludovici. Dans la troisième partie de l’ouvrage qui traite de l’histoire du commerce par eau et par terre, le chapitre XI offre un aperçu général du commerce de la Russie.

14L’Académie des sciences éditait deux journaux : « Mensuel d’écrits servant au divertissement du public» (1755-1765) et « Nouveau mensuel d’écrits …» (1786-1796), sur les pages desquelles on retrouve des articles sur les questions économiques, dont « La correspondance entre deux amis sur le commerce » (1755) d’Ivan Ryčkov. Il faut y ajouter l’édition de 1764, « pour l’utilité des négociants », d’un hebdomadaire « Prejskuranty » qui informait toutes les deux semaines sur la nature et les prix des marchandises russes et étrangères vendues sur le marché de Saint-Pétersbourg. La première édition (en russe et en allemand) de 300 exemplaires se vendit rapidement (un exemplaire coûtait 5 kopecks). Dans le même temps, deux journaux - « Un utile divertissement » (1760-1762) et « Collection des meilleurs ouvrages servant à la diffusion des connaissances et au divertissement, et qui portent aussi sur l’industrie et le commerce » - furent édités par l’Université de Moscou sous la rédaction du professeur d’histoire et d’allemand I. G. Reihel.

  • 18  Sur la vie et les activités de Novikov, voir Monnier (1981) et Gareth Jones (1984).

15Les historiens ont montré combien le rôle de Nikolaj Ivanovič Novikov (1744-1818) était important dans le mouvement des Lumières en Russie18. Il y contribua par ses activités journalistiques et en tant qu’éditeur de « Moskovskie Vedomosti » et de journaux satiriques. Son attaque des relations et coutumes sociales en vigueur incita les répliques enjouées de Catherine II qui créa même son propre journal (« Vsjakaja vsjačina ») pour commenter ses articles. Novikov lança l’édition d’un supplément aux « Moskovskie vedomosti », sous le titre de « Economičeskij magasin » (1780-1789), diffusé deux fois par semaine, sous la rédaction de l’agronome A.T. Bolotov, puis « Pribavlenija k Moskovskim vedomostjam » (1783-1784) dont le premier numéro indiquait que « cette presse sera au bénéfice des marchands, en leur procurant diverses informations dans le domaine du commerce ». Novikov y plaça un chapitre introductif « Sur le commerce en général » (1951) dans lequel il expliquait, sous l’inspiration des idées d’Adam Smith, en quoi consistait l’influence positive du commerce sur l’État. L’avènement de la Révolution française changea l’attitude de l’impératrice envers les inclinations libérales de Novikov. Son imprimerie fut confisquée, et il fut incarcéré pendant quinze ans à la forteresse de Chlisselbourg.

16Mihail D. Čulkov, qui reste surtout connu comme l’auteur d’œuvres littéraires et ethnographiques, composa un ouvrage fondamental (1781-1788) portant sur l’histoire du commerce en Russie depuis Pierre Ier jusqu’à Catherine II, accompagné des principaux textes législatifs décrétés en la matière. La première édition, faite de sept volumes, fut réalisée à Saint-Pétersbourg. Puis, trois extraits furent publiés séparément en 1788: « La brève histoire du commerce en Russie », « Dictionnaire des foires russes » et « Considérations pour servir à l’instruction des jeunes marchands ». Dans ce dernier texte, Čulkov constata avec regret que de nombreux marchands du pays négligeaient la tenue régulière des livres de comptes, ce qui était l’une des causes de leurs faillites. Tout en insistant sur cet aspect, il n’était pas cependant complètement convaincu de l'intérêt d’adopter la méthode de la comptabilité en partie double.

  • 19  Christian Rüdiger était d’abord commissionnaire, puis relieur et imprimeur-vendeur des livres. De (...)
  • 20  À ce sujet, voir Ulanov (2002).

17Ivan Jakovlevič Novikovfit ses études à l’École de commerce Demidov, puis fut recruté comme teneur de livres dans le Bureau du commerce extérieur à Moscou. En 1781, il participa au travail collectif de traduction de l’article « Commerce » écrit par François Véron de Forbonnais pour « l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers » (1751-1768) de Diderot et d’Alembert. Il imprima chez le libraire allemand Christian Rüdiger19 deux brochures : « Lettre d’un père à son fils exposant ce qu’il est à savoir pour conduire le commerce avec profit » (1797) et « Notions fondamentales de commerce » (1799). Cette dernière, compilée par Novikov à partir d’ouvrages allemands (l’une des sources est probablement Grundsätze der Handlung für Kaufleute (Wien, 1785)), livrait au public russe une série de notions essentielles relatives au commerce (« achat », « vente », « monnaie», « crédit », etc.). Ici est proposée une description du commerce au sens large et empirique de ce mot, comme tout ce qui avait trait au monde du commerce, avec son organisation et ses instruments. Dans un chapitre sur les marchandises par exemple, Novikov explique comment déterminer le prix de vente, le poids net et le poids brut d’une marchandise, ainsi que les précautions à prendre lors de la commande d’achat pour éviter les erreurs d’appréciation de la qualité des marchandises et les contrefaçons. L’auteur est sensible à la notion de liberté du commerce et de concurrence : « L’existence de monopoles d’État constitue une contrainte au commerce » ; « un marchand éminent surveille constamment les prix de ses concurrents, pour ne pas vendre plus cher ou beaucoup moins cher qu’eux », écrivit-il. En parlant du bénéfice commercial, il observait que « le marchand cumulait les pertes, lorsqu’il n’observait pas les nécessités, les goûts et les préférences des acheteurs». Un chapitre spécial du livre est dédié aux règles de maniement des lettres de change. L’utilité du crédit s’exprimait, selon lui, dans les conditions d’un manque de numéraire en circulation et permettait une augmentation des capitaux. Enfin, sur le plan de l’instruction, il insistait sur l’importance d’apprendre la comptabilité aux fins du commerce. Signalons encore deux autres livres (1794 ; 1804) de Novikov contenant les tables et les tarifs servant à effectuer les calculs dans les opérations de change. Cependant le premier auteur qui tenta véritablement d’exposer de manière systématique et méthodique l’arithmétique commerciale en Russie fut Vasilij Krjažev. Il publia en 1811 le Cours d’arithmétique commerciale à l’usage des banquiers, des négociants et des fabricants (610 pages), ouvrage qui allait servir pendant les décennies suivantes de manuel principal dans l’enseignement diffusé à l’École de commerce à Moscou, où Krjažev fut nommé directeur20.

18Afanasij Fomin, marchand d’Arkhangelsk, avait initialement envisagé de rédiger un livre sur la comptabilité, mais finalement seule l’introduction vit le jour en 1788. En partant du postulat que la fortune n’était pas à elle seule la source de richesse, mais se définissait aussi par l’union entre les savoirs et l’expérience, Fomin réfléchit sur les connaissances nécessaires pour réussir le métier de marchand. Selon lui, un marchand ne pouvait se passer des règles de l’arithmétique et de la comptabilité, de la connaissance du système des monnaies, des poids et mesures, de la géographie politique et économique. La connaissance des lois et règlements relatifs au commerce, au régime douanier et le droit maritime lui paraissait utile pour s’orienter dans les arcanes administratifs et judiciaires. Il recommandait également aux marchands de lire des journaux et de faire des voyages. Mais au-delà de la maîtrise des savoirs généraux et spécifiques, le métier de négociant exigeait d’être entreprenant, persévérant, aimer négocier, tout en cultivant la rigueur, l’ordre et la réputation d’homme d’affaires honnête et fidèle. Voici donc un portrait moral et professionnel du parfait négociant esquissé par Fomin, marchand « éclairé » de son temps. On ne peut pas s’empêcher à ce propos de faire la parallèle avec « Le Parfait négociant » de Savary, il est fort probable que l’auteur russe l’ait lu. Dans un autre passage de son livre, Fomin annonça que l’envie de faire fortune ne devait pas constituer la seule raison de l’activité du marchand : celui-ci, en s’enrichissant lui-même, devait enrichir la nation. Ces considérations semblent avoir été formées sous l’influence des conceptions idéologiques de l’absolutisme russe qui imposait à ses sujets le devoir de servir les intérêts de l’État et le bien public.

19Le premier manuel spécifiquement consacré à la comptabilité en langue russe est « La Clé du commerce ou la Science de la comptabilité pour apprendre la tenue des livres de comptes » (1783). On y trouve 120 pages dédiées à l’apprentissage de la méthode de la partie double à l’aide d’exercices pratiques.C’est en fait une traduction du livre « Clavis commercii: or, the Key of commerce » (Londres, 1684) de John Hawkins  réalisée par le Corpsdes cadets de l’artillerie et du génie à Saint-Pétersbourg en 1783. Le choix de traduire et d’éditer un ouvrage d’un auteur anglais ne doit pas surprendre : comme nous l’avons déjà noté, la Russie développait à cette époque des relations commerciales privilégiées avec l’Angleterre. L’importation de cet ouvrage en Russie a pu donc se faire par les négociants anglais présents dans les ports ou encore par l’intermédiaire des libraires russes ou étrangers.

20Un autre manuel intitulé « Le Parfait négociant ou la Comptabilité qui montre comment exercer le commerce personnel, par commission et en société tant au-dedans qu’en dehors du royaume » (1790) fut mis en vente en 1790 par l’imprimeur-libraire M. P. Ponomarev. Ce livre dépasse le précédent à la fois par le volume et la diversité de la matière comptable traitée. Dans le préambule, l’auteur anonyme définit la comptabilité comme une condition indispensable pour la bonne gestion des affaires. Il décrit ensuite le mécanisme de la tenue des comptes en partie double, en s’appuyant sur la théorie de la personnalisation des comptes : « le créditeur est celui à qui l’on achète; le débiteur est celui à qui on vend » ; « on doit admettre le principe essentiel selon lequel le débiteur n’existe pas sans créditeur ». Il est conseillé aux marchands d’utiliser les livres de comptes principaux (le mémorial, le journal et le grand-livre) et auxiliaires (livre de caisse, livre des dépenses, livre des correspondances, etc.), dont la tenue était illustrée par cinq cent exemples reprenant presque tous les opérations susceptibles d’être menées par un marchand. Les indications fournies sur le fonctionnement des comptes de foire devaient intéresser les marchands russes, car c’était en effet là où ils enregistraient les plus grandes affaires. L’auteur s’appuie sur l’exemple de la foire de Leipzig pour illustrer la manière dont on pouvait comptabiliser les opérations impliquant le troc ou la vente des marchandises, sans oublier de mentionner les frais de leur transport jusqu’à la foire et de voyage du marchand lui-même etde ses agents.Les bénéfices et les pertes de l’opération commerciale pouvaient être reportés sur un compte de pertes et profits.  

21Johann Stilliger, négociant d’origine allemande résidant à Riga, fut l’auteur du « Manuel de comptabilité en partie double ou à l’italienne pour les marchands » (1795). Initialement rédigé en allemand, l’ouvrage fut traduit en russe et publié à Koursk en 1795 avec le soutien du Bureau des hospices et de la bienfaisance publique. Convaincu que l’acquisition des savoirs en arithmétique et en comptabilité devait nécessairement précéder la formation au comptoir, son auteur choisit, dans un souci pédagogique évident, d’initier le lecteur à la méthode de la comptabilité double sous forme de questions-réponses. Selon lui, un commerçant pouvait tenir autant de livres qu’il souhaitait, le tout dépendant en fait du volume de son commerce. Ainsi dans le commerce de détail, le journal n’était pas obligatoire, il suffisait d’enregistrer puis de reporter directement les opérations du mémorial au grand-livre. En revanche, la tenue de livres principaux et auxiliaires était nécessaire aux marchands qui faisaient le commerce par commission ou en société. Pour ceux-ci, Stilliger préconisait de comptabiliser les marchandises selon leur prix d’achat ; le montant des marchandises non vendues serait reporté dans les nouveaux livres de comptes ouverts au début de l’année. Une attention particulière était accordée au procédé de report des enregistrements du journal au grand-livre, « afin que tous les articles du journal puissent entrer dans les comptes du grand-livre ». L’auteur se préoccupe de guider le marchand dans les procédures d’établissement de balance et rappelait que, si les enregistrements du compte étaient correctement faits, cela devait donner l’égalité des soldes des sommes portées en débit et en crédit.

  • 21  L’ouvrage La science des négociants et des teneurs de livres de Pierre Boucher fut édité d’abord à (...)

22Il faut encore mentionner, en élargissant quelque peu les cadres chronologiques de notre recherche sur la première décennie du XIXe siècle, trois autres manuels: «Le Parfait comptable » (1804) d’Ivan Serikov, « La comptabilité à l’italienne » (1809) d’Ivan Ahmatov, texte qui empruntait beaucoup à l’ouvrage de l’auteur français Pierre Boucher21 et, à travers lui, à Mathieu de La Porte, et « L’auto-manuel de comptabilité » (1809) de Karl Arnold, fondateur de l’Académie pratique de commerce à Moscou en 1806. On observe toutefois, à travers ces textes, que leurs auteurs ne se contentèrent plus d’enseigner la comptabilité de manière empirique et s’attachaient dorénavant à lui donner des bases théoriques. Arnold (1809, 1814, 1823) en particulier,formula les principes et les notions généraux de la comptabilité, développa la classification des comptes, exposa les avantages de l’application de la comptabilité en partie double aux finances de l’État. Ainsi, les premiers jalons étaient posés pour la fondation de la science comptable nationale.

23Un examen détaillé proposé plus haut des livres commerciaux et comptables du XVIIIe siècle a permis de mettre en évidence la nature innovante des savoirs dont ils étaient porteurs. Reste à savoir si ces ouvrages inédits parvinrent à trouver leurs lecteurs.

Le problème de la réception

  • 22  Le Collège du Commerce rapportait au Sénat sur la progression des ventes de ce livre (Archives de (...)

24Force est de constater que le succès de ces ouvrages dans les milieux commerciaux russes fut médiocre. En effet, les chiffres des tirages étaient faibles, les prix élevés et leur aire de diffusion se limitait aux grands villes et centres de commerce. Ainsi, l’édition russe du « Parfait négociant » de Savary fut tirée à 400 exemplaires ; le tirage de « La Clé du commerce » (1783) fut limité à 500 exemplaires. Ce genre de livres n’était-il pas assimilé à un objet de luxe par les marchands ? Quant à leur mode de présentation, on voit par exemple que « Le Parfait négociant ou la comptabilité » (1790), renfermé en trois volumes, était trop volumineux et difficile à manipuler. Dès le début, la commercialisation dudictionnaire de commerce de Savarydes Bruslons fut décevante. En 1747, 1 200 exemplaires russes furent mis en vente au prix de 3 roubles 48 kopecks. Pendant trois ans, mis à part quelques imprimés donnés en cadeau à l’impératrice et à son entourage et les envois destinés aux institutions centrales et aux douanes, on ne parvint à en vendre que 17322. Ce n’est pas un hasard si les meilleures ventes eurent lieu auprès des Hôtels de ville et des bureaux de douane à Saint-Pétersbourg, à Moscou et à Arkhangelsk. Ces villes demeuraient les places de marché les plus dynamiques du pays et concentraient un nombre important de commerçants. Dans les régions éloignées du centre en revanche, les autorités, pour écouler les stocks, eurent recours à la contrainte, en décidant d’organiser une vente forcée des imprimés auprès des commerçants locaux. Pour comprendre les causes de cette situation, il faut prendre en considération plusieurs éléments, à la fois d’ordre économique, social et culturel. Cela conduit à s’intéresser plus largement au monde du négoce russe au XVIIIe siècle, afin de mieux comprendre l’identité sociale des marchands, leurs représentations et l’environnement économique dans lequel se déroulaient leurs activités.

  • 23  Sur l’organisation du grand commerce, les activités et la prosopographie des grandes familles de m (...)

25Si les traités de commerce trouvaient un public large, notamment dans les milieux instruits des propriétaires fonciers nobles et des employés publics, il n’en était pas de même pour les manuels de tenue des comptes, destinés aux seuls praticiens du commerce. En outre,  la classe marchande n’était pas nombreuse et, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, elle était marquée par les écarts considérables en matière de fortune, de niveau de vie et de culture entre ses membres. Ces livres s’adressaient d’abord aux marchands du grand commerce23. Ce groupe minoritaire de marchands inscrits à la première guilde, instruits et entreprenants, détenaient à cette époque un quasi-monopole sur le commerce extérieur, s’adonnaient aux activités industrielles et exerçaient des fonctions administratives. C’était une élite marchande dont les liens avec le reste de la communauté s’affaiblirent peu à peu. Ces privilégiés avaient pour préoccupation de donner une meilleure instruction à leurs enfants, désirant se mettre au même niveau culturel que la noblesse, ce qui était important à leurs yeux pour poursuivre l’ascension sociale. Par leur position et leurs activités professionnelles, ils semblaient donc être les plus à même d’acquérir des savoirs d’une autre culture comptable. D’ailleurs, le maintien des relations avec les négociants étrangers dans les ports leur offrait l’opportunité d’observer des avancées techniques dans l’organisation des affaires.

26Il en allait tout autrement pour la majorité des marchands. Ceux-ci composaient la deuxième et la troisième guildes, dont les activités se limitaient à la seule fréquentation des foires et des marchés de proximité et engageaient généralement un petit volume d’affaires. Ils se passaient de la lecture des livres, se contentant de se former au métier par la pratique. D’habitude, ils commençaient par apprendre à lire, à écrire et à compter à la maison, avant d’être recruté comme apprentis, dès l’âge de treize-quatorze ans, dans le magasin d’un parent ou un patron. Dans ce milieu marchand dominait l’idée selon laquelle, pour être un bon marchand, il suffisait d’apprendre les règles arithmétiques de base, de parler allemand et de rédiger correctement la correspondance d’affaires. Une formation plus poussée n’était pas considérée comme nécessaire, d’autant plus qu’elle présentait le risque de détourner la jeunesse marchande de sa vocation première. Cette vision traditionnelle empêchait les marchands de se diriger vers la formation scolaire et d’acquérir de nouveaux savoirs à l’aide des livres.

27Une autre raison peut être invoquée pour expliquer la diffusion difficile de cette littérature : le caractère à la fois innovant et complexe de son contenu. Ces livres paraissent être mal adaptés au niveau du lectorat russe de l’époque. En effet, le dictionnaire de commerce de Savary, bien qu’il fût édité en version abrégée, était un ouvrage considérable réunissant de très nombreuses informations sur les marchés, les produits et les usages du commerce dans les différents pays étrangers. Cela le rendait peu utilisable pour la pratique locale des marchands russes. L’imprimeur-libraire Klein prit conscience de cette inadéquation entre la nature de l’information fournie par les livres et les besoins et les attentes réels du public visé. Comme le premier tirage de « La Clé du commerce »se vendait mal, il décida de remanier et d’enrichir son texte original, en y ajoutant une liste des foires et divers renseignements sur les marchandises et denrées, le trafic national du commerce. Le livre doubla de volume et en 1810 fut publié sous un nouveau titre « Le Comptable russe ou la clé du commerce».  

  • 24  Archives de Russie des actes anciens, f. 1261, inv. 6, d. 203.
  • 25  CCLR, t. 26, n° 19692.

28En second lieu, comme on a pu le voir, les manuels comptables étaient conçus pour enseigner une nouvelle technique, beaucoup plus sophistiquée, de maniement des comptes : l’enregistrement à partie double des opérations en était le principe de base. Il est difficile cependant de ne pas remarquer que ces enseignements - qui avaient pour modèle des ouvrages analogues occidentaux - contrastaient et étaient en décalage avec les réalités de la formation et de la pratique qui s’observaient chez les marchands russes de l’époque. Comprendre les subtilités d’une autre culture comptable n’était pas quelque chose aisée pour ces marchands qui avaient pour la plupart un faible niveau d’instruction et savaient tenir les comptes de manière rudimentaire. Généralement, leurs écritures comptables s’organisaient autour de la tenue d’un inventaire des biens et d’un livre de caisse ; les agents acheminant les marchandises aux foires présentaient des comptes-rendus au patron. On conservait à part les baux de location des boutiques, les quittances d’acquittement de droits de douane, les lettres de reconnaissance des dettes.Quoi qu’il en fût, il revint au pouvoir monarchique de formuler les premières prescriptions comptables obligatoires. Selon le Code militaire de 1716 (partie 2, chapitre 4, articles 5-6), tout commerçant dut tenir une comptabilité et on reconnut aux livres de comptes une force probatoire dans les procès judiciaires. En 1770, le Collège du Commerce prescrivit la forme des livres comptables pour les marchands qui faisaient le commerce de gros dans les ports24. Enfin, le Règlement concernant les faillites et les banqueroutes des entreprises industrielles et commerciales (livre 1, chapitre 25, articles 140-146) promulgué en 1800 édicta des dispositions prescrivant la tenue de sept formes différentes de livres de commerce25.

Conclusion

29En recensant et examinant les premiers traités et manuels sur la pratique du commerce et de la comptabilité imprimés en Russie au XVIIIe siècle, on parvient à une meilleure connaissance de l’histoire du livre et de la culture écrite, de l’histoire des savoirs et des techniques et de l’histoire de la comptabilité de la Russie moderne. L’étude de la chronologie des publications, de leur structure et leur contenu, des modalités de diffusion et de réception, permet de comprendre comment la Russie est devenue réceptrice d’une technique innovante.

30L’État monarchique et les milieux cultivés intervinrent pour diffuser l’instruction parmi les marchands. L’École de commerce Demidov, créée en 1772, devint le premier établissement d’enseignement pour les commerçants en Russie. La promotion d’une littérature économique et scientifique, encouragée par la diffusion des Lumières, accompagnait cet effort. Cette littérature incluait les premiers livres sur le commerce et la comptabilité, lesquels étaient rédigés avec le souci de non seulement satisfaire la curiosité et élargir l’horizon des connaissances des marchands mais en priorité de leur livrer des renseignements utiles à l’exercice de leur profession. Le contenu des manuels de comptabilité resta longtemps empirique, avant de devenir plus théorique à partir des premières décennies du XIXe siècle.

31Les rédacteurs de ces manuels étaient les promoteurs de la diffusion de la technique de la comptabilité en partie double, mal connue jusque-là en Russie. Significativement, au lieu du terme traditionnel russe « sčetovodstvo », ils optèrent pour celui de « buhgalterija », calqué de l’allemand « Buchhaltung ». L’influence européenne sur ces rédacteurs ne fait pas de doute et suppose un schéma complexe de transfert du savoir comptable d’origine italienne vers la Russie. Notons que les Russes étaient amenés à prendre connaissance de cette technique grâce à des ouvrages qui synthétisaient des savoirs européens des XVIIe et XVIIIe siècles et non pas des ouvrages précurseurs antérieurs. La première littérature russe en comptabilité reprenait donc celle des auteurs occidentaux qui, étant eux-mêmes influencés par Luca Pacioli (« Summa de arithmetica »,1494), avaient permis la progression des connaissances théoriques et pratiques en comptabilité à l’époque moderne.

32Néanmoins, un écart existait entre l’offre d’information commerciale et comptable, et les réalités historiques de la Russie de l’époque. L’univers des marchands russes était alors caractérisé simultanément par une différenciation économique et sociale et des représentations traditionnelles sur les qualifications et les formes d’apprentissage souhaitées, ce qui explique pourquoi la diffusion et l’appropriation de cette littérature fut difficile et limitée. On ne saurait donc affirmer que les comportements des marchands russes se sont trouvés modifiés du fait de leur initiation à de nouvelles techniques par la voie du livre. Venant de l’extérieur, la technique de la comptabilité double n’était pas assimilée immédiatement. Néanmoins,la diffusion de livres parmi les marchands contribua à faire évoluer leur perception du rôle de la comptabilité. L’idée qu’elle ressortissait à une compétence utile et indispensable au savoir-faire d’un négociant chemina, et la pensée comptable commença à se développer en Russie à partir de cette période.

Haut de page

Bibliographie

Références bibliographiques

Sources

Accarias Le Sérionne, J. (1771), Pol’zy evropejskih narodov, izjasnennye s točki zrenija torgovli, Perevel s francuzskogo senatskij sekretar’ Semen Bašilov, St.-Petersbourg: Imperatorskaja akademija nauk.

Ahmatov, I. (1809), Ital’janskaja ili opytnaja buhgalterija, soderžaščaja prostuju i dvojnuju ili buhgalteriju; ob’jastenie: kommerčeskih, tehničeskih terminov, po alfavitnomu porjadku; slog upotrebitel’nyj v kupečeskih pis’mah; s nastavlenijami i formami: faktury, prikazy, komissii, tratty, rimmesy, vekselja, rospiski, assignacii, nadpisi, kladnye, konnossementy, strahovye kontrakty, septepartii i sčety morskoj torgovli. Vseh četyreh častej sveta, slavnejših torgovleju gorodov: stran i oblastej: so sravnenijami v odinnadcati tablicah: sčetnye den’gi i ih prevraščenije; dejstvitel’nye hodjačie: zolotye, serebrjanye i mednye monety; togrovoj i aptekarskij ves; arhinnye, funtovye i pozemel’nye mery; suhie i židkie tela; znatnejšie jarmarki; veksel’nye perevody; uzancii, gracii, i vse to, čto kasaetcja do upravlenija meločnoju, gurtovuju, vnutrennoju i čužestrannoju torvovleju, Po vysočajšemu poveleniju izdana s pomoščju slavnejših avtorov de La Porte et Crouzet v pol’zu rossijskogo kupečestva Ivanom Ahmatovym, St.-Petersbourg: Artillerijskaja komitetskaja tipografija.

Arnold, K. (1809), Samoučitel’ buhgalterii, sočinennyj na nemeckom jazyke Praktičeskoj kommerčeskoj akademii osnovatelem, tituljarnym sovetnikom Karlom Iannom Arnoldom i perevedennij na rossijskij jazik pri onoj akademii, Moscou: V volnoj tipografii Fedora Ludia, t. 1.

Arnold, K. I. (1814), Opyt graždanskoj buhgalterii. Izdannyj kolležskim assesorom Karlom Arnol’dom, staršim buhgalterom Departamenta vnešnej torgovli i Komissii snadženija sol’ju gosudarstva i učitelem buhgalterii pri Gornom kadetskom korpuse, St.-Petersbourg: Tipografija Departamenta vnešnej torgovli.  

Arnold, K. I. (1823), O sisteme gosudarstvennogo sčetovodstva, sočinennoj načalnikom Sčenogo otdela Departamenta vnešnej torgovli i buhgalterskoj ekspedicii Pridvornoj kontory kolležskim sovetnikom i kavalerom Karlom Arnoldom, St.-Petersbourg: Tipografija Medicinskogo departamenta Ministersva vnutrennih del.

Čulkov, M. D. (1781-1788), Istoričeskoe opisanie rossijskoj kommercii pri vseh portah i granicah : Ot drevnih vremen do nyne nastojaščego, i vseh predšestvujuščih uzakonenij po onoj gosudarja Petra Velikogo i nyne blagopolučno carstvujuščej Ekateriny Velikoj, sočinennoe Mihailom Čulkovym,St.-Petersbourg: pri Imperatorskoj Akademii nauk, 7 vol.

Čulkov, M.  D. (1788), Nastavlenie neobhodimo nužnoe dlja rossijskih kupcov, a bolee dlja molodyh ljudej, Moscou.

Čulkov, M. D. (1788), Slovar’ russkih jarmarok, izdannyj dlja obraščenija v torgovle, Moscou.

Čulkov, M.  D. (1788), Kratkaja istorija rossijskoj torgovli, Moscou: Tipografija Ponomareva.

Fomin, A. (1788), « Pismo k prijatelju s priloženiem opisanija o kupečeskom zvanii voobšče i o prinadlezaščim kupcam navykam », Novye ežemesjačnye sočinenija, 24 (6), p. 3-34.

Forbonnais,Véron François de (1781), Perevod iz enciklopedii o kommercii,Moscou: Senatskaja tipografija.

(1783), Ključ kommercii ili torgovli, to est’ nauka buhgalterii, iz’javlijajuščaja soderžanie knig i proizvedenie ščetov kupečeskih, St.-Petersbourg.

(1851), « Kniga opisatelnaja, kako molodym ljudjam torg vesti i znati vsemu čenu i ičasti v nej opisany vsjakih zemel tovary različnye, ih že privozjat na Rus’ nemcy i inih zemel’ ljudi torgovye», dans Zapiski Otdelenija russkoj i slavjanskoj arheologii Imperatorskogo arheologičeskogo obščestva, St.-Petersbourg, t. 1, p. 106-138.

Krjažev, V. S. (1811), Kupečeskaja arifmetika dlja bankirov, kupcov, zavodčikov, fabrikantov i vospitannikov ih, izdannaja dlja upotreblenija v Moskovskom kommerčeskom učilišče. Pervyj kurs v dvuh častjah, Moscou: V tipografii N. S. Vsevoložskogo.

Lacombe de Préselle, H. (1796), O uspehah kommercii, Perevod s francuzskogo A.K., Moscou: universitetskaja tipografija Rüdiger & Claudio.

Ludovici, K. G. (1789), Načertanie polnoj kupečeskoj sistemy, kupno s načalnymi osnovanijami torgovoj nauki, v pol’zu rossijskogo kupečestva perevedennoe Fedorom Sapožnikovym, Moscou: Tipografija Moskovskogo universiteta.

Melon, J. F. (1768), Političeskij opyt o kommercii, St.-Petersbourg : Imperatorskaja akademija nauk.

Novikov, I. (1794), Ključ k vykladkam kursov, ili nyne izobretennyj, samyj kratčajšij sposob verno vykladyvat’ anglijskij i golandskij kurs s pomoščju osoblivyh tablic s jasnym opisaniem togo, čto pod slovom “kurs” razumeetsa i ot čego onoj po bolšej časti povysaetsa i upadaet, Moscou: Tipografija Selivanovskogo i tovarišča.

Novikov, I. (1797), Pis’mo ot otca k synu, v kotorom opisyvajutsa važnejšie dolžnosti kupečeskogo sostojanija, i potrebnye znanija k otpravleniju torgovli, Moscou.

Novikov, I. (1799), Osnovatel’nye pravila torgovli, perevedennye s nemeckogo i napečatannye buhgalterom Ivanom Novikovim, Moscou: Universitetskaja tipografija.

Novikov, I. (1804), Podrobnoe opisanie o vekselnom kurse, Moscou.

Novikov, N. I. (1951), «O torgovle voobšče», dans Izbrannye proizvedenija, Moscou; Leningrand: Goslitizdat.

Podšivalov, V. S. (1888), Istoričeskie izvestija o Demidovskom kommerčeskom učilišče, sobrannye iz pisem I. I. Beckogo, žurnalov sovetskih, knig rashodnyh i izustnyh predanij, kolležskim assesorom i kommerčeskogo učilišča inspektorskim pomoščnikom Podšivalovym, St.-Pétersbourg : Tipografija Doma prizrenija maloletnyh i bednyh.

(1790), Počtennyj kupec ili bukgalterija, pokazivajuščaja kakim obrazom proizvodit’ sobstvennyj, po komissijam i tovariščeskij torg kak v gosudarstve, tak i vne ego, Moscou: M. P. Ponomarev.

Richard, J.-P. (1762), Torg Amsterdamskij: Soderžaščij vse to, čto dolžno znat’ kupcam i bankiram kak v Amsterdame živuščim, tak i inostrannym; torg i fabriki slavnejših na svete gorodov, ih korrespondenciju i sravnenie vesov, mer i monet s amsterdamskimi; raznye ustavy o assekuracijah i avarijah, s sokraščennym ih tolkovaniem, o Morskom prikaze, o najme korablej i o locah; tarify pošliny s privoznyh i otvoznyh tovarov, pošliny ot vesov, dvojnoj tarif o maklerskom plateže, i pošliny ot tovarov prohodijaščih črez Zund na gollandskih korabljah; s polnym opisaniem Vostočnoj i Zapadnoj indejskih kompanij, i na kakih dogovorah ih tovary prodajutsja, Moscou: Pečatano pri Imperatoskom Moskovskom universitete.

(1810), Rossijskij buhgalter ili ključ torgovli so slovarem učreždennyh v Rossii jarmarok, torgov, sobranij, otkryvajuščij nauku buhgalterii ili porjadok soderžanija kupečeskih knig, St.-Petersbourg: Klein.

Savary, J. (1747), Soveršennyj kupec, St.-Petersbourg.

Savary des Bruslons, (1747), Ekstrakt Savarieva lexikona o kommercii, Po trebovaniju Gosudarstvennoj Komerc-kolegii s francuzskogo na russkij jazyk perevedena cija kniga, Akademii nauk sekretarem Sergeem Volčkovym, v 1743 i 1744 godah; A račeniem eja imperatorskogo veličestva tajnogo dejstvitel’nogo sovetnika, ordena svjatogo Aleksandra kavalera, rečennoj Gosudarstvennoj Komerc-kolegii prezidenta i Ladožskogo kanala general’nogo direktora knjazja Borisa Grigorieviča Jusupova, iždiveniem onoj že kolegii pri Akademii nauk napečatana,St.-Petersbourg: Tipografija Akademii nauk.

Serikov, I. (1804), Soveršennyj sčetovodec ili kratkoe i jasnoe rukovodsvto k buhgalterii voobšče, St.-Petersbourg.

Stilliger, I. (1795), Obstojatel’noe rukovodstvo dvojnogo ili ital’janskogo sčetovodstva kupečeskogo, to est’ buhgalterii, posredstvom voprosov i otvetov, izobražennoe poleznymi primečanijami i potrebnymi primerami istolkovannoe, Sočinenie i izdanie kutca i buhgaltera Ivana Stillegera goroda Rigi. Perevod s nemeckogo kolležskim assesorom Karl Udam, Kursk: Kurskij prikaz obščestvennogo prizrenija.

Ouvrages

Aksenov, A. I. (1988), Genealogija moskovskogo kupečestva XVIII veka, Moscou: Nauka.

Angiolini, F., Roche, D. (dir.) (1995), Culture et formation négociantes dans l’Europe moderne, Paris : éd. de l’EHESS.

Anikin, A. V. (1988), Les penseurs russes: les idées économiques et sociales de la Russie des XVIIIe et XIXe siècles, trad. par A. Gaillard, Moscou : Progress.

Barenbaum, I. E. (2006), Francuzskaja perevodnaja kniga v Rossii v XVIII veke, Moscou : Nauka.

Crouzet, F. (dir.) (1989), Le négoce international (XIIe-XXe siècles), Paris : Economica.

De Roover, R. (1937), « Aux origines d'une technique intellectuelle: La formation et l'expansion de la comptabilité à partie double », Annales d'histoire économique et sociale, (9), p. 270-298.

De Roover, R. (1956), « The Development of accounting prior to Luca Pacioli according to the account books of medieval merchants », Studies in the Historyof accounting, London: Sweet and Maxwell, p. 114-174.

Demkin, A. V. (dir.) (1999), Kupečestvo i gorodskoj rynok v Rossii vo vtoroj četverti XVIII veka, Moscou : RAN.

Ermolaeva, L. K. (1986), « Krupnoe kupečestvo v Rossii v XVII – pervoj polovine XVIII vv. (Po materialam astrahanskoj torgovli) », Istoričeskie zapiski, (114), p. 303-325.

Galagan, A. M. (1927), Sčetovodstvo v ego istoričeskom razvitii, Moscou; Leningrad : Gosizdat.

Gareth Jones, W. (1984), Nikolay Novikov: Enlightener of Russia, Cambridge Studies of Russian Literature, New York, Cambridge Univ. Press.

Hoock, J., Jeannin, P. (dir.) (1991-2001),Ars mercatoria. Handbücher und Traktate für den Gebrauch des Kaufmanns, vol. I: 1470-1600, Paderborn; München, 1991; vol. II: 1600-1700, Paderborn; Schöningh, 1993; vol. III: Analysen 1470-1700, Paderborn; Schöningh, 2001.

Jeannin, P. (1989), « Les manuels de pratique commerciale imprimés pour les marchands français (XVIe- XVIIIe siècles) », dans Crouzet, F. (dir.), Le Négoce international (XIIe-XXe siècles), Paris : Economica, p. 35-57.

Jeannin, P. (1998), «La diffusion des manuels de marchands: fonctions et stratégies éditoriales », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 45 (3), p. 515-557.

Jeannin, P.  (2002), Marchands d’Europe. Pratiques et savoirs à l’époque moderne, Paris : ENS.

Juht, A. I. (1984), « Torgovye kompanii v Rossii v seredine XVIII veka », Istoričeskie zapiski, (111), p. 238-295.

Kafengauz B. B. (1958), Očerki vnutrennego rynka Rossii pervoj poloviny XVIII veka : po materialam vnutrennih tamožen, Moscou: Izdatel’stvo Akademii nauk.

Kaplan, H. (1995), Russian Overseas Commerce with Great Britain during the reign of Catherine II, Philadelphia: American Philosophical Society.

Kirchner, W. (1966), Commercial Relations between Russia and Europe 1400 to 1800. Collected Essays, Bloomington: Indiana University Press.

Kozlova, N. V. (1989), « Organizacija kommerčeskogo obrazovania v Rossii XVIII veka », Istoričeskie zapiski, (117), p. 291-295.

Kozlova, N. V. (1999), Rossijskij absolutism i kupečestvo v XVIII veke, Moscou: Arheografičeskij centr.

Lemarchand, Y. (2001), « À la conquête de la science des comptes, variations autour de quelques manuels français de tenue des livres », in Ars mercatoria. Handbücher und Traktate für den Gebrauch des Kaufmanns, 1470-1820, vol. III: Analysen 1470-1700, Paderborn, Schöningh, p. 91-129.

Luppanov, S. P. (dir.) (1984), Kniga i knigotorgovlja v Rossii v XVI-XVIII vv., Sbornik naučnyh trudov, Leningrad: BAN.

Luppov, S. P. (dir.) (1986), Francuzskaja kniga v Rossii v XVIII v. Očerki istorii, Leningrad: Nauka.

Marker, G. (1985), Publishing, printing, and the origins of intellectual life in Russia, 1700-1800, Princeton: Princeton University Press.

Meuvret, J. (1971), « Manuels et traités à l’usage des négociants aux premières époques de l’âge moderne », Études économiques, Paris, p. 231-250.

Mézin Anne-Marie, Perret-Gentil Yves et Poussou Jean-Pierre (textes réunis par) (2004), L’influence française en Russie au XVIIIe siècle, Paris : Institut d’Etudes slaves, 736 p.

Monnier, A. (1981), Un publiciste frondeur sous Catherine II : Nicolas Novikov, Paris : Institut d’études slaves.

Paškov, A. I., Bak, I. S. (1955), Istoria russkoj ekonomičeskoj mysli, Moscou : Nauka, t. 1.

Pavlenko, N. I. (1978), « Torgovo-promyšlennaja politika pravitel’stva Rossii v pervoj četverti XVIII veka », Istorija SSSR, (3), p. 49-69.

Pavlov, A. P. (dir.) (2001), Torgovlja, kupečestvo i tamožennoe delo v Rossii v XVI-XVIII vv.  Sbornik materialov meždunarodnoj naučnoj konferencii, 17-20 sent. 2001, St.-Pétersbourg : Izdatel’stvo Sankt-Peterburgskogo universiteta.

Pekarskij, P. P. (1862), Nauka i literatura v Rossii pri Petre Velikom, St.-Petersbourg, t.1.

Pernot, J.-C. (1981), « Les dictionnaires de commerce au XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, (28) janvier-mars, p. 36-67.

Portal, R. (1950), L’Oural au XVIIIe siècle, Paris : Institut d’études slaves.

Preobraženskij A. A. (dir.) (1983), Promyslennost’ i torgovlja v Rossii XVII-XVIII vv. Sbornik statej, Moscou: Nauka.

Rodrigues, L. L., Craig, R., Gomes, D. (2007), «State intervention in commercial education: the case of the Portuguese School of Commerce, 1759», Accounting History, 2 (12), p. 55-85.

Rubinstein, N. L. (1955), «Vnešnjajatorgovlja i russkoe kupečestvo », Istoričeskie zapiski, (54), p. 343-361.

Širokij, V.  F. (1940), « Voprosy torgovogo učeta v zanonodatelnyh aktah i literature Rossii XVIII veka », Trudy Leningradskogo instituta sovetskoj torgovli, (3), p. 51-87.

Sokolov, Y. V. (1991), Očerki po istorii buhgaltelskogo učeta v Rossii, Moscou: Finansy i statistika.

Sokolov, Y. V. (1996), Buhgaltelskij učet ot istokov do naših dnei: Učebnoe posobie, Moscou: UNITI.

Sokolov, Y. V., Byčkova, S. M. (2001), « «Kluč kommercii» - pervaja kniga po dvojnoj buhgalterii v Rossii», Buhgalterskij učet, (17), p. 70-77.

Solovieva, T. B., Lapteva, T. A. (éd.) (2006), Privilegirovannoe kupečestvo v Rossii vtoroj poloviny XVI – pervoy poloviny XVIII vv.: Sbornik dokumentov, t. 1, Moscou: Rosspen.

Stevelinck, E. (1970), La comptabilité à travers les âges, Bruxelles : Bibliothèque royale.

Timofeev, A. G. (1901-1902), Istorija St.-Peterburgskogo kommerčeskogoučilišča, St.-Pétersbourg : tipografija Glazunova.

Ulanov, B. A. (2002), « U istokov finansovyh vyčislenij v Rossii », Vestnik Sankt-Petersburgskogo universiteta: Serija 5, (1), p. 62-73.

Vlaemminck, J. H. (1956), Histoire et doctrines de la comptabilité, Bruxelles : Éditions de Treurenberg (réimpr. Vesoul : Edition Pragnos, 1979).

Yamey, B. S., Edey, H. C., Thomson, H. W. (1963), Accounting in England and Scotland: 1543-1800, London: Sweet and Maxwell.

Zajceva, A. A. (dir.) (1988), Kniga v Rossii v epohu Prosveščenija, Sborkin naučnyh trudov, Leningrad: BAN.

Zajceva A. A. (2005), Knižnaâ torgovlâ v Sankt-Peterburge vo vtoroj polovine XVIII veka, St.-Pétersbourg: BAN.

Zaharov, V. N. (2005), Zapadnoevropejskie kupcy v rossijskoj torgovle XVIII veka, Moscou: Nauka.

Zaharov, V. N., Petrov J. A. (dir.), Istoria predprinimatelstva v Rossii (2000), Učebnoe posobie, Institut rossijskoj istorii RAN, Moscou: Rosspen, 2 vol.   

Zaozerskaja E. I. (1965), « Le salariat dans les manufactures textiles russes au XVIIIe siècle », Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 6, n° 6-2, p. 189-222.

Haut de page

Notes

1  Angiolini & Roche (1995), De Roover (1937, 1956), Jeannin (1989, 1998 ; 2002), Lemarchand (2001), Meuvret (1971), Pernot (1981), Stevelinck (1970), Vlaemminck (1956), Yamey, Edey & Thomson (1963).

2  Ces ouvrages figurent dans le catalogue général des imprimés russes du XVIIIe siècle de la Bibliothèque nationale de Russie, voir Svodnyj katalog russkih knig graždanskoj pečati XVIII veka (1725-1800), Moscou, Izdanie Gosudarstvennoj biblioteki SSSR imeni V. I. Lenina, 1963-1967, 5 vol.

3  Sur la place de ces ouvrages dans l’histoire de la pensée économique russe, voir Anikin (1988) et Paškov (1955).

4  Voir Pavlenko (1978) et Portal (1950).

5  En 1760, la Russie comptait 43 manufactures de drap, dont 28 (65,2%) appartenaient aux marchands et 14 (32,5%) aux nobles, voir Zaozerskaja (1965), p. 195-197.

6  Le canal de Vyšnij Voloček fut construit sous Pierre le Grand pour relier par les rivières la Volga et la mer Baltique.

7  Sur l’état du marché intérieur, le commerce et les marchands de la Russie au XVIIIe siècle, voir Demkin (1999), Kafengauz (1958), Marchands en Russie aux XVIIe et XVIIIe siècle (1970-1971), Kozlova (1999),Pavlov (2001), Preobraženskij (1983), Zaharov & Petrov (2000).

8  Sur les relations commerciales de la Russie avec l’Europe à l’époque moderne, voir Kaplan (1995), Kirchner (1966), Rubinstein (1955). On retiendra en particulier l’étude de V. N. Zaharov (2005) consacrée au rôle des marchands originaires d’Europe occidentale dans le commerce et la société russe au XVIIIe siècle.

9  Nous exposons plus loin cette expérience en s’appuyant sur les travaux de N. Kozlova (1989, p. 291-294 ; 1999).

10  CCLR, t. 7, n° 4348.

11  Les documents  relatifs aux études des jeunes marchands russes à l’étranger dans les années 1720, 1740 et 1760 sont conservés aux Archives de Russie des actes anciens à Moscou (Rossijskij gosudarstvennij arhiv drevnih aktov), fonds 276 (Collège du Commerce), inventaire 1, dossier 70.

12  Polnoe sobranie zakonov Rossijskoj imperii (Collection complète des lois de l’Empire russe, plus loin -CCLR), Saint-Pétersbourg, 1ère éd., 1830, t. 22, n° 16188.

13  Ainsi, les membres de la première guilde, ayant un capital de plus de 10 000 roubles, avaient le droit de se livrer à toute sorte de commerce intérieur et extérieur, ainsi que de posséder des fabriques, des usines et des bateaux. Les marchands de la deuxième guilde, pour un capital de 5 000 à 10 000 roubles, étaient autorisés à trafiquer seulement à l’intérieur du pays. La troisième guilde, pour un capital de 1 000 à 5 000 roubles, n’avait le droit de se livrer qu’au commerce de détail.

14  Il fut président de l’Académie impériale des Beaux-arts de 1764 à 1794.

15  Sur l’histoire de la naissance et du développement de l’enseignement commercial en Russie impériale, voir Kozlova (1989), Podšivalov (1888), Timofeev (1901-1902). Pour une perspective comparative européenne, voir Angliolini & Roche (1995) et Rodrigues, Craig & Gomes (2007).

16  Le dictionnaire de commerce de Savary fut traduit à la demande du Collège du Commerce par le secrétaire de l’Académie des sciences Sergej Volčkov en 1743-1744 et imprimé en 1747.

17  Sur la traduction et la circulation des livres français dans la Russie du XVIIIe siècle, voir Barenbaum (2006) et Luppov (1986). On retiendra aussi l’ouvrage de Poussou, Mézin & Perret-Gentil (2004) qui éclaire des différentes facettes de l’influence française sur la culture et la société russe au XVIIIe siècle. Sur la culture écrite et le commerce du livre en Russie à l’époque moderne, voir Luppanov (1984), Marker (1985), Pekarskij (1862), Zajceva (1988 ; 2005).

18  Sur la vie et les activités de Novikov, voir Monnier (1981) et Gareth Jones (1984).

19  Christian Rüdiger était d’abord commissionnaire, puis relieur et imprimeur-vendeur des livres. De 1794 à 1800, il prit en gestionl’imprimerie de l’Université de Moscou. Il tint sa propre librairie à Moscou qu’il légua à son fils Karl en 1799.

20  À ce sujet, voir Ulanov (2002).

21  L’ouvrage La science des négociants et des teneurs de livres de Pierre Boucher fut édité d’abord à Bordeaux en 1800 et réédité à Paris en 1803 chez Levrault et Schoel.

22  Le Collège du Commerce rapportait au Sénat sur la progression des ventes de ce livre (Archives de Russie des actes anciens, f. 276, inv. 2, d. 65, f. 15).

23  Sur l’organisation du grand commerce, les activités et la prosopographie des grandes familles de marchands en Russie au XVIIIe siècle, voir Aksenov (1988), Ermolaeva (1986), Juht (1984), Pavlov (2001), Solovieva & Lapteva (2006), Zaharov, Petrov (2000).

24  Archives de Russie des actes anciens, f. 1261, inv. 6, d. 203.

25  CCLR, t. 26, n° 19692.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Natalia Platonova, « Édition, diffusion et réception des premiers ouvrages sur le commerce et la comptabilité en Russie au XVIIIe siècle », Comptabilités [En ligne], 1 | 2010, mis en ligne le 10 décembre 2010, consulté le 27 février 2014. URL : http://comptabilites.revues.org/178

Haut de page

Auteur

Natalia Platonova

Docteur en histoire et civilisations, chercheuse associée au laboratoire UMR CNRS - IRHiS, Université Lille Nord de France, Lille 3, natalia_platonova@yahoo.fr

Haut de page

Droits d'auteur

Tous droits réservés

Haut de page
  •  
    • Titre :
      Comptabilités
      Revue d'histoire des comptabilités
      En bref :
      Revue dédiée à l'histoire de la comptabilité, toutes périodes confondues
      A journal dedicated to the history of accounting, encompassing all periods
    • Dir. de publication :
      Patrice Beck
      Éditeur :
      IRHiS-UMR 8529
      Support :
      Électronique
      EISSN :
      1775-3554
    • Accès :
      Open access
    • Voir la notice dans le catalogue OpenEdition
  • DOI / Références