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Structuralisme et néoréalisme dans le champ des relations internationales. Le cas de Kenneth Waltz
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Structuralisme et néoréalisme dans le champ des relations internationales. Le cas de Kenneth Waltz

Structuralism and new realism in the field of international relations. The case of Kenneth Waltz
Alexis Cartonnet

Résumés

Cet article esquisse un rapprochement entre un courant de pensée politique, le néoréalisme, et une méthode en sciences humaines, le structuralisme. Ce courant et cette méthode ont suivi des trajectoires séparées, de l’après-guerre à la fin des années soixante-dix, jusqu’à ce que Kenneth Waltz croise ces deux problématiques. Après avoir défini respectivement réalisme et structuralisme, cet article établit leur connexion et tente d’éclairer les raisons pour lesquelles ce rapprochement n’avait pas été conduit jusqu’alors.

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Texte intégral

Introduction

1Cet article se propose d’établir un rapprochement entre une méthode en sciences humaines et une orientation de pensée en relations internationales, plus précisément entre le « structuralisme » et le « réalisme politique ». Le structuralisme est un mouvement de pensée formaliste lancé par Ferdinand de Saussure, Claude Lévi-Strauss et Jacques Lacan, décrivant le Réel comme une combinaison mouvante d’éléments insécables. Le réalisme politique, quant à lui, est une sensibilité politique commune à Edward Carr, Hans Morgenthau ou Kenneth Waltz, qui voit dans la scène internationale une arène où se débattent des États visant leur intérêt national et maximisant leur puissance. Entre une méthode formelle en sciences humaines et la gestion réelle d’un échiquier géopolitique, nous pensons qu’il y a isomorphisme.

  • 1  Citons par ordre chronologique Edouard Carr, Hans Morgenthau, John Herz, Arnold Wolfers, Raymond A (...)
  • 2  Citons simplement les deux tomes de Fr. Dosse, Histoire du structuralisme, Paris, Le Livre de Poch (...)

2Nous souhaitons, en effet, défendre l’idée selon laquelle une méthode d’analyse structurale est non seulement possible mais nécessaire dans le cadre d’une étude réaliste des relations internationales. Manifestes et théoriciens réalistes des relations internationales prolifèrent dans le monde anglo-saxon1, tout comme les études françaises sur le structuralisme2. L’application du structuralisme aux relations internationales, cependant, reste un geste inédit en France, bien que largement répandu aux États-Unis depuis le livre canonique de Kenneth Waltz, International Theory of Politics, publié en 1979.

3Pourquoi, en France, n’a-t-on alors jamais analysé les relations internationales au moyen d’une méthode structurale ? Et pourquoi le structuralisme ne s’est-il jamais penché sur les relations entre États ? Au-delà de la double définition du structuralisme et du néoréalisme, c’est à ces questions que cet article se propose de répondre. Pour ce faire, nous commencerons par une définition générale et axiomatique de la méthode structurale avant de présenter le néoréalisme d’obédience structurale de Kenneth Waltz. Nous détaillerons ensuite les quelques critiques dont ce réalisme politique a fait l’objet. C’est dans un quatrième et dernier temps que nous serons amené à réexaminer les raisons pour lesquelles ce rapprochement n’a pas été conduit plus tôt en France, alors qu’il a été esquissé depuis bientôt trente ans aux États-Unis.

Définition générale et axiomatique du structuralisme

  • 3  Les tentatives de définition se concentrent sur environ cinq années. Le nombre de critères définit (...)
  • 4  R. Barthes, Essais critiques, ouvr. cité, p. 224.

4Malgré tant de définitions et de critères définitionnels3, on peut dire succinctement du structuralisme qu’il découpe un ensemble quelconque du Réel en une multiplicité d’éléments discrets destinés à se combiner. L’opération préalable du structuralisme consiste en un « découpage d’unités »4 : phonèmes de Roman Jakobson, membres d’une famille chez Lévi-Strauss, chaîne de signifiants chez Lacan, carrés de couleur chez Piet Mondrian, notes d’une série chez Arnold Schoenberg, ou encore, comme nous le verrons avec plus de précision, États du système international chez Kenneth Waltz. Une fois découpées, ces unités sont justiciables de trois axiomes.

  • 5  J. Derrida, L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 419.
  • 6  Cl. Lévi-Strauss, L’homme nu, Paris, Plon, 1971, p. 561.

5L’axiome premier du structuralisme pose l’antériorité des relations sur les termes de la relation et donc, la préséance du tout sur les parties. Comme le rappelle Jacques Derrida : « Tout commence par la structure, la configuration ou la relation »5, c’est là la dimension systémique du structuralisme. La relation tient son être de ce qu’elle relie, or les termes ne sont jamais premiers et les unités jamais constituantes. Bien au contraire, ce qui est premier, c’est la totalité et non l’unité, la structure et non le sujet, l’ensemble et non l’élément. On comprend dès lors que les unités découpées tirent plutôt leur raison d’être de ce qui les enserre : la série pour les notes de musique, le système international pour les États, la famille pour ses membres, etc. Comme le soutient Lévi-Strauss dans le finale de L’homme nu : « Le fait de la structure est premier »6.

  • 7  G. G. Granger, Pensée formelle et sciences de l’homme, Paris, Aubier-Montaigne, 1967, p. 110. (...)

6Le second axiome du structuralisme définit les unités constitutives d’une structure en termes de position spatiale. Les unités d’une structure ne diffèrent ni par leur contenu ni par leurs caractères, mais uniquement par leur position, c’est là la dimension topographique du structuralisme. C’est en ce sens que Gilles Gaston Granger parle, à propos des unités structurales, de « différence indifférente »7 : la différence vient toujours de la position des unités, jamais du contenu qui, lui, reste indifférent.

  • 8  On s’est longtemps demandé, par exemple, si Michel Foucault était ou avait été structuraliste dans (...)

7Le troisième axiome du structuralisme consiste en la permutation de ces unités au sein du système. Une structure évolue par recomposition de ses unités, c’est là la dimension dynamique du structuralisme. De tous les critères, le troisième est seul décisif : là où se présentent une règle de permutation, une algèbre des unités et une combinatoire exhaustive, on peut être certain que l’analyse peut être conduite de manière structurale. Inversement, là où il n’y a pas d’art combinatoire, il n’y a pas de structuralisme possible. Cette précision devrait lever bien des débats8.

8Le structuralisme manipule donc des éléments discrets logés dans un ensemble spatial, dont l’événement repose en un jeu de permutations. Ces termes correspondent aux trois axiomes de relation, de position et de permutation.

9Cette définition générale et axiomatique non seulement homogénéise le champ des études structurales, mais laisse délibérément de côté l’ensemble des débats qui ont animé aussi bien les partisans que les adversaires du structuralisme. Ces débats et divergences seront évoqués à la toute fin de cet article quand nous reviendrons sur l’absence de lien entre cette méthode formelle dont nous venons de donner une définition de travail, et le courant politique américain que nous allons étudier. Ainsi, pour nous convaincre qu’il y a bien isomorphisme entre les axiomes du structuralisme et ceux du réalisme politique, voyons ce qu’il en est du néoréalisme de Kenneth Waltz.

Du réalisme classique au néoréalisme structural

10Kenneth Waltz se rattache indéniablement au courant réaliste américain. On entend par « réaliste » toute pensée des relations internationales qui prend l’État comme unité d’analyse et qui postule que celui-ci défend son intérêt national et vise à maximiser sa puissance. Ce courant a été explicité, plus que fondé, par l’historien britannique Edward Carr et le théologien protestant Reinhold Niebuhr pendant l’entre-deux-guerres, avant d’être systématisé une première fois par le juriste et politiste Hans Morgenthau au seuil de la Guerre Froide, puis à nouveau par Kenneth Waltz dans les années soixante-dix. Cependant, ce réalisme connaît deux sensibilités différentes et chronologiquement successives : un réalisme « classique » pleinement incarné par Hans Morgenthau et un « néoréalisme » incarné ensuite par Kenneth Waltz.

  • 9  Th. Hobbes, Léviathan, chap. 11, Paris, Gallimard (Folio), 2000.

11Le réalisme classique de Hans Morgenthau est un réalisme qu’on pourrait qualifier d’« anthropologique ». Il s’appuie sur les traditions politiques de Machiavel et Hobbes et définit l’homme comme mauvais, accaparé par ses passions et assoiffé de pouvoir. Une phrase de Hobbes le résume assez bien : il y a chez l’homme un « désir inquiet d’acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse qu’à la mort »9.

12Or, les travaux successifs de Kenneth Waltz prennent régulièrement leurs distances avec ce réalisme anthropologique : ainsi sa thèse de doctorat, Man, the State and War, datée de 1959, puis le manifeste néoréaliste Theory of International Politics de 1979, et enfin le recueil d’articles Realism and International Politics édité en 2008.

13Dès son travail de doctorat, Man, the State and War, Waltz s’attaque donc à ce type d’analyse anthropologique. Pour comprendre les causes de la guerre, Waltz procède par échelles et interroge tour à tour la nature de l’homme, la nature des régimes politiques et enfin la nature du système international : telles sont les trois « images » du système international. Waltz s’en prend principalement à la première image explicative, celle qui décrit la nature de l’homme et notamment le comportement du chef d’État comme cause des conflits. L’analyse de la première image permet à Waltz de se positionner contre le père fondateur du réalisme anthropologique, Hans Morgenthau. Mais pourquoi Waltz entend-il minorer le rôle de la première image ? La raison est la suivante : commencer par l’homme, c’est prendre l’homme comme source spontanée et souveraine de la décision politique, alors que le sujet collectif qu’est l’État est d’abord inséré dans une totalité qui le précède et qui le détermine.

  • 10  K. Waltz, Theory of International Politics, New York, Mac Graw Hill, 1979, chap. 3.

14Il faut donc, selon Waltz, opter pour une conception « systémique » et non plus « analytique » de la théorie des relations internationales10 : tel est le saut qu’effectue le manifeste Theory of International Politics. Une théorie est « analytique » quand elle considère les entités étudiées comme autonomes, indépendantes et spontanées ; inversement, une théorie devient « systémique » quand elle considère que ses unités de référence sont prises dans une totalité close de relations contraignantes. Plus fondamentale entre ces deux réalismes est donc la question ontologique qu’ils soulèvent : qui est l’acteur primordial des relations internationales ? Quelle est l’unité à « découper » : l’homme d’État ou bien le système des États ?

15Dès lors que l’on admet que le système des États prime sur le chef d’État, on comprend que l’objet d’étude de Waltz soit resté le même depuis sa thèse de doctorat jusqu’aux plus récentes publications sans oublier, bien sûr, le livre fondateur de ce néoréalisme, Theory of International Politics : à chaque publication, il s’agit d’expliquer le fonctionnement du système international exclusivement à partir de sa structure anarchique. Le néoréalisme se distingue donc du réalisme classique en cela qu’il ne développe pas une hypothèse anthropologique (la méchanceté de l’homme), mais une hypothèse proprement systémique (l’échiquier des États).

  • 11  Ibid., p. 81 ; nous traduisons.

16Si donc nous optons pour un réalisme systémique plutôt qu’anthropologique, il semble désormais que ce réalisme puisse faire l’objet d’une analyse structurale. Waltz conçoit d’ailleurs que cette approche puisse surprendre ses lecteurs puisqu’elle concerne d’abord d’autres sciences sociales : « C’est une manière inhabituelle d’aborder les systèmes politiques, alors même que la notion de structure est largement familière aux anthropologues, aux économistes et même à certains politologues qui travaillent sur les partis politiques et les administrations. »11

17Quels sont donc les principes de ce néoréalisme ? En quoi l’ontologie politique de Kenneth Waltz est-elle structurale ? Pour mettre en œuvre cette méthode, Waltz s’appuie sur trois principes : les principes d’« organisation », de « différenciation » et de « distribution ». Par rapport aux principes de « relation », de « position » ou « permutation » que nous avons préalablement posés, nous souhaitons établir à la fin de cette section une bijection entre ces deux séries d’axiomes.

  • 12  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 88.

18Nous disions que le propre d’une théorie systémique des relations internationales et notamment du néoréalisme était de poser le primat de la relation sur les termes de cette relation. Effectivement, ce qui est premier dans une théorie des relations internationales, c’est bien la « relation », à savoir le rapport des États entre eux, et non pas la volonté des chefs d’État ; ce qui prime ontologiquement, c’est donc le système et non ses unités, la structure et non ses sujets. C’est pourquoi le premier principe de Waltz sera un « principe d’ordonnancement » (ordering principle)12. Mais comment s’organise le multiple des États ?

  • 13  R. Barthes, Essais critiques, ouvr. cité, p. 225.
  • 14  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 88.

19Barthes se plaisait à répéter que dans une structure, les entités n’étaient « nullement anarchiques »13. Précisément si. C’est même ce à quoi on reconnaît un réaliste en sciences politiques. C’est pourquoi Waltz, en bon réaliste, oppose des systèmes politiques internes qui sont centralisés et hiérarchisés à des systèmes politiques internationaux qui, au contraire, sont décentralisés et anarchiques14. Le système international est à la fois décentralisé en cela qu’il y a plusieurs pôles de puissance, et anarchique puisque rien n’ordonne juridiquement le multiple des États. L’ordonnancement implique donc l’anarchie. En revanche, à l’intérieur de l’État, le système est hiérarchique et centralisé dans la mesure où la multitude des sujets est subordonnée à l’autorité centrale du Léviathan.

  • 15  Th. Hobbes, Leviathan, ouvr. cité, chap. 13.
  • 16  B. Spinoza, Traité politique, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, chap. 3, p. 30, § 11.
  • 17  J. Locke, Second traité du gouvernement civil, Paris, PUF (Épiméthée), 1994, p. 135, § 183. (...)
  • 18  J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité entre les hommes, Paris, G (...)
  • 19  G. W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, Paris, PUF (Quadrige), 2003, p. 426-427, § 3 (...)
  • 20  E. Kant, Métaphysique des mœurs II,Doctrine du droit, Paris, Garnier-Flammarion, 1994, p. 168, § 5 (...)

20En réalité, le concept philosophique correspondant au principe d’anarchie serait plutôt celui d’« état de nature » : aussi bien Hobbes15, Spinoza16, Locke17 que Rousseau18 ou Hegel19 admettent que les États sont les uns vis-à-vis des autres dans un « état de nature ». Mais le vocabulaire propre aux sciences politiques est celui d’« anarchie ». Comme chacun sait, l’anarchie n’implique pas que le système soit chaotique, mais simplement qu’il n’existe aucune instance juridique supranationale pouvant prévenir un conflit armé. C’est en ce sens que Kant déjà, dans sa Doctrine du droit, parlait plus justement d’anarchie20. Ce premier principe a pour mérite de tracer un plan d’immanence dans l’espace politique international en remarquant que, dans une structure anarchique, seuls existent des rapports, heureux ou belliqueux, de composition.

21Après avoir posé la structure comme anarchique, il convient d’en penser les unités constitutives. Mais là encore apparaît un problème épineux : comment qualifier de telles unités ? Car « l’État » est pluriel : il existe des États de droit et des États despotes, des États centenaires et des Léviathans boiteux, des régimes parlementaires et des régimes présidentiels, etc. Comment intégrer toutes ces différences empiriques ou institutionnelles ? Et d’ailleurs, le faut-il ?

  • 21  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 80 ; nous traduisons.

22Or, conformément aux principes du structuralisme, Waltz refuse d’intégrer la nature des régimes politiques dans son analyse du système international. Dans une pensée spatiale, on ne s’intéresse pas au contenu ou au caractère institutionnel des unités constitutives du système donné, mais uniquement à leur position. Ce que l’on attend d’une théorie des relations internationales, c’est qu’elle fournisse une « image purement positionnelle de la société »21.

23Mais qu’entendre par « position » ? Faut-il l’entendre dans un sens littéral ou figuré ? En fait, « position » peut s’entendre de manière à la fois littérale et figurée. De manière littérale, le principe de position signifie que la valeur d’un État dépend de sa position topographique sur l’échiquier international : deux États ne peuvent devenir ennemis que parce qu’ils ont une frontière commune et que cette proximité géographique est une menace à leur sécurité. Inversement, deux États éloignés à des milliers de kilomètres n’ont pas, dans une vision réaliste, à se penser comme ennemis, car ils ne représentent pas l’un pour l’autre une menace spatiale évidente. On comprend, dans ces conditions, que des réalistes aient pu condamner la guerre du Vietnam ou la guerre en Irak. Irak et Vietnam ne représentaient ni un danger imminent ni un intérêt vital pour le développement de l’État américain. « Position » signifie donc en premier lieu « différenciation topographique ».

  • 22  Ibid., p. 93 ; nous traduisons.

24En revanche, si les unités politiques sont spatialement différenciées, elles demeurent fonctionnellement indifférenciées : « Les États qui constituent les unités des systèmes politiques internationaux ne se différencient pas par les fonctions qu’elles remplissent »22 ; ces unités sont donc identiques (like units). Chaque État est une unité qui cherche, au mieux, à maximiser sa puissance, du moins, à préserver sa sécurité. S’il y a différenciation de position, il y a en revanche indifférenciation de fonction. Voici pour le sens littéral de « position ».

  • 23  G. Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 55.

25Mais le sens figuré n’est pas en reste. Les États occupent également des « positions » différentes sur l’échiquier géopolitique, dans la mesure où ils n’occupent pas la même « place » dans la hiérarchie des puissances. En effet, outre un positionnement géographique sur l’atlas, il existe un positionnement symbolique dans le classement des puissances. En d’autres termes, si les États sont des unités fonctionnellement indifférenciées, il reste que ces États se différencient par leurs capacités. Les unités sont certes anarchiques, mais comme le disait Deleuze à propos de son ontologie de la puissance, il s’agit en réalité d’une « anarchie couronnée »23. Dans ces conditions, deux États ne sont pas ennemis parce que l’un serait une aimable démocratie et l’autre une odieuse dictature, mais parce que l’un des deux est plus puissant que l’autre, et que le second vit cet accroissement comme une provocation ou une menace à sa propre sécurité.

26La conséquence ultime est que si les unités se différencient par leur puissance, celle-ci est donc inégalement répartie au sein du système. D’où un troisième et dernier principe : le principe de « distribution ». Après « l’ordonnancement » (l’anarchie), la « différenciation » (l’identité de fonction), vient donc la « distribution » (ou polarisation) de la puissance.

  • 24  R. Gilpin, War and Change in World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1981.
  • 25  H. Morgenthau, Politics among Nations, New York, Knopf, 1948, chap. 11-14.
  • 26  K. Waltz, « The stability in a bi-polar world », Realism and International Politics, New York, Lon (...)

27La signification de ce troisième principe est la suivante : si tous les États n’ont pas les mêmes capacités, si la puissance est inégalement répartie au sein du système interétatique, celle-ci peut se concentrer autour de certains pôles en particulier. En effet, pour une même structure anarchique, il existe plusieurs systèmes possibles, et c’est pourquoi un système international peut indifféremment être uni-, bi- ou multipolaire. On trouve bien sûr des partisans pour chaque système : si Gilpin24 et Morgenthau25 défendent respectivement des systèmes uni- et multipolaires, Waltz en revanche est le seul réaliste à se prononcer clairement en faveur d’un système bipolaire26. Les conséquences de cette distribution sont triples.

  • 27  P. Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Paris, Payot (réédition), 2004, p. 172. (...)
  • 28  G. Deleuze, « De la structure », Logique du sens, ouvr. cité, p. 66 ; « À quoi reconnaît-on le str (...)

28En premier lieu, comme les capacités des États sont inégalement réparties sur un plan synchronique, mais que la tendance diachronique est à l’accroissement de puissance, il existe donc des « vides de puissance »27 que les États essaient d’exploiter à leur avantage. Ces vides de puissance ne sont pas sans rappeler la fameuse « case vide »28 des structuralistes qui fait fonctionner toutes les structures (parentales, linguistiques, etc.) et qui donnent du bougé à la structure. En termes géographiques, ces vides se concentrent sur les « marges » ou les « périphéries » des territoires étatiques. Et c’est pourquoi l’enjeu politique des guerres réalistes est le plus souvent territorial et non pas idéologique.

29Seconde conséquence : lorsqu’une guerre est décisive, quand elle emporte le système avec elle, il y a à proprement parler « événement », c’est-à-dire changement de système. Par exemple, passage d’un système multipolaire à un système bipolaire (de l’Ancien Régime à la Révolution française), ou bien d’un système bipolaire à un système unipolaire (de l’immédiat après-guerre à l’après-guerre froide). Toutefois, il convient d’être attentif à la portée dudit événement : le seul événement qui puisse réellement se produire dans un espace anarchique régulé par des pôles de puissance, c’est uniquement un changement de système, mais non de structure, c’est une inflexion et non une révolution ontologique. Ce qui existera toujours pour un réaliste, ce sont des États dans une structure anarchique. Mais que le système change de pôle ne pose pas de problème théorique supplémentaire. Malgré tout ce qu’on a pu dire sur les événements de 1789 ou de 1989, une révolution politique n’est pas encore une révolution ontologique, car le changement d’un système multipolaire à un système bipolaire est prévu par la théorie (guerres révolutionnaires de 1792), de même que le passage d’un système bipolaire à un système unipolaire (chute du Mur en 1989). Ces changements politiques décisifs ne remettent pas fondamentalement en cause les dogmes du réalisme. C’est pourquoi le propre du réaliste est de réduire l’événement à un simple déséquilibre entre unités politiques.

  • 29  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 117 ; nous traduisons.

30Troisième conséquence, d’ordre pratique ou praxéologique cette fois-ci : pour que le système n’implose pas, les chefs d’État doivent mener une politique prudente connue sous le nom fameux d’« équilibre des puissances » ou de « balance des forces ». Comme le souligne Kenneth Waltz, « s’il est une théorie politique spécifique aux relations internationales, c’est bien celle d’équilibre entre les puissances »29. Cette pratique peut se résumer à l’impératif hypothétique suivant : qu’aucun État ne l’emporte en puissance sur la somme des États voisins coalisés ; la puissance d’un seul État jamais ne doit excéder celle des autres réunis. Cette pratique est marquée de plusieurs traits.

  • 30  A. Badiou, « Un, multiple, multiplicité(s) », Multitudes, 2000/1, no 1, p. 206.
  • 31  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 126.

31En premier lieu, aucun des États n’est indépendant du système ; tous appartiennent au moins tacitement à un bloc ou à une alliance. Dans le vocabulaire mathématique de la théorie des ensembles, on pourrait dire que chaque élément (État) appartient non seulement à un ensemble (le système international), mais qu’en outre il est inclus dans un sous-ensemble (une coalition). On dira donc que le jeu des alliances repose sur une double logique de « l’appartenance (élémentaire) et [de] l’inclusion (partitive) »30. Encore faut-il distinguer avec Waltz deux types d’alliance ou d’appartenance à un bloc : un État peut décider ou bien de rejoindre le bloc dominant pour s’assurer de sa sécurité (bandwagoning), ou bien s’allier à une coalition pour contrebalancer l’État le plus puissant (balancing). Balancing et bandwagoning sont deux stratégies idéal-typiques des États en relations internationales31.

32En second lieu, si un État adopte une stratégie de « balance », alors les guerres de coalition auront pour but, au-delà de la simple préservation de son territoire, de maintenir ou de rétablir l’équilibre entre les principales puissances de manière à ce qu’aucune ne soit prépondérante. Le but de cette pratique est donc d’aboutir à un « équilibre », dans le sillage d’une épistémologie mécaniste. Tel a été notamment l’enjeu, pendant la guerre froide, des alliances défensives comme l’Otan (1949), l’Anzus (1951) ou l’Otase (1954).

33En conséquence, les alliances sont absolument fluctuantes, ce qui ne signifie pas félonie de la part des acteurs, mais au contraire souci constant d’équilibre. Le renversement des alliances peut en outre donner lieu à un dénombrement combinatoire.

34Résumons : un structuralisme en relations internationales insère la multiplicité des États dans un système (ordonnancement), hiérarchise les puissances (position) et pose un jeu fluctuant d’alliances (distribution de puissances) afin que s’établisse un équilibre permanent entre ces mêmes puissances. Les principes généraux du structuralisme ont donc leur équivalent strict dans la politique internationale.

Tableau 1. Bijection du structuralisme et du néoréalisme

Structuralisme

Néoréalisme

Relation

Organisation (c’est-à-dire anarchie)

Position

Différenciation (c’est-à-dire identité de fonction)

Permutation

Distribution (c’est-à-dire concentration de puissance)

35Remarquons ensuite que les principes de Waltz, pour être isomorphes à l’axiomatique structurale que nous avons dégagée, n’en sont pas moins équivoques dans leur sémantique, dans la mesure où ils sont formulés dans des termes qui signifient l’exact inverse de ce à quoi ils renvoient : ainsi le principe d’« organisation » renvoie-t-il en réalité à l’« anarchie », la « différenciation spatiale » à l’« identité de fonction » et la « distribution de puissance » à sa « concentration ».

36Enfin, comme le réalisme fait incontestablement figure de paradigme parmi les théories des relations internationales, la question suivante sera celle de ses amendements.

Amendements du néoréalisme

37Quelles sont les critiques adressées au néoréalisme de Kenneth Waltz et au réalisme dans son ensemble ? Le premier reproche adressé au réalisme est son statisme méthodologique et son conservatisme politique. Nous disions que l’axiome fondamental du réalisme était l’« anarchie ». Mais il reste tout de même à déterminer si cette anarchie doit immédiatement être interprétée en termes d’hostilité, ou si elle permet malgré tout l’instauration de relations policées entre États.

  • 32  A. Wendt, Social Theory of International Politics, Cambridge University Press, 1999, p. 246-312. (...)

38C’est là le reproche formulé par l’école constructiviste d’Alexander Wendt : les réalistes interprètent immédiatement l’anarchie en termes de guerre, alors qu’il existe précisément des « cultures anarchiques »32, c’est-à-dire des degrés de conflictualité, en fonction de la perception que se font les acteurs les uns des autres. C’est pourquoi Wendt distingue une « anarchie hobbesienne » d’une « anarchie lockéenne » et d’une « anarchie kantienne ». Par exemple, l’anarchie est hobbesienne entre les peuples israélien et palestinien, ou entre les Serbes orthodoxes et les Bosniaques musulmans, car l’hostilité est ancrée dans la durée ; l’anarchie est probablement lockéenne entre la Russie et la Géorgie, comme avec les anciennes républiques soviétiques, car elle repose sur des luttes d’influence ; et enfin, l’anarchie est kantienne entre les vingt-sept États membres de l’Union européenne car il est désormais à peu près inconcevable que les États membres se déclarent la guerre mutuellement.

  • 33  A. Wendt : « Anarchy is what states make of it », International Organization Foundation, 1992. (...)

39Au fond, le reproche qu’adressent les constructivistes au réalisme politique, et implicitement à la démarche structurale, c’est d’avoir « ontologisé » la structure alors qu’elle est avant tout un construit social susceptible d’évolution. Le réalisme politique est un réalisme métaphysique car il considère que la structure existe en soi, pure forme indépendante de ses incarnations, et anarchique, quoi qu’en fassent les États. D’où l’aphorisme de Wendt, qui répond mot pour mot à l’axiome de Waltz : « L’anarchie est d’abord ce qu’en font les États. »33

  • 34  C’est là le reproche majeur qu’adresse Deleuze au structuralisme : ce que fait le structuralisme, (...)
  • 35  C. Schmitt, La notion de politique, Paris, Champs-Flammarion, 1992, § 2.

40Partant, on saisit mieux la position normative du réalisme. Puisque les États doivent gérer des conflits dans un milieu éternellement anarchique, le réalisme est une pensée binaire et belliqueuse qui interprète systématiquement la différence en termes d’opposition34 et qui ne saisit que deux relations possibles entre les États : l’alliance ou le choc, l’amitié ou l’hostilité, dans le droit fil d’une pensée schmittienne35.

  • 36  H. Lefebvre, L’idéologie structuraliste, Paris, Seuil, 1975, p. 69.

41Pensée belliqueuse, le réalisme est également une pensée conservatrice qui forclot l’événement : loin d’être coupure ou commotion, l’événement, chez les réalistes/structuralistes, n’est qu’un aménagement de la structure, simple inflexion dans la configuration des rapports de force. Au mieux, c’est un changement de système. Henri Lefebvre, l’un des détracteurs de l’école structurale française, disait du structuralisme qu’il était « une idéologie de l’équilibre entre les forces », « une idéologie du statu quo »36 : l’expression ne se voulait nullement littérale et ne concernait probablement pas les relations internationales, mais elle s’applique parfaitement au réalisme structural de Kenneth Waltz.

42Le second reproche adressé au réalisme est qu’on ne peut se permettre, pour comprendre la dynamique du système international, de négliger complètement la nature du régime politique des États. Le principe d’indifférenciation, requis par toute méthode structurale, suscite donc des résistances d’ordre politique : jusqu’où est-il permis d’ignorer la nature du régime politique d’un État dans la compréhension de sa politique extérieure ?

  • 37  M. Doyle, « Kant, liberal legacies and foreign affairs », Philosophy and Public Affairs, vol. XII, (...)

43Cette critique est conduite cette fois-ci par l’école libérale d’inspiration kantienne, laquelle met l’accent sur la nature du régime politique pour expliquer la présence ou l’absence de conflits entre États. Selon les libéraux, c’est le régime politique qui explique avant tout la nature pacifique ou belliqueuse d’un État, et non une anarchie belligène par nature : un système républicain dans lequel le pouvoir exécutif est sous le contrôle du pouvoir législatif est moins susceptible de déclencher une guerre qu’un régime despotique dont les décisions sont concentrées dans les mains d’un seul individu. On retrouve ici la théorie de la « paix démocratique » de Michael Doyle37. Cette théorie stipule que les démocraties auraient moins tendance à se faire la guerre entre elles que deux États dont les régimes politiques divergent. Ainsi énoncée, cette théorie est donc anti-réaliste (sur un plan politique) et anti-structuraliste (sur un plan méthodique).

  • 38  K. Waltz, « A reply to my critics », Neorealism and its Critics, R. O. Keohane éd., New York, Colo (...)

44À cette critique, Waltz répondrait tout simplement que deux États luttant pour leur survie verraient rapidement leurs exigences idéologiques s’estomper au profit de leur seule sécurité : « Dans un système de chacun pour soi (self help), la compétition entre États pèse beaucoup plus que les préférences idéologiques ou les pressions intérieures. »38

45En tout cas, le plus sûr moyen de faire voler en éclats une théorie structuraliste en relations internationales, c’est de prendre en considération la nature ou le caractère des unités analysées, que ce soit sous un angle fonctionnel (les types de régimes politiques) ou bien culturel (la personnalité ou la culture stratégique des dirigeants).

  • 39  K. Waltz, Conversation with History, 10 février 2003, en ligne [http://globetrotter.berkeley.edu/p (...)

46Enfin, la critique la plus radicale qu’on ait faite du réalisme porte sur l’unité d’analyse et l’échelle spatiale retenues. Comme tout réaliste, Waltz réduit l’agent des relations internationales au seul acteur étatique. Malgré des années de critiques et de montée en puissance des courants « transnationaliste » (Rosenau) ou « pluraliste » (Smouts) dans les années soixante-dix, malgré la coupure signifiante du 11 septembre 2001, Waltz persiste à ne voir les relations internationales qu’à travers le prisme de l’État : « Mais qui est-ce qui peut bien agir sur la scène internationale, sinon des États ? »39. À part décréter leur nullité, il va bien falloir que le réalisme se prononce sur l’existence effective de ces nouveaux acteurs.

  • 40  B. Badie, L’impuissance de la puissance, Paris, Fayard, 2005, p. 10, 40 et 174.

47Les réalistes soutiennent que l’État le moins puissant est encore plus puissant que n’importe quelle autre entité politique, car il bénéficie du soutien de ses voisins. Les transnationalistes d’inspiration libérale se plaisent à opposer, tel un jeu de miroirs, le plus grand pouvoir de nuisance d’entités non étatiques contre l’État le plus puissant40. Bertrand Badie est ainsi amené à développer une dialectique de la « puissance » et de la « nuisance », en montrant qu’un excès de puissance est impuissance, et que la nuisance devient pouvoir d’influence.

48Faire valoir les individus contre les États, les processus contre les structures serait alors typique d’une métaphysique des flux comme celle de Deleuze et Guattari. On comprend dès lors que le texte « rhizome » issu de Mille Plateaux soit un réquisitoire systématique contre le structuralisme. Contre des unités molaires et macropolitiques (les États), Deleuze et Guattari font valoir des unités moléculaires et micropolitiques (les individus) s’organisant en réseaux, entre les nœuds desquels se déploient des flux.

49Résumons ces critiques sous le double aspect politique et méthodologique. En tant que courant politique, on reproche au néoréalisme d’être une pensée conservatrice négligeant 1) les événements historiques, 2) la valeur des régimes politiques, et 3) l’existence d’acteurs non étatiques. En tant que méthode, on reproche au structuralisme d’être 1) ignorant de l’historicité des structures, 2) indifférent à l’égard du contenu de ces unités, et 3) inadéquat quant à l’échelle retenue.

50L’exposition du néoréalisme, de ses axiomes et des critiques étant terminée, il nous reste à essayer de comprendre pourquoi ce rapprochement n’a pas été esquissé en France. De quel blocage le structuralisme a-t-il victime pour qu’il ne se soit pas donné les relations internationales comme objet de pensée ? Pourquoi le passage des sciences humaines aux sciences politiques ne s’est-il pas fait plus tôt ?

Des sciences humaines aux sciences politiques : les obstacles du structuralisme français

51Revenons donc au structuralisme français et essayons de comprendre pourquoi celui-ci n’a pas pris les relations internationales comme objet d’analyse. Nous scrutons ici les « obstacles épistémologiques » véhiculés par le structuralisme tel qu’il s’est historiquement constitué en France, par opposition à la définition générale et axiomatique du structuralisme que nous avons d’abord proposée. Qu’en est-il alors du structuralisme selon l’opinion commune ou selon la doxa universitaire ?

  • 41  R. Barthes : « Surveillez qui emploie signifiant et signifié, synchronie et diachronie, et vous sa (...)

52On considère premièrement que le structuralisme est essentiellement une théorie du signe, que là où il y a un « signe », un « signifié » et un « signifiant »41, il y a structuralisme alors que, selon notre opinion, le structuralisme relève bien plutôt de l’algèbre, et notamment de l’algèbre combinatoire. Pourquoi cette prédominance de la lettre chez Roland Barthes, François Wahl ou même Deleuze ?

  • 42  A. J. Greimas, Sémantique structurale, Paris, PUF, 2002.
  • 43  R. Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1970.
  • 44  R. Barthes, Système de la mode, Paris, Seuil, 1983.

53Il est vrai que le structuralisme doit sa naissance à la linguistique de Saussure et à son Cours de linguistique générale de 1911. Cette linguistique permet de penser la relation des signes dans un tout appelé système. À partir de ce geste fondateur, il a été possible d’étudier et de produire une sémantique structurale42, une sémiotique des mythes43 ou des systèmes de mode44. Cette vague sémiologique a ensuite trouvé un double écho dans l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss qui a étudié tous types d’échanges (femmes, biens et messages) et dans la psychanalyse structurale de Lacan.

  • 45  F. Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1995, p. 166.

54Pour autant, ce qui est décisif dans ce structuralisme naissant d’orientation sémiologique ou linguistique, y compris chez Saussure, c’est que le signifié y renvoie d’abord à d’autres signifiés ; l’essentiel est qu’un mot n’ait de valeur que relativement à une constellation spatiale de synonymes et d’antonymes qui en constituent l’entour et qui laisse ainsi ouverte la possibilité d’une combinatoire sur un double axe syntagmatique (grammatical) et paradigmatique (lexical). Selon la formule de Saussure – « dans la langue, il n’y a que des différences »45 –, un mot n’a de valeur grammaticale ou lexicale que par rapport à d’autres, et c’est dans cette spatialité relationnelle que se constitue le sens.

  • 46  Cl. Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Berlin, de Gruyter, 2002 [Paris, PUF, (...)

55À son tour, lorsque Lévi-Strauss analyse les membres des familles d’un clan, il ne les traite pas comme des signifiants cachant une signification, mais bien comme des éléments permettant une combinaison. C’est à cette occasion que Lévi-Strauss a été conduit à formaliser les relations de parenté du clan Murnginavec le mathématicien André Weil46.

  • 47  J. Lacan, « L’instance de la lettre dans l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 289. (...)

56Enfin, même chez Lacan qui feint de s’intéresser aux procédés de métaphore et de métonymie dans le langage, l’essentiel n’est pas tant le glissement du signifié sous le signifiant par l’acte de parole, que le déplacement symbolique dont le désir est toujours l’objet. C’est pourquoi Lacan conclut son fameux article de L’instance de la lettre que « le désir est métonymique »47. Le désir ne se trahit pas d’abord par une parole métonymique, le désir est toujours déjà lui-même métonymique, c’est-à-dire « déplacé », que le sujet parle ou non. Le désir est déplacé ou se déplace constamment parce que le désir n’est jamais direct. Je ne désire jamais la personne que je crois désirer, car je désire autre chose : quelqu’un d’autre à travers la même personne, quelque chose à travers quelqu’un, ou bien encore un objet partiel dans le corps de l’autre. Le désir est métonymique parce qu’il n’est pas euclidien, il n’est pas direct car il est en constant déplacement.

  • 48  J. Derrida, L’écriture et la différence, ouvr. cité, p. 28.

57Ainsi, non seulement le structuralisme n’a pas directement trait à la signification des choses (et il s’est d’ailleurs donné des objets non signifiants comme les notes de musique chez Schoenberg ou les carrés de couleur chez Mondrian), mais même lorsqu’il traite d’objets signifiants comme dans la linguistique, l’anthropologie ou la psychanalyse, l’essentiel est toujours le renvoi à la fois temporel et spatial du signifiant à d’autres signifiants. Rappelons fermement avec Derrida que le sens de structure est d’abord architectural et non pas linguistique : « Stricto sensu, la notion de structure ne porte référence qu’à l’espace, espace morphologique ou géométrique, ordre des formes et des lieux. »48 L’hégémonie du signifiant dans le champ structuraliste a peut-être retenu certains penseurs de se donner des objets d’études non signifiants.

  • 49  Cl. Lévi-Strauss, « La notion de structure en ethnologie », Anthropologie structurale I, Paris, Pl (...)
  • 50  G. G. Granger, Pensée formelle et science de l’homme, ouvr. cité, p. 4.
  • 51  P. Ricœur, « Herméneutique et structuralisme », Le conflit des interprétations, ouvr. cité, p. 37. (...)
  • 52  M. Foucault, « Structuralisme et poststructuralisme », Dits et écrits, ouvr. cité, p. 1250. (...)

58Deuxièmement, le structuralisme a longtemps été considéré comme une méthode ou une activité en sciences humaines ou sociales, ainsi que l’ont montré Lévi-Strauss49, Granger50, Ricœur51 et même Foucault52. Mais sur quoi repose cette méthode ? Quelle est sa procédure ?

59Comme nous l’avons suggéré, c’est une méthode formelle, mathématique et combinatoire. On peut, par cette méthode, dénombrer le nombre de combinaisons possibles entre les membres d’un clan dans une perspective matrimoniale, entre les notes d’une série dodécaphonique ou entre les carrés de couleur d’un damier dans une perspective compositionnelle, ou encore entre les États d’un échiquier géopolitique dans une perspective d’alliances.

  • 53  P. Renouvin, J.-B. Duroselle, Introduction à l’histoire des relations internationales, Paris, Arma (...)
  • 54  R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 2001 [1962], 2e partie.

60Or, la méthode que se sont donnée les historiens et théoriciens des relations internationales n’est nullement mathématique mais sociologique. Jean-Baptiste Duroselle et Pierre Renouvin ont ainsi dégagé, dans le sillage de Weber, des tendances lourdes appelées « forces profondes »53 ; Raymond Aron, dans son monumental traité Paix et guerre entre les nations, s’interroge quant à lui sur les « déterminants » et les « régularités »54 de la politique internationale. On voit donc bien sur quoi s’appuie cette pensée d’orientation sociologique : sur des conditions, des régularités, des tendances lourdes, mais jamais des invariants et des combinatoires. Cette différence de méthode explique à nouveau l’absence de formalisme dans l’étude des relations internationales.

  • 55  H. Lefebvre, L’idéologie structuraliste, Paris, Seuil, 1976.
  • 56  A. Badiou, Théorie de la contradiction, Paris, Maspero, 1976.
  • 57  G. Deleuze, Différence et répétition, ouvr. cité, p. 247.

61Certains commentateurs, enfin, ont considéré que le structuralisme gelait la temporalité, qu’il était une théorie de l’être et non du devenir ; Henri Lefebvre qualifie même le structuralisme de « nouvel éléatisme »55. Sous la plume de Lefebvre et de Badiou56 surtout, le structuralisme devient une pensée réactionnaire et pessimiste qui interdit l’événement et décourage la révolution. Méthodologiquement, il est bien vrai que c’est sur fond d’invariant que se combinent les éléments d’une structure. Si les éléments peuvent changer de place, ils laissent inchangée la structure dans laquelle ils sont insérés. Mais puisque toute structure consiste en l’agencement des parties d’un ensemble entre elles, le structuralisme comme étude dynamique des éléments désamorce en réalité le faux débat de la « structure » et de « l’événement », ou encore de la « genèse » et de la « structure ». Toute structure est assemblée à la faveur d’un événement et tout événement réassemble les composantes de sa structure, si bien qu’il y a réciprocité de la structure et de l’événement. L’événement est toujours une re-structuration ou une dé-structuration de ses éléments.Deleuze, dans ses analyses encore favorables au structuralisme, concluait : « Pas plus qu’il n’y a d’opposition genèse-structure, il n’y a d’opposition entre structure et événement. »57 Le soupçon de progressisme ou de conservatisme jeté sur le structuralisme discrédite alors d’entrée de jeu sa portée politique.

62Résumons les obstacles épistémologiques auxquels a été confronté le structuralisme : le double primat de la linguistique et de la sociologie sur les mathématiques ainsi que le soupçon politique de conservatisme ont suffi à détourner le champ des relations internationales de son giron structural.

Conclusion

63Cet article a mis en jeu trois axiomes généraux (relation, position, permutation), trois axiomes spécifiques (anarchie, différenciation, distribution) ainsi que trois points de débat (l’hégémonie de la linguistique et de la sémiologie ; la rivalité de la sociologie et des mathématiques ; le soupçon de conservatisme jeté sur la méthode structurale). Après avoir manié cet ensemble d’axiomes et évoqué les points de débats, il nous reste à conclure par deux propositions réciproques : il est non seulement possible d’étendre le structuralisme à la pratique de la « grande politique », mais une analyse de la politique internationale qui prendrait l’État comme unité essentielle serait immédiatement justiciable d’une analyse structurale. Les deux aspects sont donc liés : le structuralisme peut s’emparer de la discipline « RI », tandis que l’objet « relations internationales » peut être soumis à une enquête structurale. Dans cette enquête, il est apparu que les trois axiomes généraux du structuralisme (relation, position et permutation) étaient retraduits, dans le langage de Waltz, en principes d’ordonnancement, de différenciation et de distribution, axiomes qui, rappelons-le encore, sont strictement équivalents.

64Ce faisant, on s’aperçoit désormais que le structuralisme ne désigne pas une simple méthode d’analyse en sciences humaines portant sur des phénomènes observables et inconscients, mais une authentique pratique, une « activité » dirait Barthes, qui concerne tout autant des systèmes donnés et observables (comme les systèmes linguistiques ou les systèmes de parenté) que des systèmes produits et entretenus délibérément (comme les systèmes politiques ou musicaux).

65Enfin, il ne faut pas perdre de vue que si l’État, dans une théorie réaliste, est pris dans un champ de forces, ces forces ne sont pas nécessairement latérales et frontalières. L’État en effet peut être soumis à des forces centrifuges (mouvements transnationaux) comme à des forces centripètes (intégration régionale). L’analyse de ces forces conduirait alors à l’étude de deux ontologies politiques concurrentes : une ontologie pluraliste qui prendrait l’individu comme unité d’analyse, et une ontologie globaliste qui ferait de la communauté des États un ensemble générique. Chose étrange, on reconnaîtra peut-être, dans ces pensées alternatives au structuralisme, les métaphysiques respectives de Deleuze et de Badiou.

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Notes

1  Citons par ordre chronologique Edouard Carr, Hans Morgenthau, John Herz, Arnold Wolfers, Raymond Aron, Robert Keohane, Robert Gilpin, et bien sûr Kenneth Waltz.

2  Citons simplement les deux tomes de Fr. Dosse, Histoire du structuralisme, Paris, Le Livre de Poche, 1995.

3  Les tentatives de définition se concentrent sur environ cinq années. Le nombre de critères définitionnels varie de deux à sept, selon que l’on se réfère aux définitions de Roland Barthes, Paul Ricœur ou Gilles Deleuze. Deux critères (découpage, combinaison) ; puis trois (deux séries, case vide) ; puis quatre (corpus constitué, inventaire des éléments, rapport d’opposition entre unités, algèbre des éléments) ; puis sept (ordre symbolique, position, différentiel, virtuel, série, case vide, sujet nomadique). Voir R. Barthes, « L’activité structuraliste », Essais critiques, Paris, Seuil, 1964 ; G. Deleuze, « À quoi reconnaît-on le structuralisme ? », L’île déserte et autres textes, Paris, Minuit, 2002 [1967] ; Id., « De la structure », Logique du sens, Paris, Minuit, 1969 ; Ricœur, « Structure et herméneutique », Le conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969.

4  R. Barthes, Essais critiques, ouvr. cité, p. 224.

5  J. Derrida, L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 419.

6  Cl. Lévi-Strauss, L’homme nu, Paris, Plon, 1971, p. 561.

7  G. G. Granger, Pensée formelle et sciences de l’homme, Paris, Aubier-Montaigne, 1967, p. 110.

8  On s’est longtemps demandé, par exemple, si Michel Foucault était ou avait été structuraliste dans Les mots et les choses. Il est vrai que Foucault produit un schéma qui dégage la structure de pensée d’une époque, appelée épistémê, et qui décrit les quatre opérations fondamentales de la pensée dans des domaines aussi divers que la grammaire, la botanique ou l’économie politique (voir Les mots et les choses, Paris, Gallimard, Tel, 1966, p. 225). Mais une fois dégagé, ce schéma reste absolument statique, les opérations de pensée ne vont jamais être permutées ou combinées. Aussi, lorsque Foucault écrit : « je ne suis ni n’ai jamais été structuraliste » (voir « Structuralisme et poststructuralisme », Texte no 330, Dits et écrits 1954-1988, vol. 4, 1980-1988, Paris, Gallimard), c’est tout à fait exact. Il faudrait alors parler, non de « structuralisme sans structures » comme l’écrivait Jean Piaget (voir Le structuralisme, Paris, PUF, 1968, p. 108) mais plutôt de « structures sans structuralisme ». Il n’y a pas d’histoire structurale des idées. On peut comprendre aussi qu’il y ait eu des applications abusives, notamment en géographie : il n’y a et ne peut y avoir de « géographie structurale », comme le pensent G. Demarais et G. Richot (voir Géographie structurale, Paris, La Découverte, 2000), car continents ou centres fonctionnels ne peuvent pas être permutés à loisir. Et si la géographie pense des flux entre des centres et des périphéries, c’est que ces flux ne sont justement pas à l’échelle que préconise le structuralisme, car le structuralisme doit pouvoir dénombrer ses unités pour pouvoir les combiner ensuite.

9  Th. Hobbes, Léviathan, chap. 11, Paris, Gallimard (Folio), 2000.

10  K. Waltz, Theory of International Politics, New York, Mac Graw Hill, 1979, chap. 3.

11  Ibid., p. 81 ; nous traduisons.

12  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 88.

13  R. Barthes, Essais critiques, ouvr. cité, p. 225.

14  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 88.

15  Th. Hobbes, Leviathan, ouvr. cité, chap. 13.

16  B. Spinoza, Traité politique, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, chap. 3, p. 30, § 11.

17  J. Locke, Second traité du gouvernement civil, Paris, PUF (Épiméthée), 1994, p. 135, § 183.

18  J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité entre les hommes, Paris, Garnier-Flammarion, 2008, 2e partie, p. 128.

19  G. W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, Paris, PUF (Quadrige), 2003, p. 426-427, § 333.

20  E. Kant, Métaphysique des mœurs II,Doctrine du droit, Paris, Garnier-Flammarion, 1994, p. 168, § 54.

21  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 80 ; nous traduisons.

22  Ibid., p. 93 ; nous traduisons.

23  G. Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 55.

24  R. Gilpin, War and Change in World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1981.

25  H. Morgenthau, Politics among Nations, New York, Knopf, 1948, chap. 11-14.

26  K. Waltz, « The stability in a bi-polar world », Realism and International Politics, New York, Londres, Routledge, 2007, p. 99-122.

27  P. Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Paris, Payot (réédition), 2004, p. 172.

28  G. Deleuze, « De la structure », Logique du sens, ouvr. cité, p. 66 ; « À quoi reconnaît-on le structuralisme ? », L’île déserte et autres textes, ouvr. cité, p. 258.

29  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 117 ; nous traduisons.

30  A. Badiou, « Un, multiple, multiplicité(s) », Multitudes, 2000/1, no 1, p. 206.

31  K. Waltz, Theory of International Politics, ouvr. cité, p. 126.

32  A. Wendt, Social Theory of International Politics, Cambridge University Press, 1999, p. 246-312.

33  A. Wendt : « Anarchy is what states make of it », International Organization Foundation, 1992.

34  C’est là le reproche majeur qu’adresse Deleuze au structuralisme : ce que fait le structuralisme, c’est « assimiler les rapports différentiels à des rapports d’opposition ». Voir Différence et répétition, ouvr. cité, p. 263.

35  C. Schmitt, La notion de politique, Paris, Champs-Flammarion, 1992, § 2.

36  H. Lefebvre, L’idéologie structuraliste, Paris, Seuil, 1975, p. 69.

37  M. Doyle, « Kant, liberal legacies and foreign affairs », Philosophy and Public Affairs, vol. XII, no 3 (été 1983), p. 205-235.

38  K. Waltz, « A reply to my critics », Neorealism and its Critics, R. O. Keohane éd., New York, Colombia University Press, 1986, p. 329.

39  K. Waltz, Conversation with History, 10 février 2003, en ligne [http://globetrotter.berkeley.edu/people3/Waltz/waltz-con0.html], consulté le 26 septembre 2011 ; nous traduisons.

40  B. Badie, L’impuissance de la puissance, Paris, Fayard, 2005, p. 10, 40 et 174.

41  R. Barthes : « Surveillez qui emploie signifiant et signifié, synchronie et diachronie, et vous saurez si la vision structuraliste est constituée » (Essais critiques, ouvr. cité, p. 222) ; Fr. Wahl : « Sous le nom de structuralisme se regroupent les sciences du signe, des systèmes de signes » (Qu’est-ce que le structuralisme ?, Paris, Seuil, 1973, p. 10) ; Deleuze aussi succombe à la vague sémiologique quand il tient le doublet du signifiant et du signifié pour un critère décisif dans « De la structure », Logique du sens (ouvr. cité) : « Deux séries hétérogènes, dont l’une sera déterminée comme signifiante, et l’autre comme signifiée (jamais une seule série ne suffit à former une structure) », p. 65.

42  A. J. Greimas, Sémantique structurale, Paris, PUF, 2002.

43  R. Barthes, Mythologies, Paris, Seuil, 1970.

44  R. Barthes, Système de la mode, Paris, Seuil, 1983.

45  F. Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1995, p. 166.

46  Cl. Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Berlin, de Gruyter, 2002 [Paris, PUF, 1949], p. 257-263.

47  J. Lacan, « L’instance de la lettre dans l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 289.

48  J. Derrida, L’écriture et la différence, ouvr. cité, p. 28.

49  Cl. Lévi-Strauss, « La notion de structure en ethnologie », Anthropologie structurale I, Paris, Plon, 1958, p. 303-351.

50  G. G. Granger, Pensée formelle et science de l’homme, ouvr. cité, p. 4.

51  P. Ricœur, « Herméneutique et structuralisme », Le conflit des interprétations, ouvr. cité, p. 37.

52  M. Foucault, « Structuralisme et poststructuralisme », Dits et écrits, ouvr. cité, p. 1250.

53  P. Renouvin, J.-B. Duroselle, Introduction à l’histoire des relations internationales, Paris, Armand Colin, 1991, 1re partie.

54  R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 2001 [1962], 2e partie.

55  H. Lefebvre, L’idéologie structuraliste, Paris, Seuil, 1976.

56  A. Badiou, Théorie de la contradiction, Paris, Maspero, 1976.

57  G. Deleuze, Différence et répétition, ouvr. cité, p. 247.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alexis Cartonnet, « Structuralisme et néoréalisme dans le champ des relations internationales. Le cas de Kenneth Waltz », Astérion [En ligne], 9 | 2011, mis en ligne le 01 décembre 2011, consulté le 03 mars 2014. URL : http://asterion.revues.org/2162

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Auteur

Alexis Cartonnet

L’auteur est ATER à l'université Montesquieu Bordeaux 4, diplômé en philosophie de l'ENS de Lyon et en sciences politiques de Sciences Po Paris. À paraître : Le monde des relations internationales. Traité d'ontologie politique, Paris, Ipagine.

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    • Titre :
      Astérion
      Philosophie, histoire des idées, pensée politique
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      Revue de sciences humaines consacrées à l'étude de l'histoire de la philosophie et de la pensée politique
      A humanities journal devoted to the history of philosophy and politics
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      Électronique
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      1762-6110
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