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Développement et institutionnalisation de la sociologie appliquée aux politiques publiques :le cas du Chili entre 1980 et 2000 
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Développement et institutionnalisation de la sociologie appliquée aux politiques publiques :le cas du Chili entre 1980 et 2000 

The development and Institutionalisation of Sociology applied to Public Policies – A Case Study from Chile (1980-2000)
Javier Corvalán
p. 27-41

Résumés

La présente contribution étudie ce champ de connaissances de la sociologie qui cherche à influencer les politiques de développement et/ou d’intégration sociale menées par l’État au sein des sociétés modernes. Notre démarche, centrée sur le cas spécifique du Chili, s’articule sur la critique, la reformulation et l’analyse de l’apport des principes qui structurent ces politiques mais également sur la pro­position de cadres d’analyse destinés à comprendre leurs effets dans la société.

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Texte intégral

Nous remercions Claude Marie Laure D´Hainaut et Mathieu Hilgers pour l’aide qu’ils nous ont apportée.

I. Introduction

1Le titre de cet article fait référence à deux approches distinctes. La pre­mière, normative, postule que les sciences sociales et particulièrement la sociologie, doivent jouer un rôle aussi prépondérant que possible dans la définition et la transformation des politiques publiques. Elle relève d’une conception positiviste, ou du moins rationaliste, du lien existant entre la production de la connaissance sociale et son applicabilité dans la résolu­tion des problèmes sociaux (Weiss, 1986).

2Selon cette approche, les politiques publiques et l’action des pouvoirs publics en général seraient de meilleure qualité si elles se laissaient in­fluencer par la logique et les résultats de la recherche. Leur efficacité se­rait optimale si leur conception et leur transformation étaient réalisées sur la base de recherches pures et appliquées. Dans cette perspective, toute analyse critique devrait principalement se centrer sur les éléments qui em­pêchent une pleine utilisation de la rationalité scientifique dans le do­maine de l’action publique. Leurs conclusions et recommandations de­vraient donc avoir comme objectif l’élimination de ces éléments embar­rassants.

  • 1  Cette approche est voisine du modèle interactif d´utilisation de la connaissance de la recherche s (...)

3La seconde approche est de type réaliste. Elle se rapporte au rôle que joue effectivement et historiquement la connaissance produite par les sciences sociales — considérées dans un sens large — sur un ensemble d’éléments tels que la politique, l’idéologie, les intérêts de groupe dans la société, intervenant eux-mêmes dans le processus de définition et de transformation des politiques publiques 1. Cette lecture assume, dans la production des politiques sociales, la coexistence du rationnel et de l’irra­tionnel, du volontarisme et des conditions politiques dans lesquelles se développent les acteurs, qu’ils soient producteurs ou récepteurs d’une telle connaissance. Pour le dire autrement, il s’agit d’assumer l’existence de contextes socio-historiques et institutionnels dans la relation entre les sciences sociales et les politiques publiques.

4L’analyse que nous proposons ici porte sur cette réponse réaliste. Nous poserons quelques hypothèses permettant d’expliquer les transformations des contenus ou des politiques publiques et les conditions d’utilisation de la sociologie en fonction de différents moments sociopolitiques propres au Chili. Nous avons centré cette étude sur les années 1980 et 1990, sans aborder l’actualité — le milieu des années 2000 — pour éviter de perdre la distance critique nécessaire à ce genre de réflexion.

5Quels facteurs ont exercé une influence sur la connaissance produite par la sociologie au Chili durant cette période et de quelle manière l’ont-ils fait ? Une telle question suppose que l’on analyse non seulement les processus — l’utilisation de la connaissance produite par la sociologie — mais aussi et surtout les acteurs spécifiques — les sociologues — et que l’on situe ces derniers sur une scène sociale, culturelle et politique parti­culière.

6Nous avons opté ici pour une réflexion théorique qui se base sur notre expérience personnelle. Une partie du matériel empirique se rapporte donc directement au travail réalisé, depuis le milieu des années 1980, dans une institution spécialisée dans la recherche appliquée, la production et la systématisation de connaissances utiles pour l’intervention et le chan­gement social — le CIDE.

7La partie théorique de cette réflexion fait référence à notre thèse de doctorat, soutenue en 1996 à l’Université catholique de Louvain (Corva­lán, 1996). Nous tentions de comprendre les orientations théoriques, poli­tiques et idéologiques de l’intervention sociale et des politiques publi­ques menées tant par les organisations non gouvernementales que par l’État du Chili. Dans les deux cas, nous cherchions également à comparer les orien­tations et les pratiques d’interventions publiques développées dans les années 1980 et 1990. Nous avons reconstruit les matrices réfé­ren­tielles ou les paradigmes des conceptions d’intervention à partir desquels se sont structurés les discours justificateurs de l’intervention publique et sociale.

  • 2  Principalement inspiré par l’œuvre d’A. Touraine.
  • 3  Paradigme inspiré par des auteurs tels que M. Foucault, M. Godelier, A. Gramsci — bien que ce dern (...)
  • 4  De façon sommaire et en reprenant G. Bajoit, on peut dire que le problème de l’ordre et du chan­ge (...)
  • 5  Influencé par le CEPAL-UNESCO et particulièrement par la théorie du capital humain (CEPAL-UNESCO, (...)
  • 6  Également inspiré par la théorie du capital humain, mais cette fois dans une perspective fonction­ (...)

8Durant les années 1980, dans le monde des sociologues chiliens impli­qués dans le secteur non gouvernemental, ces matrices référentielles do­minantes étaient composées d’éléments théoriques procédant du paradig­me du conflit 2 et, dans une moindre mesure, de la vision structuralo-marxiste dérivant du paradigme de l’aliénation 3. Nous avons montré que, vers le milieu des années 1980, des éléments théoriques empruntés au pa­radigme de l’intégration sociale ont fortement influencé la matrice réfé­rentielle des sociologues travaillant dans le secteur non gouverne­mental 4. Notre recherche nous a aussi permis de conclure que, pendant les années 1990, la matrice référentielle dominante pour aborder des su­jets sociaux et publics, soit à partir de l’État soit à partir de secteurs non gouver­nementaux, a été constituée par les paradigmes sociologiques de la com­pétitivité 5 et de l’intégration sociale 6. La plus grande partie de la ré­flexion que nous développons dans cet article s’appuie sur ces résultats.

II. Genèse et portée de la sociologie chilienne

9La sociologie — en tant que discipline académique et autonome — est institutionnalisée au Chili depuis la seconde moitié du XXe siècle. Pro­dui­te sous diverses influences, parmi lesquelles le positivisme fonc­tion­na­liste, comme initiateur, et le marxisme structuraliste, comme conti­nuateur, elle s’est professionnalisée durant cette période et a produit sa première communauté de pratiquants dans le courant des années 1960 et au début de la décennie suivante (Barrios/Brunner, 1988 ; Brunner, 1988).

10Au début des années 1960, on observe au Chili une importante dynami­que d’institutionnalisation politique et un haut niveau d’idéologisation de la discussion politique et sociale. En termes historiques, cette décennie et le début de la suivante sont marquées par de grandes transformations politiques et sociales encadrées par les projets de la Démocratie Chré­tienne — 1964-1970 — et de l’Unité Populaire — 1970-1973. Au niveau idéologique, ces gouvernements ont en commun l’ambition d’indus­trialiser et d’urbaniser le pays — en laissant un rôle fort à l’État — ainsi que d’entamer un processus de réforme agricole qui mette fin à la situa­tion de “pré-modernité” régnant dans le secteur rural (Arellano, 1984, 1985 ; Corvalán, 1996, chap.3).

11Durant cette période, la sociologie chilienne se développe dans un con­texte académique et universitaire fortement idéologisé qui ne permet gé­néralement pas de distinguer clairement la figure de l’intellectuel de celle du militant (Barrios/Brunner, 1988). Parallèlement, et de manière conco­mitante avec une grande partie du développement de la discipline au niveau mondial, elle se structure en analyses macrosociales (Brunner, 1988 ; Brunner et al., 1993).

12Au début des années 1970, elle s’articule autour d’une confrontation opposant les deux paradigmes précédemment évoqués. Une première tendance s’inspire principalement de conceptions provenant des États-Unis, basées sur des éléments clairement structuralo-fonctionnalistes et plaidant pour une approche empirique et objective de l’analyse sociale (Alvarez et al., 1972). Ce courant, qui tend à être associé à la Démocratie Chrétienne — notamment à travers les théories du développement pour son approche plus appliquée —, critique les postulats centraux du mar­xisme dans les sociétés latino-américaines (Brunner et al., 1993). D’autre part, on obser­ve dans l’analyse sociologique une tendance non négli­geable qui s’inspire de différents aspects du marxisme, et principalement de sa vision histo­rique et de son analyse des structures sociales (Moulian, 1993).

13En passant en revue les thématiques abordées par ces courants, on note la prédominance de certaines questions relatives à la conscience de classe, à la mobilité sociale, à la modernisation industrielle et, bien entendu, au processus de transformation rurale (Fuenzalida, 1983). Il est surprenant de voir que des thématiques spécifiques, telles que la sociologie de l’édu­cation, n’apparaissent pas comme des domaines autonomes au Chili, alors qu’elles font d’importants progrès, tant en Amérique du Nord à la faveur des études sur la mobilité sociale qu’en Europe avec les débuts de la théo­rie de la reproduction sociale à travers le système scolaire.

A. La rupture

14Pour la grande majorité des historiens et analystes de la société chi­lienne contemporaine, le coup d’État militaire de septembre 1973 est l’épisode le plus marquant qu’ait connu le pays dans la seconde moitié du XXe siècle. Il constitue également un événement international significatif. En effet, il s’agit non seulement de la fin d’une tentative, inédite jus­qu’alors, de faire évoluer démocratiquement une société vers le socia­lisme, mais c’est aussi le terme de plus d’un demi-siècle de prépondé­rance de l’État dans le développement du pays (Arellano, 1984). Entre 1973 et 1990, le Chili connaît un régime autoritaire-capitaliste. Même après 1990 et le rétablissement de la démocratie, le modèle du développe­ment se caractérise, en ce compris dans le secteur des politiques publiques et sociales, par la prépondérance du secteur privé et des marchés (Verga­ra, 1993).

15Dans ce contexte, la sociologie en tant qu’activité académique est sé­rieusement affaiblie dans le monde universitaire. Parallèlement à cette si­tuation, des acteurs non gouvernementaux et privés apparaissent, qui of­frent à la discipline des conditions particulières de développement (Brun­ner, 1985). Le phénomène des organismes non gouvernementaux se déve­loppe avec vigueur grâce à l’appui de la coopération internationale, prin­cipalement pendant les années 1980 (Corvalán, 1996).

16Nous nous intéressons ici à un type particulier et minoritaire d’ONG, des ONG qui se sont consacrées, totalement ou partiellement, à la recher­che sociale et, plus spécifiquement, ont accordé durant la dictature une place dominante à la recherche appliquée aux politiques publiques sur base de la critique ou de propositions alternatives. Ces structures, appe­lées CAI, Centres Académiques Indépendants, ont exercé une influence importante dans les sciences sociales chiliennes durant les années 1980 (Brunner, 1985). La majeure partie d’entre elles étaient liées à l’oppo­sition politique contes­tant la dictature dirigeante (Lladser, 1986).

B. L’État et la sociologie dans les années 1980 et 1990 au Chili

17Les années 1980 sont marquées au Chili par une dictature militaire d’idéologie clairement néolibérale. Si ce régime politique est instauré au début des années 1970, c’est pendant la décennie suivante qu’il produit une véritable dynamique institutionnelle et une politique publique basée sur les principes néolibéraux d’organisation de la société (Moulian/Ver­gara, 1980 ; Vergara, 1993)

18Dans un contexte d’autoritarisme politique, le gouvernement militaire opère, dès le début des années 1980, un ensemble de changements dans la politique publique connus sous le nom des “sept modernisations” (Garre­tón, 1989). Cette démarche répond à la volonté d’implanter un modèle de développement social et économique néolibéral. Au cours de cette décen­nie, les sciences sociales, à l’exception des courants néolibéraux en écono­mie, sont peu représentées dans la sphère des politiques publiques (Brun­ner, 1985). Malgré cela, et c’est principalement le cas de la socio­lo­gie et de l’anthropologie, elles servent de fondement à un ensemble d’inter­ven­tions et de recherches sociales, menées à partir de ce réseau dense et éten­du d’organismes non gouvernementaux, consolidés ou créés dans le pays depuis la fin des années 1970.

19Une partie importante des initiatives menées par les ONG de l’époque sont basées sur le thème de l’éducation populaire, la construction d’une hégémonie culturelle alternative aux principes d’organisation sociale imposée par la dictature (Brunner, 1981) et l’idée de la reconstitution de l’action collective dans le pays (Dubet et al., 1989). Conformément aux objectifs définis, apparaissent, de manière sous-jacente dans le discours et comme fondement de ces interventions et recherches, des élé­ments ins­pirés du marxisme — principalement dans sa version grams­cienne —, mais aussi de la vision du conflit proposée par A. Touraine (Touraine, 1973, 1978).

  • 7  Croissance annuelle du PIB.

20Depuis 1985, le pays connaît, sous le modèle du développement néo­libéral, une importante croissance économique qui s’arrêtera en 1999 dans le contexte de la crise “asiatique”. À la suite d’une croissance écono­mique ininterrompue de 14 ans, caractérisée par un taux moyen de 5 % 7, — fait inédit durant la seconde moitié du XXe siècle pour un pays latino-amé­ricain —, la pauvreté est réduite de moitié dans le pays — 20 % de la po­pulation à la fin des années 1990 —, tandis que les salaires et les indi­ces d’emploi augmentent considérablement.

21Au début des années 1990, des élections consacrent le retour de la dé­mocratie. Une coalition opposée à la dictature s’installe au pouvoir. De nombreux académiques et intervenants actifs dans le monde des sciences sociales et des ONG durant les années 80 occupent des charges gouverne­mentales, notamment liées aux politiques sociales et publiques (Corvalán, 1996).

22La prospérité économique et la diminution de la pauvreté — ce qui ne signifie pas une diminution des inégalités — se poursuivent aujourd’hui sur des bases semblables, même si d’importants ajustements ont été opé­rés. C’est précisément dans le domaine de la politique publique que le nouveau gouvernement démocratique entend innover (MIDEPLAN, 1994). Le concept du “développement avec équité” devient central au Chili, ainsi que dans d’autres pays d’Amérique Latine, pour orienter et donner un sens à l’action de l’État et plus spécifiquement aux politiques sociales (CEPAL-UNESCO, 1992).

III. Sociologie et politiques publiques au Chili durant les années 1980

  • 8  En termes quantitatifs, A. Barrios et J. J. Brunner estiment qu’il existe dans le pays, fin 1985, (...)

23Comme nous l’avons déjà évoqué, c’est dans les milieux universitaires et dans le monde des CAI que s’observe l’évolution de la sociologie chi­lienne au cours des années 1980 8. Ceci s’explique dans la mesure où, faisant partie des processus de transformation économique caracté­ristiques de cette période, les universités cessent de percevoir une partie importante du financement qui leur était attribué par l’État. Considérées comme sub­versives et attentatoires à l’ordre existant, les sciences sociales sont par­ticulièrement touchées par ces mesures.

  • 9  Par exemple, FONDECYT, la principale source publique de financement des recherches dans le pays, a (...)

24Le résultat n’est pas l’extinction de la production intellectuelle des sciences sociales, mais son appauvrissement dans le cadre universitaire. On observe en outre le détachement, peut-être stratégique, d’un type de con­naissance utile et valide pour résoudre à court et moyen terme certains problèmes de la réalité sociale 9.

25Parallèlement, il apparaît que l’État n’est pas un utilisateur des sciences sociales appliquées. Celui-ci structure son discours sur le changement so­cial à partir des principes du libéralisme économique : efficacité et effi­cience des politiques, liberté et rationalité de l’individu (Brunner/Bar­rios, 1987). Dans ce contexte, l’économie néolibérale émerge comme la prin­cipale explication de la conduite publique de l’individu (Moulian/Verga­ra, 1980).

26De leur côté les CAI reçoivent un important appui économique de l’Amérique du Nord et de l’Europe pour mener à bien des programmes de recherches théoriques et appliquées. Ces programmes ont pour but de soutenir l’opposition au régime politique en place et de permettre le re­tour à la démocratie. On peut postuler — comme l’indiquent la majeure partie des analyses du moment — que se constituent alors dans le cadre des CAI une communauté de sociologues et une production sociologique parallèles au monde universitaire (Brunner, 1985 ; Barrios/Brunner, 1988). Les con­naissances produites au sein de ces institutions sont carac­téristiques de deux sous-périodes.

A. Les années 1980-1985

27Deux facteurs déterminent la nature et l’horizon de la production des sciences sociales au sein des CAI. D’une part, la situation économique dif­ficile du pays et ses conséquences sur l’augmentation du chômage et de la pauvreté ; d’autre part, l’absence à court terme de perspective démocra­tique.

  • 10  En 1986 une enquête fut menée auprès de 57 sociologues à qui l’on demandait de citer les courants (...)

28C’est probablement pour cela que nous observons dans ces institutions l’émergence d’une science sociale radicale s’inspirant du néomarxisme — Gramsci —, du structuralisme français et de son extension à l’école bri­tannique — Establet et Passeron, Bourdieu, Bernstein — et faisant ré­férence aux mouvements sociaux ou à la production socio-historique de l’ordre social — Touraine 10.

29Quels sont les objectifs, quel est le destin de ces recherches ? Il ne s’agit certainement pas de produire des connaissances utiles à court terme pour la prise de décision dans le domaine de l’État et des pouvoirs publics. Nous avons en effet rappelé qu’il n’y avait pas de perspective d’ouverture démocratique. Notre première hypothèse est que, dans un contexte où l’influence à court terme sur le pouvoir d’État est nulle, sur­tout à cause de l’absence de canaux propres aux sociétés démocratiques, il est plus probable de voir se développer, y compris pour la recherche ap­pliquée, des postulats et des positions analysant les structures sociales ou relevant de la théorie des mouvements sociaux.

30Selon cette hypothèse, la pensée sociologique influence différemment les politiques publiques selon qu’elle se développe dans un contexte auto­ritaire ou, au contraire démocratique. Ceci se comprend si l’on consi­dère que, dans sa dimension appliquée ou modélisatrice de la société, cet­te pensée se développe plus volontiers dans les pays démocratiques où l’État est susceptible d’être influencé par différents secteurs. Dans ce type de contexte, l’ensemble des idées générées par la pensée sociologique peuvent, par divers canaux, transformer et/ou influencer les politiques pu­bliques. La cohabitation entre la sociologie et la société démocratique semble donc favoriser le développement de propositions d’intervention de type microsocial à travers les politiques publiques.

31À l’inverse, un contexte non démocratique conduit au développementd’une sociologie de nature macrosociale, appliquée à des thèmes publics presque exclusivement liés à des références critiques structurelles. Dans le cas chilien, la place prise par les paradigmes de conflit et d’aliénation dans la majeure partie de la communauté sociologique pendant les années 1970 et 1980 aurait amplifié ce phénomène.

32Nous ne prétendons pas que de telles positions théoriques sont spécifiques aux chercheurs travaillant dans un contexte non démo­cratique. Une telle affirmation nierait une grande partie du développement des sciences sociales critiques en Amérique du Nord et en Europe, source de bon nombre de postulats développés dans les CAI chiliens et latino-amé­ri­cains. Néanmoins il existe dans ces sociétés, particulièrement en Europe, un domaine de référence et de production différencié selon que l’on s’intéresse à une approche pure ou appliquée de la science sociale. Dans un tel contexte, la première démarche assume souvent une pers­pective critique à l’égard des structures sociales, sans pour autant vouloir cons­tituer de manière linéaire un apport au développement d’inter­ventions et de politiques sociales. Il s’agit davantage, au moins dans le cas de la so­ciologie, d’avoir une répercussion sur la société civile et sur la citoyen­neté en général, plutôt que sur l’action de l’État.

33Au niveau du cadre institutionnel, la sociologie critique chilienne se développe — particulièrement dans les années 1980 — au sein du monde non universitaire. Plus précisément, elle prend forme à partir d’un domai­ne qui se définit lui-même comme différent et contraire à l’État et, de ma­nière générale, au mode de gestion gouvernementale dominant. Par défi­nition, la mission des CAI en recherche sociale est alors d’aborder des perspectives d’analyses et des objets d’études qui ne sont pas envisagés par l’État ou qui sont considérés par les universités comme ayant des im­pacts concrets limités.

34Si, dans toute société moderne, la répercussion qu’une sociologie criti­que peut avoir sur l’action de l’État est faible (Wagner et al., 1999), le cas chilien démontre que, en l’absence d’un système démocratique, celle-ci est pratiquement nulle. En conséquence, les sociologues qui produisent des connaissances à partir des CAI ne peuvent chercher de répercussions que sur une société civile qui par ailleurs, étant donné le climat politique autoritaire et répressif, n’a pas accès aux grands canaux démocratiques d’expression politique. Il est remarquable que la plupart des références relatives à cette démarche critique de recherche d’un espace d’interven­tion sont de type sociostructurel et non microsocial. Il n’existe donc pas au Chili, pour cette période, ni au niveau national ni dans l’usage de la production internationale, de théorie, de méthodologie, d’auteur dans le champ des sciences sociales pures ou appliquées qui mette l’accent sur des explications microsociologiques.

B. Les années 1986-1990

35Comme nous l’avons signalé, ces années sont caractérisées par la pros­périté économique et la perspective certaine d’un retour à la démocratie. La recherche sociale appliquée produite dans les universités est encore discrète tandis que la recherche menée au sein des CAI commence à envi­sager un impact possible sur les politiques sociales futures. Cette situation se renforce d’autant plus que, à partir de 1990, la coalition ayant le plus de possibilités d’assumer le gouvernement du pays est celle dans laquelle militent la plupart des intellectuels engagés dans les CAI (Corvalán, 1996).

36Un changement clair est donc observable au niveau de la production des connaissances appliquées. Pour l’expliquer, nous posons l’hypothèse suivante : en vue d’occuper l’appareil d’État et de gérer des politiques pu­bliques, les sociologues qui, jusque-là, recouraient à divers régimes d’analyses macrostructurelles pour remettre en cause la réalité existante modifient ces références en fonction de critiques délimitées par une pro­blématisation de leur objet. Ils se basent pour ce faire sur une dualité entre problème et solution, sans nécessairement faire allusion à une modi­fication structurelle.

37Il s’agit selon nous, d’une logique d’adaptation à la situation plutôt que d’une démarche pleinement opportuniste. En se modifiant, l’environne­ment sociopolitique exige la production de nouvelles connaissances struc­turées dans un langage scientifique et sociopolitique différent de celui qu’on avait élaboré jusqu’alors. Les CAI proposent donc pro­gressivement un ensemble de références théoriques développées dans le sillage d’une sociologie sensible aux perspectives et objets d’études microsociales et inspirées définitivement de matrices référentielles proches des paradigmes de l’intégration et de la compétitivité.

38À cet égard, on observe par exemple que, vers les années 1980, le travail des ONG met l’accent sur les sujets “civiques-citoyens” — l’édu­cation civique, l’apprentissage de la démocratie… — ainsi que sur l’en­semble des interventions liées au développement des micro-entreprises avec des jeunes et des adultes issus de secteurs populaires. Dans le pre­mier cas, les références utilisées proviennent en partie d’une sociologie de l’intégration et, dans le second, de paradigmes proches de la compétitivité (Taller de cooperación al desarrollo, 1989).

39Dans le cas chilien, cette situation fut, en outre, confortée par le succès économique du moment. En d’autres termes, comme complément à cette hypothèse, le processus de critique structurelle semble encore plus diffi­cile dans un contexte économique de réussite. En effet, ce type de situ­ation encourage un modèle de production de connaissance sociale du type problem-solving (Weiss, 1986).

40En termes plus descriptifs, durant cette période et en ce qui concerne l’interprétation des problèmes nationaux, le recours aux auteurs marxis­tes, structuralistes et tenants de la théorie des mouvements sociaux a ten­dance à disparaître. En revanche, des références à des théories et à des méthodologies d’intervention, inspirées du développement de l’intégra­tion sociale et de la compétitivité à partir des politiques publiques, voient le jour (Corvalán, 1996, chap.7 et 8).

41Le cas de la sociologie de l’éducation est, à ce propos, un bon exemple. Alors que pendant les années 1980-1985, la critique structurelle du sys­tème éducatif était dominante, avec Bourdieu et Passeron en France ou Bernstein en Grande-Bretagne (Cox, 1984), elle tend à être écartée entre 1986 et 1990. Le système éducatif n´est plus considéré comme un appa­reil reproducteur des différences sociales, mais bien comme un géné­rateur potentiel d’égalité, dès lors qu’il est corrigé par la politique édu­cative (Cox, 1993). Ce processus est le produit d’un discours sur l’équité sociale et d’un ensemble de recherches appliquées, qui, plus que des critiques d’ordre structurel, proposent des politiques et des programmes destinés à engendrer cette équité, sans mettre à mal les principes de base du système éducatif existant.

IV. Sociologie et politiques publiques au Chili durant les années 1990

  • 11  Commission Économique pour l´Amérique Latine.

42Les années 1990 sont marquées au Chili, ainsi que dans la majeure par­tie de l’Amérique Latine, par l’approfondissement de la démocratie — son rétablissement dans le cas du Chili —, et par la consolidation d’un modèle de développement centré sur le marché. Dans ce contexte, certains sociologues s’intéressent à la remise en question des politiques publiques (Brunner, 1994 ; Cox, 1984 ; Garretón/Espinoza, 1992) qui, par ailleurs, sous l’influence d’organismes internationaux comme le CEPAL 11, tentent notamment d’être participatives, décentrali­sées et efficaces (CEPAL-UNESCO, 1992). Nous ne discuterons pas ici des hypothèses sociales et culturelles que ces éléments impliquent. Par contre, nous tenterons d’approfondir les aspects relatifs à la production et à l’utilisation des con­naissances sociales à partir de ce panorama.

  • 12  D´après les bases de données du Fondecyt (Fonds national pour l’essor scientifique et technologiqu (...)

43De façon générale, le domaine de production de la sociologie chilienne continue à évoluer au cours des années 1990. Les CAI, qui occupaient une position majeure dans le paysage sociologique chilien depuis la décennie précédente, vivent des moments difficiles à la fin du siècle. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs. On relève tout d’abord la perte de ressources humaines ainsi que la diminution des financements alloués par la coopération internationale à la recherche sociale. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà montré, l’État est demandeur de ce type de recherche afin de planifier, mais surtout de légitimer et d’évaluer ses politiques pu­bliques. C’est dans ce cadre qu’un nombre important de sociologues sont impliqués au niveau de l’État et des institutions contrac­tantes. Enfin, depuis les années 1990 — et aujourd’hui encore — un phé­nomène de res­tauration, de complexification et de diversification de la so­ciologie est à l’œuvre dans les universités. Les entités qui existaient avec difficulté dans les années 1980 tendent à se consolider, en même temps qu’apparaissent de nouveaux départements dans les universités tradition­nelles ou privées. Depuis les années 1990, la recherche sociologique se concentre uni­quement dans certaines d’entre elles et s’investit, entre autres, dans des matières liées à certaines politiques publiques 12.

44L’analyse de cette évolution au cours des années 1990 permet d’émet­tre l’hypothèse que le domaine des recherches sociologiques connaît une “normalisation” caractéristique du devenir de la discipline dans un contexte de régularisation démocratique. Dans le cas chilien, ce processus présente certaines particularités. Nous retiendrons ici le fait que, même si le développement du pays s’opère sur un modèle économique de type néolibéral, l’État garde un pouvoir important dans la définition de ce qui est légitime ou non en termes de matières publiques et, particulièrement, de politiques publiques.

45Concrètement, ce processus de normalisation est caractérisé par trois critères : la diversité, l’indépendance du domaine public et, dans le même temps, facteur le plus remarquable, la proximité et l’importance notable des thèmes publics. La diversité se rapporte au fait que, dans les recher­ches sociologiques menées en grande partie par les universités — et non par les CAI, spécifiques à une société démocratique —, cohabitent des pro­blématiques et des références théoriques tant macro- que micro­sociales. On observe clairement cette diversité dans les listes de projets sociologiques financés depuis le milieu des années 1990 par le Fonds national pour l’essor scientifique et technologique, fondecyt. L’indé­pendance du domaine public est quant à elle perceptible à travers l’exis­tence de recherches, théoriques ou appliquées, liées ou non à la vie quoti­dienne de la société chilienne. Enfin, la proximité et l’importance des thèmes publics est observable à la faveur des recherches définies sur base des intérêts de l’État en matière de problématiques publiques.

V. Conclusion 

46Au terme de cette analyse, nous conclurons par ces quelques ré­flexions :

47a) Il est difficile de comprendre le processus de développement et d’ins­titutionnalisation de la sociologie chilienne si l’on ne prend pas en compte les transformations profondes de l’ordre social et politique qu’a connues le pays au cours des dernières décennies. Bien plus, dans une analyse de ce genre, on doit porter une attention toute particulière aux conditions politiques et institutionnelles de production et de validation de la connais­sance sociologique.

48b) Pour les années 1980 et 1990 plus particulièrement, le champ de la production sociologique orientée vers des sujets publics peut être visu­alisé comme étant constitué par trois agents : l’État, les universités et les CAI. Dans un tel cadre, un État a la capacité de définir ou de légitimer ce qui est du domaine des politiques publiques et, d’une certaine manière, de fournir ainsi les termes de référence de la conceptualisation sociologique appliquée aux politiques publiques (Wagner et al., 1999).

49Ce schéma représente le champ de la définition des thèmes des poli­tiques publiques et de leur conceptualisation dans le langage socio­logique. Pendant les années 1990, l’État développe une relation avec les univer­sités et les CAI qui, sous certains aspects, génère une subordination des connaissances et des productions sociologiques aux logiques éta­tiques. Ces deux acteurs produisent un type de connaissance qui, bien qu’il ne soit pas directement opérationnalisable pour viser les objectifs des politiques, s’élabore à partir de la conceptualisation centrale que l’État a développée pour aborder les problèmes publics.

50c) Dans les années 1980, le champ est mis sous tension et se trouve désarticulé. Au cours de cette période, l’État est “autoréférentiel” par rap­port aux matières publiques, en ce sens qu’il considère l’économie néo­libérale comme la seule science sociale valable et utile, tant pour iden­tifier les problèmes sociaux que pour y apporter des solutions. Le faible position­nement de la sociologie et des sciences sociales non économiques dans les universités empêche ces disciplines de trouver des lieux ou des modes de communication qui fassent écho à leurs propos en termes de matières pu­bliques. En outre, quand bien même un tel discours eût été possible, il semble que les conditions sociales de sa réception n’eussent pas été réunies. En faisant allusion aux matières publiques dans une per­spective à la fois macrosociale et structuralo-critique, la sociologie pra­tiquée dans les CAI s’éloigne à la fois de l’État et des universités.

51Vers la fin des années 1990, le contexte change définitivement. L’au­torité de l’État pour définir l’agenda des matières publiques et pour vali­der l’utilité et la pertinence de la connaissance sociale est presque totale et n’est pas vraiment remise en question. Pourtant, une grande partie de la sociologie universitaire lui semble moins inféodée. Les CAI sont, quant à eux, devenus pratiquement inexistants. À leur place apparaît le “socio­logue-consultant” fortement impliqué dans les matières publiques. Ce dernier se caractérise par une adhésion de facto aux politiques gouverne­mentales, une capacité de théorisation faible et un dispositif méthodolo­gique fort. Il développe une culture d’analyse microsociale au détriment de recherches plus vastes. Si ces dernières existent parfois, elles sont gé­néralement soumises au discours de l’État sur le développement, lequel se retrouve dans les paradigmes sociologiques de l’intégration et de la com­pétitivité (Corvalán, 1996).

52Nous relèverons encore que la manière d’aborder la problématique du développement au Chili, comme dans le reste des sociétés latino-américai­nes, continue à privilégier l’étude des politiques publiques. N’est-ce pas là un phénomène paradoxal pour un pays qui a établi un mo­dèle de déve­loppement basé sur l’initiative du secteur privé en donnant un rôle central au marché ? Dans un tel cadre, le traitement thématique des politiques publiques doit-il vraiment dépendre d’une légitimité conférée par l’État ?

53L’aspect institutionnel est important pour comprendre les orientations sociologiques adoptées par la société chilienne. Celle-ci a en effet connu d’importants bouleversements au niveau de son paysage sociopolitique. Dans ce contexte, les CAI ont été consolidés en espaces de réflexion sociologique. Ces structures ainsi que les orientations des recherches destinées à appréhender les problématiques relevant du domaine public, plus particulièrement les politiques publiques, semblent avoir été gérées de manière à satisfaire les besoins de l’État. L’espace institutionnel qui s’est constitué, dès les années 1990, n’a pas permis de déve­lopper de re­cherches consacrées à l’élaboration de politiques publiques qui ne soient pas directement et fonctionnellement associées aux finalités et à la légiti­mation que l’État entendait donner à la connaissance socio­logique appliquée aux politiques publiques et sociales.

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Notes

1  Cette approche est voisine du modèle interactif d´utilisation de la connaissance de la recherche sociale dans les politiques et la décision publique proposé par Weiss (Weiss C., 1986).

2  Principalement inspiré par l’œuvre d’A. Touraine.

3  Paradigme inspiré par des auteurs tels que M. Foucault, M. Godelier, A. Gramsci — bien que ce dernier puisse être considéré comme marxiste et non comme structuraliste — et P. Bourdieu — qui apparaît plutôt comme structuraliste mais pas nécessairement comme marxiste.

4  De façon sommaire et en reprenant G. Bajoit, on peut dire que le problème de l’ordre et du chan­gement social a été posé essentiellement à partir de quatre paradigmes sociologiques que nous avons pris en considération et complétés dans notre travail doctoral : paradigme de l’intégration, de la compé­titivité, du conflit et de l’aliénation. La proposition de l’auteur se réfère d’abord au paradigme de l’inté­gration qui considère comme un élément central dans le développement des sociétés l’existence de con­sensus au niveau des normes et des valeurs présentes en leur sein, ainsi que le rôle prépondérant de l’État dans la génération de ces consensus et dans l’essor du développement. De son côté, le paradigme de la compétitivité conçoit le développement social à partir de la création « dans les sociétés des condi­tions telles qu´en laissant les individus libres de décider chacun ait intérêt à choisir le progrès, et qu´ain­si la somme des intérêts particuliers fasse effectivement l`intérêt général » (Bajoit G., 1992, p. 54). Cette lecture s’entend dans un cadre normatif établi de façon consensuelle, à partir duquel se réalisent les processus compétitifs. Le paradigme du conflit propose le développement des sociétés en partant de l’expression des intérêts opposés entre les différents groupes et acteurs sociaux, démontrant ainsi l’im­portance de la société civile. Enfin, le paradigme de l’aliénation établit que le développement de la so­ciété se produit à partir de l’expression politique du conflit social central des sociétés capitalistes basé sur la confrontation des intérêts entre le prolétariat et la bourgeoisie.

5  Influencé par le CEPAL-UNESCO et particulièrement par la théorie du capital humain (CEPAL-UNESCO, 1992).

6  Également inspiré par la théorie du capital humain, mais cette fois dans une perspective fonction­naliste.

7  Croissance annuelle du PIB.

8  En termes quantitatifs, A. Barrios et J. J. Brunner estiment qu’il existe dans le pays, fin 1985, environ 40 centres privés de recherches en sciences sociales. Ces derniers compteraient 543 chercheurs — nous estimons qu’au moins 30 % de ceux-ci, c’est-à-dire 160, sont des sociologues. Les mêmes auteurs signalent que, pour ces 40 centres il conviendrait de faire une analyse plus précise afin de distinguer ceux qui pourraient être considérés à part entière comme académiques et qui font partie du Conseil latino-américain des sciences sociales, le CLACSO (Barrios a./Brunner j.j., 1988). En nous basant sur le travail de M. T. Lladser, nous pouvons affirmer que, vers la moitié des années 1980, 20 centres sont affiliés au CLACSO, ce qui permet de considérer ces CAI chiliens comme tels (Lladser M.T., 1986).

9  Par exemple, FONDECYT, la principale source publique de financement des recherches dans le pays, a soutenu seulement deux projets dans le domaine des sciences sociales en 1982, pour un total de 115 dans tous les champs de connaissances. En 1985, ce rapport passe à 13/265 et en 1989 à 56/505.

10  En 1986 une enquête fut menée auprès de 57 sociologues à qui l’on demandait de citer les courants théoriques qui influençaient le plus l’interprétation de la réalité du pays (Barrios A., Brunner j. j., 1988, p. 295). Les résultats furent les suivants : néomarxisme gramscien : 12 mentions ; analyse de mouvements sociaux : 7 mentions ; fonctionnalisme : 7 mentions ; marxisme classique : 5 mentions ; structuralisme : 4 mentions ; phénoménologie et ethnométhodologie : 4 mentions ; théorie critique (École de Francfort) : 2 mentions ; aucun : 8 mentions.

11  Commission Économique pour l´Amérique Latine.

12  D´après les bases de données du Fondecyt (Fonds national pour l’essor scientifique et technologique), on observe durant la période 1995-2000 une forte aug­mentation des projets de recherches dans le domaine de la sociologie, mais concentrés dans cinq uni­versités, sur un total de douze ayant des départements de sociologie.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Javier Corvalán, « Développement et institutionnalisation de la sociologie appliquée aux politiques publiques :le cas du Chili entre 1980 et 2000  », Recherches sociologiques et anthropologiques [En ligne], 37-1 | 2006, mis en ligne le 18 mars 2011, consulté le 06 mars 2014. URL : http://rsa.revues.org/605

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Auteur

Javier Corvalán

Centre de Recherche et de Développement de l´Éducation (www.cide.cl), Erasmo Escala 1825, Santiago, Chile (Université Alberto Hurtado).

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Droits d'auteur

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      Recherches sociologiques et anthropologiques
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      Revue de sociologie multipliant les approches méthodologiques et les cadres thématiques pour s'ouvrir aux autres sciences humaines
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