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Science et Fiction à Peyresq
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Entretien

Science et Fiction à Peyresq

Entretien avec Ugo Bellagamba et Éric Picholle
Ugo Bellagamba, Éric Picholle, Simon Bréan et Samuel Minne

Résumé

Dans cet entretien, Ugo Bellagamba et Éric Picholle présentent les enjeux théoriques des Journées Science et Fiction de Peyresq, consacrées chaque année à des réflexions sur les rapports entre la science-fiction et les différents champs du savoir. Les actes des deux premières éditions, Robert Heinlein et la pédagogie du réel et Rudyard Kipling et l’enchantement de la technique sont disponibles sur le site REVEL de l’Université de Nice Sophia-Antipolis : http://revel.unice.fr/symposia/scetfictions. Depuis cet entretien, la sixième édition des Journées Interdisciplinaires Sciences et Fictions de Peyresq (17-20 mai 2012) a porté sur le thème de l’Intelligence artificielle.

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Notes de la rédaction

Toutes les références ont été ajoutées par ReSF.

Texte intégral

ReSF : Votre interview doit paraître dans un numéro consacré à un « retour sur le mois de la science-fiction à l’ENS ». Nous souhaitons tout d’abord vous interroger sur la pratique universitaire de la SF : que signifie étudier la SF à l’université et quelles voies sont possibles ? Le Mois de la SF était un événement assez large où étaient associés auteurs et critiques, afin de favoriser la convergence entre la critique universitaire et la critique disons spécialisée du milieu.
Pouvez-vous présenter la manière dont vous êtes arrivés à la SF, et ce qui vous a poussés à créer les « Journées Interdisciplinaires Sciences et Fictions de Peyresq » ?

  • 1 Les premiers pas de l’Homme sur la Lune datent du 21 juillet 1969. [NdÉ]
  • 2 Philippe Ébly est un écrivain belge né en 1920, auteur des Conquérants de l’impossible, une série d (...)
  • 3 Edgar Rice Burroughs (1875-1950) est un écrivain américain, auteur notamment des Tarzan et du Cycle (...)
  • 4 André Maurois, auteur et intellectuel français (1885-1967) a écrit plusieurs récits et contes de SF (...)

Éric Picholle : Quand j’étais enfant, beaucoup des livres que j’aimais intégraient une dimension scientifique et technique. J’avais six ans en 19691. Je lisais déjà du Philippe Ébly2, du Burroughs3. L’espace et les fusées faisaient partie, sinon de mon quotidien, du moins de mon avenir d’adulte, et c’est ce que je cherchais dans mes lectures. À l’inverse, j’étais surpris que certains auteurs ne s’intéressent absolument pas à ce qui faisait ma génération, même si je n’ai évidemment compris les choses en ces termes que bien plus tard. Pour moi, les classiques, qui parlaient de choses anciennes, s’opposaient aux livres portant sur les sujets de mon temps.
Plus grand, je me suis intéressé à la politique aussi bien qu’à la science, sans forcément me destiner à devenir un scientifique, et à la littérature. Progressivement, je me suis aperçu que ce qui m’intéressait le plus chez les modernes était une littérature particulière. Je me suis intéressé très tôt à des auteurs comme Robert Heinlein et André Maurois4. Ce dernier avait ceci de remarquable que je reconnaissais dans la démarche intellectuelle qu’il appliquait à la première moitié du xxe siècle celle que je suivais pour la seconde moitié.
En tant qu’amateur de fiction spéculative et de hard SF, je n’ai pas vraiment trouvé dans la science-fiction française ce que je cherchais pendant ma jeunesse, parce qu’elle était dominée par la SF politisée à la fin des années 70 et le formalisme Limite au milieu des années 80. Plus tard, j’ai même publié quelques nouvelles assez hard science, plus pour que cette niche ne reste pas inoccupée que parce que je me considérais comme un auteur intéressant…
J’ai fait des études de philosophie d’abord, puis de physique, sans faire de la science-fiction un objet d’études. Puis je me suis retrouvé à Nice, une université qui a une grande tradition d’études en science-fiction, autour de Denise Terrel, en particulier, dans les années 1980. L’arrivée d’Ugo m’a ouvert de nouvelles perspectives.

  • 5 « La Science-fiction dans l’histoire, l’histoire dans la science-fiction », colloque sous la direct (...)
  • 6 L’Olicon, Convention nationale de science-fiction, qui s’est déroulée à Nyons (Drôme, France) du 21 (...)

Ugo Bellagamba : La rencontre avec Éric a été réjouissante : elle a donné lieu au cinquième colloque international de science-fiction de Nice5 en mars 2005, à un essai en coécriture sur l’œuvre de Heinlein, et enfin aux journées interdisciplinaires de Peyresq. Mon rapport à la science-fiction ne se limite pas à l’écriture. J’aime cette idée d’être au service de la science-fiction, en tant qu’auteur quand je le peux, quand j’ai quelque chose à dire d’intéressant, mais aussi en tant qu’organisateur de colloques, ou en tant qu’organisateur ou simple participant à des journées interdisciplinaires, en tant qu’intervenant à tel ou tel endroit, organisateur d’une convention aussi, en 20086, et puis encore en essayant de faire entrer la science-fiction dans mon champ d’études. Je suis historien du droit, en poste depuis 2002 à l’université de Nice. Mettre en contact l’histoire du droit et des idées politiques et la science-fiction, c’est, a priori, un peu plus difficile, mais on y arrive ! Ça fait presque dix ans que je suis titulaire, et j’essaie de gagner au fur et à mesure en liberté, en essayant de faire converger mon intérêt pour la science-fiction en tant qu’auteur, et mon activité de chercheur.
Je suis venu moi aussi à la science-fiction avec Philippe Ébly, La Grande Peur de l’an 2117 (Ébly, 1983). Je suis venu à Heinlein plus tard. Du coup, j’ai vu en Heinlein un énorme prisme, un objet d’étude sur les idées politiques en particulier qui m’a totalement fasciné et me fascine encore. Mais mes premières admirations sont plutôt Robert Silverberg et Isaac Asimov ; surtout le premier, dont j’ai apprécié le rapport à l’histoire. Il y a aussi eu une œuvre très chère à mon cœur, à la tonalité et à la structure très particulières, Les Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith.
J’ai toujours lu de la science-fiction, j’en écrivais déjà quand j’étais gamin. Ma première publication au Bélial’ a été une première courte nouvelle, « Écrire l’humain », dans Étoiles vives n° 5. Mais le vrai premier texte professionnel, c’était « L’Apopis républicain », publié par Gilles Dumay [en 1999] (Bellagamba, 2005). C’est le genre de chance qui m’est arrivé plusieurs fois, déjà, alors que ça n’arrive souvent qu’une fois dans une vie. Je dois vraiment être né sous une bonne étoile. Je suis tombé pile au moment où Présence du futur lançait, sous la direction de Gilles, une anthologie périodique, et il m’a publié dans le premier numéro, alors que j’étais un auteur français qui débarquait...

ReSF : Peyresq est donc, selon l’expression consacrée, né d’une rencontre. Quels ont été vos objectifs initiaux ?

  • 7 Peyresq est un village du Haut Verdon reconstruit dans les années cinquante et accueillant des sémi (...)

É. P. : « Peyresq, foyer d’humanisme »7 est une association belge liée depuis longtemps à l’université de Nice. Depuis une trentaine d’années, de nombreuses écoles d’été de physique ont eu lieu ici. D’abord simple auditeur, j’ai très vite eu envie d’y organiser des choses. Puis s’est posée la question d’un lieu pour des rencontres axées sur la science-fiction, après le colloque de 2005. Ce colloque était très complexe, avec près de deux cents cinquante participants. Nous avons été contents d’organiser cet événement et nous le referons sans doute un jour, mais nous nous sommes dit qu’il serait aussi très pertinent de travailler avec un groupe plus réduit d’une trentaine de personnes, avec une plus grande liberté d’échange. Ugo est tombé amoureux de l’endroit quand je l’y ai amené et il n’a plus été question de faire ça ailleurs.

U. B. : Ça s’est passé comme ça, c’est la rencontre d’un lieu exceptionnel avec, au sens premier du terme, un projet exceptionnel en soi, né de la volonté partagée de faire autre chose qu’un colloque international : il y a des colloques internationaux, il y a des colloques de science-fiction aussi. Peyresq est un lieu unique – Éric appelle ça une « hétérotopie » – dans lequel on peut mettre en rapport, loin du fracas du monde, un petit groupe de personnes qui viennent à la fois de l’université, du monde de l’essai libre, et du monde de la création pure, littéraire ou même audiovisuelle, ensemble, autour d’un thème dont l’instrument est la science-fiction.
Le premier Peyresq mis en place, en 2007, portait sur Robert Heinlein, pour deux raisons. D’abord, nous avions passé deux ans à travailler sur notre essai sur Heinlein. Il s’imposait donc parce que, du fait de notre maîtrise du sujet, nous pouvions ménager le relatif formalisme des organisations universitaires et la liberté des auteurs invités. Heinlein s’imposait aussi parce que, tout simplement, de tous les auteurs de science-fiction qu’on pouvait explorer, c’était celui dont l’œuvre était la plus à même de nourrir autant de sessions, pour ce galop d’essai. J’en garde un souvenir ému, je me rappelle le dernier jour de Peyresq 2007, j’étais là dans cette pièce, je rangeais mes affaires et je me suis dit : on a créé quelque chose de très spécial, ensemble.

ReSF : Qu’avez-vous effectivement créé, en réunissant ainsi des gens d’horizons différents et de disciplines différentes ? En quoi ces deux facteurs ont-ils permis d’obtenir des résultats, et sur quel type de sujets ?

É. P. : J’ai rarement été satisfait par les projets transdisciplinaires, ou même pluridisciplinaires, dans l’université. Comme je disais, je suis passé par la philosophie, je suis venu à la physique. Je voulais mettre au point un modèle d’authentique interaction et de construction collective d’un discours, transdisciplinaire ou interdisciplinaire, ce qui me semble la seule façon d’aborder la science-fiction. L’approche disciplinaire peut donner de bons résultats, mais ce n’est pas suffisant. Il nous fallait trouver le moyen d’obtenir un vrai dialogue et une coopération efficace.
Le premier paramètre était la taille du groupe. Nous nous sommes fondés sur notre expérience du colloque, qui a été réussi et dont je crois qu’il a eu un impact, comme d’ailleurs le Mois de la SF, sur l’institutionnalisation des « SF studies » en France. Un deuxième facteur a été l’isolement : nous avons choisi d’enfermer nos chercheurs dans un village perdu, très beau, où ils ne peuvent guère faire autre chose que réfléchir et se parler. Ensuite, nous avons veillé à proposer des thématiques aussi transversales que possible. À partir d’un sujet d’ensemble, nous organisons des sessions qui, sans trop favoriser une discipline et surtout sans exclure aucune approche, s’articulent chacune autour d’une spécialité, souvent celle du modérateur : ainsi, nous mettons à profit les compétences tout en favorisant les échanges avec les autres. Des périodes libres favorisent aussi les discussions deux à deux ou par petits groupes, autour d’un génépi ou lors d’une randonnée…
Je ne suis pas absolument sûr qu’on ait réussi encore à créer une dynamique de travail et un discours commun, au-delà de la méthode et du dialogue, mais c’est un début prometteur. Nous avons organisé il y a deux ans une édition un peu plus ambitieuse, du point de vue de l’originalité de la thématique de recherche, sur le thème des subjectivités collectives. C’est une idée de Gérard Klein publiée il y a longtemps, qui était à la fois très prometteuse et en friche (Klein, 2011). C’était l’occasion de faire se rencontrer des gens brillants, venant de toutes les disciplines, pour essayer d’accoucher un discours un peu plus construit, collectif, sur ce terrain novateur. Ça a été passionnant.

U. B. : J’ajouterai deux petites choses. La première, c’est que l’un des buts est évidemment le dialogue interdisciplinaire, mais justement pas sous la forme de communications qui se succèdent : le dialogue en temps réel, voilà ce que nous visions, dès le départ.
L’autre mission, c’était de faire se rencontrer les doctorants de différentes disciplines. Il s’agissait de faire prendre conscience de l’existence d’une communauté d’études sur la science-fiction. Nous voulions faire en sorte que les doctorants anglicistes, les doctorants en littérature, en philosophie, qui s’intéressent à la science-fiction, puissent avoir un lieu où établir facilement un contact privilégié avec des gens qui ont fait leur parcours et leur carrière sur la science-fiction. Ainsi, l’une des missions de Peyresq, c’était de permettre à un ou une doctorant(e) qui s’intéresse à la science-fiction par le biais de la philosophie ou des langues, d’aller se promener entre deux sessions avec des chercheurs chevronnés, ou des auteurs expérimentés pour discuter vraiment, en tête à tête, sans contrainte de temps ou de forme. Et inversement, à ceux qui ont un parcours bien affirmé, professeurs ou auteurs, nous voulions permettre de retrouver aussi la fraîcheur de la liberté. Nous avons réussi cela, je pense. Le dialogue est établi, les gens se connaissent, d’ailleurs ils reviennent, avec plaisir, se retrouvent, se tiennent au courant de leurs recherches, on a pu voir naître des docteurs.
Pour enraciner Peyresq aussi, il faut l’écrit : même si l’oralité domine les journées, il est nécessaire de publier des Actes. Nous le faisons, depuis 2008, grâce aux éditions du Somnium. Ces actes sont toujours construits de la même manière : un certain nombre de communications, présentées par des intervenants, ou des gens qui n’ont pas pu venir, mais qui veulent présenter une communication, avec un comité de lecture, qui choisit les communications. On a parfois, et de plus en plus régulièrement, un texte majeur, comme par exemple Trames et Moirés, de Gérard Klein, et qui est réédité en même temps que les actes, à quelques semaines près. C’est très rare, cette possibilité offerte par le Somnium de proposer des grands textes de théorie ou de fiction qui n’étaient plus disponibles !
Et puis il y a la synthèse. Il s’agit en fait de retrouver la substantifique moelle des débats, dans la mesure du possible, sans trahir les discussions passionnées qui ont été menées durant les journées. Il s’agit de huit sessions, parfois dix sessions. Les subdivisions de la synthèse correspondent aux sessions thématiques, À travers cette synthèse on se rend compte qu’un dialogue interdisciplinaire s’installe, parfois parcouru de fulgurances, de pics exaltants. Avec Peyresq, on a un embryon d’un vrai dialogue interdisciplinaire fructueux. Et je crois qu’il faut qu’on continue, en espérant faire des émules, peut-être, d’autres Peyresq ailleurs qu’à Peyresq.

  • 8 On peut également citer une structure associative ancienne et pérenne, quoique plus largement consa (...)

É. P. : Je reviens sur cette ambition de créer un lieu d’expression des doctorants, qui est tout à fait centrale à Peyresq. Il y a des thèses en science-fiction, de plus en plus. Mais un doctorant en science-fiction se retrouve bien vite marginalisé dans sa propre discipline, ce qui pose des problèmes de reconnaissance. L’université, le CNRS n’ont pas encore pris en compte le fait qu’il existe en France des études en science-fiction de qualité. Peyresq a notamment pour finalité de signaler leur existence à nos tutelles. C’est vrai aussi de Cerisy, du Mois de la SF — même s’il n’a pas été récurrent, l’École normale supérieure reste l’un des hauts lieux de la culture universitaire française.
Nous avons discuté il y a deux ans, à l’occasion des journées « hard science fiction et imaginaire scientifique », de l’opportunité de créer une revue. Les actes de Peyresq sont l’un des rares endroits où on peut publier des articles disciplinaires8, puisque nous accueillons des contributions sur le sujet de chaque année. Lors de cette discussion, certains, comme Simon Bréan, ont soutenu que, dans les disciplines littéraires, la présentation de communications orales dans les colloques était au moins aussi importante que les communications écrites. Selon moi, l’écrit a plus d’impact pour une carrière, parce que les listes de publication ont une importance cruciale pour une candidature. Notre inscription institutionnelle est encore limitée, du fait de la conjoncture actuelle. Nous restons mal identifiés. Quand je dis « nous », je parle des études en science-fiction en général. J’espère que la pérennisation effective de Peyresq, qui en est à sa cinquième édition, permettra d’asseoir cette reconnaissance. La création d’une revue autour d’Irène Langlet et de Limoges va dans le même sens, même si elle est un peu plus disciplinaire, et centrée sur les études littéraires.

ReSF : Justement, qu’attendez-vous de ce type de revue, en termes de positionnement institutionnel, en termes d’exigence scientifique et en termes d’ouverture interdisciplinaire ? Qu’est-ce qu’une revue sur la science-fiction devrait être, qu’est-ce qu’elle devrait apporter ?

É. P. : Je regrette évidemment un peu que le projet initial ne soit pas orienté vers l’interdisciplinarité. Idéalement, le modèle à atteindre serait un Nature de la science-fiction, diffusé dans le monde entier, dans une perspective interdisciplinaire. Il n’en est pas question dans un futur proche. Mais sans aller jusque là, il manque vraiment une revue avec une bonne assise institutionnelle.

U. B. : Tu veux dire une revue classée A+ ?

É. P. : En tout cas classée, reconnue par l’institution. Les sciences ont beaucoup de revues de très haut niveau, de façon très visible à l’échelle mondiale. Ce n’est pas le cas pour la littérature actuellement, ce qui est préjudiciable à l’étude universitaire de la science-fiction. Ce que j’attendrais personnellement d’une revue comme celle qui est en train de se mettre en place, c’est une très grande exigence, une très grande qualité, même si cela ne se solde que par un numéro et quelques articles par an. Il vaut mieux être très sélectif plutôt que de risquer de faire baisser la valeur de la revue, a fortiori de donner une impression de copinage.

U. B. : L’aventure de Peyresq est résolument interdisciplinaire. Éric est physicien, je suis historien du droit, Daniel Tron est angliciste, Estelle Blanquet est didacticienne, sans parler de tous ceux qui pourraient nous rejoindre, sans exclusive disciplinaire. Peyresq pourrait, à terme, permettre une revue interdisciplinaire et nous aurions alors ce genre d’exigence. Je regrette un peu que les revues mono-disciplinaires sur la science-fiction soient, en toute légitimité, réservées à ceux qui appartiennent à la discipline concernée. ReS Futurae, qui sera une très belle aventure, a priori, ne me publiera pas en tant qu’historien des idées et du droit. Tant qu’on reste dans des revues de qualité mono-disciplinaires, on n’a fait que la moitié du chemin. Mais c’est déjà un grand pas en avant.

ReSF : Un des développements importants de ReS Futurae, ce serait aussi de s’élargir sur d’autres horizons.

É. P. : Ce sera évidemment une excellente chose.

ReSF : Puisque nous parlons des sciences, pourriez-vous nous préciser quel a été le rapport à la science dans la création des Journées Sciences & Fictions ?

  • 9 Physicien renommé, Professeur à l’Université de Nice-Sophia Antipolis. [NdÉ]
  • 10 Voir la transcription de la conférence d’Éric Picholle dans ce numéro. [NdÉ]

É. P. : Pierre Coullet9 et l’institut Robert Hooke ont patronné les journées Sciences & Fictions. À l’origine, la science-fiction était l’un des ponts envisagés entre le grand public et la communauté universitaire. Il y a des enjeux scientifiques qui seraient relativement faciles et utiles à expliquer, mais qui ne sont pas audibles parce qu’ils font peur, alors que la science-fiction effraie beaucoup moins.
L’une des vocations de ces journées, qui ne sont pas des journées science-fiction mais des journées Sciences & Fictions, est de réfléchir à la façon dont les concepts scientifiques diffusent vers le grand public, au sein même de la communauté scientifique. Nous nous intéressons au rôle éventuel de l’imagination, à des questions d’ordre épistémologique, relevant de la sociologie des sciences, de ce que les anglo-saxons appellent les science studies.
L’une de nos premières opérations pour favoriser la formation scientifique en philosophie, avant même les journées de Peyresq, a été la création avec Jean-Luc Gautero et quelques autres d’une licence de « philosophie et sciences physiques ». L’idée était de former les futurs philosophes des sciences, des gens de formation philosophique avec un peu plus qu’un vernis scientifique. Amener les jeunes à raisonner sur des types de problèmes qui sont à la lisière de ce que peuvent proposer la science et la philosophie, et la science-fiction est pour moi le lieu littéraire de ce type de questions10. Cette expérience était très soutenue par la fac des sciences, y compris la partie science-fiction qu’Ugo a animée un moment, mais très mal reçue en fac des lettres. Sous l’impulsion d’Estelle Blanquet, la faculté des sciences et l’IUFM de Nice ont d’ailleurs récemment repris une approche similaire avec une licence « Sciences et culture » pour la formation de futurs professeurs des écoles.
Peyresq était un peu le second étage de cette fusée. Il s’agissait cette fois d’introduire une réflexion sur la SF et sur ce qu’elle peut nous apprendre sur les rapports entre la science et la société, en particulier la diffusion des idées scientifiques.

  • 11 La dépertinence (scientifique) peut être envisagée de deux manières. Soit il s’agit de l’état d’un (...)

U. B. : De fait, réfléchir à la science-fiction comme outil épistémologique, c’est mettre en valeur le rapport qu’elle entretient avec le raisonnement et la méthode scientifiques. La science-fiction peut contribuer à l’histoire des sciences : elle s’intéresse aux théories scientifiques lorsqu’elles sont dominantes, par exemple la physique atomique pendant les années quarante et cinquante. Il y a eu un certain retard pour la physique quantique, mais cela correspond justement au temps qu’il a fallu pour que le discours ésotérique de cette physique soit assimilable par un plus large public. De plus, la science-fiction permet de jouer sur ce que Jean-Marc Lévy-Leblond nomme la « dépertinence scientifique », des théories considérées à un moment comme scientifiques, mais dépassées11. La science-fiction permet d’avoir une idée de théories scientifiques dépassées, ainsi que de constater ce que le grand public peut percevoir de la science à une époque donnée. Jules Verne est l’exemple emblématique d’une certaine didactique des sciences de son époque.

É. P. : Plus proche de nous, Heinlein est probablement l’auteur de science-fiction, peut-être même l’auteur, toutes littératures confondues, qui s’est le plus systématiquement affronté aux mutations scientifiques du xxe siècle. En effet, à l’origine de presque toutes les évolutions majeures du siècle passé, on trouve une innovation scientifique ou technique. Deux exemples : l’invention de la pilule, qui a puissamment affecté la condition féminine ; et l’augmentation de la productivité, sans doute le fait socio-économique essentiel du siècle, qui concernent les mœurs et l’économie, ont une source technique. À part la science-fiction, la littérature ne s’est que très peu confrontée à ces questions essentielles pour comprendre le xxe siècle.

ReSF : Y a-t-il un objectif de mise en valeur de la science dans ces journées ?

  • 12 Mars était l’objet de la rencontre 2011. [NdÉ]

É. P. : Oui et non. La science pure se suffit à elle-même. Pour autant, sa place dans la société n’est pas fixée automatiquement. La culture scientifique régresse actuellement, alors même que la science ne cesse de progresser et que la connaissance scientifique est devenue très accessible, notamment grâce à Internet. Ce paradoxe a pour origine un problème d’image de la science. À ce niveau, la science-fiction a un rôle à jouer. L’art a toujours eu un rôle de transmission et d’acclimatation des images et des notions de la science. Diderot et Voltaire font de la vulgarisation, et considèrent que c’est une des parties nobles de leur métier d’écrivain.
Par ailleurs, nous ne souhaitons pas promouvoir un type particulier de science-fiction. L’édition sur la « hard science fiction », en 2010, s’explique par nos goûts personnels. C’est une partie importante de la science-fiction, mais nous n’en faisons pas une variété plus légitime ou intéressante que le reste de la SF. Heinlein a tant écrit qu’il a touché à la « hard science fiction » mais il s’est intéressé aussi à la politique et à toutes sortes de choses. Kipling était très loin de la science en général ; les subjectivités collectives sont un concept purement de sciences humaines, et Mars est un objet du monde réel12.

U. B. : Effectivement, le mot « Sciences » à Peyresq ne désigne pas uniquement les sciences physiques et les technosciences. Il inclut les sciences sociales, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie et, bien sûr, l’histoire. La science-fiction est souvent, en quelque sorte, une « récréation anthropologique ». Je pense à Jack Vance, Frank Herbert, Iain Banks, qui explorent différentes formes de sociabilité humaine, en s’inspirant des données scientifiques de leur temps. Ursula Le Guin a nourri ses romans d’ethnologie. Peyresq s’attache beaucoup à étudier l’impact social de l’objet technique. Comment une société réagit-elle à une innovation technique ? Par exemple, dans Aucune étoile aussi lointaine, de Serge Lehman (Lehman, 2001), les capitaines de vaisseaux spatiaux doivent s’adapter au voyage spatial instantané. Néanmoins, il faut nuancer. La science-fiction ne réinvente pas vraiment la manière de penser les sciences. Elle est même souvent en retard sur la réflexion scientifique pure, mais moins en retard que les autres vecteurs de communication culturelle. Elle reste l’un des meilleurs outils pour penser les sciences, mais ce n’est pas un vecteur systématique d’idées nouvelles.

ReSF : Le « désir de science chez les jeunes » est un titre de table ronde qui revient chaque année. Pourquoi cet intérêt pour la jeunesse ?

É. P. : Il y a actuellement une évolution désastreuse, un divorce entre la science et le grand public, qui peut avoir des conséquences tout à fait déplaisantes. Si les citoyens n’ont pas les moyens de maîtriser le savoir scientifique, la démocratie risque de devenir technocratie. Or cette évolution semble se jouer très tôt. J’ai souvent pu constater que quand on parle de science à des gamins de sept ou huit ans, ils sont ravis. L’ouverture d’esprit et l’ouverture à la science de la majorité de ces enfants sont pour moi supérieures à celles de la majorité des étudiants de première ou deuxième année de fac.
Les jeunes esprits, ou ceux qui doivent les former, sont les premiers concernés par cet enjeu politique et scientifique. En parlant de « désir de science », nous ne réfléchissons pas tant sur la meilleure façon d’enseigner la science que sur un possible rôle de la science-fiction pour changer le rapport à la science.

ReSF : Autre sujet : quelle est la place des auteurs de science-fiction dans les journées de Peyresq ? Comment s’inscrivent-ils dans ce projet ?

U. B. : Pour parler en tant qu’auteur, d’abord, les sciences sont un réservoir d’idées et de possibilités. Mon imaginaire est en prise directe sur mon enseignement et mes propres recherches. Plus largement, je dirais que ce qu’apportent les auteurs, c’est leur liberté de créer. Les scientifiques se montrent très prudents, trop parfois. Les interventions des auteurs permettent de sortir des sentiers battus. Ils ont leur propre vision de la cohérence d’une fiction et ils osent se libérer des contraintes de la science pour écrire leurs histoires.

É. P. : En intégrant des gens venus de l’extérieur de l’université, nous espérions casser les cloisonnements du discours spécialisé. Nous avons donc soigneusement choisi nos auteurs « antipathiques » : la première année, il y avait Claude Ecken, une sorte de lutin à l’œil qui brille et qu’on peut allumer quasiment à la demande. Ça nous semblait une excellente façon d’avoir la garantie d’entendre un discours à la fois intelligent et détaché de tout jargon universitaire. Et le second était Roland Wagner, une autre sorte de lutin complètement déjanté, qui nous a apporté les ressources de son intuition. Il y avait également le Canadien Jean-Louis Trudel, historien des sciences et auteur majeur sur la scène francophone. Sans oublier Ugo, organisateur des journées, historien du droit, mais aussi écrivain de premier plan. À l’expérience, il est apparu qu’on aurait peut-être pu se passer de la présence d’auteurs ; mais l’alchimie très particulière de ce mélange d’universitaires, de chercheurs, de disciplines, d’étudiants et d’auteurs fonctionnait très bien en l’état, et nous plaisait beaucoup. D’autres auteurs se sont ajoutés les années suivantes, notamment Sylvie Denis. Et notre édition sur les « Subjectivités collectives », a accueilli en plus de Gérard Klein lui-même et des auteurs précédents, Serge Lehman et Jean-Claude Dunyach. C’était l’édition la plus atypique, inévitablement plus centrée sur une personne. Même si cela a été intéressant, nous ne sommes pas sûrs de refaire ce genre de séance, sur un auteur vivant.

ReSF : À propos d’auteurs francophones, comment voyez-vous les relations entre la science-fiction anglophone et la science-fiction francophone ?

  • 13 Il s’agit de Chasseurs de chimères (2006). Cette anthologie, présentée par Serge Lehman, met à disp (...)

U. B. : Pour schématiser, les Anglo-saxons ont une vision plutôt positive et procédurale de la science. Je la rapprocherais volontiers de leur conception du droit : les Anglais donnent la priorité aux procédures sur le contenu du droit. Les Anglo-saxons s’intéressent au cheminement de la science, aux expériences. La vision française est plutôt négative, surtout si on remonte aux « chasseurs de chimères » de Serge Lehman13. La science aboutit à la perdition de l’être ou de la société. Par ailleurs, plutôt que la procédure, les Français font appel à de grandes idées. Pour poursuivre mon parallèle juridique, je dirais qu’il y a là le même genre d’écart qu’entre, d’une part, la Déclaration des droits de l’Homme, qui pose les êtres humains comme libres et égaux en droits, et, d’autre part, la procédure d’habeas corpus des Anglais, qui sanctionne toute arrestation arbitraire. En France, l’univers est directement à portée de main et on l’explore sans se préoccuper des techniques qui le rendent accessible. Néanmoins, ces différences vont en s’estompant, du fait de la mondialisation de la culture. Les écrivains français sont très influencés par les auteurs américains.

  • 14 Gilles d’Argyre est un des pseudonymes utilisés par Gérard Klein, notamment pour la trilogie Chirur (...)
  • 15 Rêves de Gloire, de Roland C. Wagner (Wagner, 2011), paru après la réalisation de cet entretien, po (...)

É. P. : En étant un peu sévère, je dirais qu’il n’y a pas eu de roman français de niveau international depuis Gilles d’Argyre14. Nos auteurs n’ont pas actuellement de carrure internationale, alors même que certains d’entre eux en seraient capables. Parmi les écrivains que nous avons invités à Peyresq, un Serge Lehman, un Claude Ecken, un Jean-Claude Dunyach, un Roland Wagner15 pourraient atteindre ce niveau, comme leurs nouvelles le prouvent amplement. Mais des raisons économiques, je pense, empêchent leurs romans de franchir un seuil : au contraire des meilleurs Anglo-saxons, ils n’ont pas les moyens d’investir plusieurs années dans l’écriture en toute liberté d’un chef d’œuvre.

ReSF : Qu’en est-il des rapports entre la critique anglo-saxonne de science-fiction et la critique française, étant donné que vous avez coécrit une monographie largement critique sur un auteur de SF ?

É. P. : Les SF studies américaines sont bien organisées sur le plan académique, ce qui est une bonne chose, même si j’ai mes réticences sur le système universitaire américain. Nous avons publié récemment, à propos de Heinlein, un extrait d’un livre brillant de H. Bruce Franklin (Franklin, 2009), qui est professeur à Rutgers ; dans un autre genre, George Slusser, à l’Université de Californie Riverside, représente une sorte de mémoire académique de la SF. Il y a aux États-Unis des universitaires de très haut niveau pour travailler sur la science-fiction. Les Français cherchent l’inspiration de ce côté, parce qu’ils n’ont pas ce type d’organisation académique ni encore de grand intellectuel spécialiste de science-fiction, même si en moyenne les chercheurs français (et Belges, sans compter la Maison d’Ailleurs, en Suisse) peuvent en remontrer aux chercheurs américains. Il y a, en revanche, moins d’amateurs écrivant des essais sur la science-fiction, en France. Je pense à un érudit comme Joseph Altairac, qui a de nombreux homologues aux États-Unis.

ReSF : Enfin, question un peu rituelle : y a-t-il un déclin de la science-fiction ?

É. P. : Dans un champ aussi restreint, une approche statistique n’est pas très significative. Dans le domaine français, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas actuellement un Maurois ou un Klein en activité qu’il y a décadence. Il suffirait qu’un écrivain de la classe d’Asimov apparaisse pour qu’on parle de renouveau de la science-fiction, ce qui n’aurait pas plus de sens : ce serait simplement une autre fluctuation statistique. Pour peu que certains des auteurs actuels prennent de l’ampleur, la science-fiction française sera en pleine forme. D’un point de vue personnel, je regrette quand même qu’il n’y ait pas vraiment d’auteur francophone pratiquant la hard SF.

U. B. : Cette idée de déclin est très surfaite. La science-fiction s’est simplement intégrée à la culture dominante. Elle s’est académisée, à travers des journées d’étude, des thèses, des colloques. La science-fiction n’est plus à la pointe de la contre-culture. Philip K. Dick fait partie de la culture générale, banale. La science-fiction a gagné… un peu à la manière des soixante-huitards qui se sont embourgeoisés. Elle est culture.

ReSF : La victoire de la science-fiction serait matérialisée notamment dans ce que Bruce Sterling appelle le « slipstream », les œuvres faisant la part belle à des idées ou images de la science-fiction, mais intégrées à la culture générale.

U. B. : Oui, elle est plus difficile à cerner. La science-fiction était parfaitement repérable dans le paysage culturel, dans ses secteurs à part. Actuellement, elle fait partie des connaissances nécessaires pour toute personne cultivée. Dans le milieu de la science-fiction, on aime se croire à l’avant-garde, mais en fait, nous ne sommes plus relégués dans la cale ou debout à la proue. Nous sommes simplement sur le pont, avec le reste de l’équipage, prêt à jouer notre rôle en cas de tempête. Ce déclin est une victoire, qui appelle un dépassement. Notre rôle à Peyresq n’est d’ailleurs pas de faire de l’avant-garde mais, à défaut de l’avoir créé, d’accompagner le mouvement qui fait de la science-fiction un objet culturel, de le comprendre, et mesurer, et peut-être, à force d’échanges d’idées et d’enthousiasmes, de le dépasser.

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Bibliographie

Bellagamba Ugo, « L’Apopis républicain » (1999), La Cité du Soleil, Paris : Gallimard, 2005. Coll. « Folio SF ».

Chasseurs de chimères, l’âge d’or de la science-fiction française, Serge Lehman (éd.), Paris : Omnibus/SF, 2006.

Ébly Philippe, La Grande Peur de l’an 2117, Paris : Hachette, 1983. Coll. « Les Conquérants de l’impossible ».

Franklin H. Bruce, « Ne vous inquiétez pas, ce n’est que de la science-fiction ! », in Robert A. Heinlein, Solution non satisfaisante, Villefranche sur mer : Éditions du Somnium, 2009, p. 85-115.

Klein Gérard, Trames et Moirés, Villefranche-sur-mer : Éditions du Somnium, 2011.

Lehman Serge, Aucune étoile aussi lointaine (1998), Paris : J’ai lu, 2001. Coll. « Science-fiction ».

Wagner Roland C., Rêves de Gloire, Nantes : L’Atalante, 2011. Coll. « La Dentelle du Cygne ».

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Notes

1 Les premiers pas de l’Homme sur la Lune datent du 21 juillet 1969. [NdÉ]

2 Philippe Ébly est un écrivain belge né en 1920, auteur des Conquérants de l’impossible, une série de romans de science-fiction pour la jeunesse. [NdÉ]

3 Edgar Rice Burroughs (1875-1950) est un écrivain américain, auteur notamment des Tarzan et du Cycle de Barsoom. [NdÉ]

4 André Maurois, auteur et intellectuel français (1885-1967) a écrit plusieurs récits et contes de SF, dont « Le Chapitre suivant » (1927), considéré comme un classique de la SF aux États-unis. Quatre d’entre eux, « Les Érophages » (inédit), « Le Peseur d’âmes » (1931), « La Machine à lire les pensées » (1937), « Voyage au pays des Articoles » (1928) ont été publiés en 1996 sous le titre Nouvelles extra-terrestres et imaginaires (Paris, Hermann, « Savoirs Lettres »). [NdÉ]

5 « La Science-fiction dans l’histoire, l’histoire dans la science-fiction », colloque sous la direction de d’Ugo Bellagamba, Jean-Luc Gautero, Éric Picholle, Denise Terrel, et Aurélie Villers, 2005. Cycnos, [en ligne], [consulté le 21 août 2012], URL <http://revel.unice.fr/cycnos/index.html?id=427>. [NdÉ]

6 L’Olicon, Convention nationale de science-fiction, qui s’est déroulée à Nyons (Drôme, France) du 21 au 24 août 2008. [NdÉ]

7 Peyresq est un village du Haut Verdon reconstruit dans les années cinquante et accueillant des séminaires scientifiques. Peyresq, Foyer d’humanisme, [en ligne], [consulté le 21 août 2012], URL <http://www.peiresc.org/>. [NdÉ]

8 On peut également citer une structure associative ancienne et pérenne, quoique plus largement consacrée à « l’imaginaire », le Centre d’Études et de Recherches sur les Littératures de l’Imaginaire (CERLI), qui publie les actes de son colloque annuel. Voir CERLI, [en ligne], [consulté le 21 août 2012], URL <www.cerli.org>. [NdÉ]

9 Physicien renommé, Professeur à l’Université de Nice-Sophia Antipolis. [NdÉ]

10 Voir la transcription de la conférence d’Éric Picholle dans ce numéro. [NdÉ]

11 La dépertinence (scientifique) peut être envisagée de deux manières. Soit il s’agit de l’état d’un discours ou d’une théorie scientifique après qu’ils ont cessé d’être recevables comme tels, avec le temps et les découvertes successives (par exemple les recherches sur la télépathie dans les années cinquante). Soit il s’agit d’un paradigme scientifique antérieur au paradigme dominant/pertinent, qui paraît, dès lors, désuet (par exemple, la cosmologie aristotélicienne face à la révolution galiléenne). Dans ces deux cas, la science-fiction est un merveilleux instrument d’identification et de mise en scène de la dépertinence, et de son impact sur les représentations populaires de la science : d’abord parce qu’elle exprime les représentations scientifiques d’une époque donnée (elle est toujours datée) ; ensuite, parce que, à l’inverse, elle peut choisir, sous couvert d’imaginaire, de décrire un monde dépertinent sur le plan scientifique ou même technique (par exemple, celui qui mettrait en scène l’éther ou des machines à vapeur qui sont, en tant que concept et en tant qu’outil, dépassés depuis longtemps). Jean-Marc Lévy-Leblond, auquel nous empruntons le terme, insiste sur l’importance de la « noodiversité », de conserver le souvenir d’approches ayant perdu leur actualité sans pour autant avoir été invalidées. [Note d’Ugo Bellagamba et d’Éric Picholle]

12 Mars était l’objet de la rencontre 2011. [NdÉ]

13 Il s’agit de Chasseurs de chimères (2006). Cette anthologie, présentée par Serge Lehman, met à disposition des textes parus entre 1887 (Les Xipéhuz de Rosny Aîné) et 1953 (Apparition des surhommes de B.R. Bruss, alias René Bonnefoy), à la tonalité globalement pessimiste. [NdÉ]

14 Gilles d’Argyre est un des pseudonymes utilisés par Gérard Klein, notamment pour la trilogie Chirurgiens d’une planète (1960), Les Voiliers du soleil (1961) et Le Long Voyage (1964), parus au Fleuve Noir « Anticipation », remaniée en 1987 pour une réédition chez J’ai Lu (le premier volume prend alors pour titre Le Rêve des forêts). [NdÉ]

15 Rêves de Gloire, de Roland C. Wagner (Wagner, 2011), paru après la réalisation de cet entretien, pourrait m’amener à relativiser cette analyse [Note d’Éric Picholle]

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ugo Bellagamba, Éric Picholle, Simon Bréan et Samuel Minne, « Science et Fiction à Peyresq », ReS Futurae [En ligne], 2 | 2013, mis en ligne le 30 avril 2013, consulté le 05 mars 2014. URL : http://resf.revues.org/313

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Auteurs

Ugo Bellagamba

Écrivain de science-fiction (La Cité du Soleil, 2003 ; Tancrède, une uchronie, 2012). Maître de conférence en histoire du droit et des idées politiques à l’Université de Nice. Auteur avec Éric Picholle de Solutions non satisfaisantes : une anatomie de Robert A. Heinlein (2007). Il dirige avec Éric Picholle et Daniel Tron les journées interdisciplinaires Sciences et Fictions à Peyresq.

Éric Picholle

Physicien au CNRS, auteur avec Ugo Bellagamba de Solutions non satisfaisantes : une anatomie de Robert A. Heinlein (2007). Il dirige avec Ugo Bellagamba et Daniel Tron les journées interdisciplinaires Sciences et Fictions à Peyresq.

Articles du même auteur

Simon Bréan

Maître de conférences en littérature française à l’université Paris-Sorbonne. Auteur de La Science-fiction en France, Théorie et histoire d’une littérature (Presses Universitaires Paris-Sorbonne, 2012). Secrétaire de rédaction de ReS Futurae.

Articles du même auteur

Samuel Minne

Professeur certifié de lettres modernes, secrétaire adjoint du CERLI. Secrétaire de rédaction de ReS Futurae.

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