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Boa viagem !
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Édito

Boa viagem !

Jean Marie Théodat

Texte intégral

1Un temps maussade règne sur l’Europe du Nord tandis que le Sud frise la canicule. En ce mois de juillet, certains prendront leurs quartiers d’été au Portugal, sur les bords du Tage, ou de l’Atlantique. Boa viagem !

2Vivement Lisbonne, le Chiado, Evora, etc. Il ne s’agit pas de refaire la publicité d’une destination archi connue, ni de vous allécher les papilles à l’évocation du Porto…, mais de rappeler la solennité de la tâche qui incombe, une fois de plus, à la patrie de Magellan, de Cabral et de Camoes : ouvrir de nouvelles voies à l’Union Européenne à laquelle elle doit tant, et dont elle assume depuis le premier juillet 2007 la présidence pour six mois.

3En effet, un autre temps maussade règne sur l’Europe depuis le double non référendaire français et néerlandais à la constitution de l’Union Européenne en 2005. Ce refus démocratique de la loi commune par deux des nations fondatrices sonna comme un désaveu implicite de tout le travail effectué depuis près d’un demi-siècle par les Six, puis Neuf, puis Douze, puis Quinze, etc. et enfin Vingt-Sept.

4Pour attester l’élargissement progressif du cercle des pays engagés dans le processus d’intégration économique, social et politique le plus audacieux jamais tenté entre d’anciens ennemis devenus des partenaires, ce décompte progressif exprime autant des ambitions stratégiques élevées  que la difficulté à fixer les cadres d’un projet défini, à bâtir sur des fondements communs.

5La constitution semblait offrir l’occasion de donner à l’Union Européenne cette légitimité qui lui a fait cruellement défaut jusqu’à ce jour et dont la manifestation la plus éclatante fut, en 2003, son incapacité à peser sur les événements : face à l’engagement belliqueux de la « nouvelle Europe » aux côtés des Etats-Unis, Jacques Chirac au nom de la France, Gerhardt Schröder, au nom de l’Allemagne, se trouvèrent bien seuls et, surtout, incapables de dissuader Georges Bush d’entrer en Irak sans passer par l’ONU. Faute d’une politique étrangère commune, l’Union Européenne a suivi l’évolution de la crise internationale ouverte par l’invasion de l’Irak en spectatrice. Sauf à jouer, en ordre dispersé, les supplétifs aux côtés des Américains sur les différents points chauds de la planète, les pays européens ont besoin d’une charte commune pour fonder une diplomatie d’envergure, à la mesure de leurs ambitions.

6Depuis, les temps ont changé. L’Union Européenne s’est encore agrandie avec l’entrée à Bruxelles de pays comme Chypre, la Roumanie, la Bulgarie et Malte. De nouvelles élections ont permis de rajeunir le personnel et de donner du mordant aux ambitions européennes. Angela Merkel, en Allemagne, José Luis Zapatero en Espagne, Romano Prodi en Italie, le premier ministre José Socrates au Portugal, Lech Kaczynski en Pologne, et Nicolas Sarkozy en France, relèvent d’une génération politique qui n’a pas participé aux joutes oratoires provoquées par la deuxième guerre d’Irak, et en ce sens, elle se sent moins complexée par les remords ou les regrets liés à cette époque. L’Europe du Nord n’est pas en reste où les sociaux-démocrates sont en perte de vitesse, remplacés en Norvège, au Danemark et en Suède par des partisans d’une droite plus conservatrice et plus libérale dans ses orientations économiques. Ces nouveaux leaders ont en commun de n’avoir pas participé aux tiraillements de l’année 2003 qui ont vu se distendre le lien continental entre « Vieille » et « Nouvelle » Europe. Aussitôt élu, Nicolas Sarkozy s’est rendu à Bruxelles, avant même l’étape allemande, passage consacré de tout nouveau mandat français depuis de Gaulle. Pour preuve du « retour de la France en Europe », le nouveau président se fit l’ardent partisan d’un « mini-Traité » de façon à lever l’hypothèque jetée par le retentissant « non » de 2005. Par sa présence à Bruxelles, le nouveau président venait, comme à Canossa, rechercher l’onction bruxelloise qui permît à Paris de jouer de nouveau un rôle moteur au sein de l’Union Européenne, autant dire de la politique mondiale.

7Depuis son entrée dans la Communauté Européenne en 1986, le Portugal a connu une évolution marquée par la reconversion réussie d’une économie rurale et semi-développée, sujette à l’exode de sa force de travail, en un pays intégré au dispositif européen, attractif, où affluent les investissements internationaux et une immigration importante en provenance d’Afrique essentiellement. Le pays a beaucoup apporté à l’Europe, par son histoire glorieuse et le rayonnement de sa culture en Afrique, en Amérique. L’Europe a beaucoup apporté au Portugal depuis une vingtaine d’années, le chemin parcouru est considérable, mais les défis en vue des avancées futures ne le sont pas moins. Le mandat est clair : dans l’immédiat, donner un regain de vigueur au chantier du Traité de remplacement de la Constitution défunte pour une signature en décembre 2007 ; à plus long terme, il s’agit de préparer la collaboration en direction des pays méditerranéens, et faire des propositions durables en vue du règlement du dossier migratoire avec les pays africains. La présidence portugaise a la responsabilité historique de tirer l’Union Européenne de l’ornière où l’a placée le double rejet de la Constitution de 2005. Tony Blair, durant la présidence britannique (juillet-décembre 2005) s’y était essayé, mais sans succès, la présidence autrichienne qui suivit n’en pouvait pas faire davantage. Il revient à la présidence allemande et au talent de diplomate de la chancelière Angela Merkel d’avoir désarmé les réticences polonaises tout en contrant l’immobilisme britannique, pour remettre sur les rails le projet de texte fondamental européen. Il n’est plus question de constitution désormais, mais d’un Traité : l’esprit sans la lettre. Ce pas de clerc permet de conserver l’essentiel de la Constitution sans effaroucher les partisans d’une union plus lâche et plus flexible.

8Mais le Portugal est également aux premières loges dans le cadre du partenariat privilégié que l’Union souhaite établir avec le Brésil. La récente visite du président Lula à Bruxelles ne pouvait mieux tomber : elle symbolisa une entrée solennelle du Portugal sur le devant de la scène européenne : qui mieux que José Manuel Barroso pour donner l’abraço des retrouvailles au Brésilien ? Qui mieux que le Portugal pour ouvrir des voies nouvelles où moment où se présentent de nouveaux défis ? Nous sommes embarqués, et le Portugal est à la barre.

9Déjà se sent la frénésie du voyage. Nous recommandons particulièrement le Portugal (1950) de l’excellent Miguel Torga qui commence ainsi, en cicérone visionnaire, la visite guidée de son beau pays « Je vais vous parler d’un Royaume merveilleux. Bien que maintes gens disent le contraire, toujours il y eut et aura des royaumes merveilleux en ce monde. Ce qu’il faut, pour les voir, ce sont des yeux qui ne perdent pas leur innocence originelle devant la réalité, et le cœur, alors, n’hésite pas ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean Marie Théodat, « Boa viagem ! », EchoGéo [En ligne], 1 | 2007, mis en ligne le 25 janvier 2010, consulté le 06 mars 2014. URL : http://echogeo.revues.org/2035

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Auteur

Jean Marie Théodat

Rédacteur en chef

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