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La phonétique dans l'enseignement de l'anglais aux spécialistes d’autres disciplines : enjeux et priorités
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La phonétique dans l'enseignement de l'anglais aux spécialistes d’autres disciplines : enjeux et priorités

Teaching English phonetics to ESP students: issues and priorities
Alain Diana
p. 10-21

Résumés

La phonétique est rarement enseignée à des spécialistes d’autres disciplines, car son utilité n'est pas toujours reconnue. Nous passerons en revue les arguments en faveur d'un tel enseignement, et nous discuterons de la nécessité ou non d'adopter un modèle anglophone. Puis nous chercherons quelles sont les priorités à établir dans un tel cadre, au niveau suprasegmental (intonation, accent, rythme) comme au niveau segmental (voyelles et consonnes). L'idée d'un amalgame de diverses prononciations sera approfondie pour tenter de déboucher sur l'ébauche d'un programme spécifique s'adressant aux spécialistes d’autres disciplines.

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Texte intégral

  • 1  Les étudiants en LANSAD ont des besoins différents lorsqu’ils étudient une langue étrangère, et en (...)
  • 2  http://media.education.gouv.fr/file/capes_ext/14/6/RJC_2010_CAPES_externe_anglais_150146.pdf (...)

1L'enseignement de l'anglais aux spécialistes d’autres disciplines, même s'il est beaucoup plus axé sur l'oral que par le passé, ne comporte que rarement une composante phonétique. La nécessité de communiquer est mise en avant, mais en règle générale, on ne se préoccupe guère de prononciation. Les raisons en sont multiples. On peut citer l'idée qu'il suffit de se faire comprendre et que la communication en anglais se fera principalement avec des non anglophones. Ou encore que c'est la correction grammaticale qui prime sur le reste. Enfin, peu d'enseignants ont bénéficié d'une formation en phonétique/phonologie leur permettant de pouvoir l'intégrer utilement à leurs cours et de déterminer ce qui serait véritablement nécessaire pour des étudiants de formation LANSAD (LANgues pour Spécialistes d’Autres Disciplines)1). La phonétique et la phonologie sont parfois absentes de certains cursus menant à l'enseignement de l'anglais. Au niveau des concours de recrutement, seule l'épreuve de linguistique à l'écrit de l'agrégation externe comporte une partie phonologie, même si dans l'une des épreuves orales du nouveau CAPES les candidat(e)s doivent proposer des pistes d'exploitation de documents « en fonction des compétences linguistiques (lexicales, grammaticales, phonologiques) »2.

2Nous étudierons dans l'ordre la nécessité d'enseigner la phonétique dans une perspective pédagogique, l'utilité ou non d'un modèle anglophone et les priorités à établir dans l'utilisation des notions de phonétique. Puis nous ébaucherons un programme et évoquerons deux aspects concrets de sa mise en pratique.

1. Pourquoi enseigner des éléments de phonétique en LANSAD ?

3Même si l'on considère que seule la communication compte, il est indispensable de connaître les éléments essentiels de l'anglais parlé, afin d'apprendre à les percevoir et, le cas échéant, de pouvoir les reproduire.

4Le dénominateur commun aux principaux accents du monde anglophone étant le système accentuel et rythmique, la première étape consistera à faire prendre conscience du poids différent des syllabes en anglais selon leur position dans le mot ou dans la phrase. Dans le même temps, il faut faire émerger la notion fondamentale de « formes réduites » et de « formes pleines » (on peut prendre comme exemples Japan et Japanese). De manière générale, les phénomènes prosodiques ou suprasegmentaux (accentuation, rythme et, à un moindre degré, intonation) devraient être valorisés par rapport aux sons eux-mêmes. Cela ne signifie pas qu'il faut négliger ces derniers, mais trop souvent l'apprentissage de la phonétique se résume aux sons, rythme et intonation étant passés sous silence.

5Percevoir certains sons de l'anglais qui n'existent pas en français et pouvoir les reproduire de manière à être bien compris, sans effort excessif de l'interlocuteur [Kenworthy (1987 : 3) parle de « comfortably intelligible »]est également essentiel. Si tel n'est pas le cas, seuls d'autres francophones seront, a priori, à même de comprendre. Comme l'expliquent Yates & Zielinski (2009: 11), cela a aussi d'autres conséquences:

Learners with good pronunciation will be understood even if they make errors in other areas, while those with unintelligible pronunciation will remain unintelligible, even if they have expressed themselves using an extensive vocabulary and perfect grammar. What is more, people are likely to assume that they don’t know much English, and – worse – that they are incompetent or even stupid.

6Voilà un aspect non négligeable dans le cadre de négociations avec des anglophones par exemple, l'écueil inverse étant de faire une présentation dans un anglais très acceptable, mais de ne pas comprendre les questions qui pourraient être posées par la suite. On sait que selon le métier exercé, les conséquences peuvent être plus ou moins dramatiques (dans le cas des contrôleurs aériens par exemple). Il faut donc pouvoir convaincre les spécialistes d’autres disciplines qu'une prononciation adéquate facilite nettement les échanges, l'autre volet étant le lien avec la compréhension orale. Les sons n'étant jamais indépendants les uns des autres, il ne suffit pas de savoir les prononcer individuellement pour comprendre une phrase anglaise, même si on en connaît tous les termes.

7C'est à cela qu'on voit rapidement les limites d'une « phonétique » qui se limite à enseigner voyelles et consonnes. Les règles de ce que l'on appelle communément « connected speech » sont prépondérantes. En fonction du niveau et des objectifs des spécialistes d’autres disciplines, on pourra éventuellement leur présenter les variations sociales (différentes manières de parler, codes culturels) et les variétés d'accents qui impliquent de se familiariser avec un système vocalique (principalement) parfois radicalement différent, avec souvent une caractéristique ou deux qui ressortent (Hughes & Trudgill 2005 : 39 et 59).

8S'il ne saurait être question de cours théoriques, toute activité qui permet de donner des repères essentiels (à partir d'enregistrements audio ou vidéo par exemple) et en même temps permet de comprendre que l'anglais parlé est un tout cohérent et non pas une nébuleuse arbitraire sera d'une grande aide pour des francophones.

2. Un modèle d'anglais parlé est-il indispensable ?

  • 3  NRP : Non Regional Pronunciation pour Collins & Mees (2008).

9Traditionnellement, on utilise fréquemment deux modèles pour l'anglais parlé : un accent « standard » britannique le plus souvent appelé RP (ou Received Pronunciation3) et un accent « standard » américain connu sous le nom de GA (ou General American). Ce qui se comprend pour des locuteurs qui se destinent à l'enseignement, par exemple, n'est pas forcément un bon choix pour des spécialistes d’autres disciplines qui n'ont pas à servir de modèle pour des élèves. L'essentiel pour eux sera plus probablement le degré d'intelligibilité de leur anglais parlé dans un contexte donné.

  • 4  L1 : langue maternelle ; L2 : langue étrangère.
  • 5  “Teaching and learning the pronunciation of English as an additional language.”

10Trop souvent, on trouve une absence de modèle mais également de cadre pour la prononciation de l'anglais dans le cas des spécialistes d’autres disciplines. L'internationalisation des échanges amène à penser qu'il n'est pas nécessaire de se préoccuper d'un modèle car les interactions en langue étrangère se feront en grande partie avec d'autres locuteurs non anglophones. D'où aussi les propositions d'un modèle « English as a lingua franca » ou encore du « globish » où chacun conserve, peu ou prou, la prononciation de sa L14. L'inconvénient majeur de cette position est que nul ne peut prévoir si, à un moment donné, il ne sera pas confronté plus fréquemment à des locuteurs anglophones et à la nécessité d'être compris par eux. Ce problème est abordé par Cruttenden (2008, ch.135 : 315-37) qui propose de distinguer deux autres catégories en dehors de RP : « Amalgam English » et « International English ». Cruttenden reconnaît que ces deux catégories sont assez proches mais correspondent à des usages différents de la langue parlée (317) :

There are those who use it as an L2 and/or lingua franca within their own country […] and who may only have limited meetings with L1 speakers; such learners may wish to aim at a version of AMALGAM ENGLISH, based on an amalgam of native-speaker Englishes, together with some local features arising from a local L1. There are also those speakers of INTERNATIONAL ENGLISH who use it as a lingua franca on a more international basis and need a minimum standard for occasional communication.

11La proposition de Cruttenden permet de se libérer de la référence à un modèle et de se rapprocher des préoccupations des spécialistes d’autres disciplines. Cependant, les deux catégories qu'il propose gagneraient à être regroupées, car elles ne recoupent pas nécessairement les besoins du LANSAD, la catégorie International English n'ayant à mon sens pas assez d'exigences pour ce public. Enfin, il reste la question du contenu d'un tel enseignement qu'il convient d'adapter à des francophones. Il va falloir déterminer quels éléments des modèles de prononciation utilisés jusqu'ici devraient être conservés dans cette approche.

3. Établir des priorités

12Un inventaire des erreurs les plus marquantes chez les francophones parlant anglais montre qu'elles portent en grande partie sur l'accentuation et le rythme, sur les contrastes entre les voyelles /i:/ et /ɪ/, ainsi que /ǝʊ/, /ɒ/ et /ɔ:/, sur les problèmes liés à /h/ et /r/, à l'aspiration des occlusives /p/, /t/ et /k/ et à la prononciation de /θ/ et /ð/ (Collins & Mees 2008 : 211).

13Kenworthy (1987 : 123) propose une approche qui permet une hiérarchisation de ces erreurs :

Some problems learners have need to be given high priority because they are vital for intelligibility; others do not affect intelligibility and can be given low priority […]. Learners may also have problems which can be given optional attention. These are features which, although they may contribute to a very noticeable foreign accent, will usually not lead to intelligibility problems […] In general, the areas of rhythm, word stress, and sentence stress are high priority areas for all learners.

14Pour Kenworthy, le classement des priorités pour les francophones est le suivant :

15High Priority concerne rythme et accent de mot ; la prononciation des consonnes /θ/ et /ð/ (bien qu’elle classe également ces deux consonnes dans la catégorie « Optional Attention »), l'absence de /t/ et /d/ dans /ʧ/ et /ʤ/, l'absence de /ŋ/ ou de /h/, la non aspiration de /p, t, k/ ; pour les voyelles, la confusion entre /i:/ et /ɪ/ (beat/bit), entre /ǝʊ/ et /ɔ:/ (low/law), entre /e/ et /eɪ/ (pen/pain) ainsi que /æ/ et /ʌ/ (cap/cup) ; et, pour terminer, certains problèmes de liaison.

16Low Priority concerne principalement l'articulation dentale de /t, d, l/, et les diphtongues /eɪ/ et /ǝʊ/.

17Dans la catégorie Optional Attention, on trouve la prononciation du /r/, du /ʊ/ de book, et l'accent contrastif.

18Collins & Mees (2008, section C6 : 208) suggèrent également de hiérarchiser les erreurs des locuteurs non natifs :

In general terms, we can rank errors in the following way.
1. Errors which lead to a breakdown of intelligibility.
2. Errors which give rise to irritation or amusement.
3. Errors which provoke few such reactions and may even pass unnoticed.

19En ce qui concerne plus particulièrement les francophones, elles placent le contraste vocalique entre /ɪ/ et /i:/, l'effacement du /h/ et l'accent de mot dans la première catégorie. Dans la seconde catégorie, un /r/ inapproprié, le problème du th-, les contrastes vocaliques entre /u:/ et /ʊ/ et entre /ɒ/ et /ɔ:/, les allophones de /l/ et la présence, ou absence, inadéquate du /r/ en finale selon le modèle d'accent choisi (RP ou GA). Dans la troisième, elles mettent l'intonation, l'absence de consonnes syllabiques (comme dans bottle prononcé /ˈbɒtǝl/, par exemple) et l'accentuation des composés.

20Avec la prise en compte des difficultés spécifiques aux francophones, on voit apparaître une ébauche de programme sélectif qu'il convient éventuellement de confronter aux éléments communs aux principales variétés d'anglais (Cruttenden 2008 : chapitre 7). L'intérêt de ce classement est qu'il est accessible aux spécialistes d’autres disciplines de phonétique, car il met en valeur les éléments essentiels. Il permet également de relativiser les erreurs et de montrer que celles qui sont les plus dérangeantes pour les enseignants ne le sont pas forcément pour que ces énoncés soient intelligibles par d'autres locuteurs, qu'ils soient natifs ou non.

4. Ébauche d'un programme

21Nous allons tenter d'effectuer une synthèse des priorités établies en fonction des catégories phonologiques, tout en gardant à l'esprit que la prononciation est un tout et que le découpage en unités ne s'acquiert que graduellement (Huart 2010 : 6).

A. Prosodie

22Au niveau des éléments prosodiques (intonation, rythme, syllabes accentuées/inaccentuées), la priorité sera accordée au rythme et aux schémas accentuels les plus courants. Il est indispensable de développer la conscience du poids des syllabes en anglais et de l'importance de la « réduction vocalique » (et, si possible, introduire le symbole /ǝ/ à ce stade) car, toujours d'après Huart (2010 : 9),

… apprendre et enseigner l'anglais exigent le respect de son système accentuel qui est à l'origine de pratiquement toutes les difficultés de production et de reconnaissance des francophones.

23L'une des premières étapes sera celle des formes réduites (mots de liaison, auxiliaires, etc., Huart 2010 : 216-18), en conjonction avec les règles de base de l'accent de mot (mots de deux syllabes, puis de trois syllabes et plus) qui englobent les suffixes contraignants pour l'accent. Les principaux suffixes sont bien connus : -ic, -ity, -ion, ou plus généralement -i / -e / -u suivis d'une voyelle, ou encore -ate, pour les mots de 3 syllabes et plus. Dans tous les domaines de l'anglais de spécialité, on retrouve une importante concentration de termes abstraits, suffixés ou préfixés d'origine latine ou grecque par exemple. Connaître les règles accentuelles qui les régissent est un atout considérable pour être bien compris (Fournier 2010 : 3). Un travail spécifique sur les suffixes les plus courants dans leur spécialité serait très bénéfique pour des étudiants en LANSAD devant présenter des travaux de recherche par exemple. La combinaison de ces deux facteurs (utilisation de formes réduites et connaissance des règles régissant l’accent de mot) permet d'obtenir un rythme plus proche de l'anglais parlé par des locuteurs anglophones et donc de gagner en clarté et en efficacité.

24En ce qui concerne l'intonation, la priorité portera sur l'existence d'un noyau intonatif, et sur son placement, même s'il est souhaitable d'avoir des notions sur les tons dans les questions. Comme le dit Cruttenden (2008: 328):

The movability of the nucleus to different places in intonational phrases (particularly one-phrase sentences) should be regarded as one of the prime features of an English accent, making it easily intelligible to native speakers.

25Savoir mettre en valeur certains éléments du discours est primordial dans le cadre d'échanges avec des locuteurs natifs, bien plus que les variations mélodiques, et ce malgré des différences d'amplitude généralement importantes entre le français et l'anglais.

B. Sons

26Ce qui est prioritaire au niveau des sons, c'est la réduction du nombre de phonèmes et donc de contrastes concernant les voyelles.

a. Voyelles et diphtongues

27L'utilisation d'un trapèze vocalique peut éventuellement se justifier pour mieux visualiser les voyelles de l'anglais et les contraster avec celles du français, mais il ne faut pas oublier que c'est un outil articulatoire approximatif, qui n'est pas parfaitement corrélé par les données acoustiques.

  • 6  Voir également Cruttenden 2008 :148-153.

28On peut se dispenser en priorité des diphtongues « centralisantes » /ɪǝ/, /eǝ/ et /ʊǝ/ (dans beer, bear et poor) qui proviennent de l’affaiblissement, puis de la disparition du [r] post-vocalique en anglais britannique au dix-huitième siècle. Ces diphtongues sont en constante régression depuis cette époque comme, par exemple, la distinction entre /ɔ:/ et /ɔǝ/ (Shaw/shore) qui est devenue obsolète et n’est plus enseignée6. Cruttenden (2008: 149) note qu’au lieu de la diphtongue /ɪǝ/: « Increasingly, pronunciations with a monophtong [ɪ:] can be heard within General RP ». Par ailleurs, Collins & Mees (2008 : 100) ont remplacé le symbole /eǝ/ par /ɛ:/ pour indiquer la perte de diphtongaison. Enfin, ces diphtongues n'existent pas en anglais américain du fait de la prononciation du -r final.

29Cruttenden (2008 : 328) suggère que le contraste entre /ʌ/ et /ʊ/ n'est pas productif et peut être neutralisé, ce qui est déjà le cas dans le nord de l'Angleterre et rapprocherait la prononciation de luck et look par exemple. Les diphtongues sont quasiment inexistantes dans l'anglais parlé en Écosse, et réduites dans d'autres accents, ce qui lui permet également d'argumenter que /ǝʊ/ et /eɪ/ pourraient devenir /o:/ et /e:/ sans perte d'intelligibilité. Le système pourrait donc être réduit à 13 ou 14 voyelles et diphtongues (voir tableaux 1, 2, 3) :

Tableau 1 : voyelles brèves/relâchées

ɪ

e

æ

ʊ

ǝ

sit

let

cat

book

a, butter

(cut, stun)

cut, burn, first, fern

Tableau 2 : voyelles longues/tendues

i:

e:

ɑ:

ɔ:

o:

u:

seat

bear

bar

door

boat

root

beard

ray

lot

Tableau 3 : diphtongues

ɔɪ

rice

out

boy

30Ce qui est primordial, c'est donc moins la recherche de la précision dans la prononciation d'un son, qui d'ailleurs ne peut être que relative, qu'une distance suffisante entre les sons produits pour permettre une perception optimale.

b. Consonnes

31Au niveau des consonnes, il s'agit de se demander quels autres sons peuvent les remplacer sans perte d'intelligibilité.

32Pour bien distinguer /p, t, k/ de /b, d, g/, il est nécessaire de conserver l'aspiration en position initiale et de faire prendre conscience du risque de confusion si tel n'est pas le cas, étant donné le nombre important de paires minimales utilisant ces occlusives (pat/bat, tin/din, etc.). Par contre, le fait d'utiliser un /t/ dental comme en français ne gêne pas la compréhension.

33En ce qui concerne /θ/ et /ð/, les avis sont partagés. Kenworthy (1987) explique simplement que les francophones remplacent souvent ces deux sons par /s/ et /z/, et que préserver la distinction entre /θ/ et /s/ d’une part, et /ð/ et /z/ d’autre part, est prioritaire. Par contre, Cruttenden (2008) pense qu'ils peuvent être remplacés par /t/ et /d/, tout en ajoutant qu'ils peuvent éventuellement être remplacés par /s/ et /z/.

34La question ici n'est pas tant liée à la phonétique qu'à la sociolinguistique. En effet, il peut parfois y avoir confusion selon le contexte, en particulier si l'on prononce /sik/ (avec de plus une voyelle francisée) au lieu de /θɪk/. Mais le principal effet est d'être reconnu et classé comme francophone. Par contre, remplacer /θɪk/ par /tik/ ou dire /dæt/ pour /ðæt/, fait penser à un accent jamaïcain. Si, par contre, on remplace /θ/ et /ð/ par /f/ et /v/ (/fɪk/ et /væt/), phénomène que l'on nomme TH-fronting (Hugues & Trudgill 2005), on retrouve la prononciation adoptée par bon nombre de jeunes locuteurs originaires de Londres et des grandes villes, et connue sous le nom de Estuary English (Diana 2005). Contrairement à ce que l'on peut parfois lire, remplacer /θ/ par /f/ n'est pas un obstacle à la compréhension, sinon les jeunes Londoniens éprouveraient des difficultés à se faire comprendre, mais reflète simplement le fait que, du point de vue articulatoire, /f/ et /v/ (consonnes labio-dentales) sont plus proches de /θ/ et /ð/ (dentales) que ne le sont /s/ et /z/ (alvéolaires). Pour les francophones, il existe donc des alternatives à /s/ et /z/ dont l'acceptabilité représente le seul critère.

35Le cas du /h/ est un peu différent. Ne pas le prononcer à l'initiale des mots lexicaux (h-dropping), historiquement typique du Cockney, est encore stigmatisé de nos jours dans certains milieux. C'est ce qu'explique Cruttenden (2005: 326):

Many learners (like many broad regional pronunciations among native speakers) will have a tendency to drop initial /h/. On strictly functional terms, dropping of /h/ cannot be defended: word contrasts between absence and presence of /h/, e.g. heat-eat, hill-ill, hear-ear are few, so there is unlikely to be misunderstanding. But the dropping of /h/ is so stigmatised as 'uneducated' by many native speakers that anyone anticipating regular contact with native speakers should learn to use it appropriately.

36À vrai dire, le contraire se produit parfois, certains francophones ayant tendance à ajouter un /h/ devant une voyelle initiale créant ainsi un hiatus (ce qui prouve que la non prononciation du /h/ à l’initiale ne relève pas d'une incapacité physique à le prononcer).

37Une plus grande tolérance sera facilement admise pour /l/ dans la mesure où les allophones de /l/ varient selon les accents (GA ou irlandais par exemple). Quant au <r>, il peut être prononcé partout où il apparaît dans l'orthographe, comme c'est le cas pour une majorité d'anglophones de par le monde. Par contre, utiliser une qualité de /r/ différente de celle du français (même si c'est le flap écossais) évite d'être trop vite catalogué comme un francophone ayant un fort accent.

C. « Connected speech »

  • 7  Emmanuel Ferragne, Université Paris Diderot : communication personnelle.

38Les phénomènes d'élision, de liaison et d'assimilation, typiques des native speakers, ne paraissent pas prioritaires pour des spécialistes d’autres disciplines ; néanmoins, proposer l'élision de certaines consonnes dans les agrégats consonantiques en particulier (lorsque trois consonnes ou plus se succèdent) permet d'améliorer la fluidité du discours. On peut prendre comme exemple she asked him où l'élision de /k/ et de /h/ (/ʃi ɑ:s(k)t (h)ɪm/) permet une économie d'énergie et favorise l'élocution. De manière générale, on peut avoir l'intuition que viser une justesse de prononciation se fait au détriment de la rapidité d'élocution7.

4. Vers une mise en pratique

39Le propos de cet article n'était pas de proposer une méthode d'enseignement, mais de rechercher une approche de la prononciation qui soit la mieux adaptée à un public spécifique. Voici simplement deux pistes à explorer :

40Si la transcription phonémique n'est en elle-même pas très utile pour des spécialistes d’autres disciplines, l'utilisation de symboles tirés de l'alphabet phonétique permet de disposer de références stables (chaque symbole représentant toujours le même son) et donc de prendre de la distance par rapport à l'orthographe de l'anglais qui n'a pas évolué au rythme de la prononciation. Il est important de pouvoir découvrir les principales règles du rapport entre l'orthographe et la prononciation (graphie/phonie) tout particulièrement dans le cadre de l'anglais de spécialité (Huart 2010 : ch.15).

41Il existe diverses versions interactives de l'alphabet phonétique. Par exemple, la « phonemic chart » du British Council, très utile pour l'apprentissage des symboles. Malheureusement les enregistrements sonores proposés dans ce tableau sont ceux d'un modèle très conservateur où la différence voyelles courtes/voyelles longues est nettement exagérée.

42Diverses approches sont possibles pour l'enseignement de la prononciation selon les priorités qui auront été définies. L'une d'elles semble assez flexible pour lui permettre de s'adapter à n'importe quelle situation (Fraser 2001 : 11) :

The communicative approach to teaching pronunciation: ‘communicative’ in four ways:
1. teaches material which is useful for real communication outside classroom
2. order of teaching is based on what is most important to listeners in communication
3. learners are taught to think of speech as communication and pay attention to needs of listener
4. focus on good communication between teachers and learners about pronunciation itsel
f.

43Voilà qui correspond bien aux besoins des spécialistes d’autres disciplines et permet de sortir d'un fonctionnement en termes d'erreur ou de faute, trop souvent en vigueur dans l'enseignement secondaire, et qui n'a plus lieu d'être à leur niveau. Le but est de considérer si une prononciation est appropriée au contexte de communication et intelligible. Il est donc important de pouvoir effectuer des opérations de discrimination, plus particulièrement dans le domaine des sons comme l'indique encore Fraser (2001 : 20/21) :

By far the majority of pronunciation problems stem not from physical, articulatory causes, but from cognitive causes. In other words, the problem is not that the person can’t physically make the individual sounds, but that they don’t conceptualise the sounds appropriately – discriminate them, organise them in their minds, and manipulate them as required for the sound system of English.

44Il en en de même pour le système accentuel, à la base de toute communication réussie :

Stress is one of the main tools used in English to convey word and sentence meanings. It is essential for speakers to control the stress system if they are to speak English intelligibly, and indeed this is a major problem for many learners. But the problem is not that they can’t physically produce stressed and unstressed syllables.

Conclusion

45Guider des spécialistes d’autres disciplines vers une prononciation ainsi qu'une compréhension appropriées ne nécessite pas à tout prix un enseignement de phonétique théorique, mais bien une hiérarchisation des difficultés auxquelles ces spécialistes d’autres disciplines vont être confrontés. Le but est de leur permettre d'être parfaitement intelligibles dans tous les contextes, y compris bien évidemment, dans des échanges avec des locuteurs natifs. Les exigences pourront varier en fonction du contexte, mais certaines sont pratiquement incontournables pour communiquer efficacement, quel que soit le modèle d'anglais (ou l'absence de modèle) choisi. Les possibilités de simplification sont nombreuses, surtout pour les voyelles qui constituent par ailleurs l'un des obstacles majeurs à la compréhension de l'anglais parlé. Dans l'idéal, il conviendrait d'avoir une bonne connaissance du système phonologique et des variétés d'accents pour pouvoir guider au mieux les spécialistes d’autres disciplines.

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Bibliographie

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Fournier, J.-M. 2010. Manuel d'anglais oral. Paris : Ophrys.

Gilbert, J. B. 2008. Teaching pronunciation: Using the prosody pyramid. Cambridge: Cambridge University Press.

Ginesy, M. 1995. Mémento de phonétique anglaise. Paris: Nathan.

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Sites internet : diagrammes des voyelles

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http://www.teachingenglish.org.uk/try/activities/phonemic-chart (British Council).

http://www.macmillanenglish.com/methodology/phonetic-chart.htm

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Notes

1  Les étudiants en LANSAD ont des besoins différents lorsqu’ils étudient une langue étrangère, et en particulier l’anglais. Dans cet article, ces différents contextes ne pourront pas être pris en compte. Le postulat de base est que les remarques sur la phonétique concernent tout public non spécialiste qui est confronté à la langue parlée sans distinction de spécialité.

2  http://media.education.gouv.fr/file/capes_ext/14/6/RJC_2010_CAPES_externe_anglais_150146.pdf

3  NRP : Non Regional Pronunciation pour Collins & Mees (2008).

4  L1 : langue maternelle ; L2 : langue étrangère.

5  “Teaching and learning the pronunciation of English as an additional language.”

6  Voir également Cruttenden 2008 :148-153.

7  Emmanuel Ferragne, Université Paris Diderot : communication personnelle.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alain Diana, « La phonétique dans l'enseignement de l'anglais aux spécialistes d’autres disciplines : enjeux et priorités », Cahiers de l’APLIUT, Vol.XXIX N° 3 | 2010, 10-21.

Référence électronique

Alain Diana, « La phonétique dans l'enseignement de l'anglais aux spécialistes d’autres disciplines : enjeux et priorités », Cahiers de l’APLIUT [En ligne], Vol.XXIX N° 3 | 2010, document 2, mis en ligne le 24 mars 2011, consulté le 07 mars 2014. URL : http://apliut.revues.org/577 ; DOI : 10.4000/apliut.577

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Auteur

Alain Diana

Alain Diana est Maître de Conférences à l'Institut d'anglais Charles V, Université Paris Diderot. Il y enseigne la phonétique et la phonologie de l'anglais. Il s'intéresse plus particulièrement à l'intonation et à l'enseignement de la prononciation.
alain.diana@univ-paris-diderot.fr

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Droits d'auteur

Association des Professeurs de Langues des Instituts Universitaires de Technologie

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  •  
    • Titre :
      Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité
      Cahiers de l'APLIUT
      En bref :
      La revue diffuse les résultats de recherches liées à l'enseignement et l'apprentissage des langues de spécialité, notamment en IUT
      Research papers related to teaching and learning languages for specific purposes
      Sujets :
      Langage, Linguistique, Sciences de l'éducation
    • Dir. de publication :
      Jean-Christophe Szombati
      Éditeur :
      Association des Professeurs de Langues des IUT (APLIUT)
      Support :
      Papier et électronique
      EISSN :
      2119-5242
      ISSN imprimé :
      2257-5405
    • Accès :
      Open access Freemium
    • Voir la notice dans le catalogue OpenEdition
  • DOI / Références