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Pierre Garrigou Grandchamp (dir.), La maison au Moyen Âge
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Comptes rendus

Pierre Garrigou Grandchamp (dir.), La maison au Moyen Âge

Numéro spécial du bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, 2006, 256 p.
Bastien Lefebvre
Référence(s) :

Pierre Garrigou Grandchamp (dir.), La maison au Moyen Âge, Numéro spécial du bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, 2006, 256 p.

Texte intégral

1L’ouvrage intitulé La maison au Moyen Âge est un recueil de onze contributions réunies à l’occasion de l’université d’été de 2003 organisée par Via Patrimoine et publié sous la forme d’un bulletin spécial de la Société Archéologique et Historique de la Charente. Dans ce livre, composé de 256 pages, chaque article aborde d’une manière assez différente un aspect particulier de la maison médiévale. Seule la première contribution rédigée par Pierre Garrigou Grandchamp fait exception puisqu’elle propose une synthèse des connaissances générales sur la question de la maison médiévale entre le 12e s. et le 15e s. Dans les autres contributions plusieurs aires géographiques telles que la Bretagne, la Haute-Normandie ou le Sud-Ouest, et des villes de France comme Villeneuve-lès-Avignon, Lille ou Provins sont abordées de manière plus ou moins approfondie.

2L’aspect général de cet ouvrage est au final assez hétérogène : la diversité des articles l’emporte davantage sur leur unité si bien qu’il semble difficile d’en rendre compte d’une autre manière qu’en le présentant contribution par contribution, auteur par auteur.

3L’article de Pierre Garrigou Grandchamp se présente comme une introduction efficace à l’étude des maisons médiévales. Après avoir montré quels sont les principaux modèles de la maison médiévale sur un plan fonctionnel, l’auteur propose une “ grille d’analyse ” afin d’appréhender les différentes composantes de ces demeures. Il dépeint les faits saillants de leur évolution en prenant toutefois le soin de signaler les questionnements, les incertitudes et les doutes de ces “ études sérielles ”. Même les écarts au modèle, les “ formes atypiques ” sont mentionnées et débattues. Le ton clair, l’illustration fournie et la présence d’une bibliographie conséquente font sans doute de cet article la synthèse à ce jour la plus complète sur le thème de la maison médiévale en France.

4Suit l’article le plus atypique de tout l’ouvrage : il est consacré aux palais d’été des cardinaux d’Avignon au 14e s. et signé de Bernard Sournia et Jean-Louis Vayssettes. Une bonne idée de départ : prendre appui sur les vestiges encore existants de ces constructions et surtout sur un étonnant texte d’un diplomate florentin relatant les fêtes tenues dans ces palais en 1343. Mais en fait l’article consiste plutôt en une longue paraphrase d’un texte qui est proposé en version originale et traduit dans 24 pages d’annexes, certes accompagné de notes explicatives fort enrichissantes, mais qui fut déjà publié à de nombreuses reprises. Malgré cela, il est bien difficile de distinguer dans l’article les renseignements fournis par le texte et ceux issus de l’observation du bâti. Nulle part la confrontation entre les deux sources n’est présentée ! Et si l’économie n’est pas faite de beaux dessins restituant efficacement les volumes de ces palais, en revanche aucun plan n’est donné, si bien que leur organisation reste difficile à percevoir.

5Plus traditionnel, l’article suivant concerne une approche monographique de l’habitat grenoblois du 12e au 14e s. En s’appuyant sur des exemples bien documentés issus de fouilles ou d’études du bâti, Alain de Montjoye propose une vision claire de différents aspects de l’habitat médiéval de la ville sans omettre d’ouvrir la réflexion sur le contexte urbain des constructions servant d’exemples. L’auteur a véritablement choisis de traiter l’ensemble de la question de l’habitat, faisant fi de la nature des sources. Il faut saluer ici la place importante donnée à l’archéologie du sous-sol qui permet d’obtenir une vision de l’habitat construit en matériaux légers. En effet, une fouille réalisée dans la cour de l’ancien évêché a permis de restituer une maison construite sur sablières basses vers 1100, alors qu’il ne semble pas exister de maison en pierre encore conservé en élévation pour cette même époque. Il faut également souligner la bonne qualité des illustrations et le phasage en couleur des relevés pierre à pierre qui permet une lecture aisée de ces dessins. Bien inséré dans le propos, l’accent est parfois mis sur certains détails architecturaux : on notera en particulier les beaux exemples de souches de cheminées conservées entières dans la surélévation des maisons. Toutefois l’intérêt principal de cet article est de présenter de manière synthétique une aire géographique ayant jusqu’à présent fait l’objet de peu de publications. Efficace, cette belle synthèse ne se contente pas d’une étude alors uniquement architecturale qui n’aurait pris en compte que les maisons les plus prestigieuses et construites en pierre, mais aborde toute la thématique de l’habitat civil.

6Agnès Marin propose à la suite un article intitulé “ Divers aspects de l’habitat médiéval à Tournon d’Agenais (Lot-et-Garonne) ” et, contrairement à ce que le titre pourrait sous-entendre, il s’agit d’un article très bien organisé ! Après une introduction historique sur la ville, suivent les monographies de deux maisons construites chacune sur une vaste parcelle : la première, située rue de la Citadelle, fut sans doute édifiée au milieu du 13e s., tandis que la seconde, dite l’Abescat, plus importante avec une façade de 21 m (soit près du double de la précédente), fut construite sans doute dans la première moitié du 14e s. Viennent ensuite les monographies de deux maisons plus modestes positionnées côte à côte sur des parcelles laniérées donnant sur la rue du Couvent et sur une ruelle (androne) les séparant de la maison déjà étudiée rue de la Citadelle. La comparaison de ces maisons (documentées par un solide dossier graphique), étayée par un inventaire plus large, permet à l’auteur d’y voir un urbanisme concerté de l’agglomération médiévale. Des traits architecturaux communs sont mis en évidence, notamment la présence de portes à l’étage sans doute uniquement accessibles par une échelle. Autre singularité : à l’exception des maisons construites sur la place, aucune maison polyvalente n’a pu être identifiée : à Tournon d’Agenais il semble que les rez-de-chaussée soient réservés à une occupation domestique plutôt que commerçante.

7Les célèbres maisons médiévales de Cluny sont présentées par Jean-Denis Salvêque dans un article orienté sur leur programme architectural et leurs techniques de construction. Pas de véritables nouveautés sur ce corpus de maisons déjà bien connu, mais une présentation didactique bien rodée de l’évolution des maisons du bourg abbatial entre la fin du 11e s. et le 14e s. qui résume les travaux effectués en binôme avec Pierre Garrigou Grandchamp ; de surcroît, cette contribution est agrémentée de dessins d’une très grande qualité graphique ou de schémas simples mais suffisants. Dans ce texte, on appréciera particulièrement, pour son caractère exceptionnel, le paragraphe consacré à la maison située au 20 rue du Merle puisque celle-ci a été datée par dendrochronologie de 1091. Il s’agirait alors de la plus ancienne maison conservée en élévation à Cluny. L’auteur se pose alors la question de savoir si cet unique exemple est représentatif des maisons du 11e s. Tenté d’adhérer à cette thèse, Jean-Denis Salvêque insiste sur les deux principales particularités de cette demeure : elle est bâtie en pierre et sa façade n’est pas construite en front de rue ; au contraire la maison est placée au-delà d’une cour, elle-même séparée de la rue par un mur. La suite de la contribution aborde période par période les différents aspects de la maison médiévale (distribution, charpentes, éléments de confort…). On y retrouvera un paragraphe consacré aux transformations importantes que subit dans le courant du 12e s. la maison située au 20 rue du Merle.

  • 1  Plus récemment J.-D. Clabaut vient de publier un ouvrage consacré aux caves médiévales de Douai : (...)

8Un résumé du travail réalisé depuis plusieurs années déjà par Jean-Denis Clabaut constitue la sixième contribution de l’ouvrage ; face à Cluny, le corpus est ici assez ingrat puisqu’il est uniquement constitué des caves des maisons médiévales de Lille et Douai. Et franchement les conclusions pertinentes sont rares dans cet article qui résume pour beaucoup l’ouvrage déjà consacré aux caves médiévales de Lille et publié par l’auteur en 20011. Pourtant le postulat de départ est intelligent : chercher à connaître la configuration et l’évolution de la ville médiévale à travers l’observation des caves anciennes. Mais après la présentation, certes utile, d’une typologie des dizaines de caves recensées et leur interprétation chronologique, l’auteur se perd dans les conclusions alambiquées d’un paragraphe curieusement intitulé “ datation et interprétation ” pour finir par dénoncer avec un soin étonnant des lieux communs (comme par exemple le fait que les caves ne sont pas des souterrains permettant de gagner la campagne !). Ce sont ensuite toute une série de truismes qui sont mis en avant pour, enfin, indiquer que ces caves servaient au stockage et à la vente du vin ! Dans la même veine, la suite de l’article cherche à changer d’échelle d’analyse et à montrer les conclusions à tirer sur l’évolution urbaine. Trois exemples sont donnés mais les deux premiers ne renseignent finalement en rien le développement urbain ; seul le dernier exemple permet de tirer des conclusions sur la configuration du réseau viaire du Lille médiéval, mais force est d’en constater les limites puisque ces rues existent toujours et que la forme de l’enceinte est encore parfaitement lisible morphologiquement… Le dossier graphique très maladroit ne rattrape malheureusement pas l’ensemble.

9L’article de Dominique Pitte, quant à lui se propose d’aborder le sujet de la maison en pierre dans les villes de Haute-Normandie. Une grande partie de l’article recense les sources textuelles concernant ce sujet depuis la fin du haut Moyen Âge. Evidemment dans une région connue pour ces constructions à pan de bois, l’auteur passe par une confrontation de la maison en pierre avec celle en bois. À partir des sources écrites, l’auteur associe bon nombre de ces maisons au clergé régulier ou séculier, ainsi (et d’une manière assez significative) qu’à des membres de la communauté juive. D’après la documentation de la fin du Moyen Âge, il est même possible de lier ces maisons à d’importantes familles bourgeoises. Malgré ces considérations, Dominique Pitte se garde bien de conclure à une hiérarchisation entre maisons en pierre et à pan de bois, puisqu’au 15e s. ces dernières rivalisent d’arts et de techniques raffinés. Il cherche davantage à nuancer et à montrer l’hétérogénéité du paysage architectural de la Haute-Normandie, où les constructions en pierre, loin d’être inexistantes, ont peut-être été supplantées par l’essor de la construction à pan de bois. Présentées en guise de conclusion, les pistes de recherche proposées s’articulent autour de la question des matériaux : de leur exploitation à leur mise en œuvre. Il serait notamment utile de chercher à expliquer leur très grande diversité.

10C’est à Olivier Deforge que revient le soin de présenter les maisons de Provins. Celui-ci s’acquitte efficacement de sa tâche par un des plus courts articles de la série (16 pages). Cette synthèse est organisée d’une manière thématique particulièrement appréciable d’autant plus qu’elle est illustrée par des exemples nombreux et pertinents. Les particularités sont mises en avant avec soin, mais le lecteur se sent frustré (ou perplexe) lorsqu’il apprend que non seulement il existe des charpentes à fermes et pannes dans des maisons entre le 12e et le 14e s., mais surtout qu’elles sont prédominantes sur les structures à chevrons formant ferme ! Pourtant c’est surtout la légèreté de la conclusion qui nous laissera sur notre faim, mais l’auteur le précise : la synthèse de l’étude des maisons de Provins reste à faire même si le corpus déjà important bénéficie de nombreuses publications récentes.

11Vient ensuite un article thématique plein d’érudition qui aborde un type d’habitat encore peu connu : dans une démonstration aux exemples particulièrement nombreux, Yves Esquieu dresse une première analyse de l’étude des tours résidentielles aristocratiques en milieu urbain. Centré sur les constructions d’inspiration romane, son propos distingue deux catégories : la première composée par de véritables tours de plan carré, disposant d’un accès à l’étage qui s’apparentent quasiment à des ouvrages militaires (mais sans élément défensif), la seconde constituée de constructions plus trapues et disposant d’un refend ou d’un pilier central, d’après les exemples fournis elles paraissent plus nombreuses en France septentrionale et dans la moyenne vallée du Rhône. Rapidement, Yves Esquieu se penche sur la fonction des différents espaces et présente un modèle unique : le rez-de-chaussée voûté est difficilement à interprétable, mais ne semble pas être un niveau destiné à l’habitat, tandis qu’à l’étage se situe l’aula, en tout cas la pièce où sont concentrés les aménagements de confort. La fonction de ces constructions semble alors purement résidentielle et elles sont sans doute réservées à une élite urbaine, celle des milites ; Yves Esquieu propose même d’y voir la manifestation d’une certaine forme de rivalité entre ces différentes seigneuries urbaines.

12Un important saut chronologique est marqué par l’article de Daniel Leloup consacré à la maison à pan de bois en Bretagne au 15e s. Dans une première partie, l’auteur présente une typologie rigoureuse des maisons selon que leur plan comprenne une pièce, deux pièces ou qu’il s’agisse des fameux hôtels particuliers à galerie de Morlaix, dits maisons à pondalez. Ensuite, d’une manière assez classique, la seconde partie passe en revue les aménagements de la maison, mais s’attarde surtout sur leur décor, registre par registre, motif par motif, avec à chaque fois de nombreux exemples (près d’une centaine). Puis, et c’est regrettable, l’article s’arrête tout net, sans conclusion ni synthèse, ne constituant alors qu’un catalogue (certes important) d’iconographie ! On sera également surpris par l’utilisation d’un vocabulaire inadapté, comme par exemple lorsque l’auteur parle du décor pariétal des maisons ou encore des salles manoriales dans des maisons à Nantes…

13Tout en abordant le même thème, mais cette fois-ci en s’attardant sur la France méridionale, le dernier article rédigé par Gilles Séraphin fait preuve d’un remarquable esprit de synthèse et d’ouverture. Ici aussi une typologie des maisons à pan de bois à travers le Moyen Âge est proposée (les exemples vont du 12e s. au 14e s.), mais contrairement à l’article précédent l’auteur s’attarde principalement sur les techniques architecturales. Plus précisément, c’est l’articulation au sein d’une même construction entre la maçonnerie et le pan de bois qui est au centre de l’étude. Gilles Séraphin commence par présenter le type de maison le plus usité qu’il appelle “ à pans de bois autoportants à sablière maîtresse ”, mais qui correspond en réalité aux maisons à bois courts posés sur un rez-de-chaussée en pierre et qui permettent jusqu’à la fin du Moyen Âge de construire en encorbellement. Il poursuit en présentant une catégorie plus rare (une douzaine d’exemples actuellement recensés) et cette fois-ci propre au sud de la France : il s’agit de maisons en pierre dont le dernier ou les deux derniers niveaux sont construits à pan de bois autour de piliers maçonnés. Comme l’indique lui-même l’auteur, la faiblesse du corpus ne permet pas d’établir de synthèse, si ce n’est de dire que ces constructions semblent avoir existé dès le 12e s. Enfin le denier type présenté est celui des maisons à têtes de murs droites, dont une variation correspond aux maisons à arcades d’étage, comme celles étudiées par Fabio Redi à Pise. Là encore en France, ces maisons n’ont pas véritablement fait l’objet d’études en particulier, toutefois les premières remarques sont très alléchantes, puisque ce type de maisons semble exister depuis l’Antiquité romaine et qu’on en retrouve également dans des contextes tout à fait différents jusqu’en Inde… De grandes pistes de recherche sont donc ouvertes !

  • 2  La maison au Moyen Âge dans le midi de la France, Actes des journées d’études de Toulouse 19-20 ma (...)

14Ainsi, on l’a compris l’ouvrage présente à la fois des articles vraiment très intéressants et d’autres, il faut le dire, plus décevants. Si on l’envisage dans son ensemble, sans l’article introductif de Pierre Garrigou Grandchamp, cet ouvrage ne permettrait sans doute pas d’appréhender la maison médiévale dans son ensemble, mais davantage les maisons médiévales dans leur diversité ; l’ouvrage resterait alors une succession d’articles hétérogènes organisés sans fil conducteur thématique (contrairement à l’ouvrage consacré à la maison dans le midi de la France2), ou sans comparaison géographique tant les approches sont différentes. Toutefois et malgré ces réserves, la lecture de ce livre demeure aujourd’hui essentielle pour qui travaille ou s’intéresse à la maison et à la ville médiévale.

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Notes

1  Plus récemment J.-D. Clabaut vient de publier un ouvrage consacré aux caves médiévales de Douai : Clabaut J.-D. - Les caves de Douai, la construction civile au Moyen Âge, Presses Universitaires Du Septentrion, 2007.

2  La maison au Moyen Âge dans le midi de la France, Actes des journées d’études de Toulouse 19-20 mai 2001, Mémoire de la Société Archéologique du Midi de la France, hors série 2002.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Bastien Lefebvre, « Pierre Garrigou Grandchamp (dir.), La maison au Moyen Âge », Revue archéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 45-46 | 2006-2007, mis en ligne le 08 avril 2008, consulté le 05 mars 2014. URL : http://racf.revues.org/869

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Auteur

Bastien Lefebvre

Doctorant, Université François Rabelais, UMR 6173 CITERES

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