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Helga-Jane Scarwell et Isabelle Roussel (dir.), 2010, Le changement climatique : Quand le climat nous pousse à changer d’ère, Presses Universitaire du Septentrion, Lille, 358 pages
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Helga-Jane Scarwell et Isabelle Roussel (dir.), 2010, Le changement climatique : Quand le climat nous pousse à changer d’ère, Presses Universitaire du Septentrion, Lille, 358 pages

Laurence Rocher

Texte intégral

1L’ouvrage « Le changement climatique. Quand le climat nous pousse à changer d’ère », édité par les Presses Universitaire du Septentrion dans la collection Environnement et société, coordonné par Helga-Jane Scarwell et Isabelle Roussel, rassemble autour de la question du changement climatique plusieurs contributions de chercheurs en géographie, pour la plupart membres du laboratoire TVES de Lille. Ce livre apporte un éclairage original et intéressant, alliant des études de cas comportant un fort ancrage géographique et/ou thématique à des réflexions de portée plus générale sur les enjeux sociaux, territoriaux et surtout politiques que soulève la menace climatique. Paru en 2010, à l’issue de l’échec du sommet de Copenhague et alors que se multiplient et se structurent les interventions des collectivités locales en la matière, une telle publication est particulièrement bienvenue. Elle ne manquera pas d’alimenter les discussions au sein d’une communauté des chercheurs en sciences sociales de plus en plus mobilisée sur cette question et qui œuvre à décrypter les ressors sociétaux, philosophiques, politiques, culturels ou encore psychologiques d’un rapport homme/milieu renouvelé face à cette question climatique trop longtemps appréhendée à travers des approches strictement quantitatives à visée de modélisation et de prévision.

2L’objectif poursuivi, ainsi résumé en introduction, est de « s’interroger sur la place que le climat occupe au sein de la construction de l’environnement de nos sociétés » (p. 21), à l’appui de « flashs » très divers qui se rejoignent dans l’ambition de « montrer combien la prise en compte des phénomènes climatiques bouleverse le regard porté sur différents aspects de l’humanité » (p. 24).

3Le premier chapitre, rédigé par Caroline Norrant-Romand, offre un état des lieux didactique des connaissances sur les mécanismes, les manifestations et les effets avérés ou supposés du réchauffement global, qui a en outre le mérite de situer les incertitudes scientifiques (lesquelles en l’occurrence résident en grande partie dans les scénarios d’émissions) ainsi que de souligner les insuffisances actuelles quant à la résolution spatiale des modèles de prévision (p 34), aspects qui renvoient directement à la responsabilité anthropique en amont et en aval.

4Le deuxième chapitre relate une étude menée par Léa Sébastien sur les pentes du Kilimandjaro, territoire soumis à une série de bouleversements et dont « l’actualité n’est pas à l’adaptation aux changements climatiques mais plutôt à la désorientation » (p. 114). La recherche a consisté d’une part à modéliser les jeux d’acteurs, et d’autre part à rendre compte des représentations des communautés locales Chagga face à ces bouleversements, en particulier de l’évolution de leur rapport à la forêt. A la fonte des neiges s’ajoutent des pressions grandissantes d’origine humaine (diminution de la ressource en eau, liée notamment à la déforestation), donnant lieu à des rapports conflictuels, à des mesures de préservation controversées et à une opposition entre une utilisation traditionnelle et moderne de l’espace et des ressources naturelles. Cette étude nous rappelle l’intérêt d’analyser finement les représentations, pratiques et jeux d’acteurs qui mettent en évidence combien la vulnérabilité face au changement climatique ne peut se saisir sans une compréhension des rapports complexes des sociétés humaines à leur territoire.

5Les chapitres 3 et 4 (Isabelle Roussel) traitent du rapport entre climat et santé. L’auteur s’appuie sur des illustrations nombreuses et instructives qui relèvent des actuels « bouleversements spatio-temporels du couple climat/santé » (p. 124)pour discuter de la propension du changement climatique à renouveler le champ de la santé environnementale et à repositionner les enjeux sanitaires à différentes échelles, de l’individu au niveau planétaire. Le chapitre 3 propose des récapitulatifs sémantiques et historiques du rapport entre la santé humaine et le climat, rapport caractérisé tantôt par une forte imbrication, tantôt par une distanciation, suivant que domine une appréhension sensible ou scientifique. L’auteur dresse un état des lieux des stress d’ordre sanitaire liés au changement climatique, et offre une explication des phénomènes paroxysmiques (vagues de chaleur et de froid) et de leur rôle dans les stratégies d’adaptation, illustrée par l’épisode de canicule de 2003. Le chapitre 4 démontre la manière dont « le changement climatique élargit la santé aux dimensions de la planète » : outre une nouvelle vision du monde qui s’impose, contribuant à redéfinir la responsabilité humaine face aux aléas et la perception des risques, la manifestation planétaire des conséquences sanitaires se pose en termes de solidarité. Sont évoqués notamment les enjeux en termes de migration ou de sécurité alimentaires, qui participent de stratégies d’adaptation, ainsi que les bénéfices sanitaires inclus dans les mesures d’atténuation (diminution de la pollution atmosphérique, modification des modes de vie et amélioration de la qualité de vie), qui amènent l’auteur à parler de « double bénéfice sanitaire ».

6Jean-Claude Hinnewinkel (Chap. 5) s’intéresse aux mutations des pratiques et du milieu de la viticulture, secteur appelé à s’adapter à des conditions climatiques modifiées, non seulement en matière de techniques, mais également en termes d’organisation sociale et territoriale. Après avoir exposé les manifestations du changement climatique actuellement à l’œuvre dans le monde vitivinicole, l’auteur démontre, de manière stimulante, que c’est la perpétuité des territoires et terroirs qui se trouve en jeu et que l’adaptation de la production vinicole au changement climatique, outre les connaissances physiques, nécessite de prendre en compte ces espaces sociaux complexes.

7Les chapitres 6 et 7 portent sur la prise en charge politique de la question climatique, tant en termes de discours que d’intervention et de partage des responsabilités entre l’Etat et les collectivités locales. Helga-Jane Scarwell et Sophie Le Flamanc (chap. 6) resituent l’avènement de l’enjeu climatique dans la progressive construction de l’action publique et l’organisation institutionnelle française en matière d’environnement et mettent en évidence l’ambiguïté du lien entre l’expertise et le politique, ce dernier étant confronté à agir dans un univers non stabilisé mais marqué par l’urgence. Helga-Jane Scarwell (Chap. 7) s’attelle à une déconstruction du discours prononcé par le président de la république le 27 octobre 2007 en clôture du « Grenelle de l’environnement », faisant ressortir un positionnement volontariste et performatif du chef de l’Etat face à l’action à mener en matière de climat. L’analyse est prolongée par une présentation des mesures issues de la démarche de « Grenelle » puis par une réflexion sur le rôle des collectivités locales, qui conduit l’auteur à affirmer que ces dernières, en dépit des responsabilités accrues qui leur sont conférées, demeurent un « acteur d’exécution » face à un Etat qui s’institue comme « acteur de premier plan ».

8L’intérêt de l’ouvrage réside dans la variété et l’originalité des entrées et des thématiques retenues pour illustrer les changements sociétaux induits par le changement du climat, développées à l’appui d’études fouillées et de propos documentés. Les questions soulevées dans chacun des chapitres sont foisonnantes et pertinentes ; on regrettera toutefois un manque de retour structuré sur les débats ouverts. Parmi les points de discussion soulevés, certains interpellent particulièrement dans la mesure où ils apparaissent comme des points nodaux de l’appréhension sociale et sociétale du réchauffement planétaire.

9Le couple vulnérabilité/technicité compte parmi ces points de discussion dès lors que l’on s’intéresse au rapport des hommes à leur environnement et aux risques. Si la vulnérabilité face au changement climatique est souvent décrite comme s’intensifiant avec le niveau de pauvreté des individus, des populations ou des états, I. Roussel nous indique que « les artifices utilisés comme mode d’adaptation ont été utilisés dans l’optique moderniste de s’affranchir du climat et de ses aléas » (p. 159) et nous invite à considérer la « complexité des sociétés modernes comme source de vulnérabilité ». Cette proposition, rappelée en conclusion, est à retenir, alors que se multiplient les appels à l’observation et à la définition de capacités et de stratégies d’adaptation des sociétés et des territoires.

10Il est largement question tout au long de l’ouvrage des capacités d’intervention et de la responsabilité du politique, ce dernier étant (trop ?) rapidement renvoyé à son « incapacité à agir » en la matière, à sa tendance à se limiter à des « exercices de communication » (p. 24), tandis que les comportements individuels –« si chacun fait un geste… »- sont présentés comme un facteur de solution au problème climatique (p. 61). Or, il semble que le périmètre du champ politique devrait être tracé avec davantage de nuances, tant la communication qui repose d’ailleurs en grande partie sur une « politique des petits gestes », relève précisément de l’activité politique et du « passage de la science à l’action » évoqué en introduction.

11Enfin, chacune des contributions traite de la redéfinition des rapports global/local et des échelles pertinentes et légitimes pour une prise en charge du problème climatique. Or, la position défendue in fine par les auteurs, résolument « localiste » -« seule la dynamique locale peut insuffler l’adaptabilité et la flexibilité indispensables » (p. 341)-, eût été plus convaincante si elle avait été davantage argumentée, notamment la « vision patrimoniale » évoquée en conclusion qui aurait gagné à être développée. D’autant que l’analyse de la position de l’Etat en matière de climat ne peut se limiter à une explication reposant sur l’héritage jacobin et centralisateur et la mise en évidence des contradictions entre l’affichage et les mesures effectives décidées à l’occasion du « Grenelle », si manifestes soient-elles.

12Au final, nous retiendrons « l’importance des variables endogènes » (p. 342), mises en évidence par chacune des contributions et rappelées en conclusion, comme un appel à multiplier les recherches empiriques qui ont beaucoup à nous apprendre sur la manière dont les sociétés locales agissent et réagissent face à ce phénomène planétaire.

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Table des illustrations

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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurence Rocher, « Helga-Jane Scarwell et Isabelle Roussel (dir.), 2010, Le changement climatique : Quand le climat nous pousse à changer d’ère, Presses Universitaire du Septentrion, Lille, 358 pages », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 1, n° 3 | Décembre 2010, mis en ligne le 07 décembre 2010, consulté le 01 mars 2014. URL : http://developpementdurable.revues.org/8714

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Auteur

Laurence Rocher

Laurence Rocher est maître de conférences en aménagement de l’espace-urbanisme à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Lyon 2, membre de l’UMR Environnement Ville Société de Lyon et membre associée de l’UMR CITERES de Tours. Ses recherches portent sur les enjeux locaux des politiques publiques environnementales (gestion des déchets, changement climatique), ainsi que sur les mobilisations d’habitants et dispositifs participatifs.

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      Développement durable et territoires
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      Revue interdisciplinaire, proposant une approche évaluatrice du développement durable à partir de la question territoriale
      A multidisciplinary journal focusing on sustainable development from a territorial angle
      Sujets :
      Géographie, Économie, Espace ; société et territoire, Économie politique, Sociologie politique, Prospectives
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