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Révision de Jane Eyre comme métacommentaire philosophique dans les romans d’Anita Brookner
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Réécritures postmodernes

Révision de Jane Eyre comme métacommentaire philosophique dans les romans d’Anita Brookner

Re-Vision of Jane Eyre as Philosophical Metacomment in the Novels of Anita Brookner
Eileen Williams-Wanquet
p. 104-117

Résumé

Although none of Brookner’s twenty-three novels to date actually re-write Jane Eyre as hypotext, Brontë’s novel is part of the pervasive intertextuality of Brookner’s text, addressed here as a monolithic fiction. This omnipresent intertextuality, which is the key to understanding the whole œuvre, serves to define the moral codes followed by the heroine and to make a philosophical metacommentary on contemporary culture. Brookner’s characters read and comment on Jane Eyre, the heroine takes Jane as a role model of virtue and the masculine characters are divided into those who resemble Mr Rochester and those who belong to the same category as St John Rivers. But Brookner’s text is a re-vision of Brontë’s novel, as of other novels set in the tradition of the classic realist text and of romance, which have Cartesian rationalism and Christianity as philosophical underpinnings. Brookner reverses the poetic justice of Jane Eyre, which is re-contextualised to fit a new moral landscape in which God is dead as ultimate justification for virtuous conduct. Whereas Jane Eyre can ultimately be read as a “Victorian romance” which preaches reason in the name of social order, by replacing the traditional happy ending by an unhappy ending in which virtue is punished and by foregrounding the disastrous effects of suppressing passion in the name of reason or self in the name of the other, Brookner announces the end of a philosophical humanistic tradition in which the subject / object or self / other opposition gives rise to a host of binary oppositions, the notion of centre validating the dominance of one of the terms of the hierarchy.

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Texte intégral

  • 1  Les romans de Brookner sont si répétitifs qu’ils peuvent être traités comme des variations sur un (...)
  • 2  Les termes sont empruntés à Genette, qui définit la « transtextualité » comme « transcendance text (...)
  • 3  Le personnage principal des romans autobiographiques de Brookner est le plus souvent une femme. Le (...)

1Anita Brookner, née en 1928 et vivant actuellement à Londres, a écrit vingt-trois romans depuis 1981, après avoir fait une brillante carrière comme historienne de l’art. Aucun roman isolé ne tente de ré-écrire Jane Eyre en tant qu’« hypotexte ». Néanmoins, le roman de Brontë est présent dans toute l’œuvre prolifique et répétitive de Brookner appréhendée dans son monolithisme1 : Jane Eyre fait partie de l’« intertextualité »2 omniprésente qui est la clé de l’ensemble de l’œuvre, étant particulièrement présente dans A Closed Eye (1991), Incidents in the Rue Laugier (1995) et Falling Slowly (1998). L’héroïne type de Brookner3, qui a toujours plus de cinquante ans dans le présent de l’acte narratif, passe en revue des moments clés de sa vie pour tenter de comprendre son échec amoureux. Tout en analysant son passé, elle lit et commente le roman de Brontë. Cette intertextualité prend le plus souvent la forme d’une comparaison entre les personnages masculins de Brontë et ceux de Brookner, l’héroïne les comparant régulièrement soit à Rochester, soit à St John Rivers. Elle a pris la vertueuse Jane comme modèle, ayant cru à une justice poétique qui récompense un comportement vertueux par l’amour et le succès social.

  • 4  Voir Amy Elias, « Meta-Mimesis : the Problem of British Postmodern Fiction », in Théo D’Haen et Ha (...)

2Posant pour principe que le discours est enraciné dans une réalité historique et est le vecteur d’idéologies – autrement dit que la littérature a une fonction sociale – cette étude vise à démontrer comment les romans de Brookner utilisent Jane Eyre pour offrir un méta­commentaire philosophique et moral de la société occidentale actuelle. Cette façon de commenter le réel en travaillant sur les représentations textuelles de la réalité – plutôt que de manière simplement mimétique ­– s’apparenterait à ce qu’Amy Elias nomme « réalisme postmoderne » ou « méta-mimésis »4. Ainsi, ces romans, qui ont été appelés à tort de simples « romans de gare pour intellectuelles », commentent le monde à travers les constructions discursives qui font la réalité.

  • 5  Voir Eileen Williams-Wanquet, « Jeanette Winterson’s Boating for Beginners: Both New Baroque and E (...)

3L’opposition constante entre rêve et réalité reflète la tension entre fiction et « vraie vie » : la multitude de références intertextuelles, dont celles à Jane Eyre, sert à signaler les codes moraux sur lesquels l’héroïne brooknerienne a fondé son comportement. Ces codes sont constamment mis à l’épreuve au cours de sa vie, qui est vraisemblablement ancrée dans la réalité du monde de la deuxième moitié du vingtième siècle. Ainsi des règles morales abstraites véhiculées par la littérature sont remises en question en les confrontant ponctuellement à une expérience de vie concrète, qui est la définition même d’une « éthique postmoderne »5. Le nouveau contexte historique s’avérera suivre de nouveaux codes de conduite. Cette « re-contextualisation »  du code moral véhiculé par Jane Eyre devient ainsi une re-vision ou une réouverture et remise au travail du roman de Brontë à un niveau métafictionnel.


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4Dans un premier temps, examinons le sens donné au mot « vertu » par l’héroïne de Brookner d’après les références intertextuelles – dont fait partie Jane Eyre – pour ensuite déterminer la lecture qui est faite ici du texte de Brontë et analyser son ancrage idéologique dans un contexte historique.

  • 6  Anita Brookner, A Misalliance (1986), London : Grafton Books, 1987, 148.
  • 7 Ibid., 95.
  • 8  Anita Brookner, Hotel du Lac (1984), London : Triad, Panther Books, 1985, 27.
  • 9  Voir Judith Butler, Gender Trouble, New York : Routledge, 1999.
  • 10  La Bible, Chaucer, Shakespeare et Lord Alfred Tennyson sont cités entre autres. Mais surtout des r (...)
  • 11  Anita Brookner, A Start in Life (1981), Harmondsworth : Penguin, 1991, 11.
  • 12  Voir Stuart Hampshire, Innocence and Experience, Harmondsworth : Penguin, 1992.
  • 13  Voir aussi Frédéric Regard, L’Écriture féminine en Angleterre, Paris : PUF, 2002, 141.
  • 14  Voir Françoise Basch, Relative Creatures: Victorian Women in Society and the Novel: 1837-67, Londr (...)

5Dans une vision résolument binaire de l’humanité, les personnages de Brookner (par ailleurs très vraisemblablement peints) prennent une dimension universelle en devenant des types. Ainsi deux catégories simplifiées sont constamment opposées physiquement, psycho­logiquement, socialement et moralement. Les héroïnes « vertueuses » sont opposées dans leur quête d’amour à une rivale « vicieuse ». Ainsi Blanche dans A Misalliance (1986) perçoit ce qu’elle appelle « a gigantic conflict of principle […] which engages the attention of the entire human race »6 . Elle l’explique ainsi : « the discrepany between duty and pleasure. On the one side the obedient and on the other the free […] a straight division between the Christian and the pagan worlds »7 . Mais Brookner se concentre sur les femmes et l’héroïne d’Hotel du Lac illustre cette vision binaire de la gent féminine en transposant la fable d’Esope reprise par La Fontaine, Le Lièvre et la tortue, à l’époque actuelle : les « tortues » sont les femmes humbles, sans prétention, celles qui sont effacées, soumises et obéissantes ; les « lièvres » sont les séductrices éhontées et vaniteuses, celles qui savent imposer leurs désirs8. Ce modèle de la femme vertueuse correspond aux stéréotypes qui peuplent la littérature. Effectivement, l’héroïne intellectuelle, éduquée par les livres, ne se comporte jamais de façon « naturelle ». Elle est clairement un effet discursif, le pur « produit » d’un « conditionnement mythologique » par un ensemble de discours constitué par le réseau intertextuel9. Elle a cru à la justice poétique de tous ces textes, surtout à ceux des romans du dix-neuvième siècle — dont Jane Eyre. Ces textes sont variés (romans classiques, romans de gare, fables, pièces de théâtre, poèmes, contes de fées…) et étalés dans le temps (allant de la Bible jusqu’à l’aube du vingtième siècle) ainsi que dans l’espace (France, Russie, Angleterre et Amérique)10 : « From Grimm and Hans Andersen she graduated to the works of Charles Dickens. The moral universe was unveiled. For virtue would surely triumph, patience would be rewarded »11. Ainsi elle a appris à imiter Cendrillon, qui va au bal et à se méfier d’Emma Bovary et d’Anna Karénine, qui finissent tragiquement. Elle a cru, en somme, à une justice poétique qui promet que la vertu sera récompensée par le bonheur et le vice puni. La femme vertueuse définie par ce réseau intertextuel allie pureté, modestie, soumission, humilité, passivité, domesticité et dévotion, ce que Stuart Hampshire nomme les « vertus privées »12, celles de la « vraie religion » des premiers chrétiens, qui se tiennent à l’écart du discours moralisateur et hypocrite du pouvoir13. Elle correspond aux femmes vertueuses de la Bible et au « angel in the house » victorien, qui a comme modèle originel la Vierge Marie14. D’un côté, on loue raison, altruisme et obéissance ; de l’autre, on condamne passion, égoïsme et volontarisme. Et la récompense ultime est l’amour et la perpétuation de l’espèce dans la forme d’un beau mariage et beaucoup d’enfants, alliant désir individuel et intégration sociale.

  • 15  Donald D. Stone, The Romantic Impulse in Romantic Fiction, Cambridge (Mass.): Harvard University P (...)
  • 16 Ibid., 116.
  • 17  Voir Sandra Gilbert et Susan Gubar, The Madwoman in the Attic, Londres et New Haven: Yale Universi (...)

6La lecture que fait la jeune héroïne brooknerienne de Jane Eyre correspond à celle de Donald Stone, pour qui le roman de Brontë est une « Victorianised romance » ou « realistic romance », qu’il décrit comme : « an accommodation between self and society, passion and duty, romance and reality »15. Effectivement, Jane Eyre, qui peut aussi être lu comme une recherche proprement romantique d’épanouissement individuel, est à la fois une quête d’amour et un « pilgrim’s progress » vers une personnalité plus équilibrée. Jane, véritable Cendrillon victorienne, doit apprendre à modérer ses passions, à devenir plus « raisonnable » pour être récompensée par un mariage qui lui assure à la fois amour, descendance et promotion  sociale. Bertha, la « madwoman in the attic », qui représente pour Donald Stone la « bête humaine » personifiée16 et que Sandra Gilbert et Susan Gubar voient comme le double monstrueux de Jane17, c’est-à-dire toute cette part de passion, tout ce « continent noir » qu’elle essaie de réprimer au nom de la raison, doit mourir pour que Jane puisse se fondre à l’ordre social. Car Jane Eyre prône en dernier lieu la raison, les vertus chrétiennes et l’intégration dans l’ordre dominant.

  • 18  Northrop Frye, The Secular Scripture, Cambridge (Mass.): Harvard University Press, 1976, 53.
  • 19  Northrop Frye, Anatomy of Criticism, Princeton (NJ): Princeton University Press, 1957, 186-187.
  • 20 Ibid., 15.

7En opposant la romance au réalisme, qu’il associe à l’époque victorienne, Stone présuppose que la romance et le réalisme véhiculent deux attitudes opposées envers le monde et aussi que l’écriture est enracinée dans l’histoire. En effet, Jane Eyre contient une bonne part du genre appelé la romance, qui a été décrite par Northrop Frye comme un « mode » (ou « vision du monde ») ayant deux caractéristiques principales : (1) une logique binaire, qui oppose bien et mal,  héros et rival, monde harmonieux et monde tragique, rêve et réalité18 ; (2) ce qu’il nomme « wish-fulfilment »19, une sorte de fantaisie utopique qui cherche à transfigurer la réalité, en la rendant conforme à nos désirs. Pour Frye, la romance est ancrée dans notre civilisation occidentale et remonte au Moyen Âge et sa vision du monde est associée à une vision chrétienne – c’est pourquoi il la nomme la « secular scripture »20. C’est bien la romance – dans la lignée de laquelle se situe Jane Eyre – qui est le fil directeur reliant le foisonnement apparemment hétéroclite de textes qui ont produit l’héroïne.

  • 21  Voir Diane Elam, Romancing the Postmodern, Londres : Routledge, 1992, 19-25.
  • 22  Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris : Seuil, 1973, 25.
  • 23  N. Frye, TheSecular Scripture, op. cit., 57.
  • 24  Alors que Madame Bovary et Anna Karénine sont écrits sur un mode tragique, qui punit la transgress (...)
  • 25  Tony Tanner, Adultery and the Novel: Contract and Transgression, Londres : The John Hopkins Univer (...)
  • 26  David Lodge, « Fire and Eyre: Charlotte Brontë’s War of Earthly Elements », in Ian Gregor (Dir.), (...)

8Par contre, Jane Eyre appartient aussi au roman réaliste du dix-neuvième siècle, qui cherche à reproduire fidèlement le monde tel qu’il est. Pourtant, son « happy ending » mine les effets de réel, tirant le texte vers le monde idéal de la romance, forçant les personnages vraisemblables à se laisser emporter par une intrigue qui doit réunir les bons et écarter les méchants. Puisque la littérature est liée aux structures du pouvoir et donc vecteur d’idéologie, la romance et le réalisme ont une fonction sociale. Diane Elam souligne que Northrop Frye et Frederic Jameson considèrent la romance comme potentiellement subversive, alors que le réalisme, qui reflète le statu quo,est au service de l’ordre dominant21. Mais dans le cas d’un « texte réaliste classique » du dix-neuvième siècle comme Jane Eyre, qui selon Barthes « contente, emplit, donne de l’euphorie » parce qu’il « vient de la culture, ne rompt pas avec elle, est liée à une pratique confortable de la lecture »22, la romance a été « kidnappée par l’idéologie de la classe ascendante »23. En d’autres termes, la romance ainsi incorporée au réalisme véhicule les valeurs chrétiennes et cartésiennes d’un « humanisme libéral occidental », qui se situe dans la lignée des Lumières et d’une tradition biblique. Jane Eyre fait partie de ce que Frye appelle la « low mimetic domestic comedy » du dix-neuvième siècle, qui est écrite sur un « mode comique » récompensant la vertu24. Le roman de Brontë prône ainsi un comportement raisonnable qui étouffe toute passion monstrueuse au nom de l’ordre social, sa justice poétique fusionnant désir individuel et contrainte sociale par le biais du mariage, véritable ciment social du capitalisme bourgeois du dix-neuvième siècle, comme le dit clairement Tony Tanner : « For bourgeois society marriage is […] a totally social and cultural arrangement […] The most important mediation procedure that attempts to harmonize the natural, the familial, the social and even the transcendental »25. Comme l’exprime David Lodge : « the domestication of the […] Romantic element in Jane Eyre is the resolution to which the whole novel points […] how to buy bliss without selling one’s soul »26.


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  • 27  Linda Hutcheon, A Poetics of Postmodernism, Londres : Routledge, 1988, 26.
  • 28  Voir Linda Hutcheon, A Theory of Parody, Londres : Routledge, 1991, 1-29.

9Mais si l’œuvre de Brookner semble prôner les mêmes valeurs chrétiennes et cartésiennes que le roman de Brontë, par le comportement et les attentes de son héroïne façonnée par un ensemble de discours littéraires, le récit de la vie de cette héroïne montre que la vertu ne mène pas au bonheur. Cette inversion de la bonne justice de Jane Eyre est d’une importance cruciale, car elle remet profondément en cause tous les fondements philosophiques de notre civilisation occidentale. Le code moral indiqué en filigrane par l’intertextualité est miné au fil des pages par l’expérience concrète de l’héroïne, qui devient plus lucide en vieillissant. Le texte dit une chose et en montre une autre. Cette ré-écriture ironique de la romance est aussi une réappropriation subversive de la mise en intrigue et des personnages de Jane Eyre et s’apparente à ce que Linda Hutcheon définit comme « modern parody », c’est-à-dire « repetition with critical distance that allows ironic signalling of difference at the very heart of similarity »27. Le but de la ré-écriture n’est pas de se moquer du texte antérieur, mais plutôt de commenter le nouveau contexte historique. Dans ce qui est une forme de « inter-art discourse », ce sont les différences qui sont significatives28.

  • 29  Charlotte Brontë, Jane Eyre, Harmondsworth : Penguin Student Edition, 1999, 339.
  • 30 Ibid., 230.
  • 31  Anita Brookner, Look at Me (1983), London : Triad Grafton Books, 1983, 123.
  • 32  Anita Brookner, Providence (1982), London : Triad Grafton Books, 1983, 38.
  • 33  Anita Brookner, Fraud (1992), London : Jonathan Cape, 1992, 93.
  • 34  Anita Brookner, The Bay of Angels (2001), London : Viking, 2001, 187.
  • 35  Anita Brookner, Providence, op. cit., 125.

10Comme chez Jane, raison et passion sont constamment opposées chez l’héroïne de Brookner. La lutte entre les deux systèmes de valeurs dont parle Blanche dans A Misalliance est bien la même qui fait rage chez Jane (« conscience turned tyrant, held passion by the throat »29): d’un côté, un ordre établi fondé sur les valeurs chrétiennes et cartésiennes ; de l’autre, le « continent noir » freudien des émotions à supprimer pour que règne l’ordre social. Tout comme Jane, qui parvient à contrôler ses émotions (« Reason sits firm and hold the reins, and she will not let the feelings burst away and hurry her to wild chasms »30), l’héroïne de Brookner a fait le choix de la raison : « I was certainly extremely reasonable »31. Elle fait toujours bonne figure, présentant une image soignée, contrôlée et souriante au monde. Mais alors que le contrôle de soi est valorisé chez Brontë, Brookner met au jour la fausseté mutilante d’une telle division du moi : « Are we so civilised, so controlled, so expert in our concealment that we are never allowed to reveal anything to the world about ourselves and each other ? »32. Alors que Jane parvient à un équilibre libérateur, sa réincarnation moderne est scindée en deux personnalités opposées et irréconciliables, qui s’articulent autour des binarismes : jour/nuit, extérieur/intérieur, raison/émotions. La vraie personnalité de l’héroïne est enfouie sous ce qu’elle appelle une « armure », une « carapace » ou un « artifice » de « bonnes manières » ou de « politesse ». La cohérence psychologique atteinte par Jane est remplacée ici par une identité fragmentée, une aliénation, une fêlure du soi, qui mine toute tentative de rationalisation : « Extreme discipline kept her in check, while demons, she knew, circled and waited »33. Cet autre moi menace de faire irruption la soirée, la nuit, lorsqu’elle est seule ou dans ses rêves et menace tout l’édifice social qui l’emprisonne : « I was a prisoner in that room, and until the gap [in the wall] widened I could not proceed. And my fear was that the gap would yawn so wide that the whole wall would collapse, and the room with it »34. Les conséquences de ce refoulement de tout un pan de personnalité sont la peur panique, l’anxiété, la nervosité excessive, l’insatisfaction, la frustration et la rage, qui se manifestent par des tics nerveux, des insomnies, des migraines ou des cauchemars, tous exprimés par des champs sémantiques et des métonymies qui hantent les romans de Brookner de manière obsessionnelle. Cette négation d’une partie de soi mène à la folie : « But I am mad, she thought »35. La monstruosité n’est plus transférée sur « the madwoman in the attic », mais se trouve tapie à l’intérieur d’un même personnage. Le monstre gothique qui dérange l’ordre social est déplacé vers le psychisme de l’héroïne. Loin de disparaître d’une manière commode, il menace l’ordre dominant rationnel de l’intérieur.

  • 36  Anita Brookner, Hotel du Lac, op. cit., 98.
  • 37  Anita Brookner, Fraud, op. cit., 37. Les raisins, avec leurs pépins, sont traditionnellement symbo (...)
  • 38  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 7.

11Tout comme son modèle, l’héroïne raisonnable de Brookner est en quête d’amour. Elle rêve de ce qu’elle appelle « a well-regulated love […] certainly not emotional anarchy »36 (Hotel du Lac, 98). Elle a été conditionnée pour désirer avant tout le mariage et les enfants, comme l’illustre le rêve d’Anna : « In the dream she was seated tidily and expectantly before a slice of cake […] a dream cake, […] crowned with crystallized grapes […] which immediately fragmented and revealed a gold wedding ring »37. Les hommes qu’elle aime sont tous issus de l’aristocratie anglaise. Mais, alors que Jane trouve le bonheur en épousant son Prince et en assurant sa descendance, l’héroïne brooknerienne se retrouve seule et sans enfant dans des intrigues circulaires qui la ramènent à la case départ, comme dans un gigantesque jeu de l’oie. Le champ sémantique de la solitude abonde dans tous les romans et est renforcé par des métonymies de la solitude (les dimanches, les jours fériés, les bancs publics, les rues vides, etc.) pour se mêler à celui de la tristesse, dans des romans où il ne se passe jamais rien, car la vie de l’héroïne est une « chambre vide » dans lequel le temps s’étire interminablement. L’héroïne de Brookner est malheureuse car ses rêves ne se sont pas réalisés : « The ball had never materialised »38. En somme, le « happy ending » est remplacé par un « unhappy ending ». L’héroïne vertueuse passe tout son temps à attendre et se compare ironiquement à la Lady of Shalott, à Pénélope ou à la patiente Grislédis de Chaucer.

  • 39  Anita Brookner, Hotel du Lac, op. cit., 27.
  • 40  Anita Brookner, Look at Me, op. cit., 163.
  • 41  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 84.
  • 42  Anita Brookner, The Bay of Angels, op. cit., 60.
  • 43  Anita Brookner, A Private View (1994), Harmondsworth : Penguin, 1995, 167.
  • 44  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 136.

12Cette fin malheureuse est due au fait que le comportement vertueux de l’héroïne n’est pas récompensé comme l’est celui de Jane. Bien au contraire : dans de magistraux revirements ironiques, l’homme désirable choisit toujours sa rivale égoïste, mondaine et sexuellement expérimentée, comme si Rochester avait finalement épousé un mélange de Blanche Ingram et de Bertha plutôt que Jane. L’héroïne commente : « In real life, of course, it is the hare who wins. Every time »39. La passivité et la soumission ne paient pas : « Clearly for love, a rampant egotism serves one better than an unsophisticated hope »40. Les valeurs naturelles l’emportent sur les valeurs culturelles : les rivales manipulatrices et immorales sont ironiquement sûres d’elles, éclatantes de bonne santé et séduisantes, alors que l’héroïne respectueuse et morale est timide, chétive et passe inaperçue. La justice poétique se mue en injustice poétique. Les valeurs prônées par Jane Eyre sont inversées par les faits, donnant raison au réalisme perçu chez Balzac : « All the vices turned out to be virtues »41. Les dualismes qui sous-tendent Jane Eyre sont effectivement présents chez Brookner : raison/émotion ou rationnel/irrationnel, culture/nature, esprit/corps, moi/autre, chrétien/païen, société/individu, etc. Mais il y a inversion au niveau de la valorisation de ces polarités binaires : ce n’est plus le premier terme qui est associé au bien et à la vertu, mais plutôt le deuxième car il est lié aux valeurs naturelles : beauté, soleil, bonheur, amour, intégration sociale, fécondité, etc. D’où le rejet du christianisme que nombre de critiques ont souligné chez Brookner. En effet, l’héroïne, qui s’aperçoit que les saints dans les tableaux religieux sont tristes, alors que les nymphes et déesses païennes des tableaux de la Renaissance sont épanouies (voir surtout A Misalliance), commente : « It was as if the Bible had been spreading false doctrines »42. Elle parle de sa « new Nietzschean consciousness »43 et constate qu’elle préférerait être « a bad winner than a good loser »44.

  • 45  Charlotte Brontë, Jane Eyre, op. cit., 150.
  • 46 Voir David Lodge, « Fire and Eyre », op. cit.
  • 47  Anita Brookner, Look at Me, op. cit., 37.
  • 48 Ibid., 38.
  • 49  Anita Brookner, Providence, op. cit., 21.
  • 50  Anita Brookner, A Closed Eye (1991), London : Jonathan Cape, 1991, 42.
  • 51 Ibid., 42-3.
  • 52 Ibid., 43.
  • 53  Anita Brookner, Falling Slowly (1998), Harmondsworth : Penguin, 1998, 118.

13Les personnages masculins de Brookner sont aussi divisés en deux types opposés, comme Rochester, « l’homme de feu » qui représente la passion, le mâle vigoureux aux traits sculptés dans le granite (« his granite-hewn features »45) et St John Rivers, « l’homme de glace » qui représente la raison46. Comme Jane, l’héroïne préfère le premier type, qui est beau (« his hectic charm, his immense height, his generally golden quality »47), passionné (« he was, in fact, desire in its pure state »48), riche et aristocrate (« his background [‘impeccable’], his family home in Gloucestershire, his mother’s title, his private income »49. La littérature lui a appris, à tort, à préférer « the villainous hero of romantic fiction, the cruel lover who breaks hearts and thrills women »50 et à rejeter les hommes plus stables et gentils. Ainsi Miriam dans Falling Slowly quitte son mari « Jon » (Jonathan), qu’elle aime comme un frère, et refuse le gentil « Tom Rivers » (l’amalgame des deux donnant « Jon Rivers ») pour aimer le beau et volage Simon, homme marié. En ceci l’héroïne se compare explicitement à Jane : « Thus did the virtuous Jane spurn St John Rivers, who would have made a much better husband than Mr Rochester »51. Elle tient Rochester pour responsable de son choix désastreux : « Rochester […] has a lot to answer for, both in the book and in real life, where his legend lingers on »52. Elle souligne ironiquement qu’elle aurait préféré un Rochester non mutilé et amoindri : « Mr Rochester, preferably undamaged [c’est moi qui souligne], would be the one she would seek out »53. Contrairement  à Jane, elle obtient effectivement un Rochester « intact », mais le fait de lui enlever son handicap équivaut à le dénuder de toute « moralisation ». Le Prince brooknerien n’est pas purifié par le feu, amputé et aveuglé, libéré du monstre de Bertha, en somme « moralisé » par l’amour de Jane. Il reste un amant adultère, volage et égoïste, n’épousant jamais l’héroïne, qui doit se contenter d’être sa maîtresse. Ainsi Brookner enlève à Rochester tout ce qui le rachète moralement dans Jane Eyre, c’est-à-dire tout ce qui relève du « wish-fulfilment » de la romance, elle enlève les masques pour ne montrer que la dure réalité, le « wish » sans le « fulfilment » mensonger.

  • 54  Frédéric Regard, L’Écriture féminine en Angleterre, op. cit., 31.
  • 55  Charlotte Brontë, op. cit., 492.
  • 56  Anita Brookner, A Closed Eye, op. cit., 43.

14Par cette re-vision du roman victorien, Brookner met au jour ce que le roman de Brontë laisse timidement entendre par sa fin, qui n’est en fait pas si heureuse. En effet, la fin de Jane Eyre, qui peut être lu comme un « récit d’adaptation forcé » ou une « variante tragique du Bildungsroman traditionnel »54, suppose une bonne part de renonciation mortifère. Pour que « toute transgression soit soumise au primat de l’ordre social », la justice poétique ne se contente pas de mutiler un Rochester trop immoral et d’éliminer toute monstruosité en tuant Bertha : Jane devient une épouse acceptable en se transformant en infirmière pour invalide (« I will be your neighbour, your nurse, your housekeeper »55). Ce qui n’a pas échappé à l’héroïne de Brookner : « Only when he was blind and impotent did Charlotte Brontë let Jane have her way with him, and what kind of a victory was that? »56.

  • 57  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 7.
  • 58  Anita Brookner, Fraud, op. cit., 222.

15Ainsi l’héroïne de Brookner constate que l’échec de sa vie est dû aux promesses mensongères de la littérature et l’œuvre entière analyse à répétition les premiers mots du premier roman : « Dr Weiss, at forty, knew that her life had been ruined by literature »57. Elle comprend trop tard qu’elle est la victime d’une « imposture » : « I believed my mother who told me I’d be happy in due course, that the best things in life are worth waiting for. […]; that was the original fraud »58.


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  • 59  Anita Brookner, Hotel du Lac, op. cit., 93.
  • 60  Anita Brookner, A Misalliance, op. cit., 18.
  • 61  Voir Anita Brookner, Romanticism and its Discontents (2000), Harmondsworth : Penguin, 2001, 1-20. (...)
  • 62  Voir Shusha Guppy, interview with Anita Brookner, The Paris Review, n° 29, automne 1987, 149-169. (...)

16En conclusion, tout le problème vient d’un décalage historique, comme le comprend l’héroïne : « I am rather stupid, I fear. Out of phase with the world »59. Tout est là : l’héroïne a été « mythiquement conditionnée » par des règles morales qui appartiennent à une autre époque et ne sont pas transposables à l’époque actuelle. Ce qui est qualifié de « the changing moral landscape »60 de la deuxième moitié du vingtième siècle obéit à d’autres lois, caricaturées par une métaphore filée darwinienne (la plus développée dans Look at Me). Dans une lutte pour la vie purement mécanique, en dehors de toute considération morale, ceux qui savent imposer leurs désirs avec force triomphent dans un monde peint avec réalisme comme égoïste, agressif, compétitif, matérialiste et lâche, dans lequel le vide idéologique et l’absence de valeurs morales stables sont remplacés par le pouvoir de l’argent, la cupidité, la recherche du sensationnel et de solutions immédiates, le sexe facile, etc. Dans un monde où l’absence de Dieu est soulignée par la métaphore récurrente d’un ciel vide, le Dieu Soleil si désirable brille pour les rivales « dionysiaques » et un code de conduite « païen » triomphe.  Comme l’analyse l’héroïne de Providence (1982), dont les propos sont repris par l’auteur dans une interview avec Shusha Guppy en 1987 ainsi que dans son récent ouvrage, Romanticism and its Discontents61: après la Révolution française de la fin du XVIIIe siècle, la « mort de Dieu » a coïncidé avec celle de la foi en la raison, laissant un vide idéologique. Ceci explique le manque infini, le vide métaphysique qui est à l’origine du culte romantique du moi, d’où est né l’existentialisme. Dans le monde actuel, qui est toujours dans le sillage du romantisme, la vertu a perdu tout fondement, que ce soit en Dieu ou en la raison, comme l’explique Brooker elle-même : « once you no longer were constrained to be good, either by Christianity or by a secular philosophy which for a time was even stronger, namely the Enlightenment, there was no limit to bad behaviour »62. C’est pourquoi les codes de conduite véhiculés par la romance doivent être ré-écrits dans le monde actuel, qui récompense l’égoïsme plutôt que l’altruisme, au grand regret de l’héroïne.

  • 63  Linda Hutcheon, APoetics of Postmodernism, op. cit., 43.
  • 64  Frederic Jameson, The Political Unconscious: Narrative as a Socially Symbolic Act, London : Routle (...)

17Mais le texte de Brookner va plus loin encore : en montrant comment son héroïne a été « mythiquement conditionnée » par la romance, il souligne que cette dernière est le produit d’une logique binaire qui est doublement démasquée : (1) loin d’être « naturel », ce binarisme est une pure fiction ; (2) étant une production culturelle, ce dualisme contient selon les termes de Linda Hutcheon, « a secret hierarchy of values »63, liée au pouvoir dominant. Il semble opportun ici de rappeler que Frederic Jameson décrit le noyau binaire de la romance – l’opposition bien/mal – comme un « idéologème », qu’il définit comme « a historically determinate conceptual or semic complex which can project itself variously in the form of a ‘value system’ »64. Il souligne que Derrida a montré comment, dans la pensée occidentale fondée sur le rationalisme et le christianisme, le pouvoir s’organise autour d’une logique binaire et hiérarchisante de la différence, qui ne conçoit pas l’un sans son autre. Or la notion de l’autre se fonde sur une métaphysique de l’humain comme sujet dit « kantien », être raisonnable et transcendantal. Dans une société patriarcale comme la nôtre, ce binarisme repose sur une différence sexuelle, comme le montre Frédéric Regard dans L’Écriture féminine en Angleterre. Si on y ajoute la définition nietzschéenne du mal comme tout ce qui est différent de nous, nous obtenons toute une série de dualismes : raison/émotion, esprit/corps, moi/monde, soi/autre, masculin/féminin, bien/mal, etc. L’héroïne, ainsi fabriquée par l’inconscient idéologique de notre histoire, est un effet discursif de nature secrètement politique. On lui a appris à être altruiste, à renoncer à son « moi » (le terme anglais, « selfless», littéralement « sans moi », indique clairement cette renonciation), pour se dévouer à l’autre, pour en fait mieux servir le moi de l’autre. Et, une fois le voile mensonger de la romance enlevée, une telle renonciation ne mène en réalité qu’à une espèce de mort vivante, la seule récompense possible pour la vertu étant en fait dans l’autre monde, comme chez Balzac. Ainsi l’héroïne met à jour l’inversion castratrice opérée par la morale chrétienne, qui, de mèche avec le patriarcat, prône la résignation et l’abnégation de certains pour mieux servir le pouvoir dominant.

  • 65   Il s’agit du sujet d’Aristote qui, loin d’être autonome et transcendantal, ne peut exister qu’en (...)
  • 66  Voir Michael Holquist, Dialogism : Bakhtin and His World, Londres : Routledge, 1990, 36.
  • 67  Voir Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris : Seuil, 1990.
  • 68  Il s’agit de l’essai de 1921 de T.S. Eliot intitulé, « The Metaphysical Poets » dans lequel il évo (...)
  • 69  Voir Jürgen Habermas, « An Alternative Way Out of the Philosophy of the Subject », Lawrence Cahoon (...)

18En poussant logiquement à bout la séparation moi/monde, les textes de Brookner mettent l’héroïne dans une position absurde, où, prisonnière d’un dualisme désuet, elle oscille dans un « no man’s land » entre les deux pôles opposés qui sont l’altruisme et l’égoïsme : l’altruisme – d’ailleurs fondé sur un leurre – n’a plus de fondement et l’égoïsme, qu’elle ne parvient pas à adopter, n’est pas viable comme contrat social. Ainsi, en constatant l’échec de l’altruisme, toute l’œuvre constate l’échec d’un système philosophique fondé sur la différence, sur ce que Jürgen Habermas nomme « self-centred reason », d’une conception du social qui pour survivre doit nier tout l’aspect émotionnel de l’humain qualifié de monstrueux. Ces textes qui proposent une démythification sans passer au stade de la re-mythification semblent appeler a contrario à un mode de fonctionnement nouveau, fondé sur le dialogue et la réciprocité, en d’autres termes, au sujet dit « relationnel »65, au sujet « polyphonique » de Bakhtine66, au « soi-même comme un autre » de Paul Ricœur67, à une « re-association of sensibility »68, ou à la « raison communicative » fondée sur l’échange de J. Habermas69. Puisque l’identité est produite par le discours, elle peut être révisée par la production d’autres récits du soi.

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Bibliographie

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Notes

1  Les romans de Brookner sont si répétitifs qu’ils peuvent être traités comme des variations sur un même texte de base, chaque roman donnant l’impression d’être une répétition en concentré de toute l’œuvre.

2  Les termes sont empruntés à Genette, qui définit la « transtextualité » comme « transcendance textuelle du texte […] tout ce qui met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes ». Le terme « intertextualité » ou « présence effective d’un texte dans un autre » désigne seulement une des cinq relations de répétition « transtextuelle ». Par contre, il y a « hypertextualité » lorsqu’un texte (l’hypertexte) vient se greffer sur un texte antérieur (l’hypotetxe). L’hypertexte ne parle pas de l’hypotexte, mais ne pourrait exister sans lui. Voir Gérard Genette, Palimpsestes, Paris : Seuil, 1982, 7-14.

3  Le personnage principal des romans autobiographiques de Brookner est le plus souvent une femme. Les quelques héros semblent n’être qu’une contrepartie masculine de réincarnations successives d’une même héroïne, derrière laquelle se cacherait une sorte de « surmoi féminin », la figure de l’auteur.

4  Voir Amy Elias, « Meta-Mimesis : the Problem of British Postmodern Fiction », in Théo D’Haen et Hans Bertens (Dir.), British Postmodern Fiction, Amsterdam et Atlanta : Rodopi, 1993, 9-31.

5  Voir Eileen Williams-Wanquet, « Jeanette Winterson’s Boating for Beginners: Both New Baroque and Ethics », Études britanniques contemporaines, n° 23, décembre  2002, 101.

6  Anita Brookner, A Misalliance (1986), London : Grafton Books, 1987, 148.

7 Ibid., 95.

8  Anita Brookner, Hotel du Lac (1984), London : Triad, Panther Books, 1985, 27.

9  Voir Judith Butler, Gender Trouble, New York : Routledge, 1999.

10  La Bible, Chaucer, Shakespeare et Lord Alfred Tennyson sont cités entre autres. Mais surtout des romanciers victoriens anglais comme Charles Dickens, Jane Austen et Charlotte Brontë figurent à côté d’auteurs français, russes et américains comme Flaubert, Stendhal, Balzac, Tolstoï, Henry James et Edith Wharton. Ces textes classiques côtoient les contes de fées de Grimm et d’Andersen, les fables de La Fontaine et les romans de gare de Barbara Cartland et de Georgette Heyer.

11  Anita Brookner, A Start in Life (1981), Harmondsworth : Penguin, 1991, 11.

12  Voir Stuart Hampshire, Innocence and Experience, Harmondsworth : Penguin, 1992.

13  Voir aussi Frédéric Regard, L’Écriture féminine en Angleterre, Paris : PUF, 2002, 141.

14  Voir Françoise Basch, Relative Creatures: Victorian Women in Society and the Novel: 1837-67, Londres : Allen Lane, 1974.

15  Donald D. Stone, The Romantic Impulse in Romantic Fiction, Cambridge (Mass.): Harvard University Press, 1980, 113, 102.

16 Ibid., 116.

17  Voir Sandra Gilbert et Susan Gubar, The Madwoman in the Attic, Londres et New Haven: Yale University Press, 1979, 359-362.

18  Northrop Frye, The Secular Scripture, Cambridge (Mass.): Harvard University Press, 1976, 53.

19  Northrop Frye, Anatomy of Criticism, Princeton (NJ): Princeton University Press, 1957, 186-187.

20 Ibid., 15.

21  Voir Diane Elam, Romancing the Postmodern, Londres : Routledge, 1992, 19-25.

22  Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Paris : Seuil, 1973, 25.

23  N. Frye, TheSecular Scripture, op. cit., 57.

24  Alors que Madame Bovary et Anna Karénine sont écrits sur un mode tragique, qui punit la transgression. Voir N. Frye, Anatomyof Criticism, op. cit., 34, 35-39 et 43-44.

25  Tony Tanner, Adultery and the Novel: Contract and Transgression, Londres : The John Hopkins University Press, 1979, 15-16.

26  David Lodge, « Fire and Eyre: Charlotte Brontë’s War of Earthly Elements », in Ian Gregor (Dir.), The Brontë : A Collection of Critical Essays,  New Jersey : Prentice Hall, 1970, 118.

27  Linda Hutcheon, A Poetics of Postmodernism, Londres : Routledge, 1988, 26.

28  Voir Linda Hutcheon, A Theory of Parody, Londres : Routledge, 1991, 1-29.

29  Charlotte Brontë, Jane Eyre, Harmondsworth : Penguin Student Edition, 1999, 339.

30 Ibid., 230.

31  Anita Brookner, Look at Me (1983), London : Triad Grafton Books, 1983, 123.

32  Anita Brookner, Providence (1982), London : Triad Grafton Books, 1983, 38.

33  Anita Brookner, Fraud (1992), London : Jonathan Cape, 1992, 93.

34  Anita Brookner, The Bay of Angels (2001), London : Viking, 2001, 187.

35  Anita Brookner, Providence, op. cit., 125.

36  Anita Brookner, Hotel du Lac, op. cit., 98.

37  Anita Brookner, Fraud, op. cit., 37. Les raisins, avec leurs pépins, sont traditionnellement symboliques de fertilité.

38  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 7.

39  Anita Brookner, Hotel du Lac, op. cit., 27.

40  Anita Brookner, Look at Me, op. cit., 163.

41  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 84.

42  Anita Brookner, The Bay of Angels, op. cit., 60.

43  Anita Brookner, A Private View (1994), Harmondsworth : Penguin, 1995, 167.

44  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 136.

45  Charlotte Brontë, Jane Eyre, op. cit., 150.

46 Voir David Lodge, « Fire and Eyre », op. cit.

47  Anita Brookner, Look at Me, op. cit., 37.

48 Ibid., 38.

49  Anita Brookner, Providence, op. cit., 21.

50  Anita Brookner, A Closed Eye (1991), London : Jonathan Cape, 1991, 42.

51 Ibid., 42-3.

52 Ibid., 43.

53  Anita Brookner, Falling Slowly (1998), Harmondsworth : Penguin, 1998, 118.

54  Frédéric Regard, L’Écriture féminine en Angleterre, op. cit., 31.

55  Charlotte Brontë, op. cit., 492.

56  Anita Brookner, A Closed Eye, op. cit., 43.

57  Anita Brookner, A Start in Life, op. cit., 7.

58  Anita Brookner, Fraud, op. cit., 222.

59  Anita Brookner, Hotel du Lac, op. cit., 93.

60  Anita Brookner, A Misalliance, op. cit., 18.

61  Voir Anita Brookner, Romanticism and its Discontents (2000), Harmondsworth : Penguin, 2001, 1-20.

62  Voir Shusha Guppy, interview with Anita Brookner, The Paris Review, n° 29, automne 1987, 149-169.

63  Linda Hutcheon, APoetics of Postmodernism, op. cit., 43.

64  Frederic Jameson, The Political Unconscious: Narrative as a Socially Symbolic Act, London : Routledge, 1996, 115.

65   Il s’agit du sujet d’Aristote qui, loin d’être autonome et transcendantal, ne peut exister qu’en tant qu’être social (voir Wayne Booth, The Company We Keep, Londres : University of California Press, 1988, 227 sqq.), repris par certaines féministes (voir Patricia Waugh, Feminine Fictions : Re-Visiting the Postmodern, Londres : Routledge, 1989, 1-33).

66  Voir Michael Holquist, Dialogism : Bakhtin and His World, Londres : Routledge, 1990, 36.

67  Voir Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris : Seuil, 1990.

68  Il s’agit de l’essai de 1921 de T.S. Eliot intitulé, « The Metaphysical Poets » dans lequel il évoque une « dissociation of sensibility » qui a commencé avec les Lumières après l’époque baroque.

69  Voir Jürgen Habermas, « An Alternative Way Out of the Philosophy of the Subject », Lawrence Cahoone (dir.), From Modernism to Postmodernism, Londres : Blackwell, 1996, 589-616.

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Pour citer cet article

Référence papier

Eileen Williams-Wanquet, « Révision de Jane Eyre comme métacommentaire philosophique dans les romans d’Anita Brookner », Revue LISA/LISA e-journal, Vol. IV - n°4 | 2006, 104-117.

Référence électronique

Eileen Williams-Wanquet, « Révision de Jane Eyre comme métacommentaire philosophique dans les romans d’Anita Brookner », Revue LISA/LISA e-journal [En ligne], Vol. IV - n°4 | 2006, mis en ligne le 20 octobre 2009, consulté le 01 mars 2014. URL : http://lisa.revues.org/1879 ; DOI : 10.4000/lisa.1879

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Auteur

Eileen Williams-Wanquet

Dr., (La Réunion, France)
Eileen Williams-Wanquet is a senior lecturer in English literature at the Université de La Réunion, France. She wrote her PhD thesis on Anita Brookner’s first twelve novels (1981-1992) and has since specialised in the contemporary British novel. She has published articles on Marina Warner, Penelope Lively, Michèle Roberts and Jeannette Winterson and is the author of a book entitled Art and Life in the Novels of Anita Brookner: Reading for Life / Subversive Writing to Live (Peter Lang, 2004 ), which treats all of Brookner’s twenty-one novels to date. Her current field of research is on re-writing in the postmodern novel as a main aspect of “postrealism” and of “postfeminism”.

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