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Mesurer la ville par l’évaluation et la caractérisation du sol urbain : l’exemple de Tours
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Mesurer la ville par l’évaluation et la caractérisation du sol urbain : l’exemple de Tours

To measure the city by the evaluation and characterization of urban land: the example of Tours
Amélie Laurent et Mélanie Fondrillon

Résumés

Deux thèses récentes d’archéologie ont été engagées sur la compréhension du sol urbain de Tours et menées dans le cadre des recherches archéologiques développées depuis une quarantaine d’années. Elles ont porté plus particulièrement sur l’analyse des caractéristiques et des principes d’exhaussement du sol urbain, correspondant à l’ensemble du dépôt archéologique de la ville.

Ces travaux ont concerné deux échelles complémentaires traditionnellement employées en archéologie urbaine : l’évaluation, à l’échelle de la ville, et la caractérisation, à l’échelle du site. Fondées sur l’utilisation d’outils issus des Sciences de la Terre et appliqués dans une problématique d’histoire de la ville, deux nouvelles approches de la stratification des villes pré-industrielles ont été développées, la première concernant la microarchéologie, la seconde, la géotechnique appliquée au dépôt archéologique.

Menées conjointement, les deux études présentent un double intérêt : le premier, d’ordre général, concerne la mise en œuvre d’une méthodologie applicable à tout phénomène urbain, en particulier par la création d’un référentiel commun des strates archéologiques, permettant de caractériser des dépôts indéterminés ; le second intérêt, plus ponctuel, concerne l’application de ces principes généraux à un cas particulier de formation du sol urbain, celui de Tours. La modélisation des résultats à l’échelle de la ville implique que l’acquisition des données sur le terrain intègre une problématique historique et topographique.

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Texte intégral

Introduction

  • 1  Les deux thèses, entreprises au sein du Laboratoire Archéologie et Territoires (UMR 6173 CITERES) (...)

1Depuis 1969, Tours est un pôle de recherches important pour l’archéologie des villes pré-industrielles : le Laboratoire d’Archéologie Urbaine de Tours, qui sera intégré plus tard au Laboratoire Archéologie et Territoires (UMR 6173 CITERES), est fondé en 1973 ; un premier colloque consacré à l’archéologie urbaine en Europe du Nord-Ouest y est tenu en 1980 ; à la suite de ce congrès, le Centre National d’Archéologie Urbaine est créé en 1984 ; depuis les années 1990, diverses tables-rondes y ont été organisées, dont la plus récente, en 2009, porte sur la chrono-chorématique urbaine. Dans la lignée de ces travaux antérieurs, deux thèses d’archéologie urbaine1 ont été engagées sur la ville à travers l’étude des archives du sol, autrement appelées le sol urbain. Elles ont été entreprises selon les deux grandes approches développées depuis les années 1970, l’évaluation et la caractérisation, en utilisant toutefois des outils empruntés aux naturalistes, encore peu appliqués en archéologie.

2Le sol urbain est ici défini comme le volume de sol produit par les activités humaines de leurs origines à nos jours. Caractérisé par une épaisseur importante généralement comprise entre deux et douze mètres, il est une source de l’histoire des villes et de leur communauté d’habitants. Savoir interroger ces “ archives du sol ” est donc une nécessité pour qui souhaite mesurer le degré d’activité, caractériser les occupations et, plus largement, appréhender les modalités et les dynamiques de production de l’urbain. Les méthodes mises en œuvre pour évaluer et caractériser le sol urbain à Tours sont issues, d’une part, de la microarchéologie, fondée sur la récupération et le tri des constituants grossiers des couches archéologiques, d’autre part, de la prospection géotechnique, réalisée à l’aide d’un outil utilisé à l’origine dans le Génie urbain, le pénétromètre dynamique PANDA. Au terme des deux études, des référentiels ont été établis pour répondre aux grandes problématiques de l’archéologie urbaine, c’est-à-dire mesurer l’épaisseur du dépôt archéologique et distinguer les activités humaines.

3Concernant, les portées méthodologiques et analytiques obtenues par l’application des deux outils, le propos est, en premier lieu, centré sur la présentation des référentiels microarchéologiques et archéologico-mécaniques, qui sont un acquis méthodologique préalable ; leur application au dépôt archéologique permettra de caractériser les activités urbaines à l’échelle du site, là où les procédures d’identification traditionnelles font défaut. En second lieu, la question porte plus largement sur les modes et les choix d’intégration des données acquises à l’échelle du site pour l’étude de la ville dans sa globalité, grâce à l’utilisation d’un système d’information géographique. Plusieurs modèles de mesure de l’épaisseur du dépôt archéologique sont ainsi proposés et considérés comme des outils d’aide à la décision. La démarche montre que la connaissance globale du dépôt archéologique est un préalable à l’étude de ses composantes spatiales et historiques. Dans ce cadre, il s’agit en dernier lieu de montrer l’intérêt de la caractérisation des dépôts à l’échelle du site dans la restitution des activités passées à l’échelle de la ville, qui remet en cause les schémas traditionnels de topographie urbaine.

Les archives du sol des villes

4Le sol urbain, tantôt qualifié de “ dépôt archéologique ” ou de “ dépôt anthropique ” par les archéologues, de “ remblai historique ” par les géotechniciens ou bien de “ poubellien ” par les pédologues (Barles, Guillerme 2003), se différencie des autres sols par une importante épaisseur, généralement plurimétrique, et une stratification dense et variée (Galinié1999 : 7). Considéré comme le volume de sol produit par l’occupation urbaine depuis ses origines, il s’étend verticalement entre les niveaux géologiques et le sol actuel.

5L’exhaussement du sol urbain résulte de mécanismes anthropiques (importation de matières et de denrées, production et évacuation de déchets, mise en œuvre de matériaux) mais aussi de phénomènes naturels à l’origine de sédimentations ou d’altérations, qui sont le plus souvent des réponses aux fortes contraintes anthropiques exercées sur leur milieu. Ces mécanismes expliquent le caractère hétérogène du sol des villes (Galinié 1999 : 11 ; Breysseet al. 2002 ; Breysse2003).

6La stratification urbaine constitue donc la principale source des archéologues pour appréhender l’occupation de la ville de manière diachronique. La stratigraphie témoigne de la complexité et de l’historicité de ce dépôt. La démarche stratigraphique vise à caractériser fonctionnellement les archives du sol et à identifier leurs modes de formation. Cette caractérisation repose sur le postulat que les couches archéologiques, par leurs propriétés (composition, épaisseur, étendue) et les relations spatio-temporelles qu’elles entretiennent les unes avec les autres, témoignent directement des usages de l’espace par les habitants.

7La reconstruction des villes et le développement des opérations d’urbanisme après la seconde Guerre Mondiale ont engendré des destructions massives du sol urbain entraînant la perte d’informations pour la connaissance de l’histoire des phénomènes urbains. Le développement de l’archéologie urbaine et la prise de conscience du phénomène d’“ érosion de l’histoire ” (Heighway1972) ont favorisé la mise en place de la pratique de l’évaluation en milieu urbain dans certaines villes d’Europe. Ces préoccupations s’inscrivent depuis peu dans une logique de développement durable, le renouvellement et la création d’infrastructures nouvelles ne devant pas se faire au détriment du patrimoine archéologique.

Caractéristiques et principes de formation du sol urbain

La variabilité du sol urbain

8En milieu urbain, la variété et la densité des activités humaines sont plus importantes qu’ailleurs. Celles-ci se matérialisent par les strates archéologiques, qui prennent la forme de constructions (murs, sols…), de creusements (décaissements, fosses, fossés, trous de poteaux…) et, pour l’essentiel, de couches archéologiques.

9Cette production de sol est pour une part spontanée et pour une autre systématique (Galinié1999 : 12-13) :

  • la production spontanée est le résultat d’activités répétitives marquées par la production de déchets sur place, ou évacués à proximité immédiate. Ces activités peuvent être domestiques, artisanales ou liées à la construction ;

  • la production systématique est liée à l’action de déblaiement et de remblaiement qui modifie la configuration de sol par soustraction ou addition.

10Par essence dynamique, la ville connaît des variations dans l’espace, le temps et ses composantes fonctionnelles. Sa formation est rythmée de phases d’expansion et de phases de rétraction. La production de sol qui en résulte est irrégulière autant dans sa dimension verticale que dans sa dimension horizontale : l’épaisseur, l’étendue et la nature du dépôt archéologique ne sont donc pas uniformes au sein d’une même ville.

La formation du sol urbain

11Selon le principe d’exhaussement qui prévaut jusqu’au milieu du 20e siècle en matière de gestion des déchets, le sol urbain devrait être en théorie un simple empilement de strates produites par l’occupation urbaine depuis ses origines. Mais ce modèle d’accumulation stricte des matériaux est dans la pratique invalide. Seuls quelques rares contextes présentent une fossilisation presque intacte des vestiges, depuis leur abandon jusqu’au moment de leur découverte.

  • 2  On trouve des réflexions abouties sur le sujet principalement chez les spécialistes de la stratigr (...)
  • 3  On lui préfère le terme site formation processes des anglo-saxons (Schiffer 1983 ; Golberg, Macpha (...)

12La conception dynamique du sol a introduit un élément qui, jusque très récemment en contexte urbain, était peu considéré : la stratification archéologique, comme n’importe quel sol, connaît des transformations après sa mise en place et son oblitération2. La prise en compte de ce phénomène, regroupé sous le terme commode mais mal adapté de taphonomie3 (Berger1997), permet d’appréhender l’ensemble des perturbations qui ont affecté le sol après la déposition des matériaux. Le changement de paradigme réside dans le fait que ces perturbations ne sont plus seulement des filtres modifiant la lecture des dépôts mais sont aussi des archives du sol, témoins de l’histoire des sites, au même titre que les dépôts qu’ils ont affectés.

13Dans cette optique, la notion de sol urbain fait ainsi référence à un objet en mouvement, en perpétuelle transformation : l’occupation urbaine se constitue sur la base d’une ancienne ville, lui porte atteinte selon différentes formes (creusements, compactions, intégrations de matériaux exogènes…), plus ou moins densément ; elle laisse place à une nouvelle occupation qui incorpore à son tour le substrat urbain, et ainsi de suite. Sur ce principe, le sol urbain est caractérisé par des cycles d’apport et d’érosion (Harris1989 : 43) (Fig. 1).

Fig. 1 : Schématisation des processus de formation des couches archéologiques.

Fig. 1 : Schématisation des processus de formation des couches archéologiques.

14À l’échelle de la strate, il faut de la même manière dissocier ce qui relève de la sédimentation de ce qui résulte de la transformation des matériaux. Il s’agit chez certains auteurs de la distinction nécessaire entre unités stratigraphiques (US) positives et négatives – parfois appelées aussi unités d’altération(Desachy2008). Archéologiquement sur le terrain, les traces respectives de sédimentation et d’altération sont au moment de la découverte entièrement imbriquées, rendant leur identification difficile si ce n’est impossible. Mais leur considération permet d’isoler ce qui relève de la création de ce qui relève de l’utilisation :

  • les phénomènes de sédimentation – d’aménagement, de construction, etc. – renvoient aux évènements et au temps court ; ils témoignent de la seule mise en place des matériaux et des structures, qui correspond à une action ponctuelle dans l’histoire du gisement ;

  • les phénomènes de transformation se réfèrent à des processus et au temps long ; produisant de faibles accumulations sédimentaires, ils sont paradoxalement la matérialité de l’occupation, quelque soit sa destination, et qui s’appréhende dans la durée.

15L’exemple d’un sol d’habitat sur support meuble illustre bien cette nécessité de décomposer l’enregistrement selon les étapes de formation du sol. Il s’agit au préalable d’un apport de matériaux pour assainir, exhausser et stabiliser le niveau de circulation qui peut se matérialiser par une couche de sable, de charbons ou encore de terre battue (comprise ici au sens strict comme un remblai plus ou moins argileux destiné à stabiliser le niveau de circulation). Puis ce sol supporte la véritable occupation de la pièce qui produit une sédimentation mince mais régulière par l’apport de fines particules piégées sous les chaussures, de déchets culinaires dans le cas de pièces à vivre, d’objets manufacturés perdus ou encore de fragments de matériaux de construction provenant de la dégradation des murs. L’occupation de l’espace produit également une modification du support par transformation physique (rubéfaction due aux foyers, tassement de la structure des sédiments par piétinement, fragmentation des objets), de transformation chimique (incorporation de matière organique, changement du pH) et d’érosion (enlèvement de matière due au balayage) (Fig. 2).

Fig. 2 : Schématisation des modalités de formation des couches archéologiques relevant de processus.

Fig. 2 : Schématisation des modalités de formation des couches archéologiques relevant de processus.

16Ces mêmes processus auront lieu dans les espaces extérieurs. Dans le cas d’un niveau de mise en culture, le travail de la terre aura homogénéisé la stratification sous-jacente avec les couches d’amendement. Sur le terrain, on identifiera un seul et même dépôt, dont les propriétés reflètent la dernière utilisation.

17La formation du dépôt archéologique est ainsi composée de phases dépositionnelles, correspondant à des moments d’exhaussement, et de phases post-dépositionnelles, correspondant à des moments d’altération et d’approfondissement, qui peuvent être liés à des agents naturels (facteurs pédogénétiques et érosifs) comme aux activités humaines (Fondrillon, Laurent 2009). La prise en compte des différentes étapes dans la formation d’un sol archéologique permet, en premier lieu, d’estimer les pertes d’information du registre archéologique (Fondrillon2007 : 149-152), en second lieu, d’appréhender la diversité des temps des matériaux archéologiques (Olivier2001 : 191), et finalement de restituer la trajectoire des structures archéologiques, en différenciant les temps d’aménagement et les temps d’occupation.

L’évaluation et la caractérisation du sol urbain

  • 4  Pour les études régionales et nationales qui ont été menées en Europe à partir de grilles d’analys (...)

18Depuis les années 1970, il est devenu important, pour des questions d’ordre scientifique et politique, de connaître le plus précisément possible l’étendue et l’épaisseur du dépôt archéologique urbain4. C’est dans ce contexte que la pratique d’évaluation du potentiel archéologique des villes et, particulièrement, celle de la caractérisation du sol urbain ont été développées.

19La démarche consiste à reprendre l’équation proposée par P. Garmy (Garmy 1999 : 94 ; 2009 : 69-70) qui définit le potentiel archéologique réel (Pr) à partir du potentiel idéal (Pi) et des destructions massives du dépôt archéologique (D). Le calcul est pondéré par un facteur complexe relatif à la qualité du dépôt (Q), déterminé en fonction de la topographie (héritage géomorphologique), l’orographie (propriété du milieu à conserver les matériaux), l’épaisseur et la constitution du dépôt archéologique suivant la relation suivante : Pr = (Pi - D)Q

20Pour résoudre cette équation, il est nécessaire de restituer :

  • le potentiel idéal Pi, qu’il est possible de définir par des hypothèses sur les transformations de l’espace urbanisé ancien (dimension horizontale) et sur les usages du sol de manière diachronique (dimension verticale) ;

  • les destructions massives portées au sous-sol D, qui doivent être inventoriées et quantifiées ;

  • la qualité du sol Q, accessible d’une part à l’aide d’outils de mesure de l’épaisseur du sol urbain, d’autre part grâce aux méthodes de caractérisation fonctionnelle appliquées à l’échelle des sites (stratigraphie et géoarchéologie).

Le potentiel idéal Pi

21Dans la pratique archéologique, “ la connaissance de l’évolution d’une ville passe par la mise en perspective des éléments individuels (maisons, lieux de culte, remparts, etc.) dans l’ensemble de l’espace urbain, à chaque époque ” (Galinié 1989 : 67). Les états successifs de la ville pré-industrielle permettent de délimiter l’espace urbanisé ancien qui ne correspond pas à nos actuels centres historiques (Fig. 3). Celui-ci est défini par l’addition et la soustraction des zones d’occupation dense de la ville, des origines au milieu du 19e siècle. Sa restitution s’appuie sur les plans de topographie historique élaborés pour des périodes pertinentes, délimitées par de grandes ruptures morphologiques et fonctionnelles. L’espace urbanisé ancien schématise ainsi le paysage urbain par épisode et, sur l’ensemble de l’histoire d’une ville, ses phases d’expansion et de rétraction de l’occupation urbaine.

Fig. 3 : Espace urbanisé ancien à Tours.

Fig. 3 : Espace urbanisé ancien à Tours.
  • 5  Ces réflexions renvoient au problème de définition de l’urbain pour la période du haut Moyen Âge, (...)

22L’espace urbanisé ancien est donc une modélisation des états urbains successifs, établi sur la base des connaissances topo-historiques, dans une optique de prospective. Il ne correspond pas à la réalité des occupations urbaines, ni dans leur nature, ni dans leur épaisseur, ni dans leur étendue, mais il schématise les zones à fort potentiel urbain ancien. Par exemple, lors d’un épisode de rétraction urbaine, on ne retiendra que les zones dans lesquelles on suppose une activité humaine intense, généralement limitées aux enceintes. Les espaces exclus par ce découpage ne peuvent être considérés strictement comme de l’abandon mais plutôt comme des zones faiblement occupées ou des espaces dont les usages sont jusqu’ici imperceptibles par les archéologues5. En revanche, l’espace urbanisé ancien définit “ un périmètre de sensibilité archéologique dans lequel la densité des archives du sol est élevée ”(Galinié 1991 : 27).

23En outre, l’évaluation, limitée par l’état des connaissances à un moment donné, consiste à spéculer à partir d’un constat sur l’ensemble de l’espace urbanisé aux différentes époques (Galinié 1989 : 69). On pose donc des hypothèses sur les usages du sol en un lieu et un temps donnés, à partir des informations recensées, en termes d’occupation ou d’abandon, de gain ou de rétraction. L’idéal est de découper la ville selon des zones fonctionnelles particulières (habitat, artisanat, funéraire…), de façon diachronique. Ce découpage en composantes socio-spatiales est le résultat d’une modélisation de l’espace selon l’échelle choisie (ville, îlot, site). Ces composantes, associées aux hypothèses de transformations de l’espace urbanisé ancien, correspondent au potentiel archéologique idéal d’une ville Pi.

Les destructions massives portées au sous-sol D

24La connaissance du potentiel archéologique réel d’une ville nécessite la prise en compte de l’état de conservation du sous-sol (Biddle, Hudson, Heighway1973). Toutefois, le problème est de pouvoir distinguer ce qui a été partiellement ou totalement détruit. On sait qu’en ville, jusqu’en 1945, les destructions à l’échelle de l’espace urbanisé ancien ont toujours été partielles, atteignant rarement le sol vierge et les phases les plus anciennes de l’occupation urbaine (Galinié, Randoin1979 : 39). Cependant, depuis la seconde guerre mondiale, les nouvelles techniques de construction ont engendré des destructions massives du sous-sol. En outre, dans les années 1960, les opérations ont principalement concerné des rénovations, entraînant des destructions du bâti, une oblitération du parcellaire et une reconstruction totale de quartiers urbains. Toutefois, depuis les années 1970, ces opérations d’urbanisme sont suivies par des actions de restructuration ou de réhabilitation qui semblent plus positives pour la conservation du sous-sol, toutefois concentrées dans les centres historiques (Chapelot 1982 : 30-31). Il est donc nécessaire d’inventorier et de cartographier ces destructions D qui, soustraites du potentiel idéal Pi, estimeront le potentiel réel Pr.

La qualité du sol Q

25L’appréciation de la qualité du sol urbain nécessite en premier lieu la mesure de l’épaisseur du dépôt archéologique. On souhaite acquérir, à l’échelle de la ville, une carte des épaisseurs en lui superposant les éléments de la topographie historique, permettant ainsi d’obtenir une vision globale de l’intensité de l’occupation humaine. La principale question concerne la mise en évidence d’une corrélation entre l’épaisseur du dépôt et la densité des activités humaines. Cette démarche nécessite de posséder un nombre important d’informations et de choisir une méthode d’estimation des mesures (interpolation) adaptée pour, à terme, restituer une carte des épaisseurs.

26À l’échelle du site, la connaissance de l’épaisseur du dépôt urbain est avant tout rendue nécessaire pour des questions de stratégie d’intervention archéologique, en particulier celles concernant le volume de sol à étudier et, a fortiori, à fouiller. Dans ce cas, la mesure de cette épaisseur est une information sollicitée autant par les archéologues que par les aménageurs.

  • 6  Pour les principales publications concernant la méthode stratigraphique en archéologie urbaine ang (...)
  • 7  La typologie fonctionnelle des strates archéologiques communément utilisée est la suivante : couch (...)

27En second lieu, la qualité du dépôt archéologique est estimée grâce à différentes méthodes de caractérisation appliquées à l’échelle des sites. Parmi elles, la méthode stratigraphique, devenue norme méthodologique de l’archéologie urbaine depuis les années 1980 en Europe du Nord-Ouest6, est bien sûr prioritaire dans la procédure de fouilles et d’analyses des dépôts puisqu’elle permet non seulement une lecture verticale des gisements archéologiques (chronologie relative) mais aussi une lecture horizontale, par l’analyse spatiale des activités intra-sites. L’intérêt de la méthode stratigraphique est de considérer chaque strate, qui compose le sol urbain, comme une entité fonctionnelle, chronologique et spatiale témoignant d’une action ou d’une activité humaine en un temps donné et en un point donné. La caractérisation stratigraphique repose sur une grille d’analyse fonctionnelle7 commune dans ses grandes lignes à l’ensemble des équipes de fouille et à partir de laquelle les deux analyses qui suivent, entreprises sur le sol urbain de Tours, ont été menées. En outre, la caractérisation du sol urbain est devenue le jeu de l’interdisciplinarité entre les sciences humaines et les sciences de la terre et de la nature, avec le développement massif de la géoarchéologie au début des années 1990. Cette approche des stratifications passe par l’identification de mécanismes sociaux et naturels qui concourent à sa formation. Pour comprendre l’histoire complète d’un gisement archéologique, la démarche introduit la reconnaissance des processus de formation des stratifications, c’est-à-dire des différentes étapes de constitution de chacune des strates qui le composent (infra). L’application de la géoarchéologie au sol urbain a principalement concerné des dépôts pour lesquels la méthode stratigraphique était inopérante, et en particulier les terres noires médiévales (infra La mesure quantitative et qualitative du sol urbain de Tours). Elle a également été utilisée pour étudier les sols à des échelles microscopiques, jusque là inexplorées.

28L’urbain est donc devenu le lieu d’application de procédures interdisciplinaires dont les objectifs sont, en premier lieu, d’identifier l’origine naturelle ou anthropique des dépôts ; en deuxième lieu, de reconnaître la nature de l’occupation humaine, c’est-à-dire l’usage des dépôts ; en troisième lieu, d’établir la chronologie relative, sur le principe stratigraphique ; enfin, d’analyser les durées et les changements d’affection des usages, en somme d’identifier les dynamiques de formation du dépôt archéologique.

L’appréhension microarchéologique et archéologico-mécanique du sol urbain

29Deux méthodes d’investigation archéologiques ont été appliquées au sol urbain de Tours. La première méthode, dite microarchéologique, est issue de la géoarchéologie. Elle consiste à recueillir l’ensemble des matériaux grossiers contenus dans les strates, après tamisage à maille millimétrique de prélèvements d’une dizaine de litres chacun. L’étude des assemblages grossiers permet d’une part de caractériser les dépôts en termes d’usage, d’autre part d’identifier les processus de formation des stratifications. La seconde méthode, utilisée à l’origine en géotechnique, permet de mesurer la compacité des couches à l’aide d’un pénétromètre dynamique léger. L’objectif est de distinguer les couches archéologiques, ou ensembles de couches, à partir des mesures de résistance.

La grille d’analyse des composantes stratigraphiques du sol urbain

30Dans les deux travaux, l’appréhension du sol urbain, quel que soit le choix de la démarche, microarchéologique ou géotechnique, est axée dans une problématique d’archéologie urbaine où l’objectif est de répondre à trois grandes questions énoncées précédemment : 1) évaluer l’épaisseur du dépôt archéologique ; 2) distinguer et caractériser les couches le composant ; 3) identifier les processus de formation.

31Pour cela, une grande part de la procédure a consisté à élaborer un référentiel fonctionnel, créé à l’échelle des couches archéologiques. Ce référentiel est établi pour l’essentiel à partir du site de Saint-Julien à Tours, (site 16, co-resp. H. Galinié, E. Lorans, LAT) servant ainsi de site expérimental pour l’acquisition des données microarchéologiques et archéologico-mécaniques (enregistrement, relevé, échantillonnage). D’autres sites, dont les fouilles étaient en cours au moment des deux thèses, ont également été incorporés aux corpus (Fig. 4).

Fig. 4 : Plan de localisation des sites étudiés et de la topographie historique à Tours.

Fig. 4 : Plan de localisation des sites étudiés et de la topographie historique à Tours.

32La mise en place du référentiel a nécessité au préalable l’établissement d’une grille d’analyse fondée sur la typologie stratigraphique traditionnelle (cf. supra).

33Cette grille d’analyse est constituée de deux niveaux d’interprétation, le “ type fonctionnel ” regroupant des “ sous-types fonctionnels ”. Il ne s’agit pas de l’ensemble des interprétations archéologiques potentiellement attribuables à tout dépôt archéologique mais des types de strates que nos sites de référence, en particulier celui de Saint-Julien, ont livré. Ce constat signifie que cette liste interprétative se complètera à mesure que nous incorporerons d’autres sites à nos corpus respectifs.

34La grille d’analyse se compose de (Fig. 5) :

  • l’occupation extérieure regroupant les couches de circulation (cour, voirie), de mise en culture (champs), de jardin, de mise en herbe/pacage/pâturage ;

  • l’occupation intérieure formée des sols d’occupation (circulation, piétinement, rejets domestiques dans un bâtiment ou sous-abri) et des restes de foyers ;

  • la construction composée des couches de construction en pierre (mur, plot, palissade), des sols construits (carrelage, mosaïque, dallage, béton de mortier), des empierrements, des cailloutis et des couches de déchets de taille (mise en œuvre des matériaux) ;

  • la destruction regroupant les couches de destruction in situ et celles liées à la récupération des matériaux ;

  • les remblais d’aménagement comprenant les couches liées à l’obstruction de structures en creux, celles relatives au nivellement et à l’assainissement de l’espace, et en particulier les remblais de démolition ;

  • les comblements d’usage correspondant aux remplissages des fosses-dépotoir, d’égouts ou de rigoles et aux dépotoirs en tas ou épandages (“ zone dépotoir ”) ;

  • les niveaux naturels anthropisés formés des alluvions polluées par des déchets urbains ;

  • les niveaux naturels correspondant aux alluvions de la Loire pour les sites étudiés à Tours.

Fig. 5 : Grille d’analyse des composantes stratigraphiques étudiées.

Fig. 5 : Grille d’analyse des composantes stratigraphiques étudiées.

(M. Fondrillon, A. Laurent - UMR 6173 - LAT - 2006)

L’étude microarchéologique

35La microarchéologie, fondée sur la récupération et le tri des constituants grossiers des couches archéologiques, a été appliquée principalement à des contextes préhistoriques (Rosen 1986 ; Rosen 1989 ; Stein, Telster 1989 ; Sherwood, Simek, Polhemus 1995) et plus récemment à des stratifications historiques (Sidell 1994 ; Saffioti 1999 ; Guyard 2003 : 108-113 ; Laurent 2004). Cette méthode est fondée sur le postulat que la nature, la fréquence et l’état de ces matériaux sont dépendants des usages de l’espace par les habitants, principe selon lequel le sol produit par les activités humaines témoigne directement des gestes et des comportements de ces sociétés passées.

36Partant de cette hypothèse, l’étude visait à construire un référentiel fonctionnel des couches archéologiques alimenté par des strates bien interprétées de toutes périodes et de toutes fonctions. Celui-ci est destiné à caractériser des dépôts pour lesquels l’interprétation archéologique fait défaut. La compréhension des niveaux de terres noires médiévales, en particulier la reconnaissance des activités humaines à l’origine de leur formation, en constitue la problématique centrale (cf. infra).

37L’échantillonnage est réalisé par strates, desquelles 5 à 10 litres sont prélevés. Il peut être réalisé soit en plan, au moment de la fouille des dépôts, soit à partir d’une coupe (Fig. 6), où un sondage manuel de vérification permet d’appréhender plus finement la stratification à échantillonner (prélèvements en séquence continue).

38La récupération des matériaux grossiers procède par tamisage sous jet d’eau à des mailles millimétriques variant de 0,5 à 6,3 mm. Ici, seule la maille la plus grossière a été utilisée pour la création du référentiel.

Fig. 6 : Colonne de prélèvement en séquence continue, site de la rue Gambetta, Tours, resp. A.-M. Jouquand.

Fig. 6 : Colonne de prélèvement en séquence continue, site de la rue Gambetta, Tours, resp. A.-M. Jouquand.

39Ces matériaux grossiers, d’origine anthropique et naturelle, sont destinés à un tri quantitatif et qualitatif du refus de tamis, prenant en compte le nombre et le poids par catégories de constituants.

  • 8  Le postulat établit qu’en théorie, tel type d’activité ou d’action produit tel type de strate, rec (...)
  • 9  Pour le détail de la procédure, voir Fondrillon 2007 : 310-389 ; Galiniéet al., à paraître. (...)

40La première étape de l’analyse des données a consisté à tester différents critères qu’on supposait discriminants pour la création du référentiel. Ces critères ont été établis a priori, sur la base des principes théoriques de formation des couches archéologiques8. Après l’étape de validation des critères9, ceux qui discriminaient le mieux l’usage des dépôts ont été utilisés dans la création du référentiel (cf. supra). Il s’agit de :

  • l’indice de richesse, qui informe sur la diversité des catégories de constituants au sein d’un refus de tamis ; il est calculé en fonction du nombre de catégories pondéré par le volume prélevé, selon un ajustement logarithmique ;

  • la contribution à l’échantillon, qui indique le caractère plus ou moins grossier du dépôt ; il s’agit du rapport entre le volume de matériaux supérieurs à 6,3 mm et le volume total prélevé, exprimé en pourcentages ;

  • le taux de fragmentation, qui renseigne sur le caractère plus ou moins fragmenté des matériaux ; il est fourni par le rapport entre le nombre de constituants et leur poids ;

  • le taux d’altération, qui n’est fondé que sur les fragments de poterie ; il est donné par le rapport entre le nombre de tessons altérés et celui du total de fragments ;

  • le taux de matériaux brûlés, qui considère la part des éléments carbonisés ou calcinés sur l’ensemble des matériaux du refus de tamis ;

  • les assemblages grossiers, établis selon les différents types de constituants et regroupés dans les catégories fonctionnelles “ Construction ” (C), “ Domestique ” (D) et “ Naturel ” (N) ; les valeurs sont exprimées en pourcentages du nombre de constituants pour chacune des trois grandes catégories.

L’étude archéologico-mécanique

41La démarche consiste à coupler les approches archéologique et mécanique – ou géotechnique – pour répondre à un double objectif : d’une part, évaluer l’épaisseur du sol urbain en tout point d’une ville, d’autre part caractériser le sol urbain en identifiant des usages distincts.

42Comme pour l’archéologue, l’appréhension du sol urbain par le géotechnicien repose sur l’analyse du caractère hétérogène à travers la mesure mécanique du sol. Il s’agit pour lui de distinguer des couches aux propriétés homogènes (granulométrie, compacité, teneur en eau) pour, par exemple, définir la profondeur à laquelle fonder un bâtiment sans risque.

43L’étude archéologico-mécanique a été réalisée à l’aide d’un outil couramment utilisé dans le génie civil, le PANDA (pénétromètre automatique numérique dynamique assisté par ordinateur) qui présente l’avantage d’être peu destructeur, rapide à mettre en œuvre et peu onéreux (Breysse et al. 2002).

44Le principe du PANDA est de mesurer la résistance de pointe (Qd) en MPa (MégaPascal) que reçoit une tige en fonction de son enfoncement à coup de marteau (Fig. 7). On obtient un signal (pénétrogramme) qui représente la résistance du sol en fonction de la profondeur (Fig. 8). Les variations d’énergie liées au caractère manuel de la frappe n’ont aucune influence sur les mesures car la tête du train de tiges est équipée d’un capteur de vitesse. On en déduit ainsi l’énergie cinétique fournie au dispositif (Maquaire et al. 2002 : 837).

Fig. 7 : Schéma du dispositif du PANDA.

Fig. 7 : Schéma du dispositif du PANDA.

Fig. 8 : Pénétrogramme du SP no 32.1 réalisé à Tours.

Fig. 8 : Pénétrogramme du SP no 32.1 réalisé à Tours.

45En pratique, sur les sites, les sondages au pénétromètre ont été réalisés en bord de coupe de façon à visualiser et relever ce qu’a traversé le PANDA. Afin de lier les observations archéologiques aux observations mécaniques, des unités d’enregistrements intermédiaires ont été employées. La mise en œuvre d’une telle méthode a soulevé le problème de l’échelle d’analyse. En effet, l’échelle d’analyse du sol urbain est d’ordre centimétrique pour l’archéologue (Unité Stratigraphique) tandis qu’en général celle du géotechnicien est d’ordre décimétrique (Unité Mécanique).

  • 10  Une UL peut donc regrouper plusieurs US.

46Dans un premier temps, une échelle intermédiaire a été employée de façon à concilier les deux approches en relevant les coupes stratigraphiques à partir de la description d’Unité Lithologique (Fig. 9). Elle est caractérisée par sa texture, sa couleur, sa porosité et ses constituants10. Le relevé en Unité Lithologique approfondit les observations traditionnelles de l’archéologue et se rapproche des caractéristiques étudiées par le géotechnicien (granulométrie, teneur en eau).

Fig. 9 : Comparaison du signal pénétrométrique du SP 16.33, du relevé lithologique et du relevé stratigraphique correspondant.

Fig. 9 : Comparaison du signal pénétrométrique du SP 16.33, du relevé lithologique et du relevé stratigraphique correspondant.
  • 11  Il a été démontré que l’échelle de l’Unité Stratigraphique est trop fine et pas systématiquement r (...)

47Dans un deuxième temps, afin de confronter les observations archéologiques aux valeurs de résistance et de se concentrer sur le caractère fonctionnel de la stratification du site, une unité intermédiaire homogène a été créée : l’Unité Contextuelle (UC). L’UC correspond à une Unité Lithologique pour laquelle on affecte le temps et la fonction archéologique selon la typologie fonctionnelle présentée précédemment. Après différents tests11, il s’avère que l’échelle d’analyse de l’UC est proche de la séquence stratigraphique, regroupant des couches de composition et de fonction homogènes.

  • 12  Le choix de ces variables est présenté plus en détail dans Laurent A. 2007 : 251-280.

48Pour répondre aux objectifs de départ, il a été choisi d’élaborer un référentiel archéologico-mécanique en se concentrant sur six variables discriminantes12 que l’on a attribuées à chaque UC : la datation, l’épaisseur, l’altitude moyenne, la profondeur moyenne, la médiane de résistance et le coefficient de variation de la résistance. L’altitude moyenne est à utiliser seulement lorsqu’il s’agit de mettre en place un référentiel à l’échelle d’un site.

La mesure quantitative et qualitative du sol urbain

Les référentiels microarchéologique et archéologico-mécanique comme outils de caractérisation du sol urbain

49La mise en place du référentiel a pour but de caractériser, sur le site de Saint-Julien et en d’autres points de la ville, des séquences urbaines qui restaient jusque là indéterminées, soit parce que les méthodes traditionnelles (fouilles et études en post-fouilles) n’étaient pas opérantes soit parce que, plus simplement, ces séquences n’avaient pas encore été fouillées ou diagnostiquées archéologiquement. Bien que cela se soit avéré parfois difficile, nous avons tenté d’établir un référentiel à deux volets, l’un microarchéologique, l’autre archéologico-mécanique, à partir d’une grille d’analyse commune et d’un corpus dans l’ensemble homogène, et en nous fondant sur deux outils d’analyse du sol totalement distincts, tant par les échelles d’analyses utilisées que par les critères étudiés. Notre objectif est ici de proposer une première typologie développée et appliquée à la ville de Tours, qui nécessitera par la suite d’être complétée et, en conséquence, modifiée par l’ajout de nouvelles données et de nouveaux contextes urbains.

Le référentiel microarchéologique

50Le référentiel microarchéologique a été établi à partir de 181 prélèvements provenant pour l’essentiel du site de Saint-Julien à Tours (90 % du corpus). D’autres dépôts échantillonnés sur des sites plus ou moins éloignés y ont été confrontés (2007 : 183-184). La comparaison montre que le référentiel est dans l’ensemble valide ; seuls les niveaux relatifs au remblaiement de l’espace, en raison de leur forte hétérogénéité, sont faiblement discriminables et leur composition non modélisable.

51Dans le référentiel microarchéologique (Fig. 10), chacun des sous-types fonctionnels est renseigné par les valeurs des six critères exposés précédemment (cf. supra). En outre, lorsqu’un sous-type fonctionnel présentait une très forte variabilité, on l’a subdivisé en sous-groupes de sorte à obtenir des faciès homogènes. Par exemple, c’est le cas des sols d’occupation intérieure pour lesquels on a observé deux ensembles de strates de composition différente au sein du corpus (intérieur 1 et intérieur 2).

Fig. 10 : Référentiel microarchéologique des sous-types fonctionnels.

Fig. 10 : Référentiel microarchéologique des sous-types fonctionnels.

(M. Fondrillon - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

52Parmi les six critères, tous ne se révèlent pas avoir une valeur discriminante commune et fixe pour l’ensemble des sous-types fonctionnels. On voit nettement apparaître des corrélations entre un critère donné et un groupe particulier de sous-catégories. Il convient donc de synthétiser rapidement les associations entre variables (critères) et individus (sous-types fonctionnels) pour en extraire la valeur significative.

53La richesse taxinomique oppose les couches de déchets de taille, de remblais de démolition et de nivellement, caractérisés par des indices limités, aux couches d’occupation extérieure et intérieure, définies par des indices élevés. Ce critère distingue bien les dépôts sélectifs des dépôts “ cumulatifs ” (Brochier 1988 : 94), c’est-à-dire les couches relevant d’évènements de celles relevant de processus.

54La contribution à l’échantillon discrimine, d’un côté par des valeurs basses, les couches d’occupation intérieure et les comblements d’égouts et, d’un autre côté par des valeurs élevées, les couches de destruction, de déchets de taille et les remblais de démolition. Ce critère établit donc une différence entre les dépôts entretenus, impliquant l’évacuation des déchets à l’extérieur des espaces considérés, et les dépôts constitués de rejets laissés sur place, généralement relatifs à la mise en œuvre de matériaux de construction ou de destruction.

55La fragmentation isole, par des taux faibles, les couches contenant une majorité de matériaux de construction (remblais de démolition, destruction, récupération, mise en herbe et mise en culture) et, par des valeurs élevées, les niveaux liés à l’occupation (en intérieur, comblements d’égouts et zones dépotoirs) ainsi que les déchets de taille. Ce critère présente une signification analogue à celle de la contribution à l’échantillon.

56L’altération céramique oppose les jardins et l’occupation intérieure, définis par de faibles taux, aux niveaux de mise en herbe, de zone dépotoir et de récupération, caractérisés par de fortes valeurs. Ce critère est un bon indicateur de l’intensité des processus post-dépositionnels qui affectent les dépôts.

57La part des matériaux brûlés isole d’un côté les couches de mise en œuvre ou de mobilisation des matériaux de construction (déchets de taille, cailloutis, empierrement, destruction, remblai de démolition), caractérisées par des taux limités, et les couches d’occupation intérieure, de jardin et de foyer, caractérisées par des taux élevés de matériaux brûlés. Ce critère est donc un marqueur des rejets issus de l’activité domestique.

58Les assemblages de constituants grossiers, à un niveau d’analyse global, distinguent trois types de dépôts : les niveaux naturels, les couches de mise en œuvre des matériaux de construction et les dépôts liés à l’occupation, intérieure ou extérieure, représentant la majorité de la stratification archéologique. Toutefois, dans le détail, certains marqueurs permettent d’affiner les observations. On peut ainsi établir que des taux de rejets domestiques supérieurs à 10 % caractérisent bien les niveaux liés à une occupation intense de l’espace. Ce critère permet également de mettre en lumière que la part du bruit de fond anthropique et naturel compose l’essentiel des assemblages des couches archéologiques, quelles que soient la nature et l’intensité des activités anthropiques. Ainsi, même au sein d’un sol d’occupation intérieure, la part de matériaux liés à l’usage domestique des lieux est toujours minoritairement représentée dans les assemblages de constituants (en moyenne 12,6 %). Ces niveaux correspondent en réalité à des mélanges de sources sédimentaires, de nature et de chronologie distinctes, certaines relevant de phases d’aménagement et de construction (remblais de sables, de matériaux de démolition) et d’autres de phases d’occupation (rejets domestiques, apports de terres fines, …). Une couche d’occupation – le constat vaut non seulement pour les contextes intérieurs mais aussi extérieurs – doit donc être considérée comme un “ objet cumulatif ”, qui porte les traces de nombreuses histoires dépositionnelles et post-dépositionnelles.

59Cette étude montre donc que tous les critères pertinents ne discriminent pas de la même manière toutes les fonctions archéologiques et que la combinaison de plusieurs d’entre eux permet de caractériser finement l’usage des dépôts. Le tableau suivant (Fig. 11) propose une synthèse des traits caractéristiques de chaque sous-type fonctionnel. Il s’agit donc de la description des valeurs présentées dans le tableau précédent, mettant en exergue les principaux critères discriminant chaque fonction archéologique. Dans cette démarche typologique, la reconnaissance des usages anthropiques est essentiellement fondée sur l’identification de traceurs sédimentaires. Il s’agit de marqueurs communs aux dépôts de fonction semblable, généralement discrets mais discriminants. On pense ici au taux de matériaux domestiques supérieur à 10 % de l’assemblage grossier qui caractérise des niveaux à usage domestique (les occupations intérieures, les zones de décharge et les fosses-dépotoirs).

Fig. 11 : Récapitulatif des traits caractéristiques des sous-types fonctionnels.

Fig. 11 : Récapitulatif des traits caractéristiques des sous-types fonctionnels.

(M. Fondrillon - UMR 6173 CITERES - LAT 2008)

Le référentiel archéologico-mécanique

60Sur le site de Saint-Julien (site 16), 102 sondages pénétrométriques (SP) ont été implantés dans l’emprise de la fouille et à proximité des coupes stratigraphiques (Fig. 12). Parmi eux, 36 SP ont été arrêtés à cause d’un refus (impossibilité d’enfoncer les tiges à une certaine profondeur), 65 volontairement et un pour des raisons techniques.

Fig. 12 : Plan d’implantation des SP sur le site de Saint-Julien à Tours.

Fig. 12 : Plan d’implantation des SP sur le site de Saint-Julien à Tours.
  • 13  La date a été codée en fonction des fourchettes de datation proposées par les archéologues. Par ex (...)
  • 14  Le coefficient de variation (c.v.) correspond au rapport de l’écart-type sur la moyenne.

61Pour la mise en place du référentiel, 60 SP ont été exploités. Des logs ont été restitués en y reportant les UC et les agrégations correspondantes. On attribue alors à chaque UC un type fonctionnel, un sous-type fonctionnel, une datation13, une épaisseur (en m), une valeur altimétrique moyenne (en m NGF), une profondeur moyenne (en m), une valeur médiane de résistance (en MPa) et une valeur de variabilité de résistance (coefficient de variation14).

62Un indice de qualité de l’information a également été définie pour chaque UC (“ 2 ”, informations fiables avec relevé de coupe et relevé lithologique ; “ 1 ”, informations restituées à partir d’un SP voisin ; “ 0 ”, informations pour lesquelles la fonction archéologique est indéterminée). L’étude a été concentrée sur les UC de qualité “ 2 ” (482 UC au total) afin d’observer si les UC aux fonctions archéologiques communes possèdent les mêmes propriétés mécaniques et s’il est possible de distinguer les différentes fonctions. La comparaison des données a été réalisée à deux échelles, celles du type fonctionnel et du sous-type fonctionnel. Il faut noter que les niveaux d’occupation extérieure représentent plus de la moitié des effectifs (53,1 %).

63Le référentiel a été réalisé en deux temps. Dans un premier temps, on a étudié la répartition des valeurs des variables une à une (Laurent A. 2007 : 251-270). Dans un deuxième temps, on a confronté l’ensemble des variables à l’aide d’une analyse factorielle qui fournit des représentations visuelles approchées d’un nuage de points situé dans un espace multidimensionnel (Morineau, Aluya-Banet 1998 ; Lebart, Morineau, Piron 2000). L’Analyse en Composantes Principales (ACP) est la méthode adaptée à l’étude car elle permet de représenter les liaisons entre les variables et les similitudes entre les individus. Avec les précautions d’usage, on peut en tirer une image de la position des UC dans les plans factoriels (Laurent A. 2007 : 275-280). On distingue alors quatre groupes (Fig. 13) :

  • le premier regroupe les niveaux de circulation, de mise en œuvre, de sol construit, d’occupation intérieure, de mise en culture, de récupération ;

  • le deuxième, les niveaux de pacage, d’empierrement, de remblai d’obstruction et de zone dépotoir ;

  • le troisième, les remblais d’aménagement ;

  • le quatrième, les constructions en pierre.

Fig. 13 : Tableau de description des classes manuelles issues de l’ACP pour le site 16.

Fig. 13 : Tableau de description des classes manuelles issues de l’ACP pour le site 16.

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

64On considère que le premier groupe représente les UC peu profondes (assez récentes) avec des valeurs de résistances moyennes à fortes et une variabilité interne moyenne. Le deuxième correspond aux UC profondes avec des valeurs de résistance faibles et une variabilité interne faible (sauf pour les UC d’obstruction). Le troisième correspond aux UC plus profondes avec des valeurs de résistance moyenne et une variabilité interne moyenne. Le quatrième correspond aux UC plus profondes, aux valeurs de résistances très fortes et une variabilité interne forte.

65Ces premières observations sont à nuancer par le fait que certains sous-types fonctionnels sont représentés à différentes altimétries. En étudiant la projection des individus dans les plans factoriels on a distingué nettement deux groupes pour les niveaux de remblais d’aménagement, pour ceux de récupération ainsi que pour ceux d’empierrement : ils se distinguent par leur position dans la stratification du site.

66La même expérience a été menée sur le site du parking Anatole France (site 69, resp. N. Fouillet, Inrap). L’analyse factorielle montre que les UC naturelles (alluvions fines et grossières) s’opposent aux UC de sol construit et de remblai de nivellement (Fig. 14).

Fig. 14 : Tableau de description des classes manuelles issues de l’ACP pour le site du parking Anatole France (site 69).

Fig. 14 : Tableau de description des classes manuelles issues de l’ACP pour le site du parking Anatole France (site 69).

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

67Entre ces deux groupes, se situent les comblements d’évacuation et les remblais d’obstruction. Ainsi, les niveaux naturels, anthropisés ou pas, forment un premier groupe caractérisé par des UC profondes à épaisseur moyenne à faible et aux valeurs de résistances élevées. Puis, un deuxième groupe composé des comblements d’évacuation et de remblai d’obstruction correspondent à des UC moyennement profondes à forte épaisseur avec de faible à moyenne résistance. Ensuite, les remblais de nivellement correspondent à des UC plutôt profondes avec une épaisseur moyenne et des valeurs de résistance moyenne. Enfin, les sols construits, également à part, sont peu profonds et peu épais avec une résistance moyenne.

68Ces descriptions ne sont que des tendances qui ne rendent pas compte des cas particuliers observés lors de l’analyse. En outre, la distribution des individus montre que certaines UC de remblais d’usage et d’aménagement sont associées aux alluvions fines localisées aussi en profondeur. En effet, il s’agit des UC situées au fond du fossé défensif et à la même profondeur que les niveaux naturels.

69Toutefois, ces observations révèlent la possibilité de distinguer le dépôt archéologique du dépôt naturel si sa nature est plutôt grossière.

70En conclusion, le site du parking Anatole France présente des points communs avec le site de Saint-Julien :

  • la non unicité des propriétés mécaniques des interprétations fonctionnelles ;

  • les variables “ profondeur ” et “ médiane Qd ” qui permettent de discriminer les interprétations fonctionnelles ;

  • la formation de deux classes statistiques qui différencient les UC de remblai d’aménagement et les UC de remblai d’obstruction et d’usage.

71De plus, l’analyse factorielle des UC du site du parking Anatole France à partir des six variables (Z moyen, profondeur, médiane Qd, c.v.,Qd, épaisseur, datation) permet de dissocier les niveaux anthropiques des niveaux naturels.

72L’analyse a été étendue à d’autres sites de la ville de Tours et à celle de Lyon (Laurent A. 2007 : 290-319). On retrouve les mêmes caractéristiques pour les sous-types fonctionnels étudiés ici. Par ailleurs, ces autres corpus ont permis d’enrichir ce référentiel et de montrer que les niveaux naturels ont des caractéristiques proches des constructions en pierre. On a démontré qu’il est possible de poser des hypothèses sur la nature du sol urbain à l’aide du pénétromètre, et tout particulièrement, à l’aide des connaissances préalables des sites, de distinguer le dépôt archéologique et les niveaux naturels.

La mesure quantitative et qualitative du sol urbain de Tours

La modélisation de l’épaisseur de sol urbain à l’échelle de la ville

73La mesure du sol urbain à l’échelle de la ville de Tours consiste à déterminer l’intensité de l’occupation en fonction du temps et des composantes spatiales, à estimer l’épaisseur du dépôt archéologique en tout point de l’espace urbanisé ancien et, pour finir, à en définir le potentiel archéologique.

74Deux modèles, le premier qualitatif et le second quantitatif, ont été confrontés lors de cette étude (Laurent A. 2007 : 133-49, 338-352). L’ensemble des données exploitées sont issues des observations de terrain enregistrées depuis les années 1970 (Fig. 15) et issues des interprétations historiques mises à jour récemment (Galinié 2007). Ces modèles ont été réalisés à l’aide d’un Système d’Information Géographique et celui déjà existant ToToPI (Topographie de Tours Pré-Industriel) développé par le Laboratoire Archéologie et Territoires (Galinié, Rodier 2002).

Fig. 15 : Carte de la répartition des sites archéologiques à Tours.

Fig. 15 : Carte de la répartition des sites archéologiques à Tours.

Modéliser l’épaisseur du dépôt archéologique à partir de l’intensité de l’occupation humaine

75Le premier modèle a été établi à partir de données qualitatives. Il s’agit de déterminer un modèle de production de sol en étudiant la relation entre l’intensité d’occupation humaine et l’épaisseur du sol urbain. Ce modèle permet d’établir une carte des épaisseurs du dépôt archéologique.

76Des logs ont été constitués à partir des observations archéologiques de façon à avoir une lecture à l’échelle de la ville. Afin de les rendre comparables, il a été choisi de retenir des dates de références, soit des périodes de 500 ans car un découpage plus fin aurait limité le nombre de logs. Pour chaque période, on a retenu les cotes altimétriques inférieures et supérieures des activités humaines correspondantes. À partir de ces points d’observation, l’objectif est d’obtenir des niveaux altimétriques du sol à un temps t. Les éléments d’observation ciblés ici sont les niveaux de circulation à l’extérieur et les niveaux de fondation ou de construction.

77Vingt-cinq logs ont été réalisés de façon à observer une variation de la topographie historique à l’échelle de la ville au pas de 500 ans. Ces logs archéologiques ont été exploités pour vérifier s’il existe un lien entre intensité d’occupation et épaisseur produite. L’objectif est de confronter un modèle théorique de l’intensité de l’occupation avec les données issues des observations archéologiques (logs).

78L’hypothèse de travail, ici, est que plus l’occupation humaine est intense, plus la production de sol est importante. Il est nécessaire de présenter ce modèle théorique sous forme de schéma en découpant la ville en fonction de la topographie historique marquante à l’échelle de la ville du nord vers le sud et de l’ouest vers l’est. On peut donc découper la ville en six espaces (Fig. 16) :

79- l’espace situé au nord, le “ front de Loire ”, correspond à l’espace gagné sur la Loire qui a occasionné des remblais importants de l’Antiquité au 17e siècle ;

80- la “ zone médiane ” est comprise entre le “ front de Loire ” et “ les franges de la ville ” ; il s’agit de l’espace qui a été le plus urbanisé dans la longue durée ;

81- les “ franges de la ville ”, situées au sud de l’enceinte du 14e siècle, n’ont été occupées qu’aux 1er-2e siècles et réinvesties qu’à partir de 1850 ;

82- l’espace “ ouest ” comprend notamment le quartier de Saint-Martin et son suburbium pour la période médiévale ;

83- le “ centre ” est l’espace où était certainement localisé le cœur monumental antique ; puis, à la période médiévale, est une zone intermédiaire au quartier Saint-Martin et à la Cité dont les activités humaines sont plutôt faibles et spécifiquement rurales (vignes) ;

84- l’espace “ est ” comprend le secteur de la cité.

Fig. 16 : Carte du découpage de Tours en six espaces et neuf zones.

Fig. 16 : Carte du découpage de Tours en six espaces et neuf zones.

85Neuf zones sont alors définies par leur appartenance à un espace orienté nord-sud et ouest-est : on dira alors que la zone A correspond à l’espace situé sur le front de Loire à l’ouest, etc.

86Dans un premier temps, l’intensité de l’occupation a été représentée pour toutes les périodes dans les neuf zones selon quatre critères qualitatifs qui ont été codés de façon à réaliser des calculs (Fig. 17) :

  • “ 0 ”, lorsque l’occupation est nulle ;

  • “ 1 ”, lorsqu’elle est faible ;

  • “ 2 ”, lorsqu’elle est moyenne ;

  • “ 3 ”, lorsqu’elle est forte.

Fig. 17 : Tableau des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des phases d’urbanisation et des zones de la ville de Tours.

Fig. 17 : Tableau des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des phases d’urbanisation et des zones de la ville de Tours.

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

87On obtient donc un indice qui permet de simplifier la vision de la stratification du point de vue spatial mais aussi temporel.

88La comparaison des classes de 500 ans avec le schéma de l’urbanisation connue pour la ville montre qu’il faut prendre des précautions car certaines périodes intègrent à la fois un phénomène d’extension et de rétraction de la ville. Dans le cas où une classe de 500 ans regroupe plusieurs phases historiques importantes, il s’agit de faire une moyenne de l’intensité de l’occupation (Fig. 18). Par ailleurs, un indice d’intensité d’occupation global est calculé pour chaque zone en additionnant les indices verticalement. Ce sont les zones D, E et F, situées dans la zone médiane, qui détiennent les indices d’intensité d’occupation les plus forts (indice de 8 à 9,5). L’indice le plus faible concerne la zone C qui est située au nord du castrum antique (indice 2). Enfin, les indices globaux des autres zones varient entre 5 et 6,5.

Fig. 18 : Tableau des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des classes de 500 ans et des zones de la ville de Tours.

Fig. 18 : Tableau des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des classes de 500 ans et des zones de la ville de Tours.

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

89Dans un deuxième temps, les indices d’occupation pour chaque période et l’indice total des zones ont été cartographiés (Fig. 19).

Fig. 19 : Cartes de répartition de l’indice d’intensité de l’occupation humaine.

Fig. 19 : Cartes de répartition de l’indice d’intensité de l’occupation humaine.

90La répartition de l’indice d’occupation reflète bien la bipartition de la ville médiévale, qui représente un héritage topographique important dans le paysage urbain, même encore aujourd’hui : une occupation importante autour du quartier Saint-Martin et de la Cité, plutôt faible aux franges de la ville. Par ailleurs, on observe que l’indice d’occupation est plus faible pour la période du haut Moyen Âge, celle de 500 à 1000. Cet indice est à prendre avec précaution car il s’agit d’une période dont les usages sont plus difficiles à interpréter que les autres périodes (“ Terres Noires ”) et pour lesquelles l’intensité d’occupation a pu être sous-estimée.

91Dans un troisième temps, il s’agissait de vérifier s’il existe une corrélation entre l’indice d’occupation et l’épaisseur de dépôt produite en confrontant le modèle théorique aux logs archéologiques. C’est pourquoi, les épaisseurs du dépôt archéologique ont été étudiées en fonction des classes de 500 ans.

92La répartition des épaisseurs des différentes tranches des logs en fonction de leur date montre que la variabilité des épaisseurs est importante pour les quatre classes ; le coefficient de variation des trois dernières classes est même supérieur à 0,95 (Fig. 20). La classe 3 (500 à 1000) est celle dont la fourchette des épaisseurs est la plus faible (entre 0 et 1,9 m) mais dont la variabilité interne est très forte. Les épaisseurs moyennes sont plus fortes pour les classes 1 (1500 à actuel) et 4 (0 et 500).

Fig. 20 : Caractéristiques des épaisseurs en fonction de leur date à partir des 25 logs.

Fig. 20 : Caractéristiques des épaisseurs en fonction de leur date à partir des 25 logs.

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

93Ainsi, pour la ville de Tours, l’épaisseur de sol produite varie selon les périodes de 500 ans. Elle est plus importante pour la période antique et le tout début du haut Moyen Âge (20 à 500) et pour la période moderne et contemporaine (1500 à actuel) que les deux autres périodes.

94Pour comparer ces résultats avec les indices évalués pour l’hypothèse de travail, il convient de rapporter ces épaisseurs à l’échelle des neuf zones. Dans cette analyse, nous sommes partis du principe que les points d’une zone en sont représentatifs, en dépit de leur faible nombre dans certains cas. Une épaisseur moyenne totale par classe et par zone a alors été calculée à partir des points correspondants (Fig. 21).

Fig. 21 : Tableau des épaisseurs et des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des tranches de 500 ans et des zones.

Fig. 21 : Tableau des épaisseurs et des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des tranches de 500 ans et des zones.

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

95La figure 22 présente la distribution des épaisseurs moyennes (*) de l’ensemble des données du tableau précédent en fonction de l’indice d’intensité de l’occupation (**). L’étude des corrélations a été particulièrement effectuée par tranches de 500 ans : les équations de régressions linaires correspondantes ont été tracées et leur rapport de détermination (R²) est calculé. Ainsi, on observe une corrélation entre l’indice d’intensité d’occupation et l’épaisseur moyenne plus forte pour la tranche antique (20-500) que pour les autres tranches. La tranche de 1500-2000 possède la même tendance que la tranche 20-500. Toutefois, la tendance est inversée pour la tranche de 500-1000 : plus l’indice augmente, plus l’épaisseur diminue. En outre, il n’existe pas de corrélation entre l’indice d’occupation et la variabilité des épaisseurs.

Fig. 22 : Distribution des épaisseurs moyenne en fonction des indices d’intensité d’occupation pour chaque tranche de 500 ans et pour chaque zone.

Fig. 22 : Distribution des épaisseurs moyenne en fonction des indices d’intensité d’occupation pour chaque tranche de 500 ans et pour chaque zone.

(A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

96Puisqu’il s’agit d’un modèle réalisé à partir des logs d’observations, certaines périodes se retrouvent sans épaisseur de stratification. Or un indice d’occupation a été affecté pour ces tranches. On observera donc une incohérence pour la zone A (tranche de 500 à 1000), la zone E (de 1000 à 1500) et la zone I (de 20 à 500). Ce type d’incohérence pourra être utile aux archéologues qui devront vérifier l’hypothèse d’une occupation dans ces zones pour ces périodes spécifiques lors de futurs diagnostics.

97De même, le modèle propose un indice d’occupation nul pour certaines périodes. Cependant les observations de terrain révèlent la présence de stratification pour les zones B et C (deux premières tranches). Ce sont des zones pour lesquelles le trait de rive a été modifié durant ces périodes. Il sera donc nécessaire d’ajuster le modèle pour ces cas particuliers.

98On considère ici que la somme des régressions moyennes (équations linéaires définies sur la figure 22) correspond à un modèle de production globale de stratification. Ainsi, pour chaque zone, on peut calculer une épaisseur totale à partir des équations des régressions et des indices d’intensité d’occupation. D’après le modèle de production globale de stratification, l’épaisseur totale estimée varie entre 3,1 et 5,4 m à l’échelle de l’espace urbanisé (Fig. 23).

Fig. 23 : Carte de l’épaisseur du dépôt archéologique à partir du modèle de production de stratification.

Fig. 23 : Carte de l’épaisseur du dépôt archéologique à partir du modèle de production de stratification.

Modéliser l’épaisseur du dépôt archéologique à partir des observations archéologiques, géotechniques et géologiques

99Un deuxième modèle de l’épaisseur du dépôt archéologique a été réalisé à partir de données quantitatives. Une base de données géographique a été constituée à partir d’observations archéologiques, géotechniques et géologiques. Au total, 145 points d’observations ont été retenus à l’échelle de l’espace urbanisé ancien de façon à réaliser une carte d’estimation de l’épaisseur du dépôt archéologique. On possède pour chaque donnée ses coordonnées géographiques, les cotes altimétriques (en m NGF) du niveau actuel et du toit du niveau naturel (alluvions de la Loire), l’épaisseur du dépôt archéologique (en m) et sa source d’observation.

  • 15  Opération qui consiste à déterminer, à partir de valeurs discontinues, de nouvelles valeurs corres (...)
  • 16  L’interpolation spatiale permet l’estimation de la valeur d’une variable en un point à partir des (...)

100Le problème à résoudre est celui de la généralisation d’une observation à l’ensemble de la ville. Pour construire ce modèle, il est nécessaire de générer des surfaces à partir des points par une méthode d’interpolation15. La méthode d’interpolation spatiale adaptée à l’étude est celle du krigeage16 qui nécessite deux étapes de traitement des données :

    • 17  Le variogramme permet de modéliser le degré de ressemblance (autocorélation) des propriétés mesuré (...)

    une étude de la structuration spatiale des données à partir de l’analyse de variogramme17 ; l’analyse variographique conduit à identifier la distance maximale entre deux points de mesure au-delà de laquelle il n’y a plus de corrélation ;

  • l’interpolation en elle-même qui consiste à estimer des valeurs entre les points mesurés ; la validation croisée des points mesurés et estimés permet d’apprécier la qualité du modèle retenu.

101L’analyse variographique révèle que la distance de corrélation entre les points de mesure de l’épaisseur du dépôt archéologique est estimée à environ 300 m. Pour une étude globale de la ville, ce résultat est plutôt raisonnable. En revanche, à l’échelle locale, il est à prendre avec des précautions puisque l’interpolation ne tient pas compte des effets des composantes socio-spatiales. Par exemple, la présence d’une enceinte présente une rupture significative dans la production de sol. L’idéal serait de réaliser une interpolation au sein de chaque enceinte urbaine. Ceci n’a pas pu être réalisé car le nombre de point est insuffisant. En tout cas, on peut conclure que le maillage théorique de 100 mètres est pertinent pour restituer l’épaisseur du dépôt et pour expliquer les variations à une échelle plus fine.

102La carte d’interpolation spatiale des épaisseurs a été élaborée avec le logiciel ArcGIS (Fig. 24). Elle montre que le dépôt archéologique est plus épais dans l’emprise de la ville du 14e s. Ces résultats sont assez proches de ceux des modèles présentés précédemment. Si on compare cette carte au modèle de l’indice de l’occupation totale (Fig. 19), on observe une forte corrélation entre épaisseur et intensité d’occupation. Par ailleurs, si on la compare à la carte des épaisseurs estimées à partir du modèle de production de stratification (Fig. 23), on note que les valeurs ont été sous-estimées dans la partie du front de Loire et surestimées dans la partie centrale (E).

Fig. 24 : Carte d’estimation de l’épaisseur du dépôt archéologique à Tours.

Fig. 24 : Carte d’estimation de l’épaisseur du dépôt archéologique à Tours.

103Enfin, en superposant la carte d’interpolation des épaisseurs avec les surfaces détruites, on obtient une carte du potentiel archéologique réel qui peut être utilisée comme outil d’aide à la décision tant du point des stratégies de fouilles que des problématiques historiques (Fig. 25).

Fig. 25 : Carte du potentiel archéologique à Tours.

Fig. 25 : Carte du potentiel archéologique à Tours.

104Les modèles des épaisseurs établis à l’échelle de la ville sont donc des outils de réflexion qui doivent être confrontés sans cesse aux observations issues de sites traduites par les cartes de topographie historique. Ils doivent être affinés par l’étude de la répartition des composantes socio-spatiales par état urbain.

L’exemple du haut Moyen Âge : révision du modèle de topographie historique

105L’établissement de cartes de topographie historique nécessite une connaissance suffisamment avancée des différentes composantes socio-spatiales de l’espace urbain pour une période particulière. Dans le cas du haut Moyen Âge, la topographie urbaine souffre de lacunes documentaires importantes. La matérialité de cette tranche urbaine correspond aux terres noires, le plus souvent exclues des stratégies d’intervention en archéologie préventive, sauf dans de rares cas (Cammas et al. 1995 ; Terres Noires 2000 ; Macphail, Galinié, Verhaeghe 2003 ; Verslype, Brulet 2005 ; Fondrillon 2009), et dont l’historicité est sous-estimée.

106Pour pallier en partie ces insuffisances, l’étude de la composition des strates a été engagée sur des séquences de terres noires, mises au jour entre 2000 et 2005 dans le centre historique de Tours. La démarche consiste à mettre en œuvre le référentiel microarchéologique pour restituer l’usage des dépôts et comprendre leurs processus de formation. Les résultats, intégrés aux données topographiques existantes, permettent de restituer l’emprise de l’espace urbain sur la base de nouveaux modèles topo-historiques.

107Dans l’étape préliminaire de caractérisation des usages, l’exemple des terres noires du site de l’Hôpital Clocheville à Tours (site 67, fig. 4; resp. R. de Filippo, Inrap) illustre bien l’application du référentiel à des dépôts indéterminés.

108Sur le site, ces terres noires représentent 0,80 m de stratification brun foncé, en apparence homogène, datée entre le 2e et le 10e s. et reposant sur une succession de dépôts sableux et graveleux, d’origine alluviale et pour partie anthropisés et pédogénétisés (Fig. 26). Leur fouille partielle a permis de mettre au jour une dizaine de sépultures, des fosses et des fossés, pour l’essentiel visibles au contact de l’encaissant alluvial.

Fig. 26 : Diagrammes grossiers et céramiques de la section 3, site de l’Hôpital Clocheville (site 67) [P1-3 : période 1er-3e siècle ; P4-7 : période 4e-7e s. ; P8-10 : période 8e-10e s.].

Fig. 26 : Diagrammes grossiers et céramiques de la section 3, site de l’Hôpital Clocheville (site 67) [P1-3 : période 1er-3e siècle ; P4-7 : période 4e-7e s. ; P8-10 : période 8e-10e s.].

(M. Fondrillon - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)

109L’interprétation fonctionnelle de ces terres noires repose principalement sur la comparaison des caractéristiques microarchéologiques entre les différents ensembles sédimentaires isolés sur le terrain (Fig. 27). On distingue ainsi un premier groupe formé des couches 10651 et 10652, présentant des assemblages grossiers marqués par un mode sur les matériaux naturels représentés par les graviers alluviaux (supérieurs à 50 %). On note surtout la présence de matériaux domestiques dont les taux dépassent les 10 %, une part relativement importante de matériaux brûlés et une altération céramique très élevée. Ces deux strates attestent une occupation des lieux relativement intense, avec quelques rejets de construction et d’abondants déchets de consommation, sur substrat alluvionnaire. En particulier, l’US 10651, semble témoigner d’une occupation domestique, soit in situ (occupation intérieure), soit sous la forme d’un dépôt secondaire (fosse-dépotoir, épandage ?).

Fig. 27 : Tableau des caractéristiques microarchéologiques des US composant la séquence indéterminée sur le site de l’Hôpital Clocheville.

Fig. 27 : Tableau des caractéristiques microarchéologiques des US composant la séquence indéterminée sur le site de l’Hôpital Clocheville.

110Les trois autres dépôts présentent un mode plus marqué sur les graviers alluviaux, un indice de richesse et une contribution à l’échantillon faibles. Ils s’accordent avec la composition sédimentaire des niveaux de circulation sur support sableux (circulation 2), qui correspondent à un substrat alluvionnaire pollué par la fréquentation anthropique.

  • 18  La création des diagrammes polliniques est opérée par le biais d’un programme informatique, GPalWi (...)
  • 19  Le tri est fondé sur le référentiel des catégories céramiques (groupes techniques et traditions de (...)

111Le second temps de l’analyse a concerné l’identification des processus de formation. Les données sont replacées en séquence et présentées sous forme de diagrammes polliniques18. L’analyse des assemblages grossiers a été couplée à l’étude des assemblages céramiques, établis à partir des fragments de céramique contenus dans les refus de tamis et triés par grande période19.

112D’après les deux diagrammes, il est possible de restituer deux grands ensembles stratigraphiques du bas vers le haut :

  • un premier ensemble formé des couches US 13, US 11 et US 10653 correspondant à des niveaux de circulation ou d’occupation extérieure d’intensité limitée et probablement datés du Haut-Empire – la présence de tessons des 8e-10e siècles dans le niveau supérieur peut être expliquée par des phénomènes d’intrusion ;

  • un second ensemble sédimentaire comprend les deux strates supérieures, US 10652 et US 10651, relatives à une occupation plus intense des lieux, liée à l’activité domestique dans le haut de la séquence (US 10651) et qui peut être datée des 8e-10e siècles. La présence de céramique des 4e-7e siècles dans le dépôt sous-jacent met en évidence une fréquentation des lieux, même temporaire, durant l’Antiquité tardive.

113Cette étude montre, en premier lieu, que le bruit de fond des terres noires, ici d’origine naturelle (graviers alluviaux), est toujours très important dans la composition sédimentaire grossière des strates, en dépit d’un degré d’anthropisation parfois important. Ce constat, qui vaut pour tout type d’occupation en contexte stratifié, implique que l’interprétation fonctionnelle des strates repose plutôt sur des marqueurs discrets mais spécifiques que sur la majorité des constituants. En deuxième lieu, les phénomènes post-dépositionnels affectent en profondeur ce type de sol archéologique, expliquant les parts importantes de matériaux redéposés et intrusifs. En troisième lieu, ces niveaux témoignent d’occupations diversifiées, matérialisées par des apports de nature et de chronologie différentes, bien qu’à l’œil il soit toujours très difficile de distinguer plusieurs ensembles sédimentaires.

  • 20  On a recensé toutes les structures associées aux terres noires et datées entre le 4e et le 11e s., (...)
  • 21  ToToPI s’inspire de la grille d’analyse fonctionnelle mise en place par le CNAU (Guilloteau 2004 ; (...)

114L’analyse a été étendue à d’autres sites (cf. supra) permettant ainsi de traduire ces séquences de terres noires, et les structures qui y sont associées (sépultures, murs, fosses …), en éléments topographiques20. L’ensemble de ces données acquises à l’échelle des sites a ensuite été intégré à la base de données géoréférencée ToToPI (Topographie de Tours Pré-Industriel)21. À chaque élément archéologique caractérisé, localisé et daté, a été attribuée une valeur urbaine (voirie, structures défensives, constructions civiles …) permettant d’homogénéiser les données et de les appréhender à l’échelle de la ville.

115Cette démarche a permis de renouveler la topographie historique traditionnelle pour la période qui s’étend du 4e au 11e s. Elle a été particulièrement opérante pour l’état urbain de la fin du haut Moyen Âge, caractérisé par la bipolarisation de la ville avec Châteauneuf, à l’ouest, et la Cité, à l’est. La spatialisation des terres noires et des structures associées met ainsi en exergue plusieurs phénomènes (Fig. 28).

Fig. 28 : Spatialisation des terres noires et des structures associées pour la fin du haut Moyen Âge : emprise urbaine supposée et confrontation au modèle urbanisé ancien pour les 10e-11s.

Fig. 28 : Spatialisation des terres noires et des structures associées pour la fin du haut Moyen Âge : emprise urbaine supposée et confrontation au modèle urbanisé ancien pour les 10e-11e s.

116Ainsi, en premier lieu, des constructions civiles sont attestées à l’intérieur du castrum de la Cité, sur les trois seuls sites fouillés dans son emprise ; elles sont matérialisées par divers bâtiments ainsi que des niveaux extérieurs associés à des fosses-latrines, des fosses-dépotoirs et des silos. La continuité de l’occupation, sous une forme domestique, est attestée au moins depuis le Bas-Empire. Par ailleurs, on note l’absence de sépultures dans cet espace intra-muros. En deuxième lieu, à l’intérieur du castrum de Saint-Martin, les espaces funéraires et les vestiges de constructions civiles sont liés aux activités du chapitre. Enfin, dans le suburbium, l’occupation est plus diversifiée : s’y trouvent des espaces à vocation domestique, attestés par des niveaux de sol extérieur associés à des structures de rejets ou de stockage (fosses et silos). Sur certains sites, ces occupations domestiques, qui témoignent d’habitations proches, voire in situ, sont associées à des petits groupes sépulcraux isolés de tout édifice de culte ou nécropole (sites 8, 15, 64, 14…). La juxtaposition de petits ensembles funéraires et de zones d’habitat pose ici la question des modalités d’insertion des morts dans l’espace urbain, avant la mise en place du réseau paroissial effective à la fin de la période. Enfin, d’autres activités sont attestées : des pratiques agricoles (sites 16 et 06), des aménagements de berge et de voirie (sites 69 et 6) et la construction d’équipements urbains (sites 021 et 6).

117L’espace urbanisé ancien, tel qu’il est habituellement représenté pour la période, ne prend en compte que les espaces intra-muros. Il est fortement dépendant des modèles urbains traditionnels, valides pour les périodes antiques et médiévales, mais inadaptés au haut Moyen Âge : l’image véhiculée est celle d’une ville retranchée derrière ses remparts civils et religieux, rappelée à sa grandeur passée par les ruines des constructions antiques jalonnant le suburbium alors dédié aux espaces funéraires et à l’activité agricole. La multiplication des études portant sur l’habitat du haut Moyen Âge, depuis une quinzaine d’années, permet d’entrevoir de nouvelles pratiques sociales. Ainsi, la proposition d’étendre la zone urbanisée en dehors des deux enceintes urbaines est fondée sur deux hypothèses : d’une part, la concentration de fosses-dépotoirs témoigne de l’intensité et de la juxtaposition d’unités d’habitation sur place, dont la mise en évidence d’association à une ou plusieurs sépultures n’est plus anecdotique ; d’autre part, la compréhension du phénomène urbain peut être envisagée non plus seulement en terme d’expansion ou de rétraction, mais aussi de dilatation, permettant d’incorporer parmi les critères de l’urbain des espaces non bâtis, hors les murs et mixtes (domestiques/funéraires).

Conclusion

118Les résultats de ces deux études archéologiques montrent que le sol des villes, produit des différents usages sociaux de l’espace dans la longue durée, peut être appréhendé par une mesure qualitative et quantitative de ses multiples composantes.

119À l’échelle du site, les deux approches ont pour objectif de caractériser les dépôts jusque là indéterminés, généralement ignorés, et d’en saisir les modalités de formation à partir des propriétés sédimentaires et mécaniques. Les référentiels mis en place à Tours offrent la perspective de futurs travaux pour la caractérisation des dépôts sur de nouveaux sites en milieu urbain.

120À l’échelle de la ville, l’étude s’attache d’une part à la mesure du volume de sol urbain dans sa dimension verticale. Elle repose sur l’établissement de modèles, déductif pour le premier, empirique pour le second, adaptés à l’analyse de la fabrique urbaine et des dynamiques d’exhaussement du dépôt archéologique. Les cartes de modélisation de l’épaisseur du dépôt archéologique doivent être ici considérées comme des outils d’aide à la décision à la fois du point de vue de l’archéologue mais aussi de l’aménageur. Dans une visée de spatialisation des attributs fonctionnels de la ville, l’analyse repose d’autre part sur la caractérisation des dépôts remise en perspective dans les cartes de topographie historique. Ainsi, quelle que soit la nature de la question, évaluation ou caractérisation, l’étude de la ville impose un va-et-vient constant entre les modèles et les données observées.

121Ces approches ouvrent la voie à des travaux complémentaires qui concernent, en premier lieu, la définition plus précise des composantes socio-spatiales dans la dimension horizontale permettant ainsi de proposer un découpage plus fin de la ville ; en deuxième lieu, l’affinement du modèle de production de stratification ; enfin, la possibilité de réalisation de paléo-MNT (Modèle Numérique de Terrain) à un temps t, par la multiplication des points d’observations.

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Notes

1  Les deux thèses, entreprises au sein du Laboratoire Archéologie et Territoires (UMR 6173 CITERES) sous la direction de H. Galinié, ont été soutenues en 2007 à l’université François Rabelais de Tours.

2  On trouve des réflexions abouties sur le sujet principalement chez les spécialistes de la stratigraphie : entre autres Barker 1977 ; Harris 1979 ; Ruiz de Arbulo Bayona 1992 ; Desachy 2008.

3  On lui préfère le terme site formation processes des anglo-saxons (Schiffer 1983 ; Golberg, Macphail, 2006 : 212-216), traduit par “ processus de formation des stratifications ”.

4  Pour les études régionales et nationales qui ont été menées en Europe à partir de grilles d’analyse sur les fonctions urbaines et la hiérarchie des villes voir Atlas…1995 ; Brogiolo 1987 ; Castells et al. 1991 ; Eddy, Petchey 1983 ; Galinié, Royo 1993 ; Heighway 1972 ; Hughes 1976 ; Penn 1980 ; Verhagen 1995.
Pour les études individuelles des villes voir Actes du colloque… 1982 ; Biddle, Hudson, Heighway 1973 ; Galinié, Randoin 1979 ; Gauthier,  Picard 1987 ; Guide pour l’élaboration… 1989 ; Verhaeghe 1992.

5  Ces réflexions renvoient au problème de définition de l’urbain pour la période du haut Moyen Âge, représentée pour l’essentiel par des strates de “ terres noires ” et pour laquelle les critères traditionnels d’urbanité ne sont pas opérants (Cammas et al. 1995 ; Macphail, Galinié, Verhaeghe 2003 ; Verslype, Brulet 2004 ; Fondrillon 2009).

6  Pour les principales publications concernant la méthode stratigraphique en archéologie urbaine anglaise et française, voir Barker 1977 ; Harris 1979 ; Galinié 1980 ; Meyeret al. 1980 ; Batset al. 1986 ; Carver 1987 ; Py 1997 ; Van Ossel 1998 ; Desachy 2008.

7  La typologie fonctionnelle des strates archéologiques communément utilisée est la suivante : couches de construction, couches de destruction, couches de remblai, couches d’occupation intérieure, couches d’occupation extérieure, couches d’abandon, terrain naturel, aménagements construits, actions de creusement ou d’érosion (Galinié 1977 ; Ferdière 1980 : 30-32 ; Randoin 1987 : 76).

8  Le postulat établit qu’en théorie, tel type d’activité ou d’action produit tel type de strate, reconnaissable par une composition sédimentaire particulière.

9  Pour le détail de la procédure, voir Fondrillon 2007 : 310-389 ; Galiniéet al., à paraître.

10  Une UL peut donc regrouper plusieurs US.

11  Il a été démontré que l’échelle de l’Unité Stratigraphique est trop fine et pas systématiquement reconnaissable sur un pénétrogramme : Laurent 2002.

12  Le choix de ces variables est présenté plus en détail dans Laurent A. 2007 : 251-280.

13  La date a été codée en fonction des fourchettes de datation proposées par les archéologues. Par exemple, une UC daté des 1er-2e siècle ap. J.-C. sera codé 1,5.

14  Le coefficient de variation (c.v.) correspond au rapport de l’écart-type sur la moyenne.

15  Opération qui consiste à déterminer, à partir de valeurs discontinues, de nouvelles valeurs correspondant à un caractère intermédiaire pour lequel aucune mesure n’a été effectuée.

16  L’interpolation spatiale permet l’estimation de la valeur d’une variable en un point à partir des valeurs de la même variable mesurée en des points voisins (Arnaud, Emery, 2000 ; Zaninetti 2005). Le krigeage est une méthode probabiliste où  la pondération dans le calcul des valeurs est définie à partir de la distance entre les points (Matheron 1970 ; Gratton 2002). Il a l’avantage de donner un indicateur de la précision de l’estimation.

17  Le variogramme permet de modéliser le degré de ressemblance (autocorélation) des propriétés mesurées aux points d’observation en fonction de leur distance. C’est un graphe qui présente le demi-écart quadratique moyen de couple de points en fonction de leur distance suivant l’équation

où xi et xi + h sont les positions des mesures et Qd(xi) est la valeur de résistance de pointe correspondant au point considéré.

La variable h correspond à la distance entre deux mesures. Lorsque la variance atteint une valeur palier, on détermine la distance de corrélation spatiale qui est appelée “ portée ”.

18  La création des diagrammes polliniques est opérée par le biais d’un programme informatique, GPalWin, développé par C. Goeury et accessible sur internet (http://www.imep-cnrs.com/pages/goeury.htm).

19  Le tri est fondé sur le référentiel des catégories céramiques (groupes techniques et traditions de fabrication) établi pour Tours par P. Husi (LAT-UMR 6173 CITERES).

20  On a recensé toutes les structures associées aux terres noires et datées entre le 4e et le 11e s., mentionnées dans les rapports d’opération et les publications des résultats des fouilles. Le dépouillement a concerné l’ensemble des opérations (surveillances de travaux, diagnostics, fouilles programmées et préventives) entreprises depuis 1969 dans le centre historique de Tours.

21  ToToPI s’inspire de la grille d’analyse fonctionnelle mise en place par le CNAU (Guilloteau 2004 ; Cerruti 2006).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Schématisation des processus de formation des couches archéologiques.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
Titre Fig. 2 : Schématisation des modalités de formation des couches archéologiques relevant de processus.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-2.jpg
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Titre Fig. 3 : Espace urbanisé ancien à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-3.jpg
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Titre Fig. 4 : Plan de localisation des sites étudiés et de la topographie historique à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 224k
Titre Fig. 5 : Grille d’analyse des composantes stratigraphiques étudiées.
Crédits (M. Fondrillon, A. Laurent - UMR 6173 - LAT - 2006)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 444k
Titre Fig. 6 : Colonne de prélèvement en séquence continue, site de la rue Gambetta, Tours, resp. A.-M. Jouquand.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
Titre Fig. 7 : Schéma du dispositif du PANDA.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
Titre Fig. 8 : Pénétrogramme du SP no 32.1 réalisé à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Titre Fig. 9 : Comparaison du signal pénétrométrique du SP 16.33, du relevé lithologique et du relevé stratigraphique correspondant.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 76k
Titre Fig. 10 : Référentiel microarchéologique des sous-types fonctionnels.
Crédits (M. Fondrillon - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 444k
Titre Fig. 11 : Récapitulatif des traits caractéristiques des sous-types fonctionnels.
Crédits (M. Fondrillon - UMR 6173 CITERES - LAT 2008)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 696k
Titre Fig. 12 : Plan d’implantation des SP sur le site de Saint-Julien à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
Titre Fig. 13 : Tableau de description des classes manuelles issues de l’ACP pour le site 16.
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 220k
Titre Fig. 14 : Tableau de description des classes manuelles issues de l’ACP pour le site du parking Anatole France (site 69).
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 196k
Titre Fig. 15 : Carte de la répartition des sites archéologiques à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 120k
Titre Fig. 16 : Carte du découpage de Tours en six espaces et neuf zones.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 316k
Titre Fig. 17 : Tableau des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des phases d’urbanisation et des zones de la ville de Tours.
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 276k
Titre Fig. 18 : Tableau des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des classes de 500 ans et des zones de la ville de Tours.
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Fig. 19 : Cartes de répartition de l’indice d’intensité de l’occupation humaine.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 472k
Titre Fig. 20 : Caractéristiques des épaisseurs en fonction de leur date à partir des 25 logs.
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 108k
Titre Fig. 21 : Tableau des épaisseurs et des indices de l’intensité de l’occupation en fonction des tranches de 500 ans et des zones.
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 22 : Distribution des épaisseurs moyenne en fonction des indices d’intensité d’occupation pour chaque tranche de 500 ans et pour chaque zone.
Crédits (A. Laurent - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 228k
Titre Fig. 23 : Carte de l’épaisseur du dépôt archéologique à partir du modèle de production de stratification.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-23.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
Titre Fig. 24 : Carte d’estimation de l’épaisseur du dépôt archéologique à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-24.jpg
Fichier image/jpeg, 940k
Titre Fig. 25 : Carte du potentiel archéologique à Tours.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-25.jpg
Fichier image/jpeg, 360k
Titre Fig. 26 : Diagrammes grossiers et céramiques de la section 3, site de l’Hôpital Clocheville (site 67) [P1-3 : période 1er-3e siècle ; P4-7 : période 4e-7e s. ; P8-10 : période 8e-10e s.].
Crédits (M. Fondrillon - UMR 6173 CITERES - LAT - 2007)
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-26.jpg
Fichier image/jpeg, 792k
Titre Fig. 27 : Tableau des caractéristiques microarchéologiques des US composant la séquence indéterminée sur le site de l’Hôpital Clocheville.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-27.jpg
Fichier image/jpeg, 148k
Titre Fig. 28 : Spatialisation des terres noires et des structures associées pour la fin du haut Moyen Âge : emprise urbaine supposée et confrontation au modèle urbanisé ancien pour les 10e-11s.
URL http://racf.revues.org/docannexe/image/1485/img-28.jpg
Fichier image/jpeg, 352k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Amélie Laurent et Mélanie Fondrillon, « Mesurer la ville par l’évaluation et la caractérisation du sol urbain : l’exemple de Tours », Revue archéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 49 | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 04 mars 2014. URL : http://racf.revues.org/1485

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Auteurs

Amélie Laurent

Archéologue au Service Départemental d’Archéologie du Loiret, membre permanent au Laboratoire Archéologie et Territoires (UMR 6173 CITERES)

Mélanie Fondrillon

Archéologue au Service Archéologique de la Communauté d’Agglomération de Bourges, membre permanent au Laboratoire Archéologie et Territoires (UMR 6173 CITERES)

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Droits d’auteur

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  •  
    • Titre :
      Revue archéologique du centre de la France
      En bref :
      Revue dédiée aux recherches archéologiques, toutes périodes confondues, concernant le centre de la France
      Reports and analysis of archaeological campains in the centre of France encompassing all periods
      Sujets :
      Épistémologie et méthodes, Préhistoire et antiquité, Moyen Âge, Archéologie, Préhistoire, Histoire romaine, France
    • Dir. de publication :
      Anne-Marie Jouquand-Thomas
      Éditeur :
      Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du centre de la France (FERACF)
      Support :
      Électronique
      EISSN :
      1951-6207
      ISSN imprimé :
      0220-6617
    • Accès :
      Open access
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