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L’huile d’olive d’Ollioules à Versailles
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L’huile d’olive d’Ollioules à Versailles

Perception et promotion des Provençaux à la Cour à la fin du xvii e siècle
Ollioules olive oil at Versailles. Perception and promotion of the Provençaux at court in the late seventeenth century
Frédéric d’Agay

Résumés

Après un exposé de la façon dont sont considérés les Provençaux sous l’Ancien Régime par les gens de cour et leurs contemporains, sont présentées les familles provençales fixées à la Cour à la fin du xviie siècle, au moment de son installation à Versailles. À commencer par les familles de toute éternité à la Cour, les Villeneuve, Simiane, Vintimille, Castellane-Grignan, puis les grandes réussites du xviie siècle comme les Brancas ou les Luynes, et celles qui deviennent des références sous Louis XIV, tels les Forbin. Exemple de cette volonté de se hisser qu’ont les familles provençales, les Boyer-Bandol, riches marchands d’Ollioules au xvie siècle, agrégés à la noblesse au début du règne de Louis XIII, passés au parlement d’Aix, sont devenus en un peu plus d’un demi-siècle des « gens de qualité » par leur fortune et leurs emplois, ce qui confirme la prise de pouvoir de la noblesse parlementaire aixoise. Fille de Maurel de Pontevès, le Crésus de la Provence, la présidente de Bandol vient à Paris en 1687 pour y placer ses fils au collège Louis-le-Grand et les faire élever par un précepteur avec qui elle entretient une nombreuse correspondance. Le puîné, le chevalier de Bandol, est reçu page de la Dauphine, l’aîné reprend le mortier familial et les cadets sont d’épée. Cette correspondance énumère les phases et les moyens de l’ascension sociale, ainsi que les échanges qui y contribuent. On trouve en annexe les listes des produits et cadeaux envoyés à Paris et à Versailles, les achats parisiens et le rôle des hardes du jeune page et de sa bibliothèque.

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Notes de la rédaction

Traduction du résumé : Alexandra Keens

Texte intégral

La « vivacité provençale »

Fig. 1 Claude-Joseph Vernet, La Madrague ou la Pêche au thon vue du golfe de Bandol, musée de la Marine, no inv. 8295

Fig. 1 Claude-Joseph Vernet, La Madrague ou la Pêche au thon vue du golfe de Bandol, musée de la Marine, no inv. 8295

Il s’agit de la madrague donnée par Henri IV aux Boyer‑Bandol (on reconnaît leurs armoiries sur la barque à gauche du tableau). Le petit‑fils de Mme de Bandol y a pris place avec sa famille et ses invités. Le château de Bandol figure au centre, à l’arrière-plan du tableau.
© Musée national de la Marine

1L’huile d’olive est un des symboles de la Provence et des Provençaux. Dans les mémoires de l’époque, la perception des ces derniers tourne autour de quelques clichés sur le physique, le caractère, l’accent, l’originalité, l’impétuosité et la fougue. L’huile d’olive est également à l’origine de la fortune d’une famille d’Ollioules (Var) qui, agrégée à la noblesse lors des guerres de Religion, tente de se faire une place à Versailles un siècle plus tard… et y apporte bien entendu son huile ! Ce sentiment largement partagé à l’égard des Provençaux est exprimé par le prince de Saint‑Mauris‑Montbarey dans ses Mémoires : « Peut‑être à tort, mais très réellement, j’avais été élevé dans la crainte de Dieuet dans la méfiance des Provençaux » !

  • 1  Louis de Rouvroy, duc de Saint‑Simon, Mémoires, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1983‑1988, t. I, p. (...)
  • 2  Lettre du duc de Vivonne, vers 1665, vente aux enchères Piasa du 6‑7 mars 2007, Paris, no 703 du c (...)
  • 3  Cité par Louis de Loménie, Les Mirabeau, nouvelles études sur la société française au xviiie siècl (...)
  • 4 Idem, lettre de l’année 1758.
  • 5  Lettre à Rochambeau du 16 octobre 1781, citée par le Dr Fontan, La Marine provençale dans la guerr (...)
  • 6  Lettres de madame de Sévigné, Paris, J.-J. Blaise, 1818, t. XII, p. 203.
  • 7  Cité par Albert Babeau, Le Maréchal de Villars, gouverneur de Provence, Paris, Firmin-Didot, 1892, (...)

2Saint‑Simon avait dû être élevé dans les mêmes principes, lui qui glousse sur ce « Provençal, ardent à la fortune » que lui paraît être l’abbé de Valbelle, agent général du Clergé de France1.Le duc de Vivonne, général des Galères, décrivant Marseille, écrit : « Tous ces gens‑là sont envieux, jaloux, inquiets et soupçonneux […] il serait impossible de vous dérober à la perspicacité des Provençaux2. » « Les Provençaux portent leur pétulante vivacité partout », écrit le marquis de Mirabeau à son frère le bailli, marin, gouverneur de la Guadeloupe, que son tempérament provençal et son mauvais caractère ont empêché de devenir ministre de la Marine ou même officier général de la Marine royale3, et ce malgré la mise en garde de son aîné : « Tu as de quoi faire un grand homme accompli si tu parviens à dominer la vivacité de ton sang et l’intempérance de ta langue4. » Et le grand homme de la famille sera son neveu, pourtant doté de la même vivacité et de la même intempérance ; mais lui non plus ne sera pas ministre. L’amiral de Grasse, enfin, évoque ainsi son propre tempérament : « Je suis Provençal et marin, voilà bien des titres pour être vif5. » La repartie, les talents de la conversation et de la société, en un mot l’esprit et le bouillonnement qui le provoque, semblent bien être l’un des apanages de la nation provençale. Mme de Simiane, petite‑fille de Mme de Sévigné, mande en 1735 à M. d’Héricourt : « Il faut que le feu provençal agisse dans toute son activité6. » Au « feu » s’ajoute la vivacité. L’intendant Le Bret écrit au maréchal de Villars : « Vous estimez que, vues la vivacité provençale et les apparences qu’elle produira toujours quelque tracasserie, il vaudrait autant que les Échevins de Marseille s’amusassent par quelque petit procès. » Ce à quoi le maréchal, gouverneur de Provence, répond : « Tous nos Provençaux sont aussi d’une grande vivacité dans les actions [...] malgré votre flegme et votre patience, la vivacité provençale vous oblige sûrement à des ordres sévères7. »

  • 8  Claude‑François Achard, Dictionnaire de la Provence et du Comté Venaissin par une Société de gens (...)

3Mais le tempérament vif comporte aussi des qualités qui peuvent être appréciées en haut lieu, ainsi que le rapporte Achard : « Madame de Venel présenta un jour le jeune duc de Bourgogne au Roi : “Voilà, Sire, qui sera le plus grand des hommes.” Un seigneur de la Cour répondit sur‑le‑champ : “Vous soutenez donc, Madame, que le Duc de Bourgogne sera plus grand homme que le Roi ?” Elle répartit avec vivacité en montrant le Roi : “Qui ? Lui ? Jamais je ne l’ai mis au rang des hommes.” Le Roi sourit et se tournant vers ceux qui composaient sa cour, “Rien ne me plaît d’avantage”, dit-il, “que le naturel des Provençaux et leur franchise8” ». On peut ainsi résumer ces nobles provençaux, fougueux, voire emportés, sanguins et vifs, ambitieux mais spirituels, francs et naturels, n’obéissant qu’à la douceur et épris de liberté.

  • 9  Anne‑Madeleine de Chamillart de La Suze, marquise de Trans, fut nommée dame de compagnie de la com (...)

4Cette noblesse provençale participe à la vie de la cour de France dès l’union de la Provence au royaume, acquise aux états de Lambesc de 1487. Mais il y a un « avant » et un « après-Versailles » : la Cour des xvie et xviie siècles n’est pas celle du xviiie, quand la concurrence est devenue plus rude et que toutes les familles ont voulu s’y faire une place. Il y a aussi une grande différence entre le fait de vivre à la Cour avec des charges subalternes et celui d’occuper des emplois qui comptent, c’est‑à‑dire qui permettent d’approcher les souverains, les princes et les ministres, et de jouir d’une influence. Ainsi les Villeneuve, de la branche des marquis de Trans, vivent dans l’entourage des souverains français depuis le xvsiècle, malgré deux siècles et demi un peu vides d’emplois entre les charges d’ambassadeur et de chambellan occupées par le premier marquis de Trans, sous Charles VIII et François Ier, et celle de dame de compagnie de la comtesse d’Artois occupée en 1773 par la marquise de Trans9.

Les Provençaux à Versailles

  • 10  Il avait épousé en secondes noces la fille de Charron de Ménars, président au parlement de Paris, (...)

5Essayer de dresser une liste des Provençaux à la cour de France lors de son installation à Versailles est assez difficile, si l’on veut tenir compte de toutes les situations. Bien sûr, les Luynes, les Brancas, les Simiane sont là de fondation ou parce que l’un des leurs s’est hissé au premier rang. Mais l’on trouve aussi, par exemple, Charles Léon de Fournier de Carles, seigneur de Pradines, gentilhomme de la principauté d’Orange, lieutenant des gardes de Monsieur – duc d’Orléans et frère de Louis XIV –, gentilhomme ordinaire et chef de la fauconnerie du prince10. Les Ordres du roi, les charges prestigieuses de la maison du roi, les lieutenances générales conférant le commandement aux armées et dans les provinces, un régiment à son nom, des prélatures richement dotées, si possible une dignité de maréchal de France ou de cardinal, des alliances avec les plus grandes maisons du royaume, une grosse terre titrée, voilà ce qui distingue ce clan de familles dont peu font partie.

Les Simiane et les Vintimille

  • 11  C’est une parenté qui sera souvent rappelée par tous les Simiane d’abord et par tous ceux qui leur (...)
  • 12  Mathieu Molé, Souvenirs de jeunesse (1793‑1803), Paris : Mercure de France (Le temps retrouvé), 19 (...)

6Au xviie siècle se distinguent entre tous les Simiane‑Gordes, héritiers des Pontevès‑Carcès, qui tirent eux‑mêmes leur haut rang des charges de grand sénéchal ou de lieutenant général en Provence qu’ils occupent. Les Simiane sont capitaines des gardes du roi, chevaliers des Ordres, aumôniers et chevaliers d’honneur de la reine. Leurs biens immenses tomberont en quenouille chez les La Tour d’Auvergne, d’où ils passeront aux Rohan, puis à la princesse de Condé11. Les Simiane ont entraîné dans leur sillage les Vintimille du Luc, qui eux-mêmes font venir tous les Vintimille de la terre à Versailles avec un remarquable succès, de Gaspard de Vintimille du Luc (1655‑1746), archevêque de Paris, commandeur des Ordres du roi, à son frère le comte du Luc, chef d’escadre des galères, devenu lieutenant général, ambassadeur, conseiller d’État et chevalier des Ordres. Ce fut le début de l’extraordinaire carrière à la Cour des Vintimille, dont Mathieu Molé disait à la fin du xviiie siècle : « Le nom de Vintimille avait tout fait : il plaçait à la cour [...] même il n’y cédait à aucun autre12. »

Les Brancas et les Luynes

7C’est sous le règne de Louis XIII que les Brancas et les d’Albert de Luynes parviennent à la Cour et aux honneurs d’un duché‑pairie. Issu d’une famille de petits gentilshommes provençaux dont les terres de la coseigneurerie de Luynes, à côté d’Aix, sont insuffisantes pour être érigées en duché, le connétable de Luynes achète Maillé en Anjou et quitte définitivement la Provence avec sa famille. Pensant alors que la Cour continuerait à être itinérante entre Paris et les châteaux de la Loire, Luynes, en résidant à Maillé, rebaptisé Luynes, comptait ainsi se trouver au plus près du roi où qu’il soit…

  • 13  Le maréchal de Brancas‑Ceireste protégeait Mme de Venel « qui lui appartenait » et lui obtint un b (...)

8Pour leur part, les Brancas, issus de la grande famille napolitaine des Brancaccio, font ériger leurs terres du comté de Forcalquier en duché sous le nom de Villars, puis de Villars‑Brancas lorsque le maréchal de Villars est élevé aux mêmes honneurs. S’ils deviennent une grande famille de Cour « comme les autres », dont le distrait de La Bruyère est l’un des plus fameux représentants, ils ont encore de nombreux parents en Provence. La branche de Ceireste accède aux honneurs au début du xviiie siècle grâce à ses cousins : un bâton de maréchal, la grandesse d’Espagne, un duché à brevet font le reste13.

9Quant aux Grimaldi, princes de Monaco et ducs de Valentinois, marquis des Baux en Provence, devenus grands seigneurs français pour des raisons de politique étrangère, ils font beaucoup pour l’éclat de leurs cousins provençaux, les comtes de Bueil, les marquis de Cagnes et d’Antibes, et de nombreux Grimaldi niçois.

  • 14  Lettre du 16 janvier 1763, Versailles, AN C 270.Les Raymond‑Modène, aussi cousins des Luynes, on (...)

10Une famille comme celle des Raymond‑Modène, du Comtat Venaissin, est également très bien en Cour au xviie siècle, notamment du fait de sa parenté avec les Brancas et le maréchal d’Ornano, place bien en vue qu’elle finit par perdre. Furieux de ne pas être passé capitaine de vaisseau en 1762 comme le chevalier de Rohan, alors qu’il a eu le bras droit emporté au combat sur la frégate l’Oiseau qu’il commandait, Charles Raymond, chevalier de Modène, écrit au ministre : « Si ma famille eut resté à la cour comme elle y était il y a cent cinquante ans, je n’eusse jamais éprouvé tout ce que j’éprouve. C’est pour lui, la différence d’être né sous une étoile heureuse et moi malheureuse14. »

Les Castellane et les Forbin

11Au xviisiècle, les Castellane sont assez brillamment représentés à la Cour par la branche des Castellane‑Adhémar, comtes de Grignan, le dernier étant le gendre de Mme de Sévigné. Ils ont donné des chevaliers des Ordres du roi, des lieutenants généraux au gouvernement de Provence, nombre de prélats et d’officiers de valeur, puis, quand il s’est agi d’obtenir des places à la cour de Louis XIV, un menin du Grand Dauphin qui, selon Saint‑Simon, était fort goûté dans cette « cour où il aurait figuré, même sans place ». Les nombreux prélats de la famille, ainsi que des alliances avec le maréchal d’Ornano et les Lorraine‑Harcourt accélèrent leur promotion.

  • 15  Alexandre Bontemps (1626‑1701), premier valet de chambre du roi depuis 1659, fils d’un chirurgien (...)

12Le comte de Grignan n’en est pas moins en train de perdre le combat sans merci qu’il mène, avec la haute et ancienne noblesse provençale, contre les Forbin : le pouvoir, les honneurs et la richesse sont en effet sur le point de passer, en ces années 1660‑1690, aux mains de la nouvelle noblesse parlementaire aixoise autour du président Forbin d’Oppède, premier président du parlement d’Aix, qui veut diriger les affaires de Provence en l’absence du gouverneur, le duc de Vendôme… Les Forbin sont à la Cour depuis le xvie siècle et certaines branches y sont bien représentées sous Louis XIV. Ainsi, le marquis de Forbin‑Solliès est chevalier d’honneur de la duchesse d’Orléans et le marquis de Forbin‑La Martre lieutenant général et capitaine de la première compagnie des Mousquetaires. Mais c’est le cardinal de Forbin‑Janson, grand aumônier, qui fait la fortune de toute sa famille ainsi que celle des Vintimille, des Valbelle et des Vins qui lui sont apparentés. Il aide tout particulièrement son neveu le comte de Forbin, le célèbre marin de la branche de Gardanne qui souffre cependant de l’hostilité permanente de Pontchartrain. Le secrétaire d’État à la Marine l’a sans doute empêché de faire une carrière plus brillante, du moins plus rapide, en favorisant d’autres amiraux bien en Cour. Forbin rapporte dans ses Mémoires à propos des courtisans : « Pour moi, quoique marin, et par conséquent peu fait aux manèges des courtisans, je n’ai pas laissé d’avoir toujours pour maxime de ne me fier jamais à l’extérieur et aux paroles de ces messieurs. » Le comte de Forbin n’en a pas moins recherché toute sa vie la protection de ses parents, le cardinal de Janson et le comte du Luc, ainsi que celle de Bontemps, premier valet de chambre du roi, lui aussi originaire de Gardanne15. Malgré ses jérémiades, l’amiral de Forbin est un pion important de l’échiquier Forbin.

Les carrières des Provençaux

  • 16  Dans la liste générale des Provençaux et des Comtadins reçus pages du roi sur preuves figurent, po (...)
  • 17  René Pillorget, Les Mouvements insurrectionnels en Provence entre 1596 et 1715, Paris, A. Pedone, (...)

13La place de page de la maison du roi et des princes constitue une autre voie d’entrée ou d’avancement dans le service. Outre l’avantage de fréquenter les princes au quotidien, être page assure une éducation prestigieuse et gratuite16. Parmi les emplois de page dans les maisons princières, le service du comte de Toulouse comme celui du duc de Penthièvre étaient très recherchés par les Provençaux. Ceux‑ci envahissent aussi la Marine royale car ces princes sont amiraux de France et peuvent donc favoriser ce type de carrière. Le mot est lâché : il faut trouver des carrières, des emplois, des protections pour ses enfants, ce qui n’est pas si facile, surtout si l’on en a beaucoup. Riche, puissante et influente, la nouvelle noblesse de robe aixoise n’hésite pas à venir à Paris pour achever sa conquête du pouvoir. Le corps des officiers royaux des cours souveraines d’Aix est le plus riche et le plus influent de Provence. La noblesse d’épée ne participant plus désormais aux rebellions contre le pouvoir central, ce sont les parlementaires qui affrontent la monarchie pour faire valoir les droits de la noblesse. C’est ce que René Pillorget appelle le « quatrième ordre17 ». Or le xviie siècle est la victoire du quatrième état sur la noblesse d’épée.

  • 18  « Le séjour que le roi fit dans la ville y laissa un goût pour le faste qui à la vérité a rendu la (...)

14La visite du roi en Provence en l’année 166018 a bouleversé le paysage aixois et provençal. La noblesse provençale frondeuse est matée. Dans Marseille décapitée, le clan Valbelle allié du roi est porté au pinacle et prospère à la Cour, tandis que le pouvoir local passe aux Fortia pour un siècle. À Aix, les familles parlementaires sont atteintes d’une frénésie de construction et d’opulence.

Stratégies familiales de promotion sociale : les Boyer‑Bandol

  • 19  L’actuel hôtel d’Espagnet sur le cours Mirabeau.
  • 20  Jean‑Jacques Gloton, Renaissance et baroque à Aix-en-Provence, École française de Rome, 1979, t. I (...)

15Le symbole de ces nouvelles fortunes aixoises et de ce nouveau pouvoir est Pierre Maurel, collectionneur et mécène, constructeur du plus bel hôtel d’Aix19 sur le nouveau cours à carrosses, comme nous l’explique Jean‑Jacques Gloton20 : « C’est le temps des plus mémorables ascensions sociales mais aussi celui des plus cuisantes déconfitures. Les coups d’audace, les combinaisons fructueuses, les réussites inespérées se succèdent et révèlent une extraordinaire vitalité dans la nouvelle aristocratie… »

  • 21  Catherine de Maurel de Pontevès, fille de Pierre Maurel, seigneur de Pontevès et Volonne, et de Di (...)
  • 22  Dont les inventaires sont à la BnF et aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (ADBDR). « (...)
  • 23  Étienne Boyer, fils de François, marchand d’huile, achète et vend de l’huile d’olive, prête de l’a (...)
  • 24  François Boyer, capitaine dans le parti Razat à Toulon et mort en 1584, fut le père d’Antoine Boye (...)
  • 25  Gilbert Buti, « Résonances urbaines de conflits de pêche en Provence (xviiexixe siècles) », in Pr (...)

16C’est ainsi qu’en 1686 l’une des filles de Pierre Maurel, la présidente de Bandol21, place ses quatre fils au collège Louis-le-Grand à Paris. Elle est veuve de François de Boyer de Foresta, seigneur de Bandol, Saint‑Julien et Château‑Arnoux (1633‑1679), président en la cour des comptes d’Aix22. Originaires d’Ollioules, gros village à côté de Toulon où ils se sont enrichis dans le négoce de l’huile d’olive du pays, très réputée23, les Boyer sont parvenus au patriciat et aux fiefs par les armes, lors des guerres de Religion, puis passés à Aix, au parlement et à la noblesse pour ce qui est des deux branches d’Éguilles et de Bandol24. La branche de Bandol a toujours conservé les biens et la maison de famille d’Ollioules jusqu’à la fin du xviiie siècle, témoignant du fort attachement des Provençaux à leur maison natale – maison de ville ou de village, c’est plus véritablement une maison de famille qu’un château, une bastide ou une maison de plaisance. En mai 1603, le roi a accordé aux Bandol, en remerciement de leurs services pendant la Ligue, le privilège exclusif « de faire à perpétuité la pêche des poissons appelés thons dans la mer du Levant depuis La Ciotat jusqu’à Antibes », c’est‑à‑dire la propriété des madragues au thon25. Cette donation, ajoutée aux madragues de Bandol, est à l’origine de la fortune de cette famille, qui en tire des revenus très importants. Ces madragues sont revendues à la fin du xviiie siècle pour 800 000 livres. À cette époque, Jules Boyer, seigneur de Bandol, conseiller au parlement, capitaine de galère, et père de l’époux de la présidente de Bandol, épouse une Foresta, fille d’une Grignan, ce qui lui permet de pénétrer les milieux du parlement et de la haute noblesse provençale, pour le plus grand bénéfice de sa famille.

La Présidente de Bandol et ses fils

Fig.2 Portrait de Mme de Bandol par Jean Daret (?)

Fig.2 Portrait de Mme de Bandol par Jean Daret (?)

Voir le catalogue raisonné de l’artiste (no PD 3) établi par Jane Mac Avock dans sa thèse Jean Daret (1614-1668), université Paris IV-Sorbonne, en cours de publication.
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  • 26  ADBDR, série 2 J 126.
  • 27  Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, maréchal de France, premier écuyer de madame la Dauphine (...)
  • 28  Le comte de Grignan est le cousin issu de germain de son mari.
  • 29  Louis Victor de Rochechouart, duc de Vivonne, général des galères de France, frère de Mme de Monte (...)
  • 30  Henri de Beringhien, premier écuyer, gouverneur des citadelles de Marseille (1603‑1692).
  • 31  Jean Louis Girardin, seigneur de Vauvré (1647‑1724), intendant de la Marine à Toulon (1680‑1688), (...)
  • 32  Justin Mac Carthy‑Muskerry, Lord Mountcashel (vers 1638‑1694), lieutenant général, chevalier de la (...)
  • 33  Guillaume Amfrye de Chaulieu (1639‑1720), compagnon de plaisir du grand prieur de Vendôme, poète é (...)

17La présidente de Bandol mène ses fils à Paris avec leur gouverneur, M. Faure, qui est sans doute un Provençal, du moins un familier, et à qui succédera M. Faraud en 1691 pour le soin des puînés. Ils reçoivent la même éducation, malgré les carrières diverses qu’on leur destine : l’aîné doit revenir à Aix pour suivre le cursus familial de la robe, le cadet est destiné à la noblesse d’épée et devrait rejoindre la Cour, le troisième devenir abbé et le quatrième faire comme le deuxième de la famille, ou selon son caractère. Mme de Bandol les rejoint à nouveau en mai 1689 et réside plusieurs mois à Paris, louant une maison ou un appartement. Elle s’en retourne en Provence au mois de juin de l’année suivante, en même temps que M. et Mme de Pontevès, son frère et sa belle‑sœur. Lorsqu’elle est à Aix, ses fils et leurs gouverneurs lui écrivent, ainsi qu’à M. Albert, son intendant. Cette correspondance inédite est conservée aux Archives départementales des Bouches‑du‑Rhône (ADBDR) où nous l’avons retrouvée dans le fonds Boyer-Bandol26. Mme de Bandol se rend à Paris pour suivre leur éducation, les installer, mais aussi et surtout pour faire sa cour aux personnes pouvant appuyer leur carrière, et suivre ses procès pendants au Conseil du roi. Elle fréquente principalement le maréchal de Bellefonds27, premier écuyer de madame la Dauphine, le comte28 et la comtesse de Grignan, le duc de Vivonne29, général des galères qu’elle a dû connaître à Marseille, M. de Beringhien30, premier écuyer et gouverneur des citadelles de Marseille, Bontemps, premier valet de chambre du roi, Mme Rouillé (probablement l’épouse de l’intendant de Provence en 1670, Rouillé), M. de Vauvré, intendant général de la Marine31 dont la fille épousera son fils aîné, Mme de La Boulaye, la duchesse de Noailles, dont le mari est commandant en Languedoc et frère du bailli de Noailles, lieutenant général des galères à Marseille. Elle semble aussi fréquenter la cour de Saint‑Germain et Milord Monchastel, commandant des troupes irlandaises32. Parmi les beaux esprits, elle voit souvent l’abbé de Chaulieu, « l’Anacréon du Temple33 », et aussi l’abbé Abeille (1648‑1718), Provençal originaire de Riez, auteur de médiocres tragédies oubliées et membre de l’Académie française en 1704. Ces abbés littérateurs ont de l’influence, le premier étant de l’entourage de M. de Seignelay et le second secrétaire du maréchal de Luxembourg.

  • 34  Frédéric Masson, Le Marquis de Grignan, Paris, 1882, p. 40 sqq.
  • 35  Catherine de Maurel, sœur de Mme de Bandol, veuve de François d’Aymar, baron de Châteaurenard. (...)
  • 36  L’épouse de Louis Matharel, commissaire général de la Marine, intendant du port de Toulon de 1665 (...)
  • 37  Lettre du 24 janvier 1687, ADBDR, 2 J 126.
  • 38  Louis, marquis de Montolieu, (1648‑1713), chef d’escadre des galères et maréchal de camp, chevalie (...)
  • 39  Un fils cadet de feu Rainaud de Séguiran, seigneur de Bouc, premier président de la cour des compt (...)
  • 40  Marguerite de Maurel du Chaffaut, cousine de Mme de Bandol, a épousé en 1674 Jacques d’Arbaud, sei (...)
  • 41  Jeanne des Porcelets de Maillane, veuve de Jean de Simiane de La Cépède, marquis de Simiane‑lez‑Ai (...)

18C’est donc en 1687 que les quatre jeunes Bandol, arrivés à Paris, entrent au nouveau collège des Jésuites, devenu collège Louis-le-Grand depuis 1683 et fort à la mode, d’où sort le marquis de Grignan, fils aîné de leur cousin le comte de Grignan34. Y sont entrés en 1675 un jeune Maurel de Volonne, neveu de la présidente, en 1677 un Marignane et en 1679 un d’Ancezune de Caderousse. Les jeunes Bandol retrouvent aussi à Paris leur tante la baronne de Châteaurenard35 qui y a loué un appartement pour accompagner son fils au collège : « Mme votre sœur se trouve très bien ici, son logement est honnête et fort commode, toutes les personnes de votre connaissance ici lui ont fait beaucoup d’honnêtetés et particulièrement Madame Rouillé […] Mme Matharel36 vous fait mille compliments […] vos enfants vont la voir quelquefois37. » Les enfants vont dîner chez leur tante, qui leur prête son carrosse pour se rendre chez M. de Saint‑Pouange. Parmi les Provençaux qu’ils retrouvent au collège, il y a le fils de M. de Montolieu, de Marseille, chef d’escadre des galères38, qui ne sait s’il le mettra aux pages ou le mènera en Provence avec lui ; il va souvent à Versailles pour cela. On trouve également le chevalier de Séguiran, un des fils cadets du premier président de la cour des comptes d’Aix39, mais aussi les fils de Mme de Gardanne40, cousine de Mme de Bandol, et les fils de la présidente de Simiane41.

  • 42  C’est une préoccupation constante : dans la lettre du 7 avril 1687, Faure écrit : « Il y a eu beau (...)
  • 43  Le gouverneur a 800 livres par trimestre pour l’entretien des jeunes Bandol, soit 3 200 par an. Ma (...)

19En avril 1689, le gouverneur des jeunes Bandol a loué un appartement chez M. de Savonnière, conseiller au parlement, moyennant 50 écus : « Nous serons logés entre le droit et l’académie », et non à l’auberge « à cause qu’il y a toujours des jeunes gens débauchés et que M. de Bandol aurait été en danger de le devenir42 ». Les dépenses sont de 25 sols par jour pour la nourriture de M. de Bandol, de 20 sols pour celle du gouverneur et de 15 pour celle du laquais, soit pour la nourriture et le logement un montant de 3 livres 15 sols par jour43.

  • 44  Lettre du 24 janvier 1687, ibid.

20Rien n’est négligé pour l’éducation des enfants, que ce soient la danse, le dessin, le chant ou la musique. La correspondance des gouverneurs regorge de détails à ce sujet : « On chanta hier un fort beau Te Deum de la composition de M. La Vauroi aux dépens des Fermiers généraux qui donnèrent pour cela 12 000 livres44. » Dès février 1687, on achète un clavecin à deux claviers à M. Desguillets pour 200 livres. Le chevalier de Bandol, à Versailles, prend des leçons de clavecin avec le « célèbre Perrin », ce qui coûte la bagatelle de 203 livres à partir d’avril 1687 ! En janvier 1688, Faure engage un maître de guitare pour le même et achète une paire de castagnettes.

  • 45  Lettre du 24 mai 1688, ibid.
  • 46  Lettre du 3décembre 1692, ibid.

21En 1687, M. Létang est le maître à danser des jeunes gens : « M. le maître à danser de M. le duc de Bourgogne, […] il s’appelle Renald, il m’a promis de faire danser souvent M. de Saint‑Julien avec M. le duc de Bourgogne, cela ne peut produire que du bon. » En 1688 : « On continue de montrer à chanter à votre fils le page. Il a la voix fort jolie et chante joliment. Je crois que cette dépense ne sera pas inutile car il s’applique volontiers à tout ce qui peut le faire aimer et estimer. Je suis tous les jours plus persuadé qu’il réussira dans le monde et que vous aurez lieu d’être contente aussi bien de lui que de M.M. ses frères45. » En 1692, Faure se procure le livre de chansons et les opéras qui manquent à M. de Bandol de retour d’Aix et précise les dépenses des maîtres pour les cadets : le maître à danser coûte 66 livres 10 sols par an, soit 5 livres 10 sols par mois, et le maître à chanter coûte 59  livres 8 sols pour neuf mois, soit 6 livres 12 sols par mois46.

Fig. 3  François de Boyer de Foresta, marquis de Bandol

Fig. 3  François de Boyer de Foresta, marquis de Bandol

© Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence

Le marquis de Bandol

  • 47  François de Boyer de Foresta, dit le marquis de Bandol (1673‑1745), conseiller au parlement d’Aix (...)
  • 48  Lettre du 24 mars 1688, ibid.
  • 49  Lettre du 8 avril 1689, ibid.
  • 50  Lettre du 25 avril 1691, ibid.
  • 51  Lettre adressée par le marquis de Bandol à Albert, en date du 5 septembre 1691, ibid.
  • 52  Lettre du 20 avril 1691, ibid.

22Le fils aîné, destiné au parlement d’Aix, sera donc de robe47 : «M. de Bandol vous prie très humblement puisqu’il est encore au collège de lui donner 30 sols par mois pour des carrosses à faire des visites, car il y a plus de trois mois qu’il ne fait des visites que dans le voisinage, quand il va à pied, il se crotte tout et n’ose plus entrer chez les gens […] hier M. d’Herbigny l’envoya prier à dîner […] et il ne put y aller […] il est fort grand48. » M. de Bandol, sorti du collège, s’est inscrit en droit depuis le 1er avril 1689 : « Il est tout à fait résolu à être de robe, et à bien étudier son droit et à se rendre honnête homme et habile dans cette profession. On va lui choisir une académie, nous choisirons celle où il y aura moins de débauche et plus d’honnêtes gens49. » En avril 1691, Mme de Bandol pousse des hauts cris sur la fréquentation d’un Provençal nommé Martiny, fils d’un procureur au parlement. Le gouverneur est obligé de se justifier : « Il n’a aucune habitude avec les Provençaux. Mais comme il sait de quelle humeur sont ces gens‑là, je vous assure qu’il n’y pense pas et qu’il les laisse bien en repos50. » Le jeune marquis de Bandol écrit même à l’intendant de sa mère à Aix : « Il suffit que ma mère m’ait recommandé de n’avoir point de commerce avec les Provençaux pour que je ne les fréquente point, outre que de mon naturel je n’y suis pas porté, connaissant leur caractère d’esprit qui ne cherche qu’à mettre le désordre dans une famille51. » Sa mère ajoute d’autres récriminations sur des amours ancillaires : « À l’égard des amourettes qu’on vous a dit qu’il avait au jeu de paume de l’Étoile, je ne m’en suis pas aperçu et si cela était j’en aurais découvert quelque chose, ne l’ayant jamais quitté un moment […] d’ailleurs il n’est pas homme à s’attacher à de si petites gens et à des objets qui n’ont rien qui puisse engager […] vous avez un fils qui est la perle de tout ce qu’il y a de jeunes gens à Paris pour ce qui concerne la vertu et la bonne conduite52… »

  • 53  Lettre du 29 février 1692, ibid.
  • 54  Lettre du 29 février 1692, ibid.

23M. de Bandol soutient sa thèse de droit le 20 août 1691. Il se rend à Versailles avec le commandeur d’Elbène pour des visites, principalement à M. Bontemps, à la maréchale de La Motte, à Mme de Grignan et à Milord Monchastel. Avant de rentrer en Provence, on se préoccupe de lui trouver un clavecin : « M. Buterne lui en fait monter plusieurs pour choisir le meilleur qu’il trouvera. Il a acheté un des meilleurs clavecins des Flandres qu’il n’y eût à Paris, de retour avec le sien 200 francs. M. Buterne en a fait le marché. Je lui ai acheté aussi dix opéras d’imprimés et sept autres que je fais écrire à la main53. » Et de lui fournir une garde-robe suivant l’état qui l’attend : « Il lui faut deux habits dont un sera de velours noir avec des broderies et boutonnières d’or et la veste d’une belle étoffe d’or, pour l’autre d’une étoffe couleur de café avec une broderie d’or et d’argent. » Le premier coûte 500 livres et le second 400. On lui ferait bien galonner ce dernier habit, mais cela ne convient pas à un homme de robe (« outre qu’il n’est pas un homme de robe à Paris qui en ait de galonné »). M. de Bandol a pris en sus un habit de velours bleu et, avant son départ pour Aix, achète une garde-robe dont il donne le détail à Mme de Bandol (annexe no 4)54. Le marquis de Bandol écrit à sa mère le 24 décembre 1691 :

  • 55  Claude‑Étienne de La Roche (1659‑1735), premier valet de la garde-robe du roi, beau‑fils de Bontem (...)

« Je fus il y a quelque temps à Versailles et M. Bontemps et M. de La Roche55me firent mille amitiés. J’y vis M. le chevalier de Noailles et M. le comte du Luc qui me chargèrent fort de vous faire leurs compliments. Après le dîner, M. Bontemps me tira à part et me dit qu’il me ferait donner une lieutenance à mon frère et que vous ne devriez pas vous mettre en peine. Je l’en remerciai de votre part et de mon côté aussi et auparavant de m’en aller, je priai M. Blondel de l’en faire ressouvenir. M. le Commandeur d’Elbène s’en va plus tôt que ne le croyais [pour la Provence] […]. Quand M. le comte de Grignan sera arrivé, j’aurai l’honneur de le voir et s’il me parle des tableaux, je lui répondrai en Normand, c’est‑à‑dire que je ne m’engagerai en rien et lui ferai connaître que je ferai tout ce que vous souhaitez et que je n’en suis pas le maître. »

  • 56  Lettre du 29 avril 1692, ibid.

24On voit que, dans les visites à rendre, les domestiques intimes du roi comptent autant que les grands seigneurs, de même que les domestiques des domestiques ! Le marquis doit regagner Aix pour être reçu avocat au parlement et entrer dans la charge de conseiller au parlement que sa mère vient de lui acheter : « M. votre fils prit congé quelques jours avant de partir de M. Bontemps ; c’était pour avoir le temps de faire ses visites à Paris car après avoir soutenu sa thèse il n’a eu de temps que pour cela56. » Il quitte Paris en avril 1692 en diligence avec 150 livres en poche et un laquais.

Le chevalier de Bandol, page de la Dauphine

  • 57  Nicolas de Boyer de Bandol, né à Aix le 14 juin 1674 et mort à Manosque en juin 1692, reçu page de (...)

25Le second fils de Mme de Bandol, appelé M. de Saint‑Julien puis le chevalier de Bandol57, hésite sur sa carrière. Le 1er mars 1687, le gouverneur écrit à Mme de Bandol :

« Je me suis informé plus particulièrement des pages deMme la Dauphine. On m’a assuré que c’était un poste avantageux et qu’ils étaient parfaitement bien et n’avaient plus tant de peine que ceux de la petite écurie. M. de Saint‑Julien a bien envie d’y aller. Il n’y entre que les enfants de qualité et on en a grand soin. J’en ai parlé à M. Fréteau aujourd’hui qui vous enverra son sentiment. Tout le monde dit que c’est un poste recherché. »

  • 58  La liste précise de toutes les hardes figure en annexe no 1.

26Le chevalier de Bandol est reçu page de madame la Dauphine le 4 avril 1687, grâce à la protection du maréchal de Bellefonds. Faure envoie l’état de la dépense pour cette réception (soit 710 livres), dont la liste des effets et des hardes58, la mention des voyages à Versailles, des visites d’adieux à Paris en carrosse de location, des fournitures et de l’argent donné au gouverneur des pages pour ses menus plaisirs. À peine arrivé à Versailles, M. de Saint‑Julien s’enrhume.

  • 59  Lettre du 7 avril 1687, ibid.

« M. son gouverneur m’a promis de m’écrire tous les samedis comme il se comporterait. Je l’ai recommandé au précepteur qui était autrefois à M. de Villeroy et qui est à présent à Versailles. J’espère que vous aurez lieu d’être contente de lui et qu’il s’avancera par son mérite particulier et par la faveur de ses amis59… »

  • 60  Lettre du 17 octobre 1687, ibid.
  • 61  « État des livres achetés pour le chevalier de Bandol » dressé par Faure en 1688, ibid.

27Un peu plus tard, Faure ajoute que M. de La Boulaye et M. Garnier iront à Versailles et écriront à la présidente : « Ils auront vu le petit courtisan. » Le mot est lâché, on va faire du chevalier de Bandol, entré aux pages depuis trois mois, un petit courtisan. On sent que tout l’espoir de la famille est là, placé en lui et en la protection de Bontemps. Mais il tombe malade en octobre : « M. de Saint Julien se porte bien à présent. M. Bontemps envoya demander de ses nouvelles en revenant de Fontainebleau60. » En 1688, Faure achète une petite bibliothèque pour le chevalier de Bandol, qui doit être assez représentative de ce qu’il faut savoir à la Cour : Térence traduit par Mlle Lefèvre, 3 tomes, Horace par M. de Martignac, 2 volumes, L’Homme de cour de Gratian, L’Art de plaire dans la conversation, Vie du Tasse, Éléonore de Guyenne, Éducation de Charles Quint, 2 tomes, Guerres de Grenade, Molière, 8 tomes, Corneille, 10 tomes61. L’Antiquité, la Cour, le roman, la chose militaire, l’actualité et le théâtre, 10 titres et 30 volumes sont donc le vade-mecum du petit courtisan. Le petit page est malade tout l’hiver ; il est mis à Vincennes chez le maréchal de Bellefonds où il se porte mieux, toujours surveillé par Bontemps qu’il voit à Paris. En février 1688 : « Le maréchal de Bellefonds alla lundi dernier à Versailles et y doit demeurer tout le carnaval. Il a mené M. de Saint‑Julien et il le laissera avec ses camarades. Quand Mme la maréchale dit à M. de St Julien qu’il ne reviendrait pas à Vincennes s’il se portait bien il se mit à pleurer. » Le courtisan est encore un enfant.

  • 62  Les dépenses du chevalier dans la campagne du Piémont ont coûté 1 100 livres.
  • 63  Lettre du 24 décembre 1691, ibid.
  • 64  Lettre du chevalier de Bandol à sa mère, s.l.n.d., ibid. Les Gajot sont une famille de Lambesc, vi (...)
  • 65  « L’État des dépenses des obsèques du chevalier de Bandol » présente un voyage d’Aix à Manosque av (...)
  • 66  Lettre du 8 juin 1692, ibid.

28Au sortir des pages, en 1691, il entre comme cornette de dragons au régiment de La Lande, compagnie de La Salle, qui appartient à M. de La Lande, ami de Mme de Bandol. Il part en Piémont pour une première campagne62. Dès le mois de décembre, M. Faure fait la cour à M. de La Lande, espérant obtenir pour le chevalier de Bandol une lieutenance dans le régiment : « Il m’a chargé aussi bien que Mme de La Lande de vous faire son compliment […] je crois qu’il ne peut pas lui manquer le voyant aussi bien intentionné qu’il est, outre que M. Bontemps n’oublie rien pour cela63. » Ainsi, le 31 mars 1692, Faure s’entretient avec M. de La Lande, à qui l’on « recommande beaucoup son fils […], il compte se défaire de son régiment ». Le chevalier écrit à sa mère pour lui annoncer qu’une lieutenance est vacante dans ce régiment. Il fait une chaleur écrasante, il a des maux de tête. Il vient d’acheter une tente, un cheval, une table, des piquets, une hache, des chevrons, pour 12 louis de dépense. « M. de Gajot a toujours des bontés pour moi64. » Le 5 mai, Faure annonce à la présidente que son fils a obtenu une lieutenance mais c’est un secret. Le chevalier part alors pour Valence avec son régiment, où il tombe malade, puis pour Manosque où sa mort prématurée, fin mai-début juin 169265, met un terme à sa carrière. Certes, il n’aurait sans doute pas pu suivre le même cursus que son parent le marquis de Grignan, héritier à dix-huit ans du régiment de cavalerie de sa famille. Néanmoins, la fréquentation de la Cour et son état de page lui ont valu un avancement bien plus rapide que celui des jeunes gentilshommes de sa province. Le révérend père Masque, directeur du collège, écrit à Mme de Bandol : « Je prends part à la mort de M. votre second fils […] M.M. vos enfants savaient déjà la nouvelle. Ils se portent tous bien, l’un et l’autre faisant de leur mieux, mais l’abbé beaucoup mieux que le chevalier ayant beaucoup d’application pour l’étude […] ils ont tous deux le naturel fort doux et fort aimable. Le cadet étant beaucoup plus éveillé que son aîné66. »

L’abbé de Bandol et M. de La Penne, chevalier de Bandol

  • 67  Pierre Jules de Boyer de Bandol, né à Aix le 1er août 1677, dit l’abbé de Bandol, reçu chevalier d (...)
  • 68  Lettre du 3 juin 1689, ibid.
  • 69  Lettre du 8 novembre 1694, ibid.

29Le troisième fils est donc appelé « l’abbé de Bandol » ou « le petit abbé67 ». On décide en 1689 que « le jeune abbé sera à tonsurer dans quelque temps. Il a assez de disposition pour l’étude et beaucoup de vivacité68 ». Mais en septembre 1694 : « Le petit abbé a quitté le collet n’ayant jamais eu de penchant pour l’église... Plus grand que moi et fort bien fait. Le chevalier ne lui cède en rien. » Le petit abbé va donc quitter le rabat : « Il doit avoir une épée, car une cravate ne peut se porter à Paris sans épée. Cela ferait le plus méchant effet du monde surtout à Paris69. » Bien qu’il soit encore au collège, il devient en 1694 chevalier de Malte et officier.

  • 70  André Joseph de Boyer de Bandol, né à Aix le 12 octobre 1679, dit M. de La Penne, encore au collèg (...)
  • 71  Lettre du 24 mars 1688, ibid.
  • 72  Lettre du 3 juin 1689, ibid.

30Le quatrième enfant est appelé M. de La Penne70, puis le chevalier de Bandol. En mars 1688, on songe pour lui à une autre place de page dans une maison royale : «Tout le monde m’a dit que le Roi donnerait ces sortes de places, que ce serait des enfants d’honneur qui seraient fils de ducs et de pairs ou bien de la faveur, que s’il y avait des pages particuliers, ce serait une chose nouvelle et que personne ne savait encore, le gouverneur n’étant pas nommé. M. de Vivonne, ni M. de Bellefonds, ni M. de Beringhien ne peuvent vous y servir, cela n’étant pas de leur ressort. Il n’y a que M. Bontemps qui le puisse faire. Je ne pus point lui parler, ni à M. de La Roche parce que l’on préparait quelque fête pour Marly. J’ai peine à croire que M. de Mosnier ait obtenu une de ces places pour M. son fils […] au cas que cela fut, je crois que M. Bontemps y aurait bonne part71… » Plus tard on pense à le faire entrer aux pages de la Dauphine, à la place de son frère : « M. de La Penne paraît supposé à bien remplir la place de page quand M. de Saint‑Julien la quittera72. »

  • 73  Lettre du 16 juillet 1692, ibid.
  • 74  Lettre du 19 janvier 1693, ibid.
  • 75  Frédéric Masson, Le Marquis de Grignan, op.cit., p. 44.

31Les gouverneurs se soucient du développement physique et moral de M. le chevalier : « M. le chevalier est un joli petit cavalier, il aime fort à se divertir et se dispense autant qu’il peut du travail. Il ne faut pas s’étonner de cela étant vif comme il est. Au reste c’est un joli petit homme qui fera quelque chose dans son temps73. » La danse tient une place essentielle dans cette éducation du corps, comme en atteste aussi le récit de l’éducation du marquis de Grignan et de son apprentissage de la Cour. « Je menais jeudi dernier M. le chevalier à un bal de jeunes gens de qualité qui se donna chez Mme Le Tellier. Je vous assure qu’il y fit des merveilles. J’eus le plaisir de voir qu’il n’y en avait aucun qui ne dansât si bien que lui. Il fit tant de plaisir à toutes les dames qui s’y trouvèrent qu’elles me dirent qu’elles l’envoieraient prendre lorsqu’il en aurait quelque autre74. » En 1684, le jeune marquis de Grignan déguisé en Indien danse une mascarade devant le roi ; voici les réflexions de sa grand‑mère, Mme de Sévigné : « Il faut qu’il joue un grand rôle à quatorze ans ; il faut donc qu’on commence à le voir deux ans auparavant ; on va parler de lui ; il faut faire voir sa petite personne […]. Il s’est montré au Roi, il a été bien regardé, sa figure plaît, et sa physionomie n’a rien de commun75. »

Affinité, protection et échanges, les clés de l’ascension sociale

  • 76  Ou rossolis, liqueur composée d’eau‑de‑vie, de sucre et de quelques parfums. Remercions Marie-Fran (...)
  • 77  Quatre pots de thon mariné, 6 pots d’anchois de Fréjus au poivre blanc, 1 baril de petits câpres, (...)

32On le voit, rien n’est laissé au hasard dans l’éducation des jeunes Boyer‑Bandol, pas même les provisions de bouche provençales qui partent d’Ollioules ou d’Aix pour leur table et celles de leurs protecteurs, à Paris et à Versailles. En février 1687, le gouverneur accuse réception d’une barrique d’huile d’olive et il reçoit en 1688 un « État des ballots envoyés à M.M. de Bandol ». Cette liste représente tout ce qui est nécessaire à la vie de jeunes gentilshommes provençaux à Paris : « 8 pots de thon mariné, 8 pots d’anchois de Fréjus au poivre blanc, 3 boîtes de figues, 8 petits sachets d’herbes aromatiques, 16 paires de gants, 2 bouteilles de rossoly76, une rouge et une blanche, 8 petites caisses de figues, 1 caisse de raisins secs, 1 caisse de raisins sans pépins, 1 bâton de chocolat, 6 bouteilles d’eau-de-vie de la reine de Hongrie, 6 d’eau de Mièvre ( ?). » Il y a en outre deux ballots pour le maréchal de Bellefonds77, deux pour M. Lépinois, un pour le révérend père directeur du collège, deux pour Mme Rouillé… En 1691 :

  • 78  Lettre du 24 décembre 1691, ibid.

« Les provisions de M. de Bontemps arrivèrent le 20 de ce mois ici très bien conditionnées. M.M. les commis de la saline voulurent ouvrir les caisses mais on les empêcha. M. Dancereau écrivit à M. Bontemps pour l’informer du procédé de ces M.M. de la saline, dès que M. Bontemps eut reçu la lettre de M. Dancereau, il alla trouver le Roi qui donna aussitôt ordre à M. de Pontchartrain d’envoyer incessamment ordre à Messieurs les commis de la saline de ne point ouvrir les caisses et de leur défendre de ne rien prendre pour leurs droits non plus que pour l’entrée, de sorte que samedi au soir toutes les provisions arrivèrent à Versailles78. »

  • 79  Lettre du 24 novembre 1694, ibid.
  • 80  Lettre de M. de Bandol, d’Ollioules, « à M. Faraud gouverneur des M.M. de Bandol au collège de Lou (...)
  • 81  Vin cuit de muscat de Provence.
  • 82  Ce qu’on appelle aujourd’hui pruneau d’Agen.
  • 83  Œufs de thon séchés.
  • 84  Bonne pour les rides…

33Voilà l’huile d’olive de M. Bontemps devenue une affaire d’État ! M. Bontemps est toujours le mieux soigné et pourvu car il est le protecteur le plus important et le plus efficace : « M. Garnier doit aller à Versailles pour donner ordre à tout ce que vous lui avez marqué touchant les provisions de M. Bontemps79. » En octobre 1692, on envoie d’Ollioules 3 balles contenant 16 pots de thon et 17 pots d’anchois faisant 52 livres80. L’envoi du 12 janvier 1693 comprend de l’huile en barils de 90 livres, 12 petites bouteilles de malvoisie81, 1 caisse de petites corbeilles de figues, 1 petite corbeille de raisins secs, 6 boîtes et 2 petits paquets de prunes de Brignoles82. Dans celui du 22 janvier 1695, Mme de Bandol joint 2 ballots de 105 livres d’huile, 24 bouteilles de fleur d’oranger, 40 paniers de figues et raisins secs, de la poutargue83, 1 petit sac d’herbes aromatiques, 6 savonnettes. Les livraisons de provisions se font aussi par le biais des Provençaux qui gagnent Paris ou repartent en Provence. En mai 1693, M. de Marignane apporte un paquet d’Aix : « J’ai remis la pommade de limaçon84 à Mme de Charlay. J’ai pareillement remis au suisse de M. Bontemps la boîte qui était pour Mme Guillaume qu’il aura le soin de lui envoyer. Je fus il y a trois jours chez M. de Luxembourg pour avoir l’honneur de voir M. l’abbé Abeille qui était parti la veille pour la Flandre. »

  • 85  Dans sons Journal de cour, D’Antin indique, p. 21, le minimum de ce qu’était l’équipage d’un homme (...)
  • 86  Ibid., 30 avril 1687. Un des nombreux membres de cette famille de parlementaires aixois.
  • 87  Jean Baptiste de Forbin‑Maynier, baron d’Oppède, président à mortier au parlement d’Aix (1648‑1701 (...)
  • 88  Ibid., 17 octobre 1687, Surléon d’Albertas, seigneur de Gémenos.
  • 89  Sous-gouvernante des enfants de France, dame de la reine, Madeleine de Gaillard, veuve de Gaspard (...)
  • 90  Henri de Lombard, baron de Faucon, chanoine d’Aix, fils du président marquis de Montauroux et de D (...)
  • 91  Gaspard François de Valbelle, comte de Ribiers, capitaine de cavalerie dans le régiment du Dauphin (...)
  • 92  Anne d’Agoult, épouse de François de Vintimille, baron d’Ollioules.

34Dans ses lettres, Faure écrit ainsi la chronique des Provençaux qui, se rendant à Paris ou à la Cour, ne manquent pas de venir embrasser les petits au collège. Citons en quelques-uns : « M. de Coriolis est à Paris, logé à l’hôtel de Brissac, il est très mal intentionné, il n’a pour tout équipage qu’un clerc de procédure et un petit laquais85. Mme votre sœur ne sait quand elle va partir86. » Ayant perdu son procès, M. de Coriolis repart pour Grenoble en janvier 1688. Le président d’Oppède gagne le sien contre son beau‑frère, M. de Piolenc87. « M. de Gémenos est parti depuis huit jours88. » Le 24 novembre 1687 : « On m’a dit hier que M me de Venel était morte […] il y a bien des prétendantes pour sa charge on ne sait pas encore qui l’aura […] on croit que Mme de Mosnier y aura bonne part89… » En effet, la charge de sous‑gouvernante des enfants de France devient libre. La famille provençale de la défunte essaie de la conserver, mais c’est un trop gros morceau ! « M.M. de Gardanne sont arrivés. On les a mis aux Jésuites. Quand M. l’abbé de Faucon90 sera ici, M.M. vos enfants l’iront voir et lui feront les honnêtetés qu’ils lui doivent… » En juin 1689 : « La mort de M. le marquis de Ribiers‑Valbelle a surpris et fâché bien des gens. C’était un jeune homme fort bien fait. M. son frère qui était abbé a quitté le petit rabat et a pris ce que l’on dit le parti de l’épée91. Cependant cet exemple n’ébranle point la vocation de M. de Bandol dans le dessein de se faire de robe. » Le 27 avril 1691 : « Mme d’Ollioules92 est venue voir M. votre fils ; son fils s’en est allé en Provence sans lui en rien dire. »

  • 93  Un des quatre fils, chevalier de Malte, de Charles de Tressemanes, seigneur de Chasteuil, et de Ca (...)
  • 94  Un des fils, chevalier de Malte, d’Antoine de Thoron, seigneur d’Artignosc, conseiller au parlemen (...)
  • 95  Marie‑Françoise de Bournonville, duchesse de Noailles, accoucha de Marie-Françoise de Noailles le (...)
  • 96  Ce sont des porcelaines de la Compagnie des Indes, comme probablement les « pagottes » ou pagodes (...)

35Le gouverneur cite aussi parmi les visites rendues aux enfants M. Le Bret, intendant de Provence qui doit venir à Paris quelque temps, le chevalier de Chasteuil93, le chevalier d’Artignosc94 et M. de Sigoyer. On a ainsi une liste précise des Provençaux de qualité qui séjournent à Paris ou à Versailles entre 1687 et 1694. Les courses pour Mme de Bandol occupent le gouverneur : « Mme de Noailles est en couches […] et Mme Rouillé est en deuil […] ainsi elles n’ont pas pu choisir votre habit95… » Le 8 août 1692, il fait partir 3 gobelets d’argent, 3 couteaux, 3 fourchettes et 1 pièce de tapisserie pour Aix. En février 1693, M. Abeille a réuni 2 « pagottes » pour Mme de Bandol : « J’espère que M. de Forville (Fortia) ou M. Le Bret voudront bien s’en charger puisqu’ils doivent partir bientôt. » Et : « L’abbé Abeille a de fort bons tableaux et autres choses que je dois vous envoyer. » Le 27 septembre 1694 : « Une caisse doit partir demain pour Aix avec opiat pour les dents, cire, perruques pour M. de Bandol, trois porcelaines données par Mme de Charlay, deux cent cinquante estampes, trois tours de cheveux dont Mlle du Bourg me demande trois écus neufs. » En novembre de la même année : « L’abbé Abeille a remis 6 tableaux, 6 tasses de porcelaine avec leurs assiettes96 pour vous envoyer si Rome veut se charger des tableaux. » Ils ne partiront qu’en février 1695 : M. d’Artignosc va prendre des tableaux de l’abbé Abeille avec sa diligence. « Il a mené vos enfants à la foire de Saint‑Germain avec de Châteaurenard, il les a régalés on ne peut mieux. » Les envois sont quelquefois plus conséquents, comme le montrent les listes que nous publions in fine en annexes nos 2 et 3.

  • 97  Lettre du 1er novembre 1687, ibid. : « Mon voyage n’aura pas été inutile à M. Garnier puisque je l (...)

36Mme de Bandol séjourne fréquemment à Paris pour surveiller l’éducation de ses fils, suivre ses affaires et faire sa cour. Elle y est en novembre 1687, d’où elle écrit à son avocat et homme d’affaires d’Aix, Albert : elle travaille à ses procès avec M. Fréteau et rend visite au nouveau chancelier M. Boucherat. « Tout le monde en est content […] La Cour ira à Versailles le 13 de ce mois97. » Elle voit tous les Provençaux de Paris, dont l’évêque de Sisteron. « Je me trouve toujours mieux à Paris où je suis fort agréablement. J’ai pourtant envie de finir bientôt mes affaires pour m’en revenir au mois de juin. Les dépenses sont fort grandes. Je suis déjà pour 1 000 pistoles. Il n’y a que six mois que je suis partie de Provence et je ne fais pas de dépenses superflues, je ne joue jamais. Mes enfants se portent bien. J’en suis fort contente. » Elle achète même un carrosse et prête de l’argent au coadjuteur (le neveu du cardinal de Janson). Elle revient de juin 1689 à juin 1690. Il semble qu’après ce séjour à Paris Faure ait été renvoyé et remplacé par Faraud, car c’est lui qui correspond avec la présidente à partir de cette date.

  • 98  Lettre du 10 février 1693, ibid.

37En 1691, les Bandol changent d’appartement : « Notre adresse est : Chez M. Malherbe l’aîné, rue de la Pelleterie, proche le Palais. » Le gouverneur continue à envoyer, avec sa comptabilité, le détail de ses activités : deux fois à la comédie avec ces messieurs, pour passer l’eau pour des visites, locations de carrosses, maîtres de clavecin, chant, dessin, visite à M. de Saint‑Pouange. En juin 1692, après la mort du chevalier de Bandol, ses deux frères sont habillés de noir. Le grand prieur de Vendôme vient réclamer la pension féodale de Bandol comme abbé de Saint-Victor. Mme de Bandol se plaint de la dépense magnifique réalisée pour ses fils : en février 1693 et écrit au révérend père Mégret, directeur du collège, qui lui répond : « Les enfants ne sont pas entretenus d’une manière magnifique mais fort propre […]. Pour ce qui est de leur gouverneur il ne me revient rien qu’on puisse blâmer. Il paraît très honnête homme et il prend tous les soins qu’on peut prendre de vos enfants tant pour ce qui regarde les mœurs et l’honnêteté, que pour ce qui regarde leurs études, ne leur passant rien qui ne conviendrait à des enfants de leur rang98. »

  • 99  Lettre du 26 février 1694, ibid.
  • 100  Philippe Gardy, Un conteur provençal au xviiie siècle : Jean de Cabanes, suivi de vingt contes de (...)

38Elle séjourne alors à Paris jusqu’en septembre, afin de vérifier elle-même l’état de la dépense, faire avancer ses affaires et la carrière de ses fils. L’année suivante, Mme de Bandol se plaint toujours de la dépense des enfants : « Il est vrai que M. Bontemps a eu la bonté de recommander au Père Mégret. M.M. vos enfants par l’entremise de M. l’abbé Baillot qui s’en est acquitté parfaitement99. Je ne pourrai mener vos enfants à Versailles que lorsque je les aurai fait habiller et fait faire des perruques, les leurs sont dans un état à ne les pouvoir porter en pareille occasion. » Il est vrai que, dans leur correspondance, les gouverneurs demandent continuellement de nouvelles sommes pour faire face à des dépenses incompressibles (comme les habits) et soutenir ce train de maison à Paris et à Versailles. Mme de Bandol revient à Paris à la fin de l’année 1694, toujours pour surveiller les dépenses. Le 29 octobre de cette même année, le gouverneur envoie à Mme de Bandol ses condoléances pour la mort de Mme de Pontevès, sa mère, et achète immédiatement des habits noirs pour les enfants ! À partir de novembre 1694, les Jésuites augmentent leur pension de 36 livres par quartier ; mais après avril 1695 la correspondance et les archives de MM. de Bandol s’arrêtent. Ils ont sans doute quitté le collège à cette date pour prendre leur nouvel état. Ils ne feront ni l’un ni l’autre une carrière de Cour : l’un, marin, mourra jeune et l’autre se retirera à Aix pour y mener la vie des cadets de famille, telle qu’elle est décrite par Jean de Cabanes, cadet aixois, dans un conte écrit en provençal100.

39Mais peu importe s’ils mènent ou non une vie à la Cour. Le Versailles des débuts n’est pas encore la prison dorée qu’elle sera un siècle durant, elle est la suite historique d’une formidable école de l’Antiquité à l’époque moderne, dont nous parle Alain Pons dans son introduction au Livre du courtisan de Baldassare Castiglione :

  • 101  Baldassar Castiglione, Le Livre du courtisan, Paris, Gérard Lebovici, 1987, Introduction, p. XII. (...)

« Qu’y a-t-il de commun entre l’agora d’Athènes, le forum romain, la cour d’Urbino, celle d’Élisabeth d’Angleterre, celle de Louis XIV ? Tout, ou presque, répondraient Castiglione et ses anciens lecteurs ? Ou plutôt, ils diraient que les instruments légués par la rhétorique et la philosophie classiques étaient suffisants pour permettre de comprendre et de “réduire en art et en discipline” le discours et le comportement d’un type d’homme représentant l’expression la plus achevée de la modernité, à savoir le Courtisan101. »

40C’est pour les Boyer, riches marchands d’Ollioules du xvie siècle, agrégés à la noblesse au début du règne de Louis XIII, devenus en un peu plus d’un demi-siècle des « gens de qualité » par leur fortune et leurs emplois, un moyen de confirmer à leur niveau la prise de pouvoir de la noblesse parlementaire aixoise. Ils donnent ainsi un exemple éclairant sur le nouveau genre de vie, dispendieux, des Provençaux de la capitale à l’époque baroque.

Annexes

1 – RÔLE DES HARDES QUE M. DE BOYER-BANDOL PORTE POUR SON USAGE EN ENTRANT PAGE CHEZ MADAME LA DAUPHINE

  • 102  Tout ce linge est marqué « BB ».

418 chemises de jour, 4 chemises de nuit
12 paires de chaussures
4 mouchoirs
6 coiffes de nuit
4 paires de bas de fil
6 serviettes
3 bonnets
6 cravates à dentelle au point de France, de la Reine, d’Angleterre, de Malines avec les 6 cols
3 cravates unies de batiste
3 caleçons de toile102
1 manteau de justaucorps et culotte de page
1 culotte de damas vert
1 culotte de ratine musc pour monter à cheval
1 veste de moire avec galon d’argent
3 paires de bas de soie verte
3 paires de souliers neufs
3 chapeaux (1 castor gris bordé d’or avec cordon d’or, 1 loutre noir, 1 caudebec noir bordé d’argent et avec cordon d’argent)
6 paires de gants, 3 brodées d’or et 1 d’argent
2 paires de boucles de soulier
2 paires de boutons de manches d’argent et à pierres
1 trousse avec 6 peignes
1 boîte à poudre avec la houppe, éponges pour les dents
3 perruques blond cendré, 1 longue, 1 courte, 1 pour monter à cheval et pour la chambre
1 robe de chambre d’indienne
1 paire de mules
1 écritoire de chagrin, 1 portefeuille, 6 plumes, papier, encre…
1 cachet d’argent à ses armes
Livres : Abrégé de l’histoire de France et romaine, Métamorphoses, Satyres de Boileau, Conversation du chevalier de Méré, État de la France, Semaine sainte, Heures
1 étui de mathématiques
1 fleuret
Sandales et brodequins, bottes et bas, garnitures, rubans
1 coffre barré de campagne pour ses hardes
1 sac de moquette pour son linge sale
1 petite épée
4 paires de manchettes de dentelle au point de France, de Malines, d’Angleterre
1 pourpoint de toile pour monter à cheval
1 culotte et bas en peau de chamois.

42Ces hardes ont coûté 710 livres – la note du tailleur des pages est conservée – et le gouverneur remit au gouverneur des Pages de Mme la Dauphine 157 livres pour les menus plaisirs du chevalier et 203 livres pour fournitures, 25 livres au précepteur des pages, 23 livres aux deux valets des pages, 11 livres 10sols à la blanchisseuse et 11 livres 10sols pour la dépense commune.
Soit une dépense de plus de 1 200 livres.

2 – LISTE DES BALLOTS TRANSPORTÉS DE PARIS À AIX POUR Mme DE BANDOL103

  • 103  En 1691, via Lyon où ils sont arrivés rompus. Le transport de Lyon à Aix a coûté 124 livres. (...)

431 paravent
L’impériale d’un lit
1 modèle de fauteuil
1 traversin
1 carreau de velours avec 1 sac où il y a 1 chapelet et 1 paire d’Heures
1 image de la Vierge
1 tableau ovale
2 miroirs
1 saint suaire
1 calendrier
8 petits tableaux à dessins
1 tableau de retour de chasse de Diane
2 petits dessins avec leur bordure en bois de cèdre
4 tableaux pour Mme de Volonne
1 miroir
Portrait de Mme de Bandol
Portrait de M. de Bontemps

3 – LISTE DE L’ENVOI DE 1692

446 aunes de damas cramoisi persan
7 éventails
1 chapeau castor
3 cassettes marquetées
10 paires de souliers
8 coiffes de gaze noire
1 boîte à tenir des mouches
6 écrans
2 bottes étoffe de soie
2 bonnets de laine
1 tablier de taffetas
1 écran
6 estampes d’images
3 cire d’Espagne
1 portefeuille
1 métier à tapisser
+ meubles, habits, linge et vaisselle d’argent

4 – LISTE DE LA GARDE-ROBE DU MARQUIS DE BANDOL (1692)

45« Je lui ai aussi acheté une toilette de moire d’argent doublée d’un taffetas couleur de chair, avec une frange d’or autour, une robe de chambre dont le fonds est couleur de café avec des rayes couleur de rose garnie de fleurs d’or et d’argent doublée d’un taffetas d’Angleterre couleur de rose avec de la flanelle entre deux, un habit dont l’étoffe est couleur de cannelle, brodé d’or avec une veste de moire bleue brodée aussi d’or, une autre veste d’une étoffe d’or pour mettre avec son habit de velours bleu, une paire de gants à frange d’or, 2 chapeaux de castor, 1 de campagne, 6 paires de bas de soie, 6 paires de souliers, 2 perruques longues, 1 paire de pantoufles, 12 chemises toile de hollande, 6 coiffes de bonnets de nuit à dentelles, 2 toilettes, 12 mouchoirs, 6 cravates à la matelote, 1 cravate brodée, 1 cravate de point avec la paire de manchettes assortissante, 1 cravate d’Angleterre avec sa paire de manchettes, 2 cravates de Malines avec manchettes, 2 peignoirs, 2 linges à barbe, 2 chemisettes, 12 paires de chaussures, 1 trousse de peignes. »

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Notes

1  Louis de Rouvroy, duc de Saint‑Simon, Mémoires, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1983‑1988, t. I, p. 606. Ce Louis Alphonse de Valbelle‑Montfuron (1643‑1708), évêque d’Alet et de Saint‑Omer, était qualifié par Mme de Sévigné de « petit freluquet, courtisan, flatteur, soupeur, habitué de l’Opéra ».

2  Lettre du duc de Vivonne, vers 1665, vente aux enchères Piasa du 6‑7 mars 2007, Paris, no 703 du catalogue.

3  Cité par Louis de Loménie, Les Mirabeau, nouvelles études sur la société française au xviiie siècle, Paris : Dentu, 1879, t. I, p. 193.

4 Idem, lettre de l’année 1758.

5  Lettre à Rochambeau du 16 octobre 1781, citée par le Dr Fontan, La Marine provençale dans la guerre d’Indépendance américaine, Marseille, 1930.

6  Lettres de madame de Sévigné, Paris, J.-J. Blaise, 1818, t. XII, p. 203.

7  Cité par Albert Babeau, Le Maréchal de Villars, gouverneur de Provence, Paris, Firmin-Didot, 1892, lettres de 1720 et 1726, p. 141 et 225.

8  Claude‑François Achard, Dictionnaire de la Provence et du Comté Venaissin par une Société de gens de lettres, Marseille, Impr. J. de Mossy, 1785-1787, t. IV, p. 303.Mme de Venel, dame ordinaire de la reine Anne d’Autriche et sous-gouvernante de Louis XIV, « estima toujours les Provençaux ; elle hâta ou favorisa leur avancement ; notre reconnaissance est un tribut dû à sa bienfaisance ». Ainsi Madeleine de Gaillard fit de ses frères un conseiller d’État et un évêque d’Apt. Puis son époux, Gaspard de Venel, déjà conseiller au parlement d’Aix, devint grâce à elle maître des requêtes ordinaires de la reine. Elle mourut sans postérité en 1687. On dit que Louis XIV lui refusait peu de grâces.

9  Anne‑Madeleine de Chamillart de La Suze, marquise de Trans, fut nommée dame de compagnie de la comtesse d’Artois en 1773, lors de la constitution de la maison de cette princesse. Son époux, lieutenant-colonel du régiment de Royal‑Roussillon et dont Louis XV disait : « C’est le plus bel homme de mon royaume », fut guillotiné à Paris en 1793.

10  Il avait épousé en secondes noces la fille de Charron de Ménars, président au parlement de Paris, beau‑frère de Colbert.

11  C’est une parenté qui sera souvent rappelée par tous les Simiane d’abord et par tous ceux qui leur appartiennent, extrêmement honorés de cette alliance avec la famille royale. C’est ce qui explique que le duc de Bourbon, par sa mère un des plus gros propriétaires de Provence, ait été considéré comme une espèce de chef naturel par les nobles provençaux possédant fief en 1789 et élu par eux député de la noblesse de Provence aux États généraux.

12  Mathieu Molé, Souvenirs de jeunesse (1793‑1803), Paris : Mercure de France (Le temps retrouvé), 1991, p. 270.

13  Le maréchal de Brancas‑Ceireste protégeait Mme de Venel « qui lui appartenait » et lui obtint un brevet de garde marine pour son fils. « Ma sœur et ma nièce m’avaient témoigné y prendre un si vif intérêt, qu’il m’a été aisé de comprendre que je ne pourrais jamais leur faire un plus sensible plaisir. » Lettre du maréchal de Brancas‑Ceireste à Mme de Venel, Paris, 17 mai 1738, archives du Grand-Canadeau (Var).

14  Lettre du 16 janvier 1763, Versailles, AN C 270.Les Raymond‑Modène, aussi cousins des Luynes, ont donné un aumônier de Louis XIII, un ambassadeur, grand prévôt de France, un chambellan de Gaston, duc d’Orléans, et à la cour de Louis XIV, la mère du maréchal d’Allègre, qui devint tante de Colbert de Seignelay et protégea sa famille à partir de 1675. Plus tard, à la fin du xviiie siècle, cette famille fut très haut placée, avec un des familiers et confidents de Monsieur, le comte de Modène.

15  Alexandre Bontemps (1626‑1701), premier valet de chambre du roi depuis 1659, fils d’un chirurgien de Louis XIII, devenu premier valet de chambre du jeune Louis XIV, originaire de Gardanne, fut un grand protecteur de tous les Provençaux. Voir Mathieu da Vinha, Les Valets de chambre de Louis XIV, Paris : Perrin, 2004.

16  Dans la liste générale des Provençaux et des Comtadins reçus pages du roi sur preuves figurent, pour la petite Écurie, 63 pages représentant 49 familles, et pour la grande Écurie, 32 pages représentant 28 familles, soit au total 95 pages représentant 77 familles.

17  René Pillorget, Les Mouvements insurrectionnels en Provence entre 1596 et 1715, Paris, A. Pedone, 1975.

18  « Le séjour que le roi fit dans la ville y laissa un goût pour le faste qui à la vérité a rendu la ville plus brillante et plus magnifique, mais qui en même temps a fait les établissements des particuliers moins solides et l’entretien des plus difficiles. »Pierre Jean de Haitze, Les Curiosités les plus remarquables de la ville d’Aix, Aix, 1679, vol. VI, p. 15.

19  L’actuel hôtel d’Espagnet sur le cours Mirabeau.

20  Jean‑Jacques Gloton, Renaissance et baroque à Aix-en-Provence, École française de Rome, 1979, t. II, p. 232‑233.

21  Catherine de Maurel de Pontevès, fille de Pierre Maurel, seigneur de Pontevès et Volonne, et de Diane de Pontevès d’Amirat, sa troisième épouse, née en 1649.

22  Dont les inventaires sont à la BnF et aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (ADBDR). « L’homme le plus poli et le mieux fait de nos jours » selon Balthazard de Maynier, collectionneur, grand amateur de peintures dans son hôtel d’Aix, son château de Bandol et sa maison d’Ollioules.

23  Étienne Boyer, fils de François, marchand d’huile, achète et vend de l’huile d’olive, prête de l’argent, commandite une barque qui fait le trafic entre Saint‑Nazaire et la Sardaigne, est aussi capitaine et chef de quartier à Toulon. Mort en 1589, c’est la tige des seigneurs de Bandol. Son frère Vincent, tige des seigneurs d’Éguilles, marquis d’Argens, fut reçu conseiller au parlement d’Aix en 1570.

24  François Boyer, capitaine dans le parti Razat à Toulon et mort en 1584, fut le père d’Antoine Boyer (1562‑1641) seigneur de Bandol, capitaine qui parvint au poste de viguier de Marseille, puis fut anobli par une place de gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi et l’ordre de Saint-Michel en 1613.

25  Gilbert Buti, « Résonances urbaines de conflits de pêche en Provence (xviiexixe siècles) », in Provence historique, t. L, fascicule 202, octobre-novembre-décembre 2000, p. 438‑457.

26  ADBDR, série 2 J 126.

27  Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, maréchal de France, premier écuyer de madame la Dauphine, gouverneur du château de Vincennes (1630‑1694).

28  Le comte de Grignan est le cousin issu de germain de son mari.

29  Louis Victor de Rochechouart, duc de Vivonne, général des galères de France, frère de Mme de Montespan, (1636‑1688).

30  Henri de Beringhien, premier écuyer, gouverneur des citadelles de Marseille (1603‑1692).

31  Jean Louis Girardin, seigneur de Vauvré (1647‑1724), intendant de la Marine à Toulon (1680‑1688), maître d’hôtel du roi, membre du conseil de la Marine (1715-1724).

32  Justin Mac Carthy‑Muskerry, Lord Mountcashel (vers 1638‑1694), lieutenant général, chevalier de la Jarretière, fondateur et premier chef de la « Brigade irlandaise » (1690‑1694). Renseignements fournis par Étienne Dubern, son descendant.

33  Guillaume Amfrye de Chaulieu (1639‑1720), compagnon de plaisir du grand prieur de Vendôme, poète épicurien, correspondant de Voltaire.

34  Frédéric Masson, Le Marquis de Grignan, Paris, 1882, p. 40 sqq.

35  Catherine de Maurel, sœur de Mme de Bandol, veuve de François d’Aymar, baron de Châteaurenard.

36  L’épouse de Louis Matharel, commissaire général de la Marine, intendant du port de Toulon de 1665 à 1673.

37  Lettre du 24 janvier 1687, ADBDR, 2 J 126.

38  Louis, marquis de Montolieu, (1648‑1713), chef d’escadre des galères et maréchal de camp, chevalier de Saint‑Louis.

39  Un fils cadet de feu Rainaud de Séguiran, seigneur de Bouc, premier président de la cour des comptes d’Aix.

40  Marguerite de Maurel du Chaffaut, cousine de Mme de Bandol, a épousé en 1674 Jacques d’Arbaud, seigneur de Gardanne et de Joucques, mort en 1682. De cette union sont nés André Elzéar d’Arbaud, seigneur de Jouques, président à mortier au parlement de Provence (1676‑744), Charles d’Arbaud de Gardanne, capitaine au régiment de Champagne, Joseph d’Arbaud de Gardanne (1686‑1757), chef d’escadre des galères, chevalier de Malte.

41  Jeanne des Porcelets de Maillane, veuve de Jean de Simiane de La Cépède, marquis de Simiane‑lez‑Aix, président à mortier au parlement de Provence et ses fils : Joseph, marquis de Simiane, premier consul d’Aix, procureur du pays, et Claude, chevalier de Malte, grand prieur de Toulouse.

42  C’est une préoccupation constante : dans la lettre du 7 avril 1687, Faure écrit : « Il y a eu beaucoup de jeunes gens de la Cour exilés pour la débauche. On dit que M. de Mélé en est. »

43  Le gouverneur a 800 livres par trimestre pour l’entretien des jeunes Bandol, soit 3 200 par an. Mais la dépense excède souvent cette somme. Il fournit une comptabilité très détaillée des maîtres, fournitures, menus plaisirs, gages des domestiques, chandelles, port de lettres, carrosses, etc.

44  Lettre du 24 janvier 1687, ibid.

45  Lettre du 24 mai 1688, ibid.

46  Lettre du 3décembre 1692, ibid.

47  François de Boyer de Foresta, dit le marquis de Bandol (1673‑1745), conseiller au parlement d’Aix (1693), président à mortier (1699), construisit à Aix un hôtel rue Mazarine dont il confia la décoration intérieure au sculpteur Toro et mourut très endetté. Il épousa Anne Louise de Girardin de Vauvré, fille de Jean Louis précité. Il poursuivit les traditions familiales de mécénat et de collection. Mais le plus connu est leur cousin, Jean-Baptiste de Boyer d’Éguilles, président au parlement, l’un des plus grands collectionneurs français du xviie siècle. Sa collection de tableaux a été gravée et publiée en 1709 et 1744.

48  Lettre du 24 mars 1688, ibid.

49  Lettre du 8 avril 1689, ibid.

50  Lettre du 25 avril 1691, ibid.

51  Lettre adressée par le marquis de Bandol à Albert, en date du 5 septembre 1691, ibid.

52  Lettre du 20 avril 1691, ibid.

53  Lettre du 29 février 1692, ibid.

54  Lettre du 29 février 1692, ibid.

55  Claude‑Étienne de La Roche (1659‑1735), premier valet de la garde-robe du roi, beau‑fils de Bontemps.

56  Lettre du 29 avril 1692, ibid.

57  Nicolas de Boyer de Bandol, né à Aix le 14 juin 1674 et mort à Manosque en juin 1692, reçu page de madame la Dauphine le 4 avril 1687, fut cornette de dragons au régiment de La Lande, compagnie de La Salle.

58  La liste précise de toutes les hardes figure en annexe no 1.

59  Lettre du 7 avril 1687, ibid.

60  Lettre du 17 octobre 1687, ibid.

61  « État des livres achetés pour le chevalier de Bandol » dressé par Faure en 1688, ibid.

62  Les dépenses du chevalier dans la campagne du Piémont ont coûté 1 100 livres.

63  Lettre du 24 décembre 1691, ibid.

64  Lettre du chevalier de Bandol à sa mère, s.l.n.d., ibid. Les Gajot sont une famille de Lambesc, ville des états de Provence.

65  « L’État des dépenses des obsèques du chevalier de Bandol » présente un voyage d’Aix à Manosque avec 3 chevaux, 4 laquais, 1 valet de chambre, le bateau à Peyrolles à l’aller et au retour, le traiteur pour 37 repas, les gages des servantes et filles de salle, des médecins et apothicaires, les habits de deuil des pauvres, du défunt, 200 messes, le muletier qui a amené M. Mignard, 6 livres 5 sols… La présidente a-t-elle demandé à Pierre II Mignard dit « le chevalier Mignard » (1640-1725), peintre et architecte, de venir d’Avignon faire le portrait de son fils sur son lit de mort ?

66  Lettre du 8 juin 1692, ibid.

67  Pierre Jules de Boyer de Bandol, né à Aix le 1er août 1677, dit l’abbé de Bandol, reçu chevalier de Malte en 1701 (archives Boyer-Bandol, ADBDR, série 70 J 127) où figure le dossier des preuves avec les problèmes de la noblesse des Sigaloux et des Maurel. Sa correspondance figure aux ADBDR, série 40 J 124. Officier, il reçut de son frère pour légitime une pension de 2 000 livres et une somme de 10 000 livres par transaction du 5 juillet 1701. Il mourut à Aix le 4 mai 1743.

68  Lettre du 3 juin 1689, ibid.

69  Lettre du 8 novembre 1694, ibid.

70  André Joseph de Boyer de Bandol, né à Aix le 12 octobre 1679, dit M. de La Penne, encore au collège en 1694, semble destiné à reprendre la place de son frère aux pages de la Dauphine. Reçu garde de la Marine le 15 janvier 1696, il mourra noyé le 22 novembre 1697 après avoir embarqué à Toulon sur le Vaillant.

71  Lettre du 24 mars 1688, ibid.

72  Lettre du 3 juin 1689, ibid.

73  Lettre du 16 juillet 1692, ibid.

74  Lettre du 19 janvier 1693, ibid.

75  Frédéric Masson, Le Marquis de Grignan, op.cit., p. 44.

76  Ou rossolis, liqueur composée d’eau‑de‑vie, de sucre et de quelques parfums. Remercions Marie-France Noël, ingénieur au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), pour toutes les précisions culinaires et aromatiques qu’elle nous a gentiment fournies.

77  Quatre pots de thon mariné, 6 pots d’anchois de Fréjus au poivre blanc, 1 baril de petits câpres, 24 bouteilles de rossoly et 12 d’eau-de-vie à la cannelle.

78  Lettre du 24 décembre 1691, ibid.

79  Lettre du 24 novembre 1694, ibid.

80  Lettre de M. de Bandol, d’Ollioules, « à M. Faraud gouverneur des M.M. de Bandol au collège de Louis le Grand, rue Saint‑Jacques à Paris ». Le coût du transport se monta à 173 livres.

81  Vin cuit de muscat de Provence.

82  Ce qu’on appelle aujourd’hui pruneau d’Agen.

83  Œufs de thon séchés.

84  Bonne pour les rides…

85  Dans sons Journal de cour, D’Antin indique, p. 21, le minimum de ce qu’était l’équipage d’un homme de cour : 1 fourgon à deux chevaux, 1 gentilhomme de suite, 1 valet de chambre, 1 laquais, tous montés, soit 6 chevaux.

86  Ibid., 30 avril 1687. Un des nombreux membres de cette famille de parlementaires aixois.

87  Jean Baptiste de Forbin‑Maynier, baron d’Oppède, président à mortier au parlement d’Aix (1648‑1701), ambassadeur au Portugal en 1679, marié à une nièce de Colbert.

88  Ibid., 17 octobre 1687, Surléon d’Albertas, seigneur de Gémenos.

89  Sous-gouvernante des enfants de France, dame de la reine, Madeleine de Gaillard, veuve de Gaspard de Venel, conseiller au parlement d’Aix, conseiller d’État, maître des requêtes ordinaires de la reine, mourut le 22 novembre 1687. La mère de M. de Venel était la sœur d’Anne de Garron, épouse de Jean Louis de Monier, seigneur de Chateaudeuil, président à mortier au parlement d’Aix, conseiller d’État. De cette union était né Armand de Monier, seigneur de Chateaudeuil, président au parlement d’Aix, qui épousa Honorée de Castillon de Beynes, vraisemblablement cette Mme de Mosnier, cousine germaine donc de Mme de Venel, ou sa belle‑fille (qui a des enfants nés après 1670, à placer donc…).

90  Henri de Lombard, baron de Faucon, chanoine d’Aix, fils du président marquis de Montauroux et de Diane de Foresta, donc cousin par les Foresta.

91  Gaspard François de Valbelle, comte de Ribiers, capitaine de cavalerie dans le régiment du Dauphin. Son frère Louis, devenu comte de Ribiers, fut capitaine de cavalerie dans le régiment du duc de Berry et mourut en 1691.

92  Anne d’Agoult, épouse de François de Vintimille, baron d’Ollioules.

93  Un des quatre fils, chevalier de Malte, de Charles de Tressemanes, seigneur de Chasteuil, et de Catherine de Morel, cousine de Mme de Bandol, peut‑être André, lieutenant général des armées.

94  Un des fils, chevalier de Malte, d’Antoine de Thoron, seigneur d’Artignosc, conseiller au parlement d’Aix, et de Gabrielle de Boyer‑Bandol, donc cousin germain des jeunes Boyer‑Bandol. Son frère aîné épousera une Forbin‑Janson.

95  Marie‑Françoise de Bournonville, duchesse de Noailles, accoucha de Marie-Françoise de Noailles le 13 mars 1687.

96  Ce sont des porcelaines de la Compagnie des Indes, comme probablement les « pagottes » ou pagodes précitées.

97  Lettre du 1er novembre 1687, ibid. : « Mon voyage n’aura pas été inutile à M. Garnier puisque je lui ai procuré d’être gouverneur de M. le duc de Richmond qui est fils du feu roi d’Angleterre et de Mme la duchesse de Portsmouth avec deux ou trois mille livres d’appointements […] c’est un fort honnête homme qui a beaucoup d’amis à Paris. »

98  Lettre du 10 février 1693, ibid.

99  Lettre du 26 février 1694, ibid.

100  Philippe Gardy, Un conteur provençal au xviiie siècle : Jean de Cabanes, suivi de vingt contes de Jean de Cabanes, Aix-en-Provence, Édisud, 1982, p. 29.

101  Baldassar Castiglione, Le Livre du courtisan, Paris, Gérard Lebovici, 1987, Introduction, p. XII.

102  Tout ce linge est marqué « BB ».

103  En 1691, via Lyon où ils sont arrivés rompus. Le transport de Lyon à Aix a coûté 124 livres.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 Claude-Joseph Vernet, La Madrague ou la Pêche au thon vue du golfe de Bandol, musée de la Marine, no inv. 8295
Légende Il s’agit de la madrague donnée par Henri IV aux Boyer‑Bandol (on reconnaît leurs armoiries sur la barque à gauche du tableau). Le petit‑fils de Mme de Bandol y a pris place avec sa famille et ses invités. Le château de Bandol figure au centre, à l’arrière-plan du tableau.© Musée national de la Marine
URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/9783/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Titre Fig.2 Portrait de Mme de Bandol par Jean Daret (?)
Légende Voir le catalogue raisonné de l’artiste (no PD 3) établi par Jane Mac Avock dans sa thèse Jean Daret (1614-1668), université Paris IV-Sorbonne, en cours de publication.© Droits réservés
URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/9783/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 188k
Titre Fig. 3  François de Boyer de Foresta, marquis de Bandol
Légende © Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence
URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/9783/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 140k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric d’Agay, « L’huile d’olive d’Ollioules à Versailles », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne],  | 2008, mis en ligne le 13 juin 2008, consulté le 27 février 2014. URL : http://crcv.revues.org/9783 ; DOI : 10.4000/crcv.9783

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Auteur

Frédéric d’Agay

Frédéric d’Agay, docteur en histoire (Paris-Sorbonne, 1996 – Les Officiers de marine provençaux au xviiie siècle, une tentative de cohésion de la noblesse provençale à la fin de l’Ancien Régime). Éditeur et directeur de collection (Tallandier), il a été chercheur associé au Centre de recherche du château de Versailles, chargé du programme « Les Méridionaux et la Cour ». Il a publié Les Grands Notables du Premier Empire (CNRS, 1987), l’Album Antoine de Saint-Exupéry (Gallimard, La Pléiade, 1994). Il prépare une histoire de l’armée de Condé et une histoire de la noblesse provençale aux xviie et xviiie siècles. Éditeur des Lettres d’Italie du président de Brosses (Mercure de France, 1986 et 2004), des Mémoires du baron de Frénilly (Perrin, 1988), il a participé au Dictionnaire Napoléon (sous la direction de Jean Tulard, Fayard, 1988) et au Dictionnaire du grand siècle (sous la direction de François Bluche, Fayard, 1990). Il est l’un des auteurs du 11ème blog (http://www.le11emeblog.com/), un site consacré à l’analyse de l’actualité. Courriel : frederic.dagay@wanadoo.fr

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