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La Maison Dieu : une aventure auxerroise (1997-2006)
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La Maison Dieu : une aventure auxerroise (1997-2006)

Dominique Iogna-Prat

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Texte intégral

D. Iogna-Prat, La Maison-Dieu. Une histoire monumentale de l’Eglise au Moyen Age, Paris, Le Seuil, 2006.

1Dans un travail global sur l’histoire occidentale de la notion de “territoire”, c’est-à-dire d’espace où se définissent des communautés d’appartenance, quelle part attribuer au Moyen Âge et, plus particulièrement, à ce qui est alors la principale structure d’encadrement social, l’Église ? Telle est la question générale au cœur du travail de recherche collectif implanté au Centre d’études médiévales d’Auxerre pendant près de dix ans sous le titre, “La spatialisation du sacré dans l’Occident médiéval (Ve-XIIIe siècles)”, qui recoupe largement des interrogations chères à la médiévistique anglo-américaine actuelle, par exemple le problème de la construction sociale de l’espace au cœur du livre de B.H. Rosenwein, Negotiating Space (Ithaca-Londres, 1999).

2Fait à première vue surprenant, les premiers chrétiens, préoccupés d’eschatologie pour demain, ont négligé la question de la matérialisation du sacré en un endroit donné. Aux IVe et Ve siècles, la géographie administrative et politique de l’Empire romain est encore efficiente sur le terrain. La préoccupation des premiers Pères latins est de spiritualiser la société, non pas de lui donner de nouveaux cadres territoriaux. Le terme d’Église se réfère alors à la congrégation des fidèles, sans équivoque possible avec l’église, assemblage de pierres. Il faut attendre l’époque carolingienne, puis les XIe-XIIe siècles, pour que les clercs tentent d’ébaucher une conception de l’espace « hétérogène et polarisé » (A. Guerreau). L’enjeu de cette construction spatiale est de donner les atours d’une pratique chrétienne immémoriale à un phénomène nouveau affectant la Chrétienté : la fixation des hommes au sol et l’ancrage des pouvoirs dans une terre considérée comme “sainte” ou “sacrée”. L’Église n’ouvre pas simplement la porte du ciel ; elle est à l’origine des formes d’encadrement (église, cimetière, paroisse, royaume chrétien, Chrétienté) et à la genèse de la notion moderne de “territoire”.

3Le travail entrepris a d’abord consisté à examiner les notions-clé du vocabulaire de l’espace et du sacré au Moyen Âge (locus, Terra sancta, sedes, Christianitas, patria...). La seconde phase du travail a été consacrée aux principaux éléments de fixation du sacré : l’autel (fixe ou portatif), les reliques et surtout le bâtiment ecclésiastique. Sur ce dernier point, le but de la recherche était de déterminer les phases de la constitution d’une doctrine du lieu de culte dans l’Occident latin entre l’âge des Pères latins et l’œuvre des grands liturgistes et canonistes des XIIe-XIIIe siècles. Le travail réalisé dans le livre se limite à une étude du discours clérical ou, si l’on veut, à une ecclésiologie du lieu de culte, l’intérêt porté aux textes pour eux-mêmes permettant de bien prendre la mesure des difficultés de lecture des descriptions monumentales à des fins strictement spécialisées par l’archéologue ou l’historien de l’art monumental.

4Les résultats présentés dans La Maison Dieu peuvent se résumer comme suit, avec l’indication des grandes articulations de l’ouvrage. L’examen, en « préludes » (I), des « fondements de la sacralité chrétienne » permet de montrer qu’aux origines de l’Église l’ancrage ici-bas de la communauté chrétienne est un problème secondaire et largement négligé. La Cité terrestre n’a de raison d’être que d’ouvrir au plus vite vers une humanité bienheureuse impossible à localiser et inaccessible aux représentations. Le lieu de l’assemblée – d’appellations diverses : maison du Seigneur, basilique, église… – n’a pas de valeur en lui-même et le rituel de consécration de cet espace reste longtemps minimal, se limitant à une première messe. Quatre siècles plus tard (II), la construction d’un Empire chrétien, avec les Carolingiens, représente un tournant capital au cours duquel l’Église, force d’encadrement et de structuration de la société, gagne en visibilité terrestre à travers la constitution de lieux considérés comme spécifiques ; c’est à ce moment que le terme ecclesia s’impose comme terminus technicus pour désigner l’église-monument, lieu consacré suivant les termes d’un rituel qui se fixe dans les années 840 ; c’est à ce moment aussi que les exégètes (spécialement les exégètes de la liturgie) commencent à s’interroger sur la portée de la confusion (métonymie) entre contenant et contenu, église et Église. Mais ce n’est qu’à l’âge de la Réforme de l’Église (III), dans le cadre de la grande controverse eucharistique suscitée par les thèses de Béranger de Tours et les polémiques anti-hérétiques, que l’église acquiert le statut de lieu propre parce que le sacrifice y est accompli réellement. Le rituel de la consécration d’église est alors en passe de devenir le plus fastueux de la liturgie latine ; la consécration, en tant que « baptême » de l’église, est désormais considérée comme le préalable obligé à l’accomplissement dans l’église des sacrements qui engendrent la communauté chrétienne. Dès lors, l’église a vocation à contenir l’Église et ses sacrements constitutifs – une conception synthétique que Roger van der Weyden illustre plus tard (vers 1440/1444) avec force dans son Triptyque des sept sacrements, qui met en scène les sept sacrements (baptême, confirmation, eucharistie, mariage, ordre, confession et onction des malades) dans le cadre d’une église. Suivant cette logique, les traités destinés à parler de l’Église (spécialement les écrits des théologiens des sacrements et des exégètes-canonistes de la liturgie, dont la longue tradition aboutit à l’œuvre de Guillaume Durand, à la fin du XIIIe siècle) prennent la forme architecturée de Sommes, comme si la seule façon d’aborder, dans le discours et les représentations, la question de la société chrétienne supposait d’entrer dans le monument à la fois instaurateur du lien communautaire et révélateur des fonctions constitutives de l’Église, sous forme de places inscrites entre les murs des basiliques, avec une division de base entre la topographie fonctionnelle des clercs et celle des laïcs. Pour finir (IV), la prise en considération de quelques contrepoints permet de montrer, à l’étude de la part que prennent les laïcs dans la construction ecclésiale et de la dialectique personne/communauté au cœur de cette construction, que le mouvement global d’inclusion du social dans l’ecclésial par croissance infinie du pôle sacré, un peu comme une grande montagne destinée à emplir l’univers, a été moins univoque que ne le laisse penser le discours des clercs.

5Ce livre ne saurait se lire sans prendre en considération d’autres publications générées en totalité ou en partie par le travail collectif sur “la spatialisation du sacré”, spécialement l’essai de Michel Lauwers, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval (Aubier, Paris, 2005) et les actes de la rencontre d’Auxerre (juin 2005) organisée par Didier Méhu, Mises en scène et mémoires de la consécration d’église au Moyen Âge (à paraître chez Brepols en 2007, dans la Collection d’études médiévales de Nice).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Dominique Iogna-Prat, « La Maison Dieu : une aventure auxerroise (1997-2006) », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 11 | 2007, mis en ligne le 08 juin 2007, consulté le 27 février 2014. URL : http://cem.revues.org/1127 ; DOI : 10.4000/cem.1127

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Auteur

Dominique Iogna-Prat

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