1Dès les premières lignes de leur introduction, les auteurs font à juste titre observer que « de l’omniprésence de Benito Mussolini pendant la Coupe du monde en Italie en 1934 au baiser de Jacques Chirac sur le crâne chauve de Fabien Barthez le 12 juillet 1998 au stade de France, la deuxième compétition sportive après les Jeux olympiques d’été en termes d’audience télévisée n’a jamais pu maintenir la position de neutralité absolue et intransigeante qu’aurait voulu respecter son créateur, la fifa, lors de sa fondation en 1904 » (p.1). Toutefois, si « la collusion entre politique et football est in­déniable », il convient de « se méfier de toute surdétermination et de ne pas sombrer, à la manière de contempteurs sans nuances, dans une vision par trop manichéenne » (p.3).

2Quatre parties structurent cette contribution. La première met en exergue la mobilisation des opinions publiques, chaque pays organisateur se sentant fortement investi et disposant de la sorte d’une caisse de résonance ou d’une tribune rêvée afin de célébrer en grandes pompes l’unité nationale autour d’une même passion. À un second niveau d’analyse, l’instrumentalisation du ballon rond par des régimes tota­litaires ou dictatoriaux est bien mise en évidence, qu’il s’agisse du fascisme transalpin, de la junte militaire argentine ou bien encore de l’urss et de ses satellites. C’est ainsi par exemple que « le Hongrois Puskas, puis le Soviétique Yachine, qui par leur talent avaient acquis une forte popularité en Europe occidentale, devenaient, dans la propa­gande destinée au camp de l’impérialisme, l’incarnation de la réussite du projet de société communiste » (p.4). La dimension institutionnelle ou géostratégique, qu’elle s’exprime par des rivalités, des tensions ou des rapprochements, est également très présente : en témoignent l’édition de 1938 qui vit le sacre de l’équipe du Duce un an avant le déclenchement des hostilités, le match des frères ennemis rfa-rda en 1974, la confrontation États-Unis-Iran en 1998, sans oublier, quatre ans plus tard, le mariage forcé Corée-Japon. Les quatre derniers chapitres prolongent cette perspective par une prise en compte plus approfondie des rapports Nord-Sud. La figure de la « perle noire » Pelé peut être perçue, dans cette optique, comme le symbole de l’émergence, sur la scène mondiale, d’un continent multiculturel et d’une population marginalisée.

3Un ouvrage, au total, bien documenté, très instructif et qui nous éclaire utilement sur ce « jeu de billard à multiples bandes » mêlant notamment les « intérêts des puissan­ces de l’argent » et l’« action d’une ong prospère et influente (la fifa) » au sein d’une « logique de globalisation », laquelle « réunit dans un mouvement tout à la fois com­plémentaire et contradictoire la standardisation des modes de vie et des pratiques spor­tives et le désir de se distinguer, d’afficher une identité singulière » (p.315).